L’enfant qui faillit être catapulté

Les flos, hein. Des p’tits trésors. On les serre su not’cœur pendant l’cododo. On fait attention à toute c’qu’y rentre dedans pis on surveille toute c’qu’y en sort. On lit des affaires su l’développement holistique pis la parentalité bienveillante. On s’autoflagelle des heures de temps parce qu’on a pas viré la tête assez vite quand le kid a dit « R’garde, maman! » pis fait sa première pirouette un peu croche su’l tapis du salon.

(Ch’parle pas par expérience – chus Matante Poêle, pas Maman Poêle –, mais j’vois ben aller mes superhéroïnes de chums de fille qui ont des enfants.)

Ça a pas toujours été d’même, par’zempe. Artournons au 12e siècle.

En 1152, l’Angleterre était en pleine guerre civile. Mathilde, la fille du roi Henri Ier, était l’héritière choisie par son père. Mais son cousin Étienne de Blois, son plus proche parent doué de zouiz, avait dit « Heille, c’est yinque une créâture! Yé à moé, c’trône-là! »

Ben crère, y’eut du rififi entre les pro-Mathilde pis les pro-Étienne.

(On utilise pas assez l’mot « rififi » dans’vie quotidienne, m’as vous l’dire.)

Jean le Maréchal, c’tait un baron qui était loyal à Mathilde. Faique Étienne vint assiéger son château pendant qu’y était pas là. Après avoir résisté bravement pendant une secousse, les gens du baron envoyèrent un message à Étienne :

« On peux-tu avoir une tite trêve, yinque le temps d’avertir not’seigneur, sivouplaît? »

Étienne accepta une trêve d’une journée, mais à une condition : qu’on y donne en otage Guillaume, le p’tit gars de six ans de Jean le Maréchal. Tsé, comme garantie que Jean allait pas profiter d’la trêve pour ravitailler son château pis le r’garnir de troupes fraîches.

Faique le p’tit coco s’en alla chez l’ennemi – j’dis ça d’même tout bonnement, comme si y partait pour sa journée d’école, mais imaginez, vous autres, envoyer la chair de votre chair chez un gars qui veut votre peau – pis le siège fut levé; Jean en profita pour faire drette c’qu’Étienne voulait pas qu’y fasse.

Le lendemain, y’eut un échange de messages :

—     Bon, la trêve est finie, là, rends-toé!
—     Va chier, Étienne, pis va-t’en chevous!

Se rendant compte qu’y s’tait faite passer une p’tite vite, Étienne se livra à une séance de sacrage en règle.

C’est là qu’arriva un espèce de conseiller huileux qui avait une idée pour faire plier Jean :

« Sire, on pourrait pendre le p’tit? L’baron Jean devrait filer doux après ça. »

Faique Étienne fit envoyer un message à Jean comme de quoi y’allait pendre Guillaume si y s’rendait pas.

Quand la réponse arriva, Étienne faillit tomber en bas d’sa chaise :

« Aweille, vas-y, tue-lé. C’pas grave, j’ai encore les enclumes pis des marteaux pour m’en forger des ben meilleurs. »

Ayoye.

Enragé, Étienne dit :

« Le p’tit crisse, m’as le pendre moi-même, simonac! »

Sauf que quand y’arriva à la potence, y vit le Guillaume. Sa tite face ronde pis ses grands yeux pis sa tite voix qui d’mandait à un des hommes d’Étienne si y pouvait avoir son javelot parce que c’tait un maudit beau javelot. Ooonnnnn. Étienne craqua, tellement qu’y prit le p’tit gars dans ses bras pis l’emmena avec lui.

Plus loin, les soldats étaient après assembler un trébuchet. Le conseiller huileux de tantôt artontit pis dit :

« Sire, j’ai une autre idée : mettons qu’on mettait l’flo dans l’trébuchet pis on l’garrrochait dans l’château? Y capoteraient, là-dedans! »

Là, le p’tit choupinet vit le trébuchet pis fut tout impressionné : « Monsieur! J’veux aller dans la balancine, sivouplaît! »

Étienne était comme : « Mon doux seigneur yé don ben cute c’t’enfant-là au secours. »

Y’eut ben un autre conseiller qui proposa d’accrocher le garçon su’l devant d’une tour de siège comme une décoration de hood de char pis d’attaquer l’château du baron Jean, mais rendu là, Étienne avait tellement le genou mou en avant de son p’tit otage que pu personne put y toucher ni même parler d’y faire du mal.

Heureusement, Guillaume finit par artourner dans sa famille. Y d’vint un chevalier super célèbre, pis ça vaudrait la peine que j’vous conte le reste de son histoire un jour. Étienne, lui, fut vaincu pis dut désigner l’fils à Mathilde – le fameux Henri II Plantagenêt – comme son successeur su’l trône d’Angleterre.

Bref, on a pas toujours eu peur que les enfants soient scrappés à vie si on connecte pas profondément avec eux autres sur le plan humain à chaque seconde d’la journée. Entécas, Jean, lui, a pas eu de scrupules à traiter son fils comme un hot-dog qui tombe dans’gravelle pendant un barbecue.

Parlant de t’ça, ça m’fait trop penser à la comtesse Caterina Sforza. En 1499, a l’était assiégée par les Borgia, qui artenaient ses enfants en otage. Selon la légende, a s’rait montée su les remparts, aurait arlevé ses jupes, s’montrant l’bataclan à toute l’armée, pis aurait crié :

« Tuez-lés si vous voulez, j’ai toute c’qui faut pour en faire d’autres! »


Source : https://archive.org/details/lhistoiredeguill03meyeuoft

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