La consanguinité chez les Habsbourg : de quessé, pourquoi, comment?

Les Habsbourg, ça vous dit-tu d’quoi, ça?

Si vous v’nez souvent écouter mes histoires, y’a des grosses chances que oui.

Pour les autres, m’as vous l’dire tu’suite, « Habsbourg » c’est pas un village thématique des Canadiens d’Montréal avec le resto à Mario Tremblay pis des marigorondes genre « Les Montagnes russes à Kovalev » pis « Le Slapshot à Boum-Boum Geoffrion ».

Les Habsbourg, c’t’une famille de monarques européens qui étaient tellement consanguins qu’y ont passé proche de s’auto-faire disparaître.

Là, vous vous dites peut-être : « Consanguins? Dans l’sens qu’y mariaient leux cousines? Comme Ti-Clin Dufour du rang 12? Tu parles de des colons! »

On l’sait, c’te genre d’union-là passe assez mal dans’société, que tu soyes un big shot ou pas.

Mais quand même, entre Ti-Clin Dufour pis les Habsbourg, y’a une bazouelle de grosse différence.

Ti-Clin, lui, ça se peut que l’choix d’femmes à marier était pas vargeux dans son rang 12 – y voyait sa cousine Floridâ à tou’és jours su’l lot d’à côté, pis y’a fini par se dire ouin, a s’en vient pas pire la p’tite, j’irai pas charcher plus loin!

Mais les Habsbourg, eux-autres, y’étaient riches et puissants, pis l’Europe au complet était leu buffet quand v’nait l’temps de s’marier.

Faique pourquoi, d’abord, toujours piger dans le même plat d’bonbons?

Justement parce qu’y étaient riches et puissants, pis qu’y voulaient l’rester.

Toute ça, on va dire que ça a commencé – parce qu’y faut ben commencer queque part! – par le gars qu’on appelait Charles Quint.

Avant lui, les Habsbourg étaient quand même pas des tout nus : c’taient des archiducs d’Autriche pis des empereurs du Saint-Empire.

Mais Charles, y’a amené ça à un autre niveau en devenant le souverain d’une quantité de territoires qu’on avait rarement vue mise toute ensemble depuis l’empire romain!

Comment c’t’arrivé, don? Charles était-tu un méga conquérant?

Pantoute!

C’est que, grâce à des mariages ben stratégiques arrangés par son grand-père pis son arrière-grand-père, pis une bonne dose de chance, Charles Quint a hérité des titres de ses QUATRE grands-parents – d’habitude, tsé, yinque un, c’est ben en masse!

C’qui était excessivement rare, c’est que Charles avait deux grands-mères régnantes, c’t’à dire qu’y régnaient de leu propre droit, comme feu Élizabeth, au lieu d’être juste « la femme de », ou « consort », comme Camilla.

Sa grand-mère paternelle, c’tait Marie, duchesse régnante de Bourgogne. Dans c’te temps-là, le duché de Bourgogne était un grand territoire qui comprenait, en plus d’la Bourgogne en tant que telle (en France), une partie d’la Belgique pis des Pays-Bas.

Son grand-père paternel, c’tait Maximilien Ier, archiduc d’Autriche pis empereur du Saint-Empire.

Par son père Philippe, qu’on appelait « le Beau », Charles a hérité de toutes leux titres, sauf celui d’empereur du Saint-Empire – fallait être élu pour ça, mais, souvent, les princes-électeurs se cassaient pas trop l’bécique pis élisaient le fils ou le frère de l’ancien. Faique, à’mort de son grand-père Maximilien, Charles a été élu à sa place, vu que son père avait déjà passé l’arme à gauche.

(Là, faites-vous en pas si je vous garroche plein de noms d’même – vous êtes pas obligés de vous souvenir de toute, c’pas grave.)

L’empereur Maximilien, sa femme Marie, son fils Philippe, ses petits-fils Charles pis Ferdinand, pis Louis, roi de Hongrie, le mari d’la fille à Philippe – c’qui fout là, lui, on s’en reparle plus tard. On voit que les titres pis les territoires, c’tait pas la seule affaire qui se transmettait de génération en génération.

Sa grand-mère maternelle, c’tait Isabelle Ière, reine régnante de Castille. Son grand-père maternel, c’tait Ferdinand II, roi d’Aragon.

Donc, par sa mère, Jeanne Ière, qu’on appelait « la Folle » (pourquoi, je rentrerai pas là-dedans, c’t’une histoire en soi), Charles a hérité de la Castille pis de l’Aragon.

Mais, quand ses parents se sont mariés, c’tait loin d’être évident que Charles allait hériter de toute.

D’abord, Jean, le frère à Jeanne pis le prince héritier, est mort jeune, supposément parce qu’y avait trop baratté l’beurre avec sa nouvelle femme, mais y’a plus de chances que c’tait la tuberculose. Après ça, Isabelle, sa sœur plus vieille, est morte elle avec, pis son bébé garçon aussi.

Faique quand la reine Isabelle est partie arjoindre le p’tit Jésus, c’est Jeanne qui est devenue reine de Castille, pis Charles a co-régné avec elle jusqu’à sa mort.

Ferdinand d’Aragon, dans l’espoir de se fricoter un nouvel héritier doué de zouiz pour son royaume à lui, s’est armarié avec Germaine de Foix. Sauf que, à 63 ans, y’avait l’manche un peu mou, faique sa femme y’a fait faire une p’tite potion à base de gosses de taureau pis d’extrait de coléoptère. Malheureusement, l’apothicaire aurait raté le dosage, pis Ferdinand est mort empoisonné.

Et pouf! Charles s’est artrouvé roi d’Aragon.

Les grands-parents maternels à Charles Quint. Isabelle de Castille a l’air d’une maman dévouée mais au bord du burn-out; Ferdinand d’Aragon a l’air de ton chummy poteux qui squatte ton divan depuis 3 semaines « le temps de s’arvirer d’bord ». 

Bref, une fois toutes ses aïeux éteints, Charles V du Saint-Empire, ou Charles Quint, s’est ramassé avec un astie de tapon de territoires, y compris les colonies espagnoles en Amérique.

À c’t’heure, fallait qu’y s’arrange pour garder ça, pis les mariages allaient être au cœur de sa stratégie.

Pour mieux comprendre pourquoi, faut se d’mander à quoi ça sert, un mariage royal.

Premièrement – on peut pas passer à côté – ça sert à produire des héritiers, de préférence doués de zouiz. Dans un système héréditaire de même, y’avait rien de plus important.

Des fois, ça pouvait influer su’és décisions. Au départ, Charles Quint était censé marier sa cousine Marie Tudor, la fille à sa matante Catherine pis la future reine d’Angleterre, mais y’a changé d’idée parce qu’y voulait des d’héritiers au plus maudit, pis Marie, a l’avait juste cinq ans.

Deuxièmement, un mariage royal, ça sert à créer des alliances ou à les rendre plus fortes. Quand Charles Quint a fini par marier une autre cousine, Isabelle du Portugal, c’tait pas parce qu’y l’avait croisée une couple de fois dins partys d’famille pis qu’y’a trouvait cute, mais parce qu’une alliance avec le Portugal était ben d’adon pour l’Espagne. Vu que, dans c’tes années-là, les deux royaumes étaient après explorer pis coloniser à tour de bras, c’tait important qu’y s’accordent pis qu’y s’pilent pas su’és pieds. À part de ça, l’Portugal était riche en simonac; bref, c’tait mieux pour l’Espagne qu’y soye allié avec elle plutôt qu’avec, genre, la France.

Tin-Clin Dufour et sa cousine Floridâ, un portrait du bonheur conjugal.
(Charles Quint pis Isabelle de Portugal)

Avançons un ti-peu dans l’temps. À 55 ans, Charles Quint, malade pis tanné de courir partout, a abdiqué. Son frère Ferdinand Ier a ramassé les terres ancestrales des Habsbourg en Autriche pis a été élu empereur du Saint-Empire. Son fils Philippe II est devenu roi d’Espagne pis a ramassé toute le reste. À partir de c’te moment-là, les Habsbourg ont été séparés en deux branches : la branche espagnole pis la branche autrichienne.

C’est là qu’on voit que renforcer des alliances, c’est pas yinque avec les étranges. Ça peut être en dedans d’une même famille. Icitte, fallait éviter que les deux branches s’écartillent complètement pis aient pu les mêmes intérêts, pis la stratégie avait commencé ben avant l’abdication à Charles : Maximilien II, le garçon à Ferdinand, avait marié Marie, la fille à Charles.

Phillipe II, le fils à Charles, s’est marié quatre fois :

  1. avec Marie-Manuelle, sa double cousine portugaise (son père à lui pis sa mère à elle étaient frères et sœurs, pis sa mère à lui pis son père à elle aussi);
  2. avec Marie Tudor (la même que son père avait failli marier);
  3. avec Élizabeth de Valois, une princesse française;
  4. avec Anne d’Autriche – nulle autre que sa nièce, la fille à sa sœur Marie pis à son cousin Maximilien II. C’est avec elle qu’y a fini par produire son héritier doué de zouiz, le futur Philippe III.
Beau comme un prince : Philippe II d’Espagne

Quand sa quatrième femme est morte, Philippe a voulu s’armarier avec sa sœur à elle, qui avait yinque 14 ans. Su’l ch’min de l’Espagne pour ses noces, la p’tite a faite « fuck non » pis est entrée en religion.

Bravo, ma belle. J’aurais faite pareil.

Là, si l’cœur vous lève un peu, vous êtes pas tu’seuls. Mais, ça fait yinque commencer.

Troisièmement, un mariage royal, ça sert à garder la richesse dins mains d’la même p’tite gang de privilégiés.

Quand des monarques négociaient un mariage entre leux arjetons, c’tait pas yinque, ma fille marie ton gars, une poignée de main, c’est ça qu’y est ça. Nenon. C’tait un échange à pu finir de propositions pis de contre-propositions :

« Faique toé tu m’donnes un boutte du Tyrol pis moé ch’te donne un coin de Sicile, avec tel motton d’argent, tu donnes deux-trois fiefs à ma fille pour ses p’tites dépenses, pis moé ch’t’aide à taper su’és Ottomans aux frontières… »

Des fois, ça servait à régler des conflits, mais en temps de paix, les deux parties finissaient souvent ni plus riches ni moins riches qu’avant. Ça montre que c’tes tractations-là étaient pas tant un moyen de s’enrichir, mais plus du WD-40 pour alliances diplomatiques.

L’affaire, c’est que ça marchait yinque quand les mariés avaient l’même rang social. Fallait pas – horreur – qu’un mariage inégal fasse passer d’la richesse dins mains de des ROTURIERS.

Ark!

Y’a juste à voir la réaction à Ferdinand Ier quand son p’tit darnier, Ferdinand Junior, est tombé en amour avec une femme d’la bourgeoisie, l’a mariée en secret pis a eu deux p’tits gars avec :

« Voir si j’vas laisser le moindre ti-boutte du motton des Habsbourg aller à des pas propres! Heille, des affaires pour qu’y s’enflent la tête pis s’prennent pour des princes! Ça commence par une, pis dans pas long toute la racaille va nous garrocher ses filles à marier! L’ordre social au complet va crisser l’camp! »

Faique Ferdinand Junior a dû garder son mariage secret, arnoncer à toute succession pour ses gars pis faire semblant de les « trouver » en avant d’la porte d’entrée comme deux chatons abandonnés, en échange de quoi son père s’est engagé à y verser une rente pour pas qu’y crèvent de faim.

Le genre d’affaire qui a aucun sens dans notre logique d’à c’t’heure.

Le meilleur moyen de garder la richesse toute à’même place, ça reste de s’marier le moins possible avec du monde d’en dehors, c’que les Habsbourg ont faite à la perfection.

À’génération suivante, Philippe III d’Espagne s’est marié avec Marguerite d’Autriche-Styrie, sa petite-cousine ET cousine germaine éloignée au premier degré. Dans l’doute, argardez l’arbre, c’est ben plus clair de même.

Ensemble, y’ont eu huit enfants, dont l’héritier Philippe IV pis l’infante Marie-Anne.

Marie-Anne, a s’est mariée avec Ferdinand III du Saint-Empire, son cousin, lui-même fils de l’empereur Ferdinand II pis de Marie-Anne de Bavière, sa cousine ET cousine germaine éloignée au premier degré.

Après ça, sa fille à elle, aussi appelée Marie-Anne, s’est mariée avec Philippe IV d’Espagne, son cousin PIS son mononcle en MÊME TEMPS.

Simonac, gang. Le ciboulot m’chauffe.

Finalement, quand on conclut un mariage royal, faut pas yinque penser à c’qui s’passe dans l’moment; faut aussi voir loin dans l’avenir. J’vous donne un exemple.

Tsé, le gars qui avait pas rapport dans l’portrait tantôt, pis j’ai dit que j’vous en reparlerais?

Menute.

J’vous rappelle, Louis II de Hongrie, y’était marié avec Marie, la petite-fille à Maximilien Ier. Y’était aussi le beau-frère à Ferdinand Ier, qui lui était marié avec sa sœur Anne. En gros, si y’a été mis dans l’portrait d’la belle-famille, c’tait pour la propagande, du genre :

« Ah ouais, le p’tit Louis, on l’aime assez! Y’é d’la famille! Ses affaires, c’est nos affaires! »

Mais, pourquoi beurrer aussi épais?

Quand Louis II de Hongrie est mort nèyé en prenant une fouille dans sa grosse armure pesante tandis qui s’sauvait des Ottomans à la bataille de Mohács, comme y’avait ni enfants ni frères, Maximilien Ier a r’vendiqué la couronne de Hongrie au nom de sa p’tite fille Marie, la veuve à Louis, PIS au nom d’Anne Jagellon, sa bru pis la sœur à Louis.

Voyez-vous l’coup double, là? Maximilien Ier avait commencé à préparer ça avant même que Louis vienne au monde! Ben sûr qu’y pouvait pas savoir si Louis allait mourir jeune, mais c’tait un coup de dés qui a payé : au boutte de pas mal de crêpage de chignon, le royaume de Hongrie est allé aux Habsbourg, qui l’ont gardée pendant des siècles après ça.

C’qu’on comprend de ça, c’est que mettons que t’étais un monarque, tu pouvais arvendiquer la succession à ton gendre si sa lignée était éteinte.

L’inverse était aussi vrai : si TA lignée à TOÉ s’éteignait, ben là c’est la belle-famille qui pouvait arvendiquer ta succession au nom à ta fille, pis là t’avais des étranges su ton trône.

C’est l’genre de passe que tu veux pas te faire faire.

Alors, encore une fois, le meilleur moyen d’éviter ça, c’est de s’marier en famille, hein?

Sauf que là, la Stratégie Habsbourg contre l’ingérence étrangère allait carrément s’arvirer contre eux autres.

Là où on a laissé la branche espagnole, Philippe IV d’Espagne avait marié sa cousine ET nièce Marie-Anne d’Autriche.

Ça pouvait juste pas faire des enfants forts : y’en ont eu 5, pis y’en a trois qui sont morts au berceau.

Leu plus vieille, Marguerite-Thérèse, s’est rendue à l’âge adulte pis a marié – icitte, m’as faire une p’tite pause avec un gros soupir – Léopold Ier du Saint-Empire, son oncle PIS son cousin EN MÊME TEMPS.

Y’ont eu quatre enfants, pis y’en a trois qui sont morts au berceau. Marguerite-Thérèse elle-même est morte à 21 ans.

L’autre enfant survivant à Philippe IV d’Espagne pis à Marie-Anne d’Autriche, c’tait Charles II d’Espagne.

Mettons que tu voulais faire une affiche du ministère d’la Santé pis des Services sociaux pour avertir le monde des dangers de la consanguinité, ben c’est sa face que tu mettrais dessus.

Y’avait d’la misère à marcher. Y’avait d’la misère à parler. Y’avait d’la misère à manger. Y bavait partout. Y saignait du nez. Y faisait des crises d’épilepsie. Y’avait des hallucinations pis des migraines. Y’a jamais eu sa puberté, faique y’était stérile.

Y’était tellement magané qu’on l’appelait « l’Ensorcelé ». Parce que son état avait AUCUNE autre explication que la sorcellerie pis la possession démoniaque. Voyons don!

Quand y’ont faite des tests d’ADN su lui des siècles plus tard, y’ont découvert qu’y était aussi consanguin que si ses parents avaient été frère et sœur.

Y’était littéralement un cul-de-sac génétique.

Y’é mort à 37 ans, pas d’héritier, pas de frères ni de sœurs, ni mononcle du bord à son père. La branche espagnole des Habsbourg était officiellement éteinte.

Les vautours avaient commencé à virer autour de lui pis d’l’Espagne ben avant ça, par’zempe : y’était même pas encore mort que la France, l’Angleterre pis les Pays-Bas étaient déjà après décider entre eux autres qui allait prendre quel boutte de ses territoires. Pis ça, c’tait sans compter Léopold Ier du Saint-Empire, qui était sûr de toute ramasser vu qu’y était le mononcle ET le beau-frère à Charles.

Entécas, à c’t’heure que Charles II était parti trouver ses ancêtres, le free-for-all allait éclater pour de vrai : c’tait le début de la guerre de succession d’Espagne.

D’un bord t’avais, ben sûr, Léopold, qui arvendiquait au nom à sa femme Marguerite-Thérèse, morte depuis 27 ans, avec dans l’idée de donner l’trône espagnol à son fils qu’y avait eu avec sa troisième femme.

De l’autre, t’avais nul autre que Louis XIV de France, qui arvendiquait au nom à sa femme Marie-Thérèse, la demi-sœur à Charles II, pour donner le trône à son p’tit-fils le duc d’Anjou.

Après 13 ans de guerre, c’est la France qui a gagné, le duc d’Anjou est devenu le nouveau roi d’Espagne, pis ses descendants règnent encore aujourd’hui.

Faique voilà : après avoir passé deux cents ans à essayer de toute garder dans’famille, les Habsbourg se sont ramassés drette dans la situation qu’y voulaient éviter : avec un étrange su leu trône.

À force de trop vouloir toute contrôler, y se sont auto-empissettés; là où y’ont voulu imposer leu volonté, la nature a fini par les rattraper.

N’empêche que Ti-Clin Dufour, lui, y’aurait pu s’forcer pour aller s’charcher une femme une couple de rangs plus loin. 


Source : Paula Sutter Fichtner, « Dynastic Marriage in Sixteenth-Century Habsburg Diplomacy and Statecraft: An Interdisciplinary Approach », The American Historical Review vol. 81, No. 2 (Apr., 1976), pp. 243-265.

Wikipédia pour les p’tits détails (ben oui, Wikipédia ça s’utilise, faut juste se sarvir de sa jugeotte pis pas toute prendre pour du cash)

L’histoire de Sophie-Dorothée : quand le conte de fées vire au cauchemar, partie II

Partie I

C’tait une ben belle étincelle de rébellion de la part de Sophie-Dorothée, mais malheureusement, George-Guillaume tenait mordicus à c’te mariage-là; l’encre était sèche su’l contrat, pis c’tait ça qui était ça.

Pendant des semaines, Sophie-Dorothée essaya de le faire changer d’idée, se chicanant avec lui encore et encore, aussi déterminée qu’une mouche qui pense que si a s’pète le front assez de fois dans l’chassis, a va finir par passer au travers d’la vitre.

Mais tranquillement, la résistance d’la princesse commença à s’échiffer, pis les esclandres firent place au braillage – déchirant, interminable. On était en novembre, en plus, faique c’taient les vrais sanglots longs de l’automne.

Éléonore capotait : depuis l’temps qu’a l’était avec Georges-Guillaume, c’tait la première fois qu’y faisait d’quoi de carrément contre c’qu’a voulait.

En femme de son époque, par’zempe, Éléonore savait qu’a pouvait pas yinque ramasser sa sacoche pis ses clés d’char pis partir dans’nuitte avec sa p’tite fille pour la sauver d’un mariage épouvantable – ça aurait juste empiré les affaires. A pouvait yinque piler su toutes ses instincts pis essayer de calmer pis de rassurer Sophie-Dorothée, même si le cœur y était pas.

— Mais Georges-Louis est horri-hii-hiiiiible!
— Ben, tu sais pas? Quand vous allez être mariés, tu vas apprendre à mieux l’connaître, pis peut-être que tu vas y découvrir des belles qualités?
— Mais m’maaaaaaan! Toi pis papa, vous vous êtes mariés parce que vous étiez en amour! Pourquoi, moi ch’peux paaa-haa-haaaas?
— Ah, mais nous-autres, c’tait pas pareil, ma chouette…

Pis l’jour des noces finit par arriver. Ch’t’un peu mêlée, parce que ch’trouve plein de versions, mais chose certaine, c’tait fin novembre 1682, pis y faisait frette, gris pis déprimant, comme chez nous dins mêmes temps.

Le marquis qui arprésentait Louis XIV à la cour de Celle, lui, y dit que l’mariage se passa quasiment en cachette, après l’souper, avec juste les époux, leux parents pis une couple d’autres proches.

Y’en a d’autres qui disent qu’y a eu des noces dans l’sens du monde, avec un party pis des centaines d’invités.

Dans tou’és cas, Sophie-Dorothée était malheureuse à pu finir. A l’avait les yeux rouges pis la p’tite baboune tremblotante, mais a d’vait quand même sourire pis faire semblant d’être contente quand quequ’un de ben intentionné arrivait pour la féliciter.

Georges-Louis avait déjà l’air de trouver sa femme gossante. Y l’avait à son bras pis y’a r’gardait à peine. Y’était tanné de ses simagrées; franchement, qu’a prenne su elle pis qu’a l’arrête de brailler. C’tait sûrement pas sa mère la duchesse Sophie qui aurait montré une face de même en public. C’qu’y fallait pas faire pour 100 000 écus par année.

Lui, y’avait 22 ans, faique pensez-y : c’tait comme si votre fille qui est en secondaire 5, qui est toute pimpante pis qui a plein d’amis, s’artrouvait tout d’un coup à marier le garçon à votre sœur qui a jamais fini son cégep mais qui est réserviste dans l’armée, qui passe toute son temps à s’entraîner ou à aller dans des forums louches su Internet, qui a zéro sens de l’humour pis qui boutonne toujours son polo jusqu’en haut.

Queques semaines plus tard, notre p’tite Sophie-D partit pour Hanovre avec Georges-Louis pis sa belle-famille.

A trouva la transition toffe en maudit.

Chez elle, tout l’monde l’aimait, pis le château à ses parents avait un peu une ambiance de chalet familial de luxe – c’tait pas l’genre de place où c’qu’on s’enfargeait dins fleurs du tapis.

À Hanovre, Sophie la péteuse avait instauré un décorum quasi-militaire, pis tout l’monde se t’nait les fesses serrées.

Donc, c’tait quasiment impossible que Sophie-Dorothée fasse pas des p’tites erreurs de temps en temps : dire un mot plutôt qu’un autre, s’asseoir une fraction de seconde avant l’temps, aller au-devant de quequ’un alors que c’est le quequ’un qui devait aller au-devant d’elle, c’t’à-dire toute des p’tites affaires qui passeraient 100 pieds par-dessus la tête à vous pis moé.

Pis quand ça finit par arriver, sa belle-mère laissa pas le moindre p’tit accroc passer, pis a mit pas des gants blancs :

« Ouin, on voit ben comment ta mère t’a élevée! »

Pendant c’te temps-là, Georges-Louis faisait comme si a l’existait pas; y lui parlait pas, y la défendait pas, y l’aidait pas à se sentir chez elle. Y faisait juste la r’joindre dans l’noir pas de préliminaires pour accomplir son d’voir conjugal, pis c’tait ça.

D’ailleurs, queques mois après les noces, Sophie-Dorothée tomba enceinte, pis a mit au monde un p’tit gars qui fut appelé Georges-Auguste (c’qui confirme mes soupçons que dans c’te famille-là, y’avait un sac avec des tits-papiers qui avaient quatre-cinq noms écrits dessus, pis on faisait yinque en piger un ou deux quand v’nait le temps de nommer un nouveau bebé).

Pis trois ans et demi plus tard, a l’eut une fille, appelée Sophie-Dorothée elle avec (qu’est-cé que j’vous disais?).

Dans c’tes temps-là, une nouvelle femme de prince ou de roi était toujours dans une position un peu branlante jusqu’à ce qu’a produise un héritier doué de zouiz pis un autre de r’change, au cas.

À c’t’heure que c’tait plus ou moins faite, Sophie-D aurait pu s’attendre à ce que son mari pis sa belle-mère soient un peu plus fins avec elle pis que sa vie à Hanovre soit pu juste un maudit purgatoire, mais ça se passa pas d’même.

Sophie–belle-mère continua d’la traiter comme d’la marde. Pire encore, a y’avait pratiquement enlevé ses enfants pour s’occuper d’leu z’éducation.

Georges-Louis, se sentant libéré de l’obligation de partager son litte avec elle, se mit à courir allègrement la galipote pis l’abandonna complètement.

Rendu là, a vivait pas mal tu’seule; y’avait pu yinque ses dames d’honneur qui se t’naient avec, plus par obligation qu’autre chose, pis des fois ses parents qui v’naient y rendre visite.

Tout l’monde à la cour, à part peut-être son beau-père qui l’avait emmenée faire un beau voyage en Italie entre ses deux grossesses, semblait se crisser d’elle par exprès ou y faire des gros yeux. A l’avait l’impression que, peu importe c’qu’a faisait, à réussissait jamais à s’faire aimer pis a comprenait pas pourquoi.

Le sort avait l’air de s’archarner su elle. Mais, ça se pourrait ben que l’sort ait eu d’l’aide…

Faut que j’vous dise : en arrivant à Hanovre, Sophie-D avait rapidement découvert que la vraie boss des bécosses d’la cour, c’tait pas sa belle-mère – c’était la maîtresse à son beau-père, la redoutable comtesse Élizabeth von Platen.

C’t’un peu surprenant, j’avoue; mais même si Sophie–belle-mère était ben stiquée su l’étiquette, contrairement à Sophie-Dorothée, a se sacrait pas mal de l’infidélité à son mari. Elle qui aimait la science, a considérait le couraillage à Ernest-Auguste comme un fait d’la nature, au même titre que l’soleil qui s’lève, ou bedon que la gravité, fraîchement découverte par Isaac Newton en 1687. A l’était comme au-dessus de toute ça. Les poulettes en dessous d’elle pouvaient ben se picosser comme y voulaient, a les argardait même pas.

Ça laissait le champ libre à la comtesse de Platen, qui s’adonnait à être aussi la femme du premier ministre. Elle-même, c’tait un pétard, le genre de beauté sensuelle qui fait monter la sève dins érables d’un seul argard, pis a t’nait toute la cour par les gosses en mettant ses sœurs, ses cousines pis ses amies dins bras de toutes les monsieurs importants.

Autrement dit, c’tait une vraie araignée qui tissait sa toile pour avoir un maximum de pouvoir.

Là, avant d’continuer, faut que j’vous l’dise : on a pas de preuve noir su blanc du rôle que la Platen a joué dans toutes les affaires que j’m’en vas vous raconter. Mais tsé, ça fait des siècles que l’monde essayent de savoir c’qui s’est vraiment passé, pis même les plus frileux ont pas le choix d’admettre qu’a l’est pas nette.

À part de t’ça, m’as vous l’dire, l’histoire est ben meilleure avec comtesse que sans comtesse. Faique, prenez toute c’qui a rapport à elle avec un ti-grain d’sel, pis toute va ben aller.

Ce dont on est pas mal sûrs, entécas, c’est que par en arrière, la comtesse de Platen avait insisté ben gros pour que Georges-Louis marie Sophie-Dorothée; a l’avait vu ça comme une passe de cash. Peut-être même qu’Ernest-Auguste aurait jamais faite de move pour conclure le contrat de mariage si a y’avait pas r’battu les oreilles avec les asties de 100 000 écus par année.

Là où toute avait pris l’clos, c’est quand la comtesse s’est rendu compte que celle qu’a l’avait pris pour une grosse colonne mal arrangée – j’vous rappelle encore une fois toute le ark! que les origines à Sophie-Dorothée suscitait chez les têtes couronnées pis leu z’entourage – était en faite une jeune fille magnifique pis pétillante, avec des beaux grands yeux bruns, tirée à quatre épingles pis à la dernière mode, avec d’la culture, du talent pour la musique pis l’humour et l’sens d’la répartie ben français à sa mère.

Bref, a l’avait toute c’qu’y fallait pour y voler sa place.

Sans doute que dès qu’a l’avait vue, la comtesse avait dû se dire :

« M’as te tuer ça dans l’œuf. »

D’abord, la Platen se mit à surveiller Sophie-Dorothée en guettant la moindre p’tite gaffe, le moindre p’tit mot de travers.

Pis l’pire, c’est que Sophie-Dorothée y donnait du matériel : le cœur tout aigri à cause d’la façon dont a l’était traitée, la princesse se plaignait tout haut pis a s’défoulait en se servant de sa langue ben pendue pour parler dans le dos de sa belle-famille pis des autres membres d’la cour.

Ça y faisait du bien de pondre les bitcheries les plus raffinées; si a l’avait eu le pouvoir d’la Platen, un mot de sa part aurait suffi pour ruiner la vie sociale de quequ’un pour toujours. Mais là, a l’était isolée, faique a jouait avec le feu : y’avait toujours un astie d’écornifleux pour écouter toute c’qu’a disait pis aller bavasser ça à la comtesse, qui s’faisait un plaisir de toute arvirer contre elle.

Un jour que Sophie-D se lamentait à Mlle de Knesebeck, une de ses dames d’honneur qui était pas mal sa seule vraie amie, a lâcha de quoi du genre :

« Ah! J’aimerais don être une marquise de France à’place d’une princesse de Brunswick-Hanovre! Ch’rais ben moins malheureuse! »

On pourrait s’dire qu’y a rien là vite de même, mais dans c’tes années-là, le Saint-Empire (dont Hanovre faisait partie) était en guerre contre la France. Y’en fallut pas plus pour que, dans toute la cour, on s’mette à dire :

« La princesse sympathise avec l’ennemiiiiiiii! »

Aussi, pour être ben sûre que Georges-Louis arpense pu jamais à s’occuper de sa femme, la comtesse y’avait poussé dins bras une p’tite poulette fraîchement arrivée à’cour qui répondait au doux nom d’Ermengarde Mélusine von Schulembourg. La fille était trop simple pis pas assez dégourdie pour avoir des ambitions par elle-même, mais la Platen avait eu besoin d’à peine une couple de semaines pour y monter la tête, y’apprendre toutes ses trucs de séduction pis la rendre complètement loyale.

Après ça, y’avait yinque fallu attendre que Georges-Louis arvienne d’une campagne militaire en Hongrie, pis hop! Y’était tombé drette dans l’piège. À partir de c’te moment-là, Mélusine s’tait mise à l’accompagner aux bals, aux partys de chasse royale, à des concerts de musique pis à toutes les autres places le fun où Sophie-Dorothée aurait dû aller avec son mari – pas elle!

Là, c’tait ben d’valeur, mais la princesse était pas comme sa mère, qui présentait la joue gauche quand on la fessait su’a joue droite pis qui finissait toujours par avoir tout le monde à l’usure.

Faique quand a s’rendit compte de toute ça, la pauvre fille péta sa coche solide à Georges-Louis, pis pas yinque une fois. Quand ça arrivait, a criait tellement fort qu’on l’entendait d’un boutte à l’autre du palais :

« SIMONAC GEORGES-LOUIS, TU FAIS-TU EXPRÈS POUR ME FAIRE HONTE, OU BEDON T’ES TROP CAVE POUR TE RENDRE COMPTE QUE TOUT L’MONDE TE VOIT COURAILLER PIS RIT D’MOÉ PARCE QUE CHUS COCUE? »

J’la comprends, ben sûr – j’aurais probablement faite pareil, avec extra bacon! – mais mettons que c’tait rien pour détendre l’atmosphère.

C’en arriva à un point où même Sophie pis Ernest-Auguste dirent à Georges-Louis de faire plus attention avec ses maîtresses :

« Heille, garde-toé don une p’tite gêne, fils! Si ça continue d’même, ta femme pourrait ben aller s’plaindre à son père, pis on aura pas les 100 000 écus par année! »

Du bon monde qui avaient les priorités à’bonne place, hein?

Après ça, Georges-Louis fit un effort pour être plus discret, mais y resta abonné à la couchette à Mélusine.

Sophie-Dorothée, elle, était malheureuse comme les pierres pis a voyait pu l’boutte.

C’est à c’te moment-là qu’arsoudit à la cour de Hanovre une nouvelle face – une face qui, on va l’voir, était autant une lueur d’espoir pour la princesse que l’étincelle qui allait toute faire péter.


Sources:

Charles-Prosper-Maurice Horric de Beaucaire, Une mésalliance dans la maison de Brunswick, 1665-1725: Éléonore Desmier d’Olbreuze, duchesse de Zell, 1884.
Henri Blaze de Bury, « Le Dernier des Koenigsmark », Revue des Deux Mondes, 1853.

Chers visiteurs français qui se sont ramassés icitte à cause d’Æthelflæd de The Last Kingdom

Bienvenue!

J’vous vois aller, tsé.

Chaque fois qu’une nouvelle saison sort su Netflix, vous arsoudez toutes en même temps.

Même si ça parle bizarre par icitte, j’dis pas de niaiseries pis j’conte pas de menteries! Vous pouvez vous fier su moé.

J’espère que vous allez rester un ti peu!

En attendant, amitiés pis gros becs mouillés,

Matante Poêle

Spécial Noël 2020 : La Chasse-Galerie au temps de la COVID

C’tait la veille du jour de l’An; 2020, c’te maudite année du yâble, était su’l bord de finir. 

Normalement, on aurait toutes été à Matane, avec not’gang, à essayer d’écouter l’Bye-Bye par-dessus l’Beauf pis Mononc’Poêle qui jasent du Canadien, l’pére à Mononc’ qui est parti à chiâler contre le prix du gaz, pis N’veu Poêle qui court partout pas couchable. 

Mais à’place, à cause d’la baptême de pandémie, on était toutes pognés à Québec. Moé, Matante Poêle, j’m’étais couchée d’bonne heure. Dans l’salon, Mononc’ Poêle pensait à faire pareil après avoir fini son rhum n’Coke, pis Frére André textait à ses chums en buvant sa Triple IPA. 

(En passant, si vous êtes nouveaux par icitte, Frére André c’est mon frére, y s’appelle André, faique c’est Frére André.)

C’est là que quequ’un vargea à la porte : 

BANG BANG BANG!

Mononc’Poêle pis Frére André firent un astie d’saut. 

« Veux-tu ben m’dire? » dit Mononc’ en se l’vant pour aller voir. 

Par la vitre d’la porte, Mononc’ aparçut, éclairée par la lumière jaune-orange des lampadaires, une face qu’y avait pas vue depuis un boutte : celle-là à Bebitte Bouffard. 

Mononc’ ouvrit la porte, pis Bebitte déboula dans’maison plusse qu’y rentra. 

— Heille, men, répare ta sonnette, viarge, ça fait 10 menutes que j’zigonne après comme un épais!
— Parle pas fort de même, le cave, les voisins vont t’entendre! Viens-t’en, là, avant que quequ’un nous voye! Pis c’est qui, lui? 

Bebitte, c’tait un chum à Frére André, un autre gars d’Matane. Parsonne se rappelait son vrai p’tit nom, mais toute la ville l’appelait Bebitte parce qu’un m’ment’né, d’un party à Saint-Adelme, y’était tombé dans’bière à la bebitte qu’un gars brassait dans sa grange; y’avait tellement badtrippé qu’y était parti en plein bois pas d’souliers pis pas d’portefeuille, pis on l’avait pas r’vu pendant deux ans. 

Entécas, là y’était chez nous à Québec, avec un autre gars qui avait pas l’air toute là. 

— C’tu fais-là, men? demanda Frére André, sur ces entrefaites arsoudu.
— Heeeeeeeeeille, Dré! répondit Bebitte. Ça te tente-tu d’aller à Matane? 
— Hein? 
— Ben oui! L’idée m’a pogné, pis mon chum Claude, c’t’un gars de Lévis, pis depuis l’temps qu’y entend parler du Festival d’la crevette, ça y tentait d’aller voir ça.

Ça d’l’air que parsonne y’avait dit qu’y avait pu d’festival depuis au moins dix ans. 

— Voyons, toé-là, dit Mononc’. Tu veux clancher pour Matane à minuit moins quart pis faire 400 km en char pour voir parsonne anyway à cause du confinement? 
— Pantoute! On va courir la Chasse-Galerie! On va voler jusque là-bas, le yâble va nous protéger contre la COVID, pis on va être arvenus à Québec avant même que ta femme s’réveille. 

Mononc’Poêle pis Frére André restèrent frettes. Y’était-tu en train d’leu suggérer d’faire un pacte avec le yâble comme dins légendes, lui-là?

— Ah ouais, mais y’a rien là, c’est yinque une formalité, j’ai faite ça plein d’fois pis y’est rien arrivé. Faut juste pas être trop pétés pour chauffer drette une fois rendus dins airs. Envoyez don!  
— Va t’coucher, Bebitte, t’as pas d’allure, dit Mononc’Poêle. 

Sauf que Frére André mit sa main su l’épaule à Mononc’ : 

— Ouin, mais moé, j’m’ennuie vraiment d’mes chums à Matane. Messemble que ça f’rait du bien d’aller faire une saucette! Juste une couple d’heures! Pis en plus, Bebitte y dit qu’on aurait pas à s’en faire avec la COVID grâce au yâble! 
— T’es pas après y penser sérieusement, toé-là? 
— Pis faut qu’tu viennes toé’ssi, intervint Claude, qui avait pas parlé pantoute jusque-là. Pour courir la Chasse-Galerie, faut t’être deux, ou bedon quatre, ou six, ou huit. Pas trois. 

Tout l’monde argarda Mononc’Poêle avec des grands yeux d’chien qui s’tète des restes de table. Y s’sentait au bord du précipice avec crissement l’goût d’mettre le pied d’dans : après toute, lui’ssi y s’ennuyait : d’sa mére, d’sa soeur, de N’veu Poêle…

« Vous êtes toutes virés fous », dit Mononc’ en ramassant sa froque.

Quand tout l’monde fut greyé pis rendu dehors, Mononc’Poêle demanda : 

— Faique là, on fait ça comment? Peux pas crère que t’as un canot d’écorce dans l’coffre de ta Civic. 
— Ben non, répondit Bebitte. L’canot, c’est dépassé. La Chasse-Galerie, ça s’fait en char, à c’t’heure! Tantôt avant d’rentrer, j’ai vu qu’t’avais un beau p’tit Kia flambette avec les sièges chauffants. On pourrait—
— Oublie ça, Bebitte. Ch’pars pas à voler avec mon char, Matante Poêle va m’étêter. On va prendre ton bazou, à’place. 

Faique les gars allèrent s’assire dans’Civic pleine de topes, de papiers de McDo pis de vieux Kleenex, avec des taches bizarres sur les sièges pis un vieux lecteur cassette avec un album d’AC/DC pogné dedans depuis 2003, qui s’mit à jouer drette quand Bebitte tourna la clé. 

Highway to Hell? Tu m’niaises-tu? demanda Frére André.
— Tant qu’à moé, y’a juste c’te toune-là qui existe, répondit Bebitte. Ok. Faique là, répétez après moé :

Satan! Roi des enfers, on t’promet d’te livrer nos âmes, si d’icitte à six heures on prononce le nom du bon Dieu, pis si on touche à une croix dans le voyage. À c’te condition-là, tu vas nous transporter par les airs où c’qu’on veut aller, pis tu nous ramèneras pareillement à Québec!
Acabris! Acabras! Acabram! Fais-nous voyager par-dessus les montagnes!

Mononc’Poêle pis Frére André s’artinrent fort pour pas partir à rire. C’tait déjà assez bizarre de même d’être quatre gars dans une vieille minoune en pleine nuite après faire un pacte avec le yâble en espérant s’envoler dans l’ciel, la formule magique, là, c’tait comme un peu trop.

Mais, à leu grande surprise, la Civic se mit à l’ver dins airs. Toujours plus haut, par-dessus l’toit d’la maison, pis encore pis encore. 

« Ok Mesdames, c’est parti! »

Le char clancha comme si le yâble lui-même avait pesé su’l gaz; les gars collèrent su leu siège. 

Y passèrent au-dessus d’Québec couvarte de neige, endormie, mais toute éclairée pour les Fêtes : l’Vieux-Québec, l’château Frontenac, la terrasse Dufferin, le P’tit Champlain, l’île d’Orléans, pis enfin, l’fleuve, une vraie autoroute qui scintillait en d’sour d’la lune pis qui s’ouvrait toute grande en avant d’eux-autres, comme quand la 20 passe à 4 voies dans l’boutte de Cacouna en allant vers Rivière-du-Loup. Sauf, tsé, de l’autre bord.

« Entécas, ça s’ra pas dur de trouver not’ch’min jusqu’à Matane, hein? » fit Bebitte, le sourire fendu jusqu’aux oreilles. 

Y filaient le long du Saint-Laurent tandis que Lévis, Montmagny, Kamouraska pis Rimouski passaient à toute vitesse en d’sour d’la Civic. 

Mononc’Poêle argardait déhors, les yeux tout secs à force d’être émerveillé, quand soudain, y vit apparaître Matane su sa tite pointe avancée dans l’fleuve, avec ses champs, ses grands vire-vents, sa rivière à saumon, son phare pis son port où c’que notre fierté nationale de travarsier brillait encore par son absence. 

« Bon, les gars, annonça Bebitte. On va atterrir dans’neige su’l terrain à côté du Dixie Lee. T’nez-vous ben, ça s’peut que ça brasse! »

Le bazou commença à descendre, fit un virage à 90 degrés pis s’écrasa dans l’champ avec un son de suspensions qui supplient qu’on les achève.  

« Bon! Vous voyez ben qu’c’est pas si pire que ça! » 

Les gars débarquèrent du char. 

Mononc’Poêle fut tout ému arvoyant la polyvalente, le cimetière, l’avenue Saint-Rédempteur… Y sentit aussi le maudit vent d’Nordet frette pis humide y sacrer des poussées dans l’dos. Pas d’doute, y’était ben à Matane.  

« Bon, où c’qu’à l’est, Pincette? » demanda Claude.

Pincette, c’tait la mascotte du Festival de la crevette – une grosse crevette en t-shirt. 

— On va t’a trouver, ta crevette, mon Claude, dit Bebitte. 
— Faique qu’est-cé qu’on fait? d’manda André.
— On prend chacun not’bord, pis on s’artrouve au char à 5 heures et demie, expliqua Bebitte. Prendriez-vous un ti-peu de PCP avant d’partir? 
— C’est pas toé qui disait qu’y fallait être pas trop maganés pour chauffer drette en arvenant? souligna Frére André. 
— Non, ça va être beau, Bebitte, merci, dit Mononc’.

Faique Bebitte pis Claude partirent de leu bord, Frére André alla voir ses chums, pis Mononc’Poêle s’enligna pour une saucette chez sa sœur. 

Y’a pogna juste comme a l’allait s’coucher. 

« Qu’est-cé tu fais-là, toé? T’étais pas supposé descendre, c’t’année! Pis tu parles d’une heure pour arsoudre! »

N’veu Poêle, en pyjama, arriva à’course pis fit une grosse colle à son mononcle : 

— Han! Comment ça que t’es là?
— J’ai faite un pacte avec le yâble pis chus v’nu vous voir en char volant, répondit Mononc’, le gros sourire dans’face. 

Le p’tit gars fronça les sourcils : y’analysa c’qu’on v’nait d’y dire, conclut que c’tait des grosses menteries sales, l’va les yeux au ciel comme un ado blasé pis s’en alla jouer à Fortnite. 

« Ouin. Toé, t’as clairement des affaires à m’conter, dit la sœur. Viens-t’en. »

Y resta le temps d’un drink. 

Après, y s’en alla voir sa mére, Linda. Y savait ben qu’y allait la réveiller à c’t’heure-là, mais y s’essaya pareil. Y monta les marches jusqu’à son appart pis cogna. Ben vite, y vit arriver sa mére, un ti peu épeurée. A l’argarda par la fenêtre, arconnut son fils pis débarra la porte : 

— Veux-tu ben m’dire?
— Salut M’man, dit Mononc’Poêle. Écoute, j’ai pas ben ben de temps, chus juste icitte pour une couple d’heures. 
— Mais comment t’as faite pour v’nir icitte? As-tu pris ton char? T’es-tu lâché en pleine nuitte?
— M’man, ch’peux pas te l’dire. Chus juste v’nu passer un peu d’temps avec toé. Ch’peux-tu rentrer?

Linda fixa Mononc’, les yeux toutes grands, pis eut finalement l’air d’accepter que son gars qui reste à Québec était en avant d’elle dans l’tambour à 2 h du matin, pis qu’a l’allait pas savoir comment y’était arrivé là : 

« Aweille, rentre. Y m’reste un peu d’cipâte pis une demi-bouteille de vin. » 

Mononc’ se dégreya tandis que Linda fit réchauffer l’cipâte – au four, bien sûr : réchauffer l’cipâte au micro-ondes, tout comme mettre du ketchup dessus, c’t’un crime contre l’humanité. 

S’ensuivit un snack un peu surréaliste, chaleureux pis intime comme si Mononc’ pis sa mére étaient dans une bulle à eux-autres, pis que ni la COVID, ni le yâble existaient. Y jasèrent de toute pis de rien, d’la job, du temps, des souvenirs, de N’veu Poêle… Mononc’ en oublia presque que le vin rouge y donnait des brûlements d’estomac. 

Quand vint l’temps de partir, Mononc’ serra Linda ben fort dans ses bras : 

« Ch’t’aime, M’man. J’te promets que m’as r’descendre te voir dès que c’te maudite pandémie-là va être finie. Prends soin d’toé! »

Y’était rendu 5 heures et demie. Mononc’Poêle pis Frére André étaient artournés à la Civic, mais y’avait aucun signe de Claude ni de Bebitte. 

« Heille, qu’est-cé qu’y niaisent? Faut qu’on soye arvenus à Québec pour 6 h! » s’impatienta Mononc’Poêle. 

C’est là qu’y virent deux silhouettes sortir d’en arrière du Dixie Lee.  

« Tchéquez ça, les gars! JE SUIS LA CREVETTE! »

C’tait Bebitte pis Claude. Sauf que Claude, fouillez-moé comment pis pourquoi, mais y portait l’costume de Pincette la crevette. 

— Ben voyons, les gars, qu’est-cé que vous avez faite là? s’exclama André. 
— Tabarnak, t’as volé Pincette! 

Mononc’Poêle, piqué dans sa fierté matanaise, se garrocha sur Claude pour y’enlever le costume, bientôt suivi de Frére André. Mais Claude, lui, y voulait pas l’enlever, le costume. Y’ÉTAIT la crevette, ok? 

C’est là que les sirènes de chars de police déchirèrent la nuite. 

Bebitte, qui était déjà assis au volant d’la Civic, baissa sa vitre et dit : 

« Heille, Acabris, Acabras, Acabram, on scramme! Ch’j’sais pas si vous avez r’marqué, mais la SQ s’en vient pis ch’pense pas que ça vous tente de rester là! » 

À cause des gyrophares de police, la bâtisse du Dixie Lee commençait à r’sembler à la maison de ton voisin gonflable qui a sorti ses REER pour s’acheter des lumières de Noël chez Can’Toy. Pu l’temps de déshabiller Claude : y’allait falloir partir avec le costume. 

Mononc’Poêle pogna Claude par le collette tandis que Frère André s’emparait de la tête de la mascotte pour la garrocher au bout de ses bras. 

« NOOOOOONNNN! JE SUIS LA CREVETTE! »

Claude se débattait comme un yâble dans l’eau bénite. Mononc’ pis André réussirent à l’mettre su’l siége d’en arrière. Mononc’ resta avec pour le maîtriser tandis qu’André s’en allait en avant, juste comme les polices se parquaient à côté du resto. 

— Aweille, Bebitte, clanche! cria Frére André.
— Okidou! Acabris! Acabras! Acabram! Fais-nous voyager par-dessus les montagnes!

Comme la première fois, la minoune s’éleva dans les airs pis partit comme une balle, laissant les pauvres agents de la SQ la yeule à terre. 

Pis comme la première fois, les villes pis les villages s’mirent à défiler à la vitesse du yâble. Pis Bebitte chauffait quand même assez drette, pour un gars su’l PCP. C’est là que Claude réussit à sacrer un coup d’coude dans face à Mononc’Poêle, le sonnant assez pour qu’y relâche sa prise. 

« Bebitte! Arvire de bord! Faut que j’aille charcher ma tête! JE SUIS LA CREVETTE! » 

Y pogna Bebitte par la tête pis y mit les mains en avant des yeux, y faisant parde le contrôle de la Civic. 

Frére André essaya d’enlever Claude de d’là, mais y semblait être animé par la même force irrésistible que le bazou. C’est là qu’y vit de quoi arriver crissement vite dans le windshire : 

« Tabarnak, les clochers de Sainte-Anne-de-Beaupré! »

La collision avec le sanctuaire avait l’air inévitable : non seulement y’allaient toute mourir, mais en plus, y’allaient foncer drette dans une croix, en plein l’affaire qu’y avaient promis au yâble de pas toucher. 

Au darnier moment, André pogna l’volant pis y donna un gros coup. Le char évita de justesse les clochers, mais partit vers le nord-ouest, complètement hors de contrôle, frôlant l’top des épinettes sur le dessus d’la montagne à Stoneham. 

Partis d’même, y’auraient ben pu s’rendre à’baie James; mais là, Mononc’Poêle artrouva ses esprits, pogna la batterie à booster Motomaster en arrière du siége passager pis en câlissa un gros coup dans l’bord d’la tête à Claude, qui s’écroula dans l’fond du char. 

Désaveuglé, Bebitte put arprendre le contrôle de sa minoune – entécas, façon d’parler. Y réussit à la ramener dans’bonne direction, mais a s’mit à faire des tonneaux dins airs juste comme à commençait à descendre, bardassant tout l’monde à bord comme du linge dans’sécheuse. 

Pis là, Mononc’Poêle pis Frére André pardirent connaissance.


Le lendemain, j’les trouvai à moitié enterrés dans’neige dans l’terrain vague en face de chez nous. 

« Ouin, l’party a pris toute une chire après que j’me sus couchée! »

Les gars artroussèrent, tout égarouillés, pis argardèrent partout autour pour essayer d’comprendre c’qui s’était passé : y’avait aucune trace ni de Claude, ni de Bebitte, ni de la Civic. 

Quand y se leva vers 3 h de l’après-midi, encore un peu magané de sa nuitte, Mononc’Poêle se dit qu’y avait sûrement fait un rêve particulièrement flyé pis réaliste. 

C’est là qu’en faisant défiler distraitement son fil Facebook su son téléphone, y vit une nouvelle qui y fit armonter l’estomac dans’gorge : 

JOYEUSES FÊTES TOUT L’MONDE, PIS ÉNARVEZ-VOUS PAS TROP : RESTEZ CHEZ VOUS!

Lancement de ma boutique!

PACLING, PACLANG, BEDING, BEDANG!

Faites du bruit, mes produits sont sortis!

C’est icitte!

Tchéquez ça comme y’ont l’air contents!

T-shirts, tasses, coussins, stickers, masques, étuis de téléphone, j’ai toutes sortes d’affaires pour vous-autres!

Bon ok. J’aurais voulu que ça soit local pis fait au Québec en laine de chèvre bio de Charlevoix par des barbus en chemise carrottée payés 30 piasses de l’heure qui écoutent du Félix Leclerc dans leur atelier en bois rond avec vue su l’rocher Percé, mais ça a pas été possible.

Faites sensation au IGA!

J’ai essayé de trouver un fabricant québécois, pis j’ai fait pas mal de démarches pour ça, avec vos suggestions. Y’a deux fournisseurs qui m’ont dit qu’y embarquaient, mais j’ai l’impression qu’ils avaient la broue dans l’toupet avec la pandémie, pis j’en ai pu jamais rentendu parler.

Faique comme ça me tentait pas de m’assire su mes mains en attendant l’intervention du Saint-Esprit, j’suis allée vers Redbubble.

La grande classe. Tout l’monde va penser que t’as pris ça dans l’catalogue Eaton!

C’t’une biznisse internationale, mais les commandes sont imprimées à la pièce le plus près possible de la personne qui commande. Faique ça fait travailler des imprimeurs canadiens, pis les colis arrivent pas de la Chine ou des États! Les produits sont certifiés équitables pis, à c’qu’on m’dit, y scrapperont pas après deux tours dans’laveuse.

Jean-Simon est BEN FIER de son gilet d’Olga de Kiev.

Pis aussi, ben ça me permettait d’offrir plus de tailles de linge. Le t-shirt classique, mettons, y va jusqu’à 5X, pis c’tait ben important pour moé.

Messemble que ça f’rait ben su votre mur!

Faique c’est ça! J’espère que vous allez aimer c’que moé pis Frère André (mon frére à moé qui est graphiste, là, pas l’religieux d’l’Oratoire) on vous a préparé!

Pis si vous avez des suggestions, mon oreille est là, vous avez yinque à parler dedans!

Lancement de ma page Patreon!

J’ai une annonce à vous faire : je lance mon Patreon!

Qu’est-cé ça mange en hiver, ça, un Patreon? C’t’une page où vous pouvez soutenir financièrement le travail d’artistes que vous aimez (en l’occurrence : moé) moyennant un p’tit don mensuel qui vous donne accès à des… privilèges 

« Bon », que vous vous dites en vous tapant su’é genoux. « Autour du poêle à bois est rendu payant! Maudit gériboire, je l’savais, astie! Ginette! »
« Quoi? »
« Autour du poêle à bois est rendu payant! »
« Ah maudite marde! »

Pantoute.

Si ça vous tente pas de donner une cenne, toute continue comme avant pis on s’aime.

C’est jusse que SI ça vous tente de m’encourager, vous aurez droit à PLUSSE d’Autour du poêle à bois.

Concrètement, ça donne quoi? Des affaires comme ma reconnaissance éternelle (jusse ça, ça vaut d’l’or), des mises à jour « en coulisses », les nouveaux articles en avant-première (pensez-y! Avant la Guerre des Deux-Roses partie II est déjà là, vous pourriez le lire avant tout le monde!), les articles avec du contenu extra « director’s cut » (jusqu’à 30 % de contenu de plus!) et le droit de voter sur les prochains sujets!

Faique si vous trouvez que ça a l’air pas pire, allez faire un tour sur ma page Patreon!

(Pis je suis en train de patenter les affaires pour offrir des t-shirts!)

Pour passer le temps en attendant mon prochain billet : comment ben se tenir en diligence

Photo de Autour du poêle à bois - L'Histoire à la québécoise.

J’avais publié ce petit texte sur la page Facebook du blogue, mais je le reproduis ici pour mes lecteurs qui ne fréquentent pas ce lieu maudit (Facebook, là, pas ma page en tant que telle – on a ben du fun pis on mange des biscuits à m’lasse!).

Au jour d’aujourd’hui, pour prendre l’avion, faut suivre quelques règles de sécurité pis de savoir-vivre : attacher sa ceinture, spotter les sorties, se mettre du t’sour, pas varger dans le siège d’en-avant à coups de pieds, pas attendre que le chariot de bouffe soit rendu dans le passage pour aller pisser, pis être fin avec les agents de bord.

Mais dans l’ancien temps, au Far West, c’tait quoi les règles à suivre… en diligence? Tantôt, j’ai trouvé de quoi de pas mal intéressant là-dessus pendant mes recherches, pis, mettons que, autre temps, autres mœurs, hein?

Code de conduite des passagers de la Benton & Helena Stage Company (autour de 1890) – traduction de Matante Poêle :

1. On vous demande de pas boire de boisson, mais si vous êtes pour brosser pareil, partagez votre bouteille. Sinon, vous aurez l’air d’un gratteux pis d’un maudit air bête.

2. Messieurs, sivouplaît évitez de fumer la pipe ou bedon l’cigare si y’a une créâture à bord : ça sent fort, pis ça se pourrait qu’a l’aime pas ça. Vous pouvez chiquer du tabac, mais crachez avec l’vent dans l’dos, pas l’vent dans face.

3. Si y fait frette, y’a des jaquettes en bison pour vous réchauffer. Mais vous êtes aussi ben de pas toute les prendre pis de pas en laisser aux autres, parce que sinon, on va vous assire dehors à côté du chauffeur.

4. Évitez de ronfler fort ou d’utiliser l’épaule de votre voisin comme oreiller. Il (ou elle) pourrait mal le prendre, pis ça se pourrait que ça fasse d’la chicane.

5. Vous pouvez garder vos armes à feu en-dedans d’un coup que la marde pogne, mais tirez pas par la fenêtre yinque pour le fun ou pour tuer des animaux sauvages su l’bord du ch’min : ça pourrait faire peur aux ch’faux.

6. Pis si les ch’faux pognent le mors aux dents, capotez pas pis tirez-vous pas par la f’nêtre : vous allez vous estropier, pis vous allez être à la merci des éléments, des Indiens enragés pis des coyotes affamés.

7. Faites pas peur au monde pour rien en jasant des révoltes d’Indiens pis des voleurs de diligences.

8. Pis si y’a un crotté qui sait pas se t’nir avec les créâtures, ben y va se faire crisser dehors de la diligence. Pis y va trouver que c’est long en maudit, s’en r’tourner à pied.

En entrevue à Radio-Canada!

J’interromps la programmation habituelle pour vous annoncer une nouvelle… par pire pantoute!

Ce matin, j’étais à l’émission Bon pied, bonne heure sur les ondes d’ICI Gaspésie-les Îles pour une entrevue au sujet d’Autour du poêle à bois!

Heille, une entrevue à la radio! On rit pu! Ben vite mon égo passera pu dans’porte.

Pour écouter l’entrevue, c’est ici!

Quand les belles-sœurs s’haïssent la face : Frédégonde contre Brunehaut – partie 1

Ça se peut de pas aimer sa belle-sœur. Tsé, on est toutes humains. Pis ça arrive des fois que les couteaux volent bas : 

« Ouin, ma Jocelyne, pour quequ’un qui a yinque apporté un Caballero, tu te gênes pas pour vider les bouteilles des autres! »

« Heille, Denise? Les r’volures de pâte à dents dans le miroir de la toilette, c’tu un p’tit concept cute de temps des Fêtes pour faire comme un paysage enneigé, ou bedon c’est yinque un oubli? »

Mais mettons que ce crêpage de chignon-là virait au MEURTRE? 

Les téléromans à TVA pis les vues ont rien inventé. Déjà au sixième siècle, les reines Frédégonde et Brunehaut étaient prêtes à se sauter dans’face… Pis y’allait avoir du sang. 

Comme j’vous l’expliquais dans l’histoire à Radegonde, dans ce temps-là, les peuples germaniques comme les Francs régnaient sur l’Europe. Pis eux-autres, y’avaient des règles de succession qui avaient l’air d’être faites pour que la marde pogne : chaque fois qu’un roi mourait, son royaume était séparé entre toutes ses fils, qui ensuite se tapaient su’a gueule jusqu’à ce qu’y en reste juste un qui ramasse toute. C’tait simple, dans le fond!

C’était arrivé après la mort de Clovis, premier roi de toutes les Francs. Son royaume avait été séparé entre ses fils Thierry, Clotaire, Clodomir pis Childebert. 

À la fin, y restait pu yinque Clotaire qui, après des années de guerre pis de coups de poignard dans l’dos, devint roi de tous les Francs comme son père. Pis là, y mourut. Comme lui aussi y’avait quatre fils – Caribert, Chilpéric, Sigebert pis Gontran –, c’tait reparti pour un autre rigodon! 

J’vous ferai pas tomber en bas de votre chaise en vous disant que la job principale des seigneurs francs, dans ce temps-là, c’était de guerroyer. Pis, justement, autour de 560, Chilpéric, roi de Soissons, était parti taper du Saxon avec son frère Sigebert, laissant sa femme Audovère enceinte jusqu’aux yeux. 

Or, Audovère avait comme servante Frédégonde, une femme du peuple qui s’adonnait aussi à être un astie de pétard. La belle Frédégonde, a l’avait des ambitions. Pis comme vous allez voir, y’avait aucune crosse trop basse pour elle. 

Quand Audovère accoucha d’une fille, Childesinde, y fallut ben baptiser la p’tite. Mais là, la marraine arrivait pas. Tout le monde commençait à être écœuré d’attendre pis à avoir hâte de sauter dans l’buffet.   

Faique c’est là que Frédégonde fit son move : 

– Madame, pas besoin d’attendre la marraine; j’vois pas mieux que vous pour tenir la p’tite pendant que l’évêque la baptise. Envoyez-donc! 
– Ah, ben pourquoi pas, hein? Merci Frédégonde! 

Pis l’évêque, qui avait probablement un ti rond de bave sur sa soutane à regarder Frédégonde, dit rien pour empêcher ça et baptisa Childesinde avec sa propre mère comme marraine. 

Pauvre Audovère : a l’était ben belle pis ben fine, mais c’était pas le crayon le plus aiguisé de la boîte, pis sa naïveté l’avait fait tomber drette dans le piège de sa ratoureuse servante. 

Vous devez vous demander si vous venez d’en manquer un boutte : hein? De quel piège on parle, là? J’vous explique. 

Dans ce temps-là, t’avais pas le droit d’être la marraine de ton propre enfant, parce si tu mourais, y’aurait pu personne pour s’occuper de lui. De un. De deux, un père avait pas le droit de coucher avec la marraine de sa fille. Voyez-vous la crosse, là? 

Quand Chilpéric revint chez eux, toute fringant, y fut accueilli par une trâlée de belles pitounes couvertes de guirlandes de fleurs. La première en avant? J’vous laisse deviner. 

Frédégonde. Ben oui. 

Elle arriva en avant de Chilpéric et lui dit, drette de même : 

– Ah, merci Mon Dieu, le roi not’seigneur est r’venu, pis ya sacré une volée à ses ennemis! En plus, y vient d’avoir une belle p’tite fille! Mais là, avec qui not’seigneur coucherait ben à soir? Parce que la reine ma maîtresse est rendue la marraine de sa fille!
– Ah ben, si ch’peux pas coucher avec elle, m’a coucher a’c toé d’abord! 

Chilpéric, y’était pas du genre à s’enfarger dins fleurs du tapis. 

À la porte du château, Audovère l’attendait, toute fière d’y montrer Childesinde. Mais Chilpéric avait des p’tites nouvelles pour elle : 

« Ah, bonyenne, sa mère, qu’est-cé t’as faite-là? À c’t’heure que t’es la marraine d’la p’tite, tu peux pu être ma femme! »

Faique il fit exiler le gnochon d’évêque qui avait célébré le baptême et y’envoya Audovère sécher dans un couvent, non sans y avoir donné des terres qui valaient quand même cher pour pas qu’à crève de faim. 

Audovère venait yinque de prendre la porte que Chilpéric avait déjà marié Frédégonde. 

Maudit écœurant.

De son bord, le frère de Chilpéric, Sigebert, roi de Reims, était un peu fier-pet pis y trouvait don que ses frères avaient marié des femmes indignes d’eux-autres. Lui, y’allait accepter rien d’autre qu’une princesse. 

Faique y’alla se dénicher Brunehaut, fille d’Athanagilde, roi des Goths d’Espagne. Pis Brunehaut, c’tait loin d’être une gueuse : elle était belle, bien arrangée, charmante, avec ben d’la jarnigoine.  

Sigebert tomba en amour par-dessus la tête. 

Les noces eurent lieu en 566, pis ce fut toute un party. Les seigneurs des quatre coins de l’Europe se pointèrent : y’avait des poilus pis des propres, des polis pis des fendants, des fous pis des fins, pis toute ce monde-là buvait de la bière pis du vin dans l’plaisir pis l’agrément, avec des cornes de beu évidées comme des coupes en or fancées (fancys?).  

Mais là, Chilpéric, y regardait ça aller, pis y trouvait qu’y faisait dur à côté de son frère : 

– Heille, moé’ssi, j’veux marier une princesse! Pis j’en veux un, un gros party de même! On jase, là, mais la p’tite Brunehaut, a l’a-tu une sœur?
– Oui, Vot’Majesté! Elle a une sœur qui s’appelle Galswinthe. Mais elle est, euh, comment ch’pourrais dire… 
– Accouche! 
– Euh, ben, est pas aussi gâtée par la nature, mettons. 
– C’tu une princesse ou ben c’est pas une princesse?
– Wôwoui, Sire! Une vraie de vraie!
– Bon ben ça va faire la job. Tu pars drette demain pour l’Espagne pis tu vas m’la chercher. 

Sauf que pour Chilpéric, la demande en mariage passa pas comme du beurre dans’poêle : le roi Athanagilde avait des gros doutes sur lui, parce qu’y’avait entendu dire que c’était un gros débauché qui couchaillait à droite pis à gauche. Pis la pauvre Galswinthe, qui était une bonne fille tranquille au cœur tendre, capotait à l’idée de partir loin de sa famille pis de se retrouver dans les bras de pareil porc. 

En fin de compte, Athanagilde avait juste trop à gagner d’une alliance avec les Francs, faique il accepta de donner la main de Galswinthe à Chilpéric, à condition qu’il s’engage à pu prendre d’autres femmes pis à être fidèle. 

Chilpéric dit oui – d’ailleurs, c’est peut-être pour ça qu’il a répudié Audovère, pis que ça avait pas rapport pantoute avec l’affaire du baptême.

Pis quand Galswinthe apprit qu’était faite à l’os, a passa une heure à brailler comme une Madeleine dans les bras de sa mère, tellement que même les gros toffes barbus que Chilpéric avait envoyés pour la chercher furent virés à l’envers.  

Malgré tout, les noces eurent lieu, pis ce fut un aussi gros party que les noces à Sigebert pis Brunehaut. 

Au château de Chilpéric, même Frédégonde avait été tassée pour faire de la place à Galswinthe. Fini les privilèges d’épouse pis toute. Mais elle allait tu lâcher le morceau si facilement, vous pensez?

Jamais d’la vie.

Elle réussit à convaincre Chilpéric de la garder comme servante pour sa nouvelle femme, se disant que de même, quand y’allait inévitablement se tanner de Galswinthe, elle allait être drette à la bonne place pour en profiter. 

Au début, Chilpéric était ben content de sa nouvelle femme, comme on peut être content de sa nouvelle Mustang avec des sièges Racing comme celle du voisin, sauf rouge au lieu de bleue. Après un boutte, y finit par devenir blasé de ça, mais y’était encore ben heureux de toutes les richesses que Galswinthe lui avait apportées en dot. 

Finalement, même les bidous pis les pierreries arrêtèrent d’y faire de l’effet. Pis rendu là, y’avait pu rien pour y faire aimer Galswinthe. C’était ben beau être fine pis patiente pis généreuse, mais pour lui, ça valait pas une belle face, un beau p’tit cul, une taille fine pis des grosses boules. Pis vous savez qui avait ça? 

Frédégonde.

Flairant le sang, elle passa tusuite à l’action. Elle eut juste à se montrer, oh Votre Majesté vous parlez d’un adon, j’m’en allais tout bonnement chez le maréchal-ferrant, et hop! Chilpéric sentit la sève lui r’monter dans l’érable après l’hiver du désir. 

Ça prit pas plus que ça pour que Frédégonde revienne dins couvartes du roi. Y restait juste un problème : Galswinthe était encore là. 

Mais tsé, un meuble, ça se tasse. 

Frédégonde ambitionnait : a faisait sa fraîche partout dans le château pis a l’allait même jusqu’à péter de la broue en avant de Galswinthe. 

D’ailleurs, la pauvre chouette avait beaucoup de peine de se voir trompée pis humiliée de même. Ça se comprend. Au début, elle endurait en silence, mais un m’m’ent’né, elle fut pu capable et alla se plaindre à son mari : 

« Pourquoi tu m’as fait venir icitte si c’est pour m’abandonner pis faire comme si j’existais pas? T’es rendu bête pis distant avec moi, ma propre servante me regarde de haut, pis tout le monde rit dans mon dos! J’aime pas ça, icitte. J’veux m’en aller. J’m’ennuie de mon pays pis de ma mère. Chilpéric, ch’peux-tu rentrer chez nous? Au moins, là-bas, on me traite comme du monde, pas comme une vache ou bedon une plante verte! »

Les émotions à Galswinthe, Chilpéric s’en torchait pas mal. Mais ses bidous, par exemple! Faique il essaya de la retenir : 

– Ben voyons, mon amour, tu paranoyes! Toute va ben, pis ch’t’aime, pis y’a personne qui rit de toé icitte! 
– Essaye pas. Penses-tu que chus sourde pis aveugle? J’le vois ben, c’qui s’passe. Si tu me laisses m’en aller, chuis prête à te laisser toutes les richesses que t’as eues avec ma dot. Garde toute. J’m’en fous, j’veux juste m’en r’tourner chez mes parents! 

Pour Chilpéric, qui était crissement à l’argent, c’était pas croyable qu’on puisse renoncer volontairement à autant d’affaires. Ça y rentrait juste pas dans’tête. Faique y’était sûr que Galswinthe essayait de le fourrer d’une manière ou d’une autre. 

Y fit semblant de s’excuser, promit de pu recommencer, la flatta dans le sens du poil, tellement que Galswinthe, rassurée, arrêta de parler de départ. 

Pis là, un matin, elle fut retrouvée morte dans son lit, étranglée. 

Chilpéric fit ben des sparages pour faire croire qu’il avait de la peine, mais personne avait de pognée dans le dos : c’était clairement lui ou Frédégonde qui était en arrière de ça. 

Surtout que deux trois jours après, il fit de Frédégonde sa vraie de vraie épouse officielle – sa reine. 

Quand Brunehaut apprit que sa sœur était morte assassinée… Heh, bout d’viarge qu’a l’était fâchée : 

– L’astie d’écœurant! Le tabarnak de chien sale! Y’a tué ma sœur! Ma pauvre sœur toute fine qui demandait yinque à être laissée tranquille! 
– Ben voyons mon amour, qui ça? 
– Ton frère! Y’a fait étrangler Galswinthe, pis drette après, y’est allé marier sa guédaille, là, Frédégonde! Sigebert, tu sais ce qui te reste à faire, j’espère? 
– Ch’prépare les gars, les ch’vaux pis les armes : m’en va chercher Gontran, on va crisser une volée à Chilpéric, pis on va la venger, ta sœur! 

Pis c’est de même que commença la « faide royale », une guerre qui dura plus de 40 ans entre les familles de Frédégonde et Brunehaut. Attachez votre tuque avec de la broche, parce que ça va jouer dur en simonac! 


Source : Augustin THIERRY, Récit des temps mérovingiens, tome 1, 1842.
https://play.google.com/books/reader?id=h2UOAAAAQAAJ&pg=GBS.PR4


L’art de se planter solide : l’histoire de Franz Reichelt

Le matin du 4 février 1912, une trentaine de senteux étaient rassemblés au pied de la tour Eiffel. Ils étaient venus voir Franz Reichelt, un tailleur autrichien et patenteux à ses heures, qui avait annoncé quelques jours avant ça son intention sauter en bas du monument pour tester son invention : le costume-parachute.

Debout au bord de la plateforme, il branlait visiblement dans le manche, comme s’il commençait à douter de son affaire au dernier moment. Pis là, sous les yeux horrifiés des Parisiens, il se crissa dans le vide.

Franz Reichelt dans son costume-parachute. (Source : Wikimedia Commons)

Franz, qui jusque là gagnait ben sa vie en faisant des robes pour les madames autrichiennes en visite à Paris, eut dès 1910 le piton collé sur l’idée de patenter un parachute pour les pilotes en cas d’accident d’aéroplane à basse altitude.

En s’inspirant des chauves-souris, il se gossa un habit avec parachute intégré qu’il essaya plusieurs fois avec des mannequins qu’il tirait en bas du cinquième de son bloc-appartement à Paris.

Les résultats furent pas vargeux : les mannequins finissaient toujours par s’effoirer tout pétés dans la rue. Un m’ment’né, Franz lui-même sauta et survécut juste parce qu’il atterrit dans un tas de foin. Pourtant, le jeune Autrichien faisait sa tête de cochon et disait : « Si ça marche pas, c’est juste parce que je saute de pas assez haut; si j’avais cinquante ou cent mètres au lieu de vingt-cinq, ça marcherait, j’suis sûr! »

À force d’achaler les autorités, Franz eut la permission de tester son costume à partir de la première plateforme de la tour Eiffel. Il avait dit que ce serait avec un mannequin. Sauf que le matin de l’expérience, sans le dire à personne, il arriva avec le costume sur le dos, prêt à faire lui même le grand saut. Il se disait que ça fesserait en estie s’il réussissait : il aurait des offres de partout et sa fortune serait faite drette là.

Étrangement, les policiers firent pas grand cas de ce changement de programme et essayèrent même pas de l’empêcher de sauter. Sur le bord de la plateforme, à 57 mètres dans les airs, Franz se faisait aider par des amis pour déplier sa patente, ce qui prit quasiment une minute.

« Voyons, c’est ben long, se disaient les senteux au sol. Messemble que si t’es après tomber de ton aéroplane, t’as pas le temps de gosser de même! »

Franz avec sa patente, dépliée. (Source : Wikimedia Commons)

C’est alors que le tailleur s’élança comme un aigle dans l’air cru de février. Sauf que le vol du rapace vira assez vite en plongeon du fou de Bassan : les grands bouttes de toile du costume-parachute se replièrent sous leur inventeur, qui aussitôt prit de la vitesse et tomba à terre comme une roche.

Les policiers, les journalistes et les senteux se garrochèrent aussitôt vers son corps, rentré dans le sol de plus de six pouces de creux et couvert de sa patente comme d’un drap mortuaire. Y’avait plus rien à faire. Dans le fond, Franz avait raison : ça avait fessé en estie.


P. S. Pour les curieux, son plongeon a été filmé. Vous pouvez voir ça ici. Âmes sensibles s’abstenir, ben sûr.