Éros et Psyché – partie 1 (série Mythes et légendes)

Bon – ch’sais que j’m’écarte un peu de c’que ch’fais d’habitude : Éros et Psyché, c’t’un mythe célèbre d’la mythologie grecque, pas une histoire vraie. Mais tsé, écrire, ch’fais ça pour le fun avant toute, pis là, j’avais besoin de m’armonter le moral. Faique voilà. Ch’pense que vous allez aimer ça pareil. Pis j’oublie pas les aventures à Sophie-Dorothée, promis.

(D’après Apulée, Les Métamorphoses ou l’Âne d’or)

William-Adolphe Bouguereau, Psyché

Y’était une fois un roi pis une reine qui avaient trois filles, toutes pas mal pétards. Entécas, les deux plus vieilles étaient pas mal belles, pis on manquait pas d’mots pour les décrire : sublimes, exquises, équipées pour veiller tard. Mais la plus jeune, oupelaï! Aussi ben sacrer l’dictionnaire dans l’feu. Même les plus grandes gueules du royaume, en la voyant, s’artrouvaient à bafouiller des ourf pis des fiarf pis à baver à terre.

La fille, Psyché de son p’tit nom, était TELLEMENT belle que l’monde venaient de partout pour la voir, comme si c’tait une déesse. Si a l’avait vécu aujourd’hui, a n’aurait eu, des abonnés su Instagram! A l’aurait faite une fortune à vendre des matelas en mousse mémoire pis des thés louches qui donnent le va-vite.

Mais vu que les stratégies de marketing viral, ça existait pas dans c’temps-là, la foule des adorateurs d’la princesse causait plus de trouble qu’autre chose. Ça s’bousculait aux portes du palais, ça grimpait après les arbres pis les murailles pour l’apercevoir, pis ceux qui réussissaient y braillaient comme des veaux comme en pleine extase mystique. Psyché pouvait pu sortir sans qu’on y garroche des fleurs par la tête pis qu’on y’adresse des prières : 

« Psyché, s’te plaît! Fais que ch’tombe enfin enceinte! » « Fais que la belle Daphné m’armarque enfin! » « Fais que c’te maudite vache d’Anastasie se pète la face pis que le beau Élias arvienne dans mes bras! »

La nouvelle d’la beauté à Psyché s’tait répandue au-delà des montagnes pis des mers, pis ben vite, on aurait cru que l’monde entier avait arsoudu dans l’espoir de s’approcher du divin qui avait l’air de s’être incarné dans une mortelle.

C’tait rendu un vrai cirque – un peu plus pis y’avait des kiosques qui vendaient des gyros pis des t-shirts avec la face d’la princesse dessus.

Pis pendant c’temps-là, les temples des vrais dieux s’vidaient, surtout ceux d’Aphrodite, déesse de l’amour pis d’la beauté. Y s’faisait pu d’sacrifices; des feux sacrés, y restait pu yinque des cendres frettes; y’avait pu d’prières, yinque de l’écho dins sanctuaires; l’herbe poussait dins craques des planchers de pierre.

Ahhh, pis là Aphrodite était pas contente! Dans son condo su’l top de l’Olympe, a faisait les cent pas su son plancher d’marbre en sacrant :

« Heille, pour qui qu’a s’prend, c’te p’tite pisseuse-là? A pense-tu vraiment, elle-là, qu’a peut être mon égale? Moé, la beauté personnifiée, moé, qui met l’désir dans l’cœur du monde, moé, sans qui y’aurait même pu d’vie parce que pu parsonne f’rait d’culbutes dans’couchette! Pis c’tes niaiseux de mortels, y’a vénèrent, elle, qui va finir par pourrir comme une vieille laitue! C’t’un astie d’sacrilège, pis ça se passera pas d’même! »

Pendant qu’a chialait, son fils Éros – un beau jeune homme tout nu avec des ailes, un arc pis des flèches, pis le dieu de l’amour – était évaché su’l divan pis y disait rien. Y’était habitué d’voir sa mère piquer des crises épouvantables parce qu’a l’était jalouse ou qu’a pensait qu’on la vénérait pas comme faut. Entre autres, y’avait la fois où a l’avait puni une reine qui avait arfusé d’y faire des offrandes en y donnant l’goût de s’taper un taureau – ça avait donné l’minotaure. Pis qui pouvait oublier toute la marde qu’y avait eue avec la pomme d’or pis Pâris pis Hélène de Troie?

Faique Éros bougeait pas d’un poil en attendant que ça passe, espérant de pas s’faire mêler à toute ça.

— ÉROS!
Shit, pensa Éros.
— Tu vas aller voir c’te greluche-là pis tu vas y tirer une de tes flèches dans l’cœur. J’veux qu’a tombe en amour avec la pire des vidanges, qu’a s’puisse pu d’pâssion pour le plus laitte, le plus dégueulasse, le plus crasse de toutes les hommes! On va voir si a pète encore plus haut que le trou après ça!

Éros aimait ben jouer des tours aux mortels en leu donnant des coups d’foudre à tort pis à travers, mais là, c’tait juste chien.

— M’man, tu trouves pas que c’t’un peu intense? Après toute, tant qu’a moé, la fille a rien d’man…
— Mon fils, si t’aimes ta mère, tu vas tu’suite aller venger l’affront que Psyché m’fait yinque en existant! Tu peux pas rester effoiré là pendant qu’mon honneur de déesse est bafoué un peu plus à tou’és jours!
— Ok, ok, M’man, c’correct, m’as y aller…

Faique Éros se l’va du divan, ramassa son arc pis ses flèches, embrassa Aphrodite su’a joue pis s’envola par la porte-patio.


Éros avait pas tort quand y’avait essayé de dire que Psyché avait rien demandé. En faite, a commençait à n’avoir plein son casse, de sa beauté pis d’la horde d’agrès qui s’pressaient en avant de chez elle. Psyché, c’tait une fille traditionnelle : a voulait rien savoir d’être une déesse, a voulait juste être une épouse, pis c’tait là qu’était toute le drame.

On aurait cru que, pétard de même, la princesse aurait pu choisir le mari qu’a voulait parmi toutes les rois pis les princes comme si c’taient des chocolats d’une boîte de Pot of Gold du Jean-Coutu, mais… non.

Ses sœurs moins belles avaient eu aucune misère à se caser. Mais Psyché, elle, savez-vous combien de demandes en mariage a l’avait arçues? Zéro pis une barre.

« Voyons, astie! pestait Psyché en virant en rond dans sa chambre. Qu’y en r’viennent, là, ch’pas si belle que ça! Sont là à m’argarder comme si ch’tait une statue en marbre, pis y’en a pas un qui a les gosses de m’demander d’être sa femme! Ch’pas difficile, pourtant! Rendu  là, m’as prendre n’importe qui de propre pis d’fin! »

Trop belle pour la ligue : c’tait l’horrible sort de la princesse Psyché.

Si vous avez d’la misère à avoir d’la sympathie pour elle, j’vous comprends. Mais pour Psyché, c’tait un vrai problème. Pis pour son père aussi : avec sa fille qui passait son temps à s’lamenter, l’ambiance dans l’palais était épouvantable! Ben non, j’niaise : y voulait son bonheur pis y’était ben peiné d’la voir de même. À court de solutions, le roi décida d’aller voir l’oracle du temple de Milet :

« Ch’commence à penser qu’les dieux nous en veulent. Un mari pour ma fille, c’est toute c’que j’demande! Dites-moé c’qu’y faut que ch’fasse pour ça, pis m’as l’faire! »

Pis l’oracle, qui filait poétique c’t’après-midi-là, répondit :

« Que la vierge abandonnée s’mette su son 36
Attende s’un cap de roche un mari louche en crisse
C’pas un homme, y’a des ailes comme un vautour
Y déchire les cœurs, sauve-toé, cours
Y’a fait dire “mononcle” à toutes les dieux de l’Olympe
D’vant lui, toutes les créatures dins rideaux grimpent »

Le pauvre roi resta frette : y s’tait attendu à sacrifier trois bœufs, quatre poules pis une couple de moutons, ou bedon à offrir une partie des récoltes de blé d’l’année, dans l’pire du pire, mais pas à laisser sa fille su’l bord d’une falaise pour qu’un monstre parte avec! Sauf que l’oracle avait parlé, pis y’avait pas l’choix d’obéir, au risque de fâcher encore plus les dieux.

Faique on prépara Psyché avec le voile pis l’bouquet d’fleurs pis toute, pis on y fit une procession nuptiale jusqu’au cap de roche.

Normalement, ça aurait dû être une ambiance de party, mais là, on aurait dit un enterrement : au lieu de chanter pis de crier d’joie, on braillait, on s’déchirait l’linge pis on s’fessait su’l chest comme Céline Dion.

Mais Psyché, qui était non seulement belle, mais aussi sage et fine, dit à tout l’monde qui l’accompagnait :

« Voyons don, vous autres. Pourquoi vous vous mettez dans des états d’même? Arrêtez d’vous arracher les ch’feux su mon compte! Ça m’fait plus de peine qu’autre chose de vous voir aller. C’est ben la seule affaire que ma beauté vous aura donnée, hein : d’la tristesse! Quand l’monde ont commencé à m’traiter comme Aphrodite 2.0, c’est ben là que vous auriez dû brailler : parce que dès c’te moment-là, ch’tais faite à l’os. Tsé, ch’pas niaiseuse, j’m’en doute ben que c’est Aphrodite qui m’en veut! Faique pourquoi téter plus longtemps? Amenez-moé su’l cap de roche, que mon promis m’emporte. Aussi ben en finir tu’suite. »

Après avoir dit ça, a s’en alla d’un pas décidé, pis tout l’monde la suivit jusqu’au top du cap de roche.

Mais là, par’zempe, c’tait rendu l’heure de la séparation. Un par un, ceux qui avaient accompagné Psyché s’en allèrent, la tête basse, les yeux tout rouges, en s’traînant les pieds. Les parents d’la princesse furent les darniers à partir, pis en rentrant dans leu palais c’te soir-là, y’étaient ben décidés à pu jamais en sortir pis à manger yinque du Kraft Dinner frette pour le restant d’leux jours.

Psyché les argarda s’éloigner. A l’avait fait sa forte, là, mais à c’t’heure qu’y avait pu parsonne pour la voir, a s’écroula à terre pis s’mit à brailler toutes les larmes de son corps.

« J’arverrai pu jamais p’pa pis m’man pis mes sœurs, pis j’m’en vas être la femme d’un monstre! Heille, j’aurais-tu préféré être un pichou, moé don? »

Tandis qu’a s’épanchait su’a roche frette, qui avait une bonne écoute, mais manquait franchement d’empathie, Psyché sentit l’air changer. Tout d’un coup, le vent devint caressant pis enveloppant,  comme la plus belle p’tite brise de nos étés qui durent deux secondes.

La princesse se sentit soulevée dins airs pis emportée délicatement – pas trop vite ni trop raide, comme si l’affaire inconnue qui l’enlevait faisait attention de pas y donner l’mal de cœur. A finit par atterrir dans l’fond d’une vallée s’une pelouse veloutée digne des plus beaux rêves de Bambi. A passa ses mains au travers des brins d’herbe, pis ah! Comme c’tait tendre pis frais pis moelleux! Une verdure de même, c’tait quasiment un crime de pas se coucher dedans, yinque pour le plaisir de la sentir su sa peau.

Psyché en avait quasiment oublié l’oracle pis l’cap de roche pis l’monstre. Soudain calmée par toute le doux qui l’entourait, a ferma les yeux pis s’abandonna tranquillement à l’endormitoire…