Une fois c’tait trois servantes pis un gouverneur dans un placard – mais ça vire pas comme vous pensez

(Ce texte-là a d’abord été publié su Facebook – si vous suivez mon Facebook, c’est rien de nouveau)

C’tu moé ou on sent une certaine tension entre sainte Anastasie d’Illyrie pis sainte Parascève d’Iconium dans c’te peinture du 15e siècle?

Au départ, mon idée, c’tait juste d’écrire ça, de publier l’image, pis tiguidou.

Mais, comme j’doute toujours de toute, ch’t’allée vérifier à la source si le mari à Anastasie était débauché tant que ça.

Dans Wikipédia, ça dit : « Romaine d’origine, elle est mariée à un débauché nommé Publius. »

Sauf que dans La légende dorée de Jacques de Voragine, best-seller du Moyen-Âge et source ultime pour toute c’qu’y est saint, ça dit que Publius était païen pis pas fin, mais ça dit pas qu’y était particulièrement débauché. J’vous dis, faut TOUJOURS TOUTE vérifier.

Mais même si l’histoire à Anastasie arsemble pas mal aux autres histoires de saintes romaines (mari païen qui veut contrôler sa vie – gouverneur méchant qui la torture – miracle – mort en martyr – fin), en plein milieu, y’a comme une dérape avec trois servantes pis ça vire complètement burlesque. J’vous résume.

En gros, Anastasie avait trois servantes chrétiennes qui s’adonnaient à être des sœurs : Irène, Chionie pis… Agapite. C’t’un p’tit nom qui arvient pas trop à’mode, ça, hein, Agapite? Tant qu’à ça, Chionie, ça annonce rien de bon pour le secondaire 2.

Malheureusement pour elles, un gouverneur vicieux les avait spottées pis avait ben envie que les p’tites pitounes viennent faire un tour su’és genoux à mononc’, si vous voyez c’que j’veux dire.

Ne voulant rien savoir, les trois voulurent se sauver, mais le gouverneur les fit enfermer dans un cagibi où c’qu’on gardait les ustensiles de cuisine. Pourquoi yé z’avait pas faite emmener à queque part de plus confortable, genre sa chambre, fouillez-moé – les p’tites places renfermées avaient-tu des associations spéciales pour lui?

Toujours est-il que, quand l’gouverneur entra dans l’cagibi, le Seigneur avait rendu les filles invisibles; faique à’place, le gars zigna un tas d’chaudronnes pleines de suie – pis y s’en rendit même pas compte! Ça, tant qu’à moé, c’est le plus gros miracle d’la patente.

Vous m’creyez pas? V’là ce qui est écrit dans La légende dorée :

« Et le gouverneur, qui brûlait de l’amour qu’il avait pour elles, alla à elles pour assouvir sa luxure, et il croyait avoir affaire aux vierges, et il trouva pots et chaudrons, poêles et autres outils semblables, et il les accolait et baisait. »

Ça devait mener un train d’enfer, toute ça. Imaginez quequ’un qui passait dans l’corridor à c’te moment-là pis qui entendait des « kaklang kaklang kaklang » – y’avait d’quoi s’poser des questions!

Quand le gouverneur eut fini son affaire pis sortit du cagibi, y’était toute débraillé pis graissé de suie d’la tête aux pieds. Y t’avait tellement une allure épouvantable que, quand ses serviteurs le virent, y crièrent « Aaah! Un démon! Fessons dessus! » Tsé, comme ferait n’importe qui de sensé.

Après y’avoir crissé une volée à coups de bâtons, les serviteurs du gouverneur se sauvèrent à’course, le laissant là toute poqué. Y décida donc d’aller brailler à l’empereur. Mais, partout su son chemin, on continuait de l’fesser à coups de poings pis de bâtons pis on y crachait dessus.

Autour de lui, ça criait : « Laitte! Laitte! Gros démon laitte! »

« Ben voyons, pourquoi c’qu’on m’persécute de même? »

Le gouverneur comprenait rien de c’qui s’passait, pis la raison était ben simple : le Seigneur l’avait aussi rendu aveugle, faique y’avait aucun moyen de s’voir l’allure.

L’histoire dit pas comment, mais notre libidineux légat finit par s’mettre à l’abri. C’est là qu’on y’expliqua qu’y avait traversé la ville en ayant l’air d’avoir passé la nuite dans l’poêle. Face à c’t’information-là, y pouvait tirer deux conclusions :

  1. J’ai zigné des chaudronnes graissées de suie dans un cagibi comme un bazouelle d’animal, faique j’me suis artrouvé tout graissé moé’ssi.
  2. C’est des sorcières pis y m’ont jeté un sort pour me rendre laitte.

Laquelle qu’y choisit, vous pensez?

« Qu’on les déshabille tout nues, c’tes maudites guédailles-là! »

Quand les gardes s’approchèrent pour les dégreyer, le linge des trois sœurs – qui, euh, avaient réapparu depuis tantôt, on dirait ben – s’colla tellement serré su elles que c’tait impossible de leu z’enlever.

Pis tout d’un coup, le gouverneur tomba endormi.

L’histoire des sœurs finit d’même, pis après, ça r’vient à Anastasie.

C’est ça, la beauté des récits de sainteté écrits au Moyen-Âge : au moment où tu t’y attends le moins, ça vire en pestacle de Guignol avec des marionnettes qui s’fessent à coups de bâton!

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