La consanguinité chez les Habsbourg : de quessé, pourquoi, comment?

Les Habsbourg, ça vous dit-tu d’quoi, ça?

Si vous v’nez souvent écouter mes histoires, y’a des grosses chances que oui.

Pour les autres, m’as vous l’dire tu’suite, « Habsbourg » c’est pas un village thématique des Canadiens d’Montréal avec le resto à Mario Tremblay pis des marigorondes genre « Les Montagnes russes à Kovalev » pis « Le Slapshot à Boum-Boum Geoffrion ».

Les Habsbourg, c’t’une famille de monarques européens qui étaient tellement consanguins qu’y ont passé proche de s’auto-faire disparaître.

Là, vous vous dites peut-être : « Consanguins? Dans l’sens qu’y mariaient leux cousines? Comme Ti-Clin Dufour du rang 12? Tu parles de des colons! »

On l’sait, c’te genre d’union-là passe assez mal dans’société, que tu soyes un big shot ou pas.

Mais quand même, entre Ti-Clin Dufour pis les Habsbourg, y’a une bazouelle de grosse différence.

Ti-Clin, lui, ça se peut que l’choix d’femmes à marier était pas vargeux dans son rang 12 – y voyait sa cousine Floridâ à tou’és jours su’l lot d’à côté, pis y’a fini par se dire ouin, a s’en vient pas pire la p’tite, j’irai pas charcher plus loin!

Mais les Habsbourg, eux-autres, y’étaient riches et puissants, pis l’Europe au complet était leu buffet quand v’nait l’temps de s’marier.

Faique pourquoi, d’abord, toujours piger dans le même plat d’bonbons?

Justement parce qu’y étaient riches et puissants, pis qu’y voulaient l’rester.

Toute ça, on va dire que ça a commencé – parce qu’y faut ben commencer queque part! – par le gars qu’on appelait Charles Quint.

Avant lui, les Habsbourg étaient quand même pas des tout nus : c’taient des archiducs d’Autriche pis des empereurs du Saint-Empire.

Mais Charles, y’a amené ça à un autre niveau en devenant le souverain d’une quantité de territoires qu’on avait rarement vue mise toute ensemble depuis l’empire romain!

Comment c’t’arrivé, don? Charles était-tu un méga conquérant?

Pantoute!

C’est que, grâce à des mariages ben stratégiques arrangés par son grand-père pis son arrière-grand-père, pis une bonne dose de chance, Charles Quint a hérité des titres de ses QUATRE grands-parents – d’habitude, tsé, yinque un, c’est ben en masse!

C’qui était excessivement rare, c’est que Charles avait deux grands-mères régnantes, c’t’à dire qu’y régnaient de leu propre droit, comme feu Élizabeth, au lieu d’être juste « la femme de », ou « consort », comme Camilla.

Sa grand-mère paternelle, c’tait Marie, duchesse régnante de Bourgogne. Dans c’te temps-là, le duché de Bourgogne était un grand territoire qui comprenait, en plus d’la Bourgogne en tant que telle (en France), une partie d’la Belgique pis des Pays-Bas.

Son grand-père paternel, c’tait Maximilien Ier, archiduc d’Autriche pis empereur du Saint-Empire.

Par son père Philippe, qu’on appelait « le Beau », Charles a hérité de toutes leux titres, sauf celui d’empereur du Saint-Empire – fallait être élu pour ça, mais, souvent, les princes-électeurs se cassaient pas trop l’bécique pis élisaient le fils ou le frère de l’ancien. Faique, à’mort de son grand-père Maximilien, Charles a été élu à sa place, vu que son père avait déjà passé l’arme à gauche.

(Là, faites-vous en pas si je vous garroche plein de noms d’même – vous êtes pas obligés de vous souvenir de toute, c’pas grave.)

L’empereur Maximilien, sa femme Marie, son fils Philippe, ses petits-fils Charles pis Ferdinand, pis Louis, roi de Hongrie, le mari d’la fille à Philippe – c’qui fout là, lui, on s’en reparle plus tard. On voit que les titres pis les territoires, c’tait pas la seule affaire qui se transmettait de génération en génération.

Sa grand-mère maternelle, c’tait Isabelle Ière, reine régnante de Castille. Son grand-père maternel, c’tait Ferdinand II, roi d’Aragon.

Donc, par sa mère, Jeanne Ière, qu’on appelait « la Folle » (pourquoi, je rentrerai pas là-dedans, c’t’une histoire en soi), Charles a hérité de la Castille pis de l’Aragon.

Mais, quand ses parents se sont mariés, c’tait loin d’être évident que Charles allait hériter de toute.

D’abord, Jean, le frère à Jeanne pis le prince héritier, est mort jeune, supposément parce qu’y avait trop baratté l’beurre avec sa nouvelle femme, mais y’a plus de chances que c’tait la tuberculose. Après ça, Isabelle, sa sœur plus vieille, est morte elle avec, pis son bébé garçon aussi.

Faique quand la reine Isabelle est partie arjoindre le p’tit Jésus, c’est Jeanne qui est devenue reine de Castille, pis Charles a co-régné avec elle jusqu’à sa mort.

Ferdinand d’Aragon, dans l’espoir de se fricoter un nouvel héritier doué de zouiz pour son royaume à lui, s’est armarié avec Germaine de Foix. Sauf que, à 63 ans, y’avait l’manche un peu mou, faique sa femme y’a fait faire une p’tite potion à base de gosses de taureau pis d’extrait de coléoptère. Malheureusement, l’apothicaire aurait raté le dosage, pis Ferdinand est mort empoisonné.

Et pouf! Charles s’est artrouvé roi d’Aragon.

Les grands-parents maternels à Charles Quint. Isabelle de Castille a l’air d’une maman dévouée mais au bord du burn-out; Ferdinand d’Aragon a l’air de ton chummy poteux qui squatte ton divan depuis 3 semaines « le temps de s’arvirer d’bord ». 

Bref, une fois toutes ses aïeux éteints, Charles V du Saint-Empire, ou Charles Quint, s’est ramassé avec un astie de tapon de territoires, y compris les colonies espagnoles en Amérique.

À c’t’heure, fallait qu’y s’arrange pour garder ça, pis les mariages allaient être au cœur de sa stratégie.

Pour mieux comprendre pourquoi, faut se d’mander à quoi ça sert, un mariage royal.

Premièrement – on peut pas passer à côté – ça sert à produire des héritiers, de préférence doués de zouiz. Dans un système héréditaire de même, y’avait rien de plus important.

Des fois, ça pouvait influer su’és décisions. Au départ, Charles Quint était censé marier sa cousine Marie Tudor, la fille à sa matante Catherine pis la future reine d’Angleterre, mais y’a changé d’idée parce qu’y voulait des d’héritiers au plus maudit, pis Marie, a l’avait juste cinq ans.

Deuxièmement, un mariage royal, ça sert à créer des alliances ou à les rendre plus fortes. Quand Charles Quint a fini par marier une autre cousine, Isabelle du Portugal, c’tait pas parce qu’y l’avait croisée une couple de fois dins partys d’famille pis qu’y’a trouvait cute, mais parce qu’une alliance avec le Portugal était ben d’adon pour l’Espagne. Vu que, dans c’tes années-là, les deux royaumes étaient après explorer pis coloniser à tour de bras, c’tait important qu’y s’accordent pis qu’y s’pilent pas su’és pieds. À part de ça, l’Portugal était riche en simonac; bref, c’tait mieux pour l’Espagne qu’y soye allié avec elle plutôt qu’avec, genre, la France.

Tin-Clin Dufour et sa cousine Floridâ, un portrait du bonheur conjugal.
(Charles Quint pis Isabelle de Portugal)

Avançons un ti-peu dans l’temps. À 55 ans, Charles Quint, malade pis tanné de courir partout, a abdiqué. Son frère Ferdinand Ier a ramassé les terres ancestrales des Habsbourg en Autriche pis a été élu empereur du Saint-Empire. Son fils Philippe II est devenu roi d’Espagne pis a ramassé toute le reste. À partir de c’te moment-là, les Habsbourg ont été séparés en deux branches : la branche espagnole pis la branche autrichienne.

C’est là qu’on voit que renforcer des alliances, c’est pas yinque avec les étranges. Ça peut être en dedans d’une même famille. Icitte, fallait éviter que les deux branches s’écartillent complètement pis aient pu les mêmes intérêts, pis la stratégie avait commencé ben avant l’abdication à Charles : Maximilien II, le garçon à Ferdinand, avait marié Marie, la fille à Charles.

Phillipe II, le fils à Charles, s’est marié quatre fois :

  1. avec Marie-Manuelle, sa double cousine portugaise (son père à lui pis sa mère à elle étaient frères et sœurs, pis sa mère à lui pis son père à elle aussi);
  2. avec Marie Tudor (la même que son père avait failli marier);
  3. avec Élizabeth de Valois, une princesse française;
  4. avec Anne d’Autriche – nulle autre que sa nièce, la fille à sa sœur Marie pis à son cousin Maximilien II. C’est avec elle qu’y a fini par produire son héritier doué de zouiz, le futur Philippe III.
Beau comme un prince : Philippe II d’Espagne

Quand sa quatrième femme est morte, Philippe a voulu s’armarier avec sa sœur à elle, qui avait yinque 14 ans. Su’l ch’min de l’Espagne pour ses noces, la p’tite a faite « fuck non » pis est entrée en religion.

Bravo, ma belle. J’aurais faite pareil.

Là, si l’cœur vous lève un peu, vous êtes pas tu’seuls. Mais, ça fait yinque commencer.

Troisièmement, un mariage royal, ça sert à garder la richesse dins mains d’la même p’tite gang de privilégiés.

Quand des monarques négociaient un mariage entre leux arjetons, c’tait pas yinque, ma fille marie ton gars, une poignée de main, c’est ça qu’y est ça. Nenon. C’tait un échange à pu finir de propositions pis de contre-propositions :

« Faique toé tu m’donnes un boutte du Tyrol pis moé ch’te donne un coin de Sicile, avec tel motton d’argent, tu donnes deux-trois fiefs à ma fille pour ses p’tites dépenses, pis moé ch’t’aide à taper su’és Ottomans aux frontières… »

Des fois, ça servait à régler des conflits, mais en temps de paix, les deux parties finissaient souvent ni plus riches ni moins riches qu’avant. Ça montre que c’tes tractations-là étaient pas tant un moyen de s’enrichir, mais plus du WD-40 pour alliances diplomatiques.

L’affaire, c’est que ça marchait yinque quand les mariés avaient l’même rang social. Fallait pas – horreur – qu’un mariage inégal fasse passer d’la richesse dins mains de des ROTURIERS.

Ark!

Y’a juste à voir la réaction à Ferdinand Ier quand son p’tit darnier, Ferdinand Junior, est tombé en amour avec une femme d’la bourgeoisie, l’a mariée en secret pis a eu deux p’tits gars avec :

« Voir si j’vas laisser le moindre ti-boutte du motton des Habsbourg aller à des pas propres! Heille, des affaires pour qu’y s’enflent la tête pis s’prennent pour des princes! Ça commence par une, pis dans pas long toute la racaille va nous garrocher ses filles à marier! L’ordre social au complet va crisser l’camp! »

Faique Ferdinand Junior a dû garder son mariage secret, arnoncer à toute succession pour ses gars pis faire semblant de les « trouver » en avant d’la porte d’entrée comme deux chatons abandonnés, en échange de quoi son père s’est engagé à y verser une rente pour pas qu’y crèvent de faim.

Le genre d’affaire qui a aucun sens dans notre logique d’à c’t’heure.

Le meilleur moyen de garder la richesse toute à’même place, ça reste de s’marier le moins possible avec du monde d’en dehors, c’que les Habsbourg ont faite à la perfection.

À’génération suivante, Philippe III d’Espagne s’est marié avec Marguerite d’Autriche-Styrie, sa petite-cousine ET cousine germaine éloignée au premier degré. Dans l’doute, argardez l’arbre, c’est ben plus clair de même.

Ensemble, y’ont eu huit enfants, dont l’héritier Philippe IV pis l’infante Marie-Anne.

Marie-Anne, a s’est mariée avec Ferdinand III du Saint-Empire, son cousin, lui-même fils de l’empereur Ferdinand II pis de Marie-Anne de Bavière, sa cousine ET cousine germaine éloignée au premier degré.

Après ça, sa fille à elle, aussi appelée Marie-Anne, s’est mariée avec Philippe IV d’Espagne, son cousin PIS son mononcle en MÊME TEMPS.

Simonac, gang. Le ciboulot m’chauffe.

Finalement, quand on conclut un mariage royal, faut pas yinque penser à c’qui s’passe dans l’moment; faut aussi voir loin dans l’avenir. J’vous donne un exemple.

Tsé, le gars qui avait pas rapport dans l’portrait tantôt, pis j’ai dit que j’vous en reparlerais?

Menute.

J’vous rappelle, Louis II de Hongrie, y’était marié avec Marie, la petite-fille à Maximilien Ier. Y’était aussi le beau-frère à Ferdinand Ier, qui lui était marié avec sa sœur Anne. En gros, si y’a été mis dans l’portrait d’la belle-famille, c’tait pour la propagande, du genre :

« Ah ouais, le p’tit Louis, on l’aime assez! Y’é d’la famille! Ses affaires, c’est nos affaires! »

Mais, pourquoi beurrer aussi épais?

Quand Louis II de Hongrie est mort nèyé en prenant une fouille dans sa grosse armure pesante tandis qui s’sauvait des Ottomans à la bataille de Mohács, comme y’avait ni enfants ni frères, Maximilien Ier a r’vendiqué la couronne de Hongrie au nom de sa p’tite fille Marie, la veuve à Louis, PIS au nom d’Anne Jagellon, sa bru pis la sœur à Louis.

Voyez-vous l’coup double, là? Maximilien Ier avait commencé à préparer ça avant même que Louis vienne au monde! Ben sûr qu’y pouvait pas savoir si Louis allait mourir jeune, mais c’tait un coup de dés qui a payé : au boutte de pas mal de crêpage de chignon, le royaume de Hongrie est allé aux Habsbourg, qui l’ont gardée pendant des siècles après ça.

C’qu’on comprend de ça, c’est que mettons que t’étais un monarque, tu pouvais arvendiquer la succession à ton gendre si sa lignée était éteinte.

L’inverse était aussi vrai : si TA lignée à TOÉ s’éteignait, ben là c’est la belle-famille qui pouvait arvendiquer ta succession au nom à ta fille, pis là t’avais des étranges su ton trône.

C’est l’genre de passe que tu veux pas te faire faire.

Alors, encore une fois, le meilleur moyen d’éviter ça, c’est de s’marier en famille, hein?

Sauf que là, la Stratégie Habsbourg contre l’ingérence étrangère allait carrément s’arvirer contre eux autres.

Là où on a laissé la branche espagnole, Philippe IV d’Espagne avait marié sa cousine ET nièce Marie-Anne d’Autriche.

Ça pouvait juste pas faire des enfants forts : y’en ont eu 5, pis y’en a trois qui sont morts au berceau.

Leu plus vieille, Marguerite-Thérèse, s’est rendue à l’âge adulte pis a marié – icitte, m’as faire une p’tite pause avec un gros soupir – Léopold Ier du Saint-Empire, son oncle PIS son cousin EN MÊME TEMPS.

Y’ont eu quatre enfants, pis y’en a trois qui sont morts au berceau. Marguerite-Thérèse elle-même est morte à 21 ans.

L’autre enfant survivant à Philippe IV d’Espagne pis à Marie-Anne d’Autriche, c’tait Charles II d’Espagne.

Mettons que tu voulais faire une affiche du ministère d’la Santé pis des Services sociaux pour avertir le monde des dangers de la consanguinité, ben c’est sa face que tu mettrais dessus.

Y’avait d’la misère à marcher. Y’avait d’la misère à parler. Y’avait d’la misère à manger. Y bavait partout. Y saignait du nez. Y faisait des crises d’épilepsie. Y’avait des hallucinations pis des migraines. Y’a jamais eu sa puberté, faique y’était stérile.

Y’était tellement magané qu’on l’appelait « l’Ensorcelé ». Parce que son état avait AUCUNE autre explication que la sorcellerie pis la possession démoniaque. Voyons don!

Quand y’ont faite des tests d’ADN su lui des siècles plus tard, y’ont découvert qu’y était aussi consanguin que si ses parents avaient été frère et sœur.

Y’était littéralement un cul-de-sac génétique.

Y’é mort à 37 ans, pas d’héritier, pas de frères ni de sœurs, ni mononcle du bord à son père. La branche espagnole des Habsbourg était officiellement éteinte.

Les vautours avaient commencé à virer autour de lui pis d’l’Espagne ben avant ça, par’zempe : y’était même pas encore mort que la France, l’Angleterre pis les Pays-Bas étaient déjà après décider entre eux autres qui allait prendre quel boutte de ses territoires. Pis ça, c’tait sans compter Léopold Ier du Saint-Empire, qui était sûr de toute ramasser vu qu’y était le mononcle ET le beau-frère à Charles.

Entécas, à c’t’heure que Charles II était parti trouver ses ancêtres, le free-for-all allait éclater pour de vrai : c’tait le début de la guerre de succession d’Espagne.

D’un bord t’avais, ben sûr, Léopold, qui arvendiquait au nom à sa femme Marguerite-Thérèse, morte depuis 27 ans, avec dans l’idée de donner l’trône espagnol à son fils qu’y avait eu avec sa troisième femme.

De l’autre, t’avais nul autre que Louis XIV de France, qui arvendiquait au nom à sa femme Marie-Thérèse, la demi-sœur à Charles II, pour donner le trône à son p’tit-fils le duc d’Anjou.

Après 13 ans de guerre, c’est la France qui a gagné, le duc d’Anjou est devenu le nouveau roi d’Espagne, pis ses descendants règnent encore aujourd’hui.

Faique voilà : après avoir passé deux cents ans à essayer de toute garder dans’famille, les Habsbourg se sont ramassés drette dans la situation qu’y voulaient éviter : avec un étrange su leu trône.

À force de trop vouloir toute contrôler, y se sont auto-empissettés; là où y’ont voulu imposer leu volonté, la nature a fini par les rattraper.

N’empêche que Ti-Clin Dufour, lui, y’aurait pu s’forcer pour aller s’charcher une femme une couple de rangs plus loin. 


Source : Paula Sutter Fichtner, « Dynastic Marriage in Sixteenth-Century Habsburg Diplomacy and Statecraft: An Interdisciplinary Approach », The American Historical Review vol. 81, No. 2 (Apr., 1976), pp. 243-265.

Wikipédia pour les p’tits détails (ben oui, Wikipédia ça s’utilise, faut juste se sarvir de sa jugeotte pis pas toute prendre pour du cash)

Vincenzo Gonzaga : quand ta bizoune est une affaire d’État

Heille, gang? Ça vous tente-tu d’entendre parler d’la bizoune de Vincenzo Ier Gonzaga, duc de Mantoue pis de Monferrat?

Avant de répondre « Ark! Non! Voyons don, Matante Poêle, t’es-tu débarquée de tes pentures? », attendez deux secondes! La bizoune en question, a l’a toute une histoire : a l’a été r’gardée, tâtée, mesurée, testée en laboratoire pis su’l terrain, toute au nom d’la raison d’État. Parce que, pour la noblesse européenne du 16e siècle, bander mou, c’tait politique. 

ATTENTION : Y va sans dire qu’on va parler de bizounes dans l’détail. BEN dans l’détail. Faique si les bizounes vous écœurent, vous devriez pas aller plus loin. Vous pourrez pas dire que j’vous ai pas avertis!  

Toute a commencé en 1583 par l’annulation du mariage de Vincenzo, 21 ans, avec Margherita Farnese, 16 ans, la fille du duc de Parme. 

Ça faisait deux ans que Vincenzo essayait de consommer son mariage avec Margherita, mais… ça rentrait pas. Ça rentrait juste pas. 

Les docteurs argardèrent ça, pis y conclurent que les parties d’la pauvre Margherita étaient impropres aux relations conjugales, supposément à cause d’un boutte de chair qui bloquait l’chemin. 

Y’en a qui proposèrent de l’opérer : 

« J’ai lu queque part qu’y a un docteur arabe qui a réussi de quoi d’même, une fois! Mais… ça s’pourrait qu’a meure, par’zempe. »

Un professeur d’anatomie, que la famille Gonzaga avait faite v’nir de l’Université de Padoue exprès pour examiner la fille, avait sa propre suggestion : 

« On pourrait essayer d’élargir l’antichambre de Madame en y rentrant des cônes de plus en plus gros, jusqu’à ce qu’on arrive à la grosseur d’la verge ducale. » 

Là, on va régler ça une bonne fois pour toutes : un vagin, ÇA LOUSSE PAS AVEC L’USAGE. C’T’UN MUSCLE. 

Faique c’t’idée-là prit rapidement l’bord – énéwé, la pauvre Margherita hurlait de douleur chaque fois qu’on essayait d’y faire ça. 

Mais là, les Farnese – la famille à Margherita –, y voyaient ça aller, pis y’étaient pas contents. Si le mariage était annulé :

  1. ça s’rait pas bon pour leu réputation;
  2. Margherita s’en irait au couvent;
  3. y perdraient toutes les avantages qui v’naient avec le mariage.

Voyant que le ton montait, le pape Grégoire XIII envoya le cardinal Carlo Borromeo – le futur saint Charles Borromée, en passant – régler la chicane, vu qu’y était respecté autant par les Gonzaga que par les Farnese. 

Faique le cardinal fit venir au moins 15 personnes de partout en Italie – docteurs, chirurgiens, dames de compagnie, bonnes sœurs – pour qu’y examinent les parties du couple. 

Y comparèrent les tréfonds à Margherita à ceux de quatre vierges certifiéesᴹᴰ autour du même âge qu’elle, qui avaient accepté de servir de vagins de référence en échange d’une dot pour se marier. 

Les docteurs pis les chirurgiens tchéquèrent l’érection à Vincenzo, la mesurèrent pis la comparèrent avec l’avenue royale à Margherita.

Finalement, fallut s’rendre à l’évidence : comme les voies du Seigneur, Margherita était impénétrable. 

Le cardinal Carlo Borromeo convainquit Margherita d’entrer au couvent; franchement, avoir été à sa place à elle, j’aurais été contente d’aller dans une place où, présumément, on m’laisserait la bourzaille tranquille pour l’restant d’mes jours. 

L’mariage fut annulé pas longtemps après. 

À c’t’heure, Vincenzo était libre de s’trouver une nouvelle femme plus, euh… ouverte. 

Pour ça, y s’armit à r’garder du côté d’Eleonora de Médicis, qu’y avait failli marier, mais qu’y avait mise de côté parce que la dot à Margherita était plus grosse. 

L’affaire, c’est que les Farnese avaient jamais digéré la répudiation d’leu fille; pour se venger, y répandirent des rumeurs comme de quoi c’tait pas Margherita le problème, c’tait Vincenzo qui bandait mou! 

Ben vite, des tavernes au bureau du pape en passant par les bordels pis les palais, tout l’monde avait entendu parler des supposés problèmes de couchette à Vincenzo. Mais, pour notre futur duc – son père était encore en vie à c’te moment-là –, le problème s’arrêtait pas là : à l’époque, un homme mou d’la fourche était considéré comme mou dans toutes les autres aspects de sa vie. Si les rumeurs continuaient, pu parsonne le prendrait au sérieux. Ça pourrait y nuire à lui, ça pourrait nuire à sa famille, pis ça pourrait nuire à son duché au complet. 

Faique avant de conclure le contrat d’mariage entre Vincenzo pis Eleonora, le grand duc Francesco Ier de Médicis, le père d’la fille, mit une condition : 

« Que le fils du duc Gonzaga fasse la démonstration, une bonne fois pour toutes, qu’y est capable de consommer un mariage avec une jeune vierge. »

Non, mais ça d’vait-tu être HUMILIANT pour Vincenzo, un peu? Sa bizoune allait faire l’objet d’une procédure hyper rigoureuse à plusieurs étapes, supervisée par l’Église pis documentée comme une poursuite au civil, tandis que toute l’Italie suivrait l’affaire, crampée raide, avec un plat d’popcorn. 

En premier, on suggéra que Cesare d’Este, un grand chum à Vincenzo avec qui y faisait les 400 coups, déclare sous serment que le futur duc de Mantoue était parfaitement capable de performer avec une vierge. Y’était ben placé pour en témoigner, parce que, voyez-vous, avant les rumeurs, Vincenzo avait une réputation de courailleux infatigable, pis Cesare avait souvent été aux premières loges de ses exploits. 

Faique Cesare signa un affidavit en deux copies qui fut envoyé chez les Médicis pis chez le pape. Ça disait :

« Je jure pis j’affirme que Son Altesse peut avoir une érection comme n’importe quel autre gars pis qu’y peut se servir de son érection avec n’importe quelle femme, qu’a soye vierge ou non, aussi facilement que n’importe quel autre gars. »

Mais tsé, ça valait c’que ça valait. Les Médicis étaient pas convaincus pis voulaient d’autres preuves.

La grosse question, c’tait : y’avait-tu un problème avec la bizoune à Vincenzo? 

Pour répondre à ça, les docteurs y firent passer une série d’tests qui t’naient plus du génie mécanique que d’la médecine. 

Par exemple, y lui d’mandèrent de s’monter en graine pour vérifier si son érection pouvait tenir un « poids raisonnable ». Y lui d’mandèrent aussi de pousser avec contre la paume d’une main pour voir si, vraisemblablement, y’avait assez de force pour défricher l’champ d’fraises d’une demoiselle. 

Y firent aussi une réplique de l’instrument à Vincenzo, qu’y purent taponner à loisir pour s’assurer qu’y était pas déformé.

L’histoire dit pas c’qui arriva au proto-dildo ducal par après. 

Après toute ça, y fut conclu que le salami d’Gênes du prince marchait comme un charme. J’en connais un qui d’vait être soulagé.

Malheureusement, c’tait toujours pas assez pour les Médicis : y voulaient un test en conditions réelles. 

Mais quelles conditions, exactement? 

Les négociations furent aussi serrées qu’au renouvellement d’une convention collective d’la FTQ-Construction. 

Les familles réussirent quand même à s’entendre su c’tes points-là : 

  • Vincenzo devrait prouver, devant témoin, qu’y était capable de déflorer une vierge. 
  • La vierge en question – d’une classe sociale inférieure, ben crère – s’rait choisie avec soin; Vincenzo avait d’mandé qu’a soye d’une bonne famille, pas trop jeune ni trop vieille, pis pas trop laitte.
  • La virginité de l’heureuse élue s’rait vérifiée par un docteur pis une sage-femme. Après, la fille resterait embarrée dans sa chambre jusqu’au moment du test.
  • La démonstration se passerait dans une villa de Venise appartenant aux Médicis, sous la surveillance de Belisario Vinta, un gars à leu service, qui aurait l’droit de « r’garder pis de toucher avec ses mains autant que possible ».
  • En contrepartie de devoir faire sa démonstration « à l’étranger », Vincenzo aurait droit à plusieurs essais s’une période de 24 heures, pis le temps compterait yinque quand y s’rait dans la chambre avec la fille.
  • Pour entrer dans la chambre, y devrait porter yinque sa jaquette pis sa robe de chambre, pis Belisario Vinta devrait le fouiller pour s’assurer qu’y apportait juste son « instrument naturel ». 

Là on rit, mais faut quand même le dire : c’t’absolument épouvantable pour la pauvre fille. Maginez, vous-autres-là, que vous êtes une orpheline avec presque aucune chance de vous marier (donc, à l’époque, presque aucune chance d’avancer dans’vie), pis là, y’arrive un bonhomme louche qui vous demande : 

« On pourrait-tu utiliser votre trou pour une esspérience? En échange, on va vous trouver une dot pis un mari pas trop r’gardant… » 

C’est déshumanisant, c’est dégueulasse, pis c’est de l’exploitation pure. Toute ça avec le OK de l’Église. Blark. 

Vinta fit l’tour des orphelinats de Florence pis y finit par trouver une dénommée Giulia, « 21 ans, grande, avec un beau teint, ni grosse ni maigre, un peu gênée, mais avec une bonne tête, faique on devrait être bons pour l’entraîner ».

Re-blark. 

Une fois sa virginité certifiéeᴹᴰ, Giulia fut emmenée à Venise, escortée par une gardienne. 

Tout guilleret, Vincenzo arriva queques jours d’avance pour sa démonstration. Quand y vit Giulia, y dit : 

« Heille, pas pire! J’y sauterais d’ssus drette là! »

Mais, on y dit de s’calmer l’pompon parce que la fille était menstruée, pis que le lendemain c’tait vendredi, pis c’tait pas un bon jour pour copuler à cause d’la religion.

Trois jours plus tard, c’tait enfin l’heure de vérité. Sauf que… ben, une maudite chance pour Vincenzo qu’y s’tait négocié plusieurs essais. 

Après l’avoir inspecté, Vinta s’en alla dans la pièce à côté le temps qu’y fasse ses affaires. 

Sauf qu’y entendit rien pendant un long boutte; pis tout d’un coup, Son Altesse sortit d’la chambre en filant comme une balle, en s’tenant l’ventre pis en criant : 

« M’as être malade tabarnak m’as être malade! »

Selon le rapport à Vinta, au souper, Vincenzo se s’rait bourré la face dins huîtres – vu que les huîtres ont supposément un effet aphrodisiaque, ça compte-tu pour du dopage, ça?

Une fois rendu au lit avec Giulia, y’aurait été pogné d’un endormitoire du yâble, pis y se s’rait réveillé avec la chiasse. 

Le futur duc perdit pas d’temps : y sauta dans sa gondole pis clancha vers sa résidence vénitienne pour se faire faire un lavement à l’huile d’amande douce.

Quant à Giulia, Vinta pis la gardienne vérifièrent si a l’était encore vierge, pis, c’tait clair que le prince s’tait pas trempé l’goupillon dans son bénitier.

Chez les Gonzaga, on capotait pis on criait au maléfice. C’tait de la sorcellerie! C’tait sûr! Y’avait pas d’autre explication! 

Tandis que Vincenzo s’armettait de son va-vite, on pria pour lui pour chasser l’mauvais sort pis on y prépara des remèdes – on sait pas quoi exactement – pour l’aider à performer quand y’allait se réessayer. 

Faique quand y s’arpointa à la villa des Médicis, quatre jours plus tard, Vincenzo était gonflé à bloc : 

« Tonight zde night, bebé! »

Y déshabilla Giulia, se fit inspecter par Vinta, pis tiguidou rail’trou. 

Ça faisait pas quinze menutes que Vinta attendait l’autre bord d’la porte qu’y entendit Son Altesse l’appeler : 

« Heille Vinta! Viens icitte! Chus d’dans! Touche, tu vas voir! » 

Drette là, Vinta aurait de loin préféré rentrer dans l’plancher plutôt que dans c’te chambre-là, mais y’avait une mission à accomplir. 

Y s’rendit donc jusqu’au bord du lit pis tâta pour vérifier que toute était plogué comme faut aux places qu’y fallait. Toute avait l’air beau. 

« Bon, faique à c’t’heure que t’as touché pis qu’t’es convaincu, sors d’icitte pis laisse-moé finir. »

Mais, même si Vincenzo partit de d’là certain d’avoir scoré comme Jean Béliveau, le lendemain matin, le dossier était toujours pas réglé. 

Quand Giulia se fit examiner par Piero Galletti, un chirurgien au service des Médicis, a dit qu’a l’était pas sûre si a l’était vraiment pu vierge : 

« Ben… yé v’nu, ça c’tait clair, mais… Ch’comme pas sûre qu’y est rentré au complet? »

Faique Galletti alla, encore une fois, inspecter le set de clefs du futur duc. Mais, comme y’était pas dur à c’te moment-là, le chirurgien écrit dans son rapport qu’y avait pas d’preuve irréfutable de son aptitude au labour.

Le jour d’après, par’zempe, Vincenzo fit v’nir Galletti dans sa chambre : 

« Gâ! Gad’ça comme c’est beau! » 

Vincenzo était couché su son litte, la jaquette ouverte, la rosette de Lyon glorieuse, ben dressée vers les cieux. 

« Aweille, touche, tu vas voir. » 

(Montrez pas c’te boutte-là au monde sans l’contexte, sivouplaît – on dirait vraiment un début d’film de fesses.)

Non content d’avoir ébloui le chirurgien des Médicis avec sa bizoune « dure comme un fuseau, ben drette, assez grosse mais pas trop, pis parfaitement proportionnée », le soir, Vincenzo rendit une troisième visite à Giulia. 

C’te fois-là, y’avait pu d’doute. Quand Galletti vint faire son debriefing avec la fille, a dit : 

« Ah, là ch’peux vous dire que chu pu vierge. 100 % pu vierge. »

Après ça, on perd la trace de l’héroïque Giulia. J’ose espérer que les promesses qu’on lui avait faites ont été respectées, mais ça doit : après toute, si les Gonzaga avaient dompé la pauvre fille pu d’honneur pu rien après l’avoir utilisée d’même aussi publiquement, ça se s’rait su pis ça aurait mal paru. J’souhaite de toute mon cœur qu’a se soye trouvé un bon mari fin pis qu’a l’a faite une belle vie après ça. 

Quant à Vincenzo, sa virilité prouvée de façon éclatante, y put enfin marier Éleonora de Médicis. Y’eut six enfants avec elle pis continua de courir inlassablement la galipote. 

Pis j’ai une dernière tite pépite croquante pour vous-autres : à la mi-quarantaine, quand y commença à mollir du fudgscicle, y’envoya un apothicaire en Amérique du Sud au péril de sa vie pour y trouver un remède miracle. Malheureusement, quand l’apothicaire arvint en Italie, le duc de Mantoue et de Monferrat avait déjà passé l’arme à gauche. 

Bref, détenteurs de bizounes, si vous avez des ennuis mécaniques au lit, réjouissez-vous : au moins, c’est pas une affaire d’État.


Source : Bourne, Molly (2016). «Vincenzo Gonzaga and the Body Politic: Impotence and Virility at Court ». Dans Matthews-Grieco, Sara F. (ed.). Cuckoldry, Impotence and Adultery in Europe (15th-17th century). Routledge.

Opération minou acoustique

Un chat, c’pas comme un chien, tsé, C’est fin pis c’est doux pis c’t’affectueux, un chat – j’adore c’tes p’tites bêtes-là! Mais au final, ça f’ra pas du rouli-roulant d’boutte su’é pattes d’en arrière en jonglant avec des ballounes pour te faire plaisir. Un chat, ça fait c’que ça veut, quand ça veut.

C’t’évident pour n’importe qui qui a passé plus que cinq menutes avec un minou. Mais pas pour les agents d’la CIA dins années 1960, ça d’l’air.

Faut dire que dans c’temps-là, c’tait pas mal wild. On était en pleine guerre froide, pis pour les États-uniens, y’avait rien de trop broche à foin ou de trop tiré par les ch’feux pour prendre le dessus su’é communisses.

L’nerf d’la guerre, ben sûr, c’tait le renseignement. Tout l’monde était toujours après écouter tout l’monde.

L’écoute téléphonique, ça marchait pas pire. Mais comme y’a pas yinque c’qui s’disait su’é lignes qui était intéressant, les agents d’la CIA ont commencé à s’essayer avec des micros cachés.

Le problème, c’est que les micros de l’époque étaient pas vargeux : y pognaient toutes les sons dans une pièce. Mettons que t’en plaçais un d’une salle à manger pis que l’monde que t’espionnais s’faisaient une bonne bouffe, t’entendais quasiment plus les bruits d’vaisselle que c’qui se disait autour d’la table.

Une fois, la CIA a caché un micro dans une craque de divan dans l’appart d’un diplomate chinois en France. Sauf que dès que quequ’un s’assisait, les agents d’surveillance dans leu panel l’autre bord du ch’min entendaient pu yinque des grincements d’arssorts. Pire encore, le diplomate en question aimait ben s’ramener des p’tites pitounes françaises chez eux pis, de toute évidence, trouvait que l’divan faisait mieux qu’le litte pour ses activités de… « sensibilisation culturelle ».

Ouin. Pis vous-autres, votre job?

Fallait donc améliorer les micros pour qu’y soyent capables de mieux filtrer les sons. Mais tandis que les ingénieurs s’creusaient le ciboulot, fallait ben que les agents d’surveillance fassent de quoi.

Un jour, pendant qu’un gars qu’y surveillaient jasait stratégie avec ses adjoints, les agents armarquèrent que des chats rentraient pis sortaient d’la place sans que parsonne s’en occupe vraiment.

Faique y’a un agent qui eut une idée :

« Mettons qu’on mettait un micro DANS un chat pis qu’on le dressait pour qu’y écoute la voix du monde? »

C’est d’même qu’est née « l’Opération minou acoustique »!

En gros, le plan, c’tait de dresser l’chat, de l’ouvrir, d’y mettre une batterie dans l’chest, un implant dans l’oreille pis un émetteur dans l’chignon du cou, d’y passer un fil dans l’poil pis une antenne dans’queue, pis voilà! Un minou cyborg espion à’fine pointe d’la technologie.

Incroyablement, l’idée passa au conseil – comme j’vous ai dit, c’tait wild, dans c’tes années-là.

Faique aussitôt, y s’ramassèrent un matou qui, sans l’savoir, allait devenir « Le chat de 6 millions », comme à’tévé.

Y dressèrent donc le chat pour qu’y s’assise tranquillement pis écoute le monde jaser. Après, y l’endormirent pour y poser toutes les gréements électroniques pis commencèrent à faire des tests.

Mais c’qui d’vait arriver arriva : minou était ben entraîné, mais dès qu’y spottait un moineau, de quoi qui avait une senteur intéressante ou bedon une minoune qu’y trouvait de son goût, toute prenait l’bord pis les agents pardaient l’contrôle. 

Tsé, c’t’un CHAT. Entre vous-autres pis moé, y s’attendaient à quoi?

Faique y l’rouvrirent pis y lui posèrent d’autres fils qui étaient censés y couper les envies pis l’empêcher de lâcher la job. Comment ça marchait, fouillez-moé.

Là, vous d’vez vous dire que c’est cruel, c’t’affaire-là, pis vous avez ben raison. Si PETA avait existé dans c’temps-là, y se s’raient ben toutes mis tout nus en avant d’la bâtisse d’la CIA. Mais ça a d’l’air qu’à part le faite de, tsé, avoir été opéré, le chat avait pas mal pis était pas dérangé par toute son bataclan. Les agents avaient faite ben attention, mais pas tant pour le bien-être du chat que pour s’assurer qu’y s’mettrait pas à s’griffer pis à s’mordre pour s’enlever ça pis qu’y endommagerait pas le matériel.

C’est don fin.

Toujours est-il qu’après des mois de dressage pis de tests, les agents d’surveillance décidèrent que c’tait l’temps pour la première mission du chat. Faique y l’embarquèrent dans leu panel avec toute le matériel pis s’en allèrent à côté d’un parc, où des espions soviétiques étaient après s’passer des valises.

Y parquèrent le panel, ouvrirent la porte, lâchèrent le chat, pis…

SPLAT. Effoiré par un taxi drette en débarquant.

Notre matou cyborg fut l’seul de sa sorte, parce que la CIA décida de farmer le projet en 1967. Toute ça pour ça.

Si on est au courant de c’t’histoire-là, c’est qu’en 2001, une trâlée de documents d’la CIA ont été déclassifiés, dont une note de service intitulée « Opinions sur les chats dressés ».

Y’a des gros bouttes de textes qui avaient été enlevés, mais à la fin, ça dit en gros que « c’est possible d’entraîner un chat à aller à des places à courte distance, mais à cause de l’environnement pis des conditions de sécurité dans une situation réelle à l’étranger, ça serait juste pas pratique ».

BEN QUINS!

Avant de s’mettre en frais pis de martyriser un pauvre matou qui avait rien faite au Bon Dieu, y’auraient pu d’mander à moé, à elle, à la Mère Michel : yinque à voir, on voit ben qu’un chat, ça f’ra toujours yinque à sa tête.


Sources :
Jeffrey T. Richelson, The Wizards of Langley : Inside the CIA’s Directorate of Science and Technology, 2008.
Tom Vanderbilt, « The CIA’s Most Highly-Trained Spies Weren’t Even Human », Smithsonian Magazine, octobre 2013.


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Une chaise roulante su l’autoroute pis un empereur s’un chevreuil

Heille, aujourd’hui j’ai un p’tit 2 pour 1 à vous conter. Une première affaire, pis une autre affaire à laquelle la première affaire m’a faite penser.

J’ai vu ça l’autre jour : c’est l’histoire d’un gars qui s’appelait Ben Carpenter. Un m’ment’né, y traversait la rue en chaise roulante. En même temps, y’a une grosse van qui est sortie d’la cour d’un poste de gaz. Quand la lumière est virée verte, Ben avait pas fini de traverser l’chemin. Sauf que l’chauffeur d’la van savait pas qu’y était là parce qu’y était trop proche pis trop bas pour qu’y l’voye. Faique, comme on fait d’habitude quand la lumière est verte, y’a pesé su’a pédale à gaz. 

Ben aurait pu finir effoiré drette là! Mais la van est partie lentement, pis au lieu de passer su’a chaise, a l’a juste poussée pis faite tourner jusqu’à c’que Ben soye complètement dos à la van. Là, les poignées d’la chaise sont restées prises dans’grille d’la van… Pis c’tait le début d’une cristie d’raille. 

Tu’suite après avoir passé la lumière, la van est embarquée su l’autoroute. 

Ben, lui, était encore en avant d’la van comme une figure de proue après un bateau! Y flyait à 60 milles à l’heure, lui-là, pas d’winshire, sûrement une couple de mouches entre les dents, à capoter sa vie. Une chance qu’y avait une ceinture de sécurité! 

L’monde dins chars ont vu ça aller, faique y’ont appelé la police. Au début, au 911, y pensaient que c’tait une joke, mais quand ça a faite 38 appels qui disaient la même affaire, y’ont décidé de prendre ça au sérieux. 

Finalement, deux polices ont réussi à rattraper le chauffeur d’la van pis y’ont dit : 

« Heille! Arrête! Y’a un gars en chaise roulante pogné dans’grille de ta van! »

Le chauffeur creyait pas à ça pantoute, mais quand y’est allé voir, ben ça parle au maudit, y’avait vraiment un gars en chaise roulante pogné dans’grille de sa van!

La preuve que j’vous conte pas de menteries!

Ben était en un seul boutte – un vrai miracle. Les tires de sa chaise roulante était finis raides, par’zempe. Pis quand les polices y’ont d’mandé si y’était correct, y’a yinque répondu, avec un ti filet d’voix : 

« J’ai renvarsé ma liqueur. » 

Toute est bien qui finit bien. Mais c’t’affaire-là, ça m’a faite penser à une autre raille d’enfer qui a pas eu une aussi bonne fin : celle à Basile 1er, empereur byzantin. 

Lui, c’tait un paysan né en Macédoine pis, à ce qu’on dit, une belle pièce d’homme aussi. Ça a d’l’air qu’y était grand pis large de poitrine pis d’épaules, avec des grands yeux, un monosourcil pis « un air un peu débiné ». Messemble d’y voir la face. 

Entécas, Basile avait l’tour de s’mettre chummy avec du monde de plus en plus puissant, pis c’est d’même qu’y a fini par se ramasser su’l trône de l’empire byzantin en l’an 867. En assassinant Michel, l’empereur qui était là avant. Qui était aussi son ami. Pis p’t’être son amant, on n’est pas sûrs. Pis fort probablement l’pére de ses garçons Léon pis Étienne, parce que la femme à Basile, Eudocie, était la maîtresse à Michel depuis des années, pis quand est tombée enceinte, Michel voulait pas que le flo soye un bâtard, faique y’a marié Eudocie à Basile en tassant la femme que Basile avait déjà. 

(Pis après, Michel a continué à coucher avec Eudocie, pis y’a dit à Basile : « Quins mon homme, pour ton p’tit service, v’là ma sœur, je l’ai sortie drette du monastère pour qu’a t’serve de maîtresse. »)

Ouf. 

Les Feux de l’amour pis l’Trône de fer ont rien inventé.

Entécas, peu importe comment Basile avait abouti avec la couronne impériale su’a tête, y paraît qu’y’a faite un bon empereur, pis y’a régné pendant 20 ans. 

Une bonne fois, quand y’était rendu vieux, Basile est allé chasser l’chevreuil pour se changer les idées. 

Un m’ment’né, y’a cru n’avoir tué un, faique y’est allé voir de proche. Sauf que là, la bête a r’troussé comme un yâble! Fouillez-moé comment, mais les bois du chevreuil ont pogné dans la ceinture à Basile, pis l’chevreuil est parti à’course en l’traînant comme une catin en guénille. SU 20 KILOMÈTRES.

J’vous fais des beaux ti dessins, hein?

Hier, j’ai conté ça à Mononc’Poêle, pis y cré pas à ça, lui, un chevreuil qui traîne un gars loin d’même. Un buck argnal peut-être; pas un chevreuil. Mais tsé, c’t’une histoire de chasse, pis quand on y pense, c’tes affaires-là ont tendance à enfler au fur à mesure qu’on les conte pis qu’on les arconte. 

Toujours est-il que l’pauvre Basile battait encore après l’flanc du chevreuil comme une vieille sacoche accrochée par la ganse quand un de ses serviteurs est arrivé pis a réussi à couper sa ceinture.  

L’empereur était sauvé – poqué, mais vivant. 

Faut savoir que vers la fin de sa vie, Basile était rendu pas mal parano : y’était sûr que son fils-pas-fils Léon voulait l’assassiner pour venger son pére-pas-pére Michel. Faique au lieu de couvrir son sauveur de pièces d’or, y l’a faite exécuter pour tentative de meurtre su sa personne. Quins! Ça y’apprendra, au serviteur, à être loyal pis courageux. 

L’empereur a été ramené au palais pis là, ses blessures ont commencé à s’infecter. Y’est mort de fièvre queques jours après – une fin flyée pour une vie complètement pétée. 

Le Balloonfest’86 : quand l’enfer est pavé… de ballounes

Y’a-tu quequ’un qui aime pas les ballounes? C’est comme des belles cerises en plastique de toutes sortes de couleurs, toutes rondes pis toutes joyeuses; y peuvent exploser, pis quand y dessoufflent vite, y font des sons de pet pis y volent tout croche dins airs comme un papillon avec une fusée dans l’derrière. Heille, j’ai déjà gardé une gang de flos occupés pendant un après-midi de temps yinque en jouant avec ça. C’est l’fun de même, des ballounes.

Y’a rien d’méchant dans une balloune. Ça peut pas faire de mal. Mais si vous pensez ça, c’est clair que vous avez jamais entendu parler du Balloonfest’86 à Cleveland, en Ohio.

C’tait parti d’une bonne intention : pour se faire de la publicité pis ramasser de l’argent, Centraide du Grand Cleveland voulait battre le record du monde du plus grand nombre de ballounes gonflées à l’hélium pis r’lâchées en même temps.

En plus, dans c’te temps-là, Cleveland avait la réputation d’être un trou. Tsé : dins années 1970, ça allait tellement mal financièrement que la Ville avait fait défaut su ses paiements, la rivière Cuyahoga qui la traversait était tellement polluée qu’a l’avait pogné en feu, pis ses équipes de sport arrêtaient pas de perdre comme des pas bonnes – quoique, du côté d’la NFL, ch’pas sûre que ça c’est tant ramieuté. C’tait rendu au point où c’que Cleveland avait été surnommée « Mistake on the Lake » – l’erreur su l’lac, en français, parce qu’a l’était située su’l bord du lac Érié.

Bref, Cleveland avait d’quoi à prouver  :

« On est pas des jambons pis des ti-clins! Nous-autres aussi on peut faire des belles pis des grandes affaires, bon! »

Faique tout l’monde était hyper motivé. Ça a pris six mois pour organiser la patente; les flos d’école vendaient les ballounes à deux pour une piasse, pis une armée de bénévoles ont aidé à toute préparer. La veille, y se sont occupés de gonfler les ballounes, travaillant quasiment toute la nuite avec des bouttes de tape collés autour des doigts pour pas se faire des ampoules.

Le jour du lancement, y’avait 1,4 million de ballounes dans une espèce de filet au beau milieu de la ville, soit ben en masse pour battre le record; on aurait dit qu’une piscine à boules pour enfants s’tait mise à fortiller tout d’un coup comme un gros blob monstrueux pis allait bouffer Cleveland.

Comme y’arrivait de l’orage, les organisateurs ont décidé de lancer les ballounes plus vite que prévu. Faique le 27 septembre à 1 h 50 de l’après-midi, le filet a été détaché pis les ballounes se sont envolées.

C’tait ben impressionnant. Selon le point de vue, ça avait l’air d’une envolée de bonbons, de youptidou pis d’amour universel… Ou bedon d’la 11e plaie d’Égypte. Argardez ça :

Tout l’monde étaient fous comme des balais, pis ça criait :

« GO CLEVELAND! RECORD DU MONDE! WOUHOUUUU! »

Sauf que l’bonheur était pas pour durer.

Normalement, les ballounes gonflées à l’hélium montent pis montent pis montent, des fois jusqu’à 10 000 pieds d’altitude, où l’atmosphère est pas mal moins dense. Comme l’air du dehors pèse moins s’a balloune, tandis que la pression en-dedans de la balloune reste la même, la balloune gonfle. En plus, haut de même, y fait vraiment frette, faique la balloune gèle pis devient fragile. Résultat : la balloune pète en plein de tis bouttes qui ardescendent lentement su’a terre.

Entécas, c’est ça que les organisateurs pensaient qu’y allait se passer.

Mais là, avec l’orage qui s’en venait, les ballounes ont pas eu le temps de se rendre assez haut. En s’en allant vers le nord, par-dessus le lac Érié, y’ont frappé un front froid qui les a r’poussées vers la ville, pis la grosse pluie les a fait artomber pendant qu’y étaient encore gonflées.

Pis là, le bordel a pogné.

D’abord, plein de ballounes se sont ramassées au beau milieu d’la piste de décollage de l’aéroport Cleveland Burke Lakefront, qui a dû arrêter toute le trafic aérien pendant une grosse demi-heure.

À part de t’ça, les ballounes ont envahi les rues pis les autoroutes. Le monde qui chauffaient leu char voyaient c’te nuée psychédélique aux allures de mousse trois couleurs du lave-auto pis se disaient « Qu’est-cé ça câlisse? ». Soit y donnaient des coups d’volant pour éviter les ballounes dans l’chemin, soit y’étaient juste distraits par le spectacle, pis y’accrochaient les garde-fous ou les autres chars. Les accidents sont multipliés partout dans’ville.

Les ballons aboutirent à plein de places : su l’lac Érié, dins rivières, dins forêts, en Ontario, pis ailleurs en Ohio.

Y’a une madame qui élevait des chevaux arabes pur-sang qui coûtaient les yeux d’la tête su sa ferme au sud de Cleveland. A l’a poursuivi Centraide pour 100 000 piasses parce que des ballounes avaient atterri dans son champ pis avaient faite tellement peur à ses chevaux qu’y en a un qui avait pogné le mors aux dents, était parti à courir, avait foncé drette dans une clôture pis s’tait pété la fiole tellement fort qu’y avait pu rien à faire avec.

Pis pire encore, les ambitions ballouniennes de Cleveland ont p’t-être coûté la vie à deux gars.

L’affaire, c’est que quand les ballounes ont été lâchées, la garde côtière charchait déjà deux pêcheurs, Raymond pis Bernard. La veille, y’avaient été portés disparus su l’lac Érié, pis leu bateau avait été artrouvé vide le matin du 27.

Mais là, essaye, toé, d’artrouver deux gars au beau milieu d’une orgie de ballounes! À voir la surface du lac, on aurait dit que quequ’un avait échappé une chaudière complète de tites billes en sucre qui vont su’é gâteaux d’fête.

En entrevue à’tévé, un gars qui participait aux recherches en bateau a dit :

« C’est comme essayer d’trouver une aiguille d’une botte de foin! Tsé, on charche une tête ou bedon un gilet de sauvetage orange, mais là avec toutes c’te marde-là pleine de couleurs qui grouille su’l lac, comment c’tu veux qu’on les voye, les deux gars? »

C’tait pas plus vargeux du côté des recherches en hélicoptère :

« Ben là, on peut même pu décoller. Dins airs, c’est comme un champ d’astéroïdes en plein trip d’acide, viarge! »

Finalement, la garde côtière a dû abandonner les recherches, pis Raymond pis Bernard ont été artrouvés morts deux jours plus tard. Y’auraient-tu pu être sauvés si Centraide du Grand Cleveland avait pas répandu du vomi d’licorne partout su l’lac Érié? On l’saura jamais.

Quand même, Centraide pis la Ville de Cleveland avaient gagné leu pari : leu record s’est artrouvé dans l’édition 1988 du livre Guinness. Mais la catégorie du plus grand nombre de ballons r’lâchés en même temps a été abolie pas longtemps après parce que tsé… C’tait cave pis dangereux, pis polluant à part de t’ça.

Une chose est sûre, c’est que c’tait pas c’te fois-là que Cleveland allait ardorer son image. C’est ça qui arrive quand on part s’une balloune…


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Adolf Munck, coach de fesses de Sa Majesté

Un bon soir de juillet 1775, le roi Gustave III de Suède, 29 ans, décida que c’tait l’temps qu’y s’déniaise.

Ça faisait neuf ans qu’y était marié avec sa reine, Sophie-Madeleine du Danemark, pis y’avait pas encore d’héritier doué de zouiz. En faite, y’avait pas d’héritier pantoute. Parce qu’y avait jamais couché avec la reine. Même, y’avait jamais couché avec parsonne, tout court.

Gustave III

Mais, pourquoi, don? Y’en a qui disent qu’y était gai. Aujourd’hui, on dirait p’t-être qu’y était asexuel. Une chose est sûre, c’est qu’y’était pas vraiment porté sur la chose. Ça fait bizarre, pareil, quand on pense à toutes les princes pis les rois de c’t’époque-là qui faisaient des bâtards à tour de bras comme Tim Hortons fait des beignes à l’érable, tandis que lui, y’était même pas capable de faire son d’dvouère.

Pis c’tait pas non plus qu’la reine était laitte. A l’était plutôt jolie. Mais, a l’était assez gênée comme fille, tellement qu’a paraissait snob, pis a l’avait arçu aucune éducation sur la chose. Faique, si Gustave allait pas la trouver pour tsé-veut-dire, c’est pas elle qui allait cogner à sa porte en jaquette à une heure du matin.

Sophie-Madeleine

Toujours est-il que là, Gustave en avait son tas. Y’allait pogner l’taureau par les cornes. Pour ça, y d’manda l’aide d’Adolf Frédérick Munck, son homme de confiance pis un gars qui pognait pas mal chez les créâtures d’la cour :

          « Lui y va savoir quoi faire, c’est sûr! »

Adolf Frédérick Munck. Argardez-y la face. C’est clair qu’y sait comment mettre les points sur les i pis les barres sur les t.

Munck se mis aussitôt à l’ouvrage : y’organisa pour le roi pis la reine des p’tites vacances romantiques au château d’Ekolsund, le chalet royal. Une fois rendu là-bas, y mit un portrait sexy de Sophie-Madeleine su’l litte du roi avec une lettre, clairement pas écrite pas la reine mais signée par elle, qui disait :

          « Niaise pas, pis fais d’moé la plus heureuse des femmes. »

Quand Gustave vit ça, y dut être inspiré, parce qu’y appela Munck :

            « Ok. Chus prêt. C’est l’heure. »

Faique Munck pis un autre domestique emmenèrent le roi en jaquette pis en pieds d’bas jusqu’à la chambre de Sophie-Madeleine.

Là, y l’aidèrent à se dégreyer, pis y s’en allèrent dans une chambre à côté.

Quinze menutes après, y’entendirent une clochette sonner : c’tait le roi qui appelait. Le domestique y alla, mais y’arvint tu’suite pis dit à Munck :

          « Le roi veut t’voir. Ça a ben d’l’air que ça marche pas. »

Le pauvre Gustave était toute rouge pis avait les yeux ronds comme des deux piasses :

         — Adolf! J’sais pas c’qui s’passe! Ch’trouve pas l’trou! Aide-moé!
        — J’sais pas quoi vous dire, Vot’Majesté… Avez-vous pensé de d’mander à la reine de vous montrer c’est où?
        — T’es-tu malade? C’est ben que trop gênant! A va penser que ch’t’un épais!
        — Sauf vot’respect, j’irai pas dans’chambre avec la reine pour vous

montrer c’est où. Va falloir que vous trouviez tout seul.

Notre Pee-Wee des fesses artourna donc, toute tremblant, auprès d’sa femme. Une heure plus tard, y’arsonna la cloche pis y’ordonna à Munck de l’aider à s’habiller. À y voir la face, y’avait clairement pas scoré.

Mais bon. Sa nuitte l’avait pas trop découragé, parce que, dès le lendemain matin, y se sentit game de réessayer. Comme la veille, Munck attendit dans’chambre à côté. Pis comme la veille, la clochette sonna après quinze menutes.

Quand y rentra dans’chambre, y vit Gustave effoiré de toute son poids su la pauvre Sophie-Madeleine comme un béluga mort s’une plage du bas du fleuve.

          « Ça marche paaaaaaaas! » se lamenta le roi comme un p’tit poute qui essaye de rentrer le bloc rond dans l’trou en étoile.

C’est là que Munck comprit que si y voulait que ça se règle, y’allait d’voir… prendre les choses en main. Littéralement.

          « Bon. Vot’Majesté, premièrement, tenez-vous su vos bras… »

Y dut guider le roi pis la reine, une étape à’fois : « Ça, ça va là, pis ça, ça va là… »

Dans ses mémoires, Munck mentionne que le roi avait l’capuchon serré pis que la reine avait les voies aussi impénétrables que celles du Seigneur. Ça faisait mal, c’tait gênant pis c’tait vraiment pas drôle pour parsonne. Imaginez le malaise!

En fin de compte, ça marcha pas plus c’te soir-là, mais Gustave pis Sophie-Madeleine étaient ben décidés à réussir. Quand on veut, on peut! Faique les soirs d’après, y réessayèrent pis réessayèrent pis réessayèrent.

Pis, un jour, on annonça que la reine était enceinte. Celle que tout l’monde trouvaient bête pis plate était maintenant toute contente pis jasante, le sourire fendu jusqu’aux oreilles. Finalement, elle pis Gustave eurent deux p’tits gars, Gustave pis Charles.

Mais là, y’eut des langues sales pour dire que Munck avait, disons, mis pas mal plus que son grain de sel dans la conception des p’tits princes.

Ça donna des caricatures comme celle-là  :

Si vous voulez voir la version non censurée, c’est ici. ATTENTION : Très très gros zouiz.

Le pire là-dedans, c’est que les rumeurs venaient directement de la mére à Gustave elle-même, Louise-Ulrique de Prusse, une espèce de germaine folle contrôlante qui haïssait Sophie-Madeleine pis qui voulait abolir le Parlement pour pouvoir toute décider tu’seule.

Après avoir travaillé aussi fort, le roi pis la reine étaient vraiment choqués d’entendre ces cochonneries-là. Gustave prit son courage à deux mains pis alla voir sa mére :

« M’man, si t’arrêtes pas de dire des affaires de même su moé pis ma femme, j’vas t’exiler en Poméranie! »

Finalement, comme a voulait rien entendre, y’arrêta d’y parler pis y’alla juste la voir su son lit d’mort. Pis même là, Sophie-Madeleine arfusa d’arvoir sa belle-mére.

Peu importe le rôle que Munck avait joué dans toute ça, le roi pis la reine étaient ben contents de lui pis y donnèrent plein de titres pis de domaines. Moé, entécas, j’salue son dévouement. Qu’est-ce qu’on ferait pas pour aider un chum, hein?

Wojtek : l’histoire d’un our à’guerre

M’as vous dire de quoi : j’aime pas les ours. Ça s’lève deboutte pis ça fouille dans tes vidanges pis à cause d’eux-autres, le camping devient un aria du yâble. En plus, ça peut te manger si t’es pas chanceux. Depuis que chus haute de même, j’ai toujours trouvé que Winnie l’Ourson était un gros cave.

Mais bon. Y’a UN our que je trouve pas pire. Un, parce qu’y est mort ben avant que j’naisse, pis deux, parce que… Ben, vous allez voir. Y s’appelait Wojtek, pis c’tait un our soldat dans l’armée polonaise pendant la Deuxième Guerre mondiale.

À c’te moment-là, la Pologne était pognée en sandwich entre les Allemands pis les Soviétiques. Quand c’tait pas les uns qui y passaient d’ssus, c’tait les autres. Des centaines de milliers de civils furent déportés dans des camps, pis quasiment 22 000 officiers de l’armée polonaise furent massacrés.

En 1942, parce que les Britanniques les gossaient ben gros avec ça, les Soviétiques finirent par libérer les civils polonais. Aussi, une armée fut formée à partir de c’te monde-là, pis c’tait entendu qu’a l’allait aider les Alliés dans la campagne d’Italie.

La nouvelle armée polonaise se mit en route vers l’Italie à partir d’la Russie, en passant par la mer Caspienne pis l’Iran. C’est là, dans un bled au milieu des montagnes, que les Polonais tombèrent su Wojtek – ça se prononce Voy-tek, en passant.

Pauvre tite misére! C’tait jusse un bébé! Sa mére avait été tuée par des chasseurs, pis un p’tit gars le gardait dans une poche sur l’bord du ch’min, d’un coup que quequ’un voudrait l’avoir pis qu’y puisse se faire une couple de cennes avec ça.

Une p’tite réfugiée n’eut pitié pis chigna jusqu’à ce qu’un lieutenant finisse par y’acheter. Sauf que ben vite, ce fut clair qu’a l’avait pas ce qu’y fallait pour le nourrir. A fut donc obligée de l’donner à l’armée, pis c’est d’même que l’tit our se ramassa avec la 22e compagnie de ravitaillement d’artillerie du deuxième corps d’armée polonais.

Y devint comme un genre de mascotte, pis y fut traité aux p’tits oignons. Au début, pauvre ti, y’avait d’la misère à avaler, faique on y donna du lait condensé dans une bouteille de vodka qui sarvait de biberon. Après ça, y se mit à manger à peu près n’importe quoi : des fruits, d’la marmelade, du miel, toute c’qui avait de sucré à traîner dans’cuisine.

Pis à force de s’tenir avec des soldats, Wojtek se mit à toute faire pareil comme eux-autres. Y veillait tard avec sa gang, accroupi su ses pattes d’en arrière, quasiment comme un humain. Y’avait appris à saluer comme un militaire, pis y buvait d’la bière. Ben oui! En bon Polonais d’adoption, Wojtek adorait s’en boire une p’tite frette. Y se calait une bouteille, pis après, y’argardait l’fond par le goulot en se d’mandant où c’qu’était l’reste!

Un m’ment’né, un innocent eut l’idée d’y donner une cigarette. Pis y’eut l’air d’aimer ça, parce qu’y s’est mis à fumer régulièrement à partir de d’là. Entécas, fumer, c’est vite dit : y s’tirait une grosse poffe, pis y mangeait l’reste d’la tope encore allumée.

À part de ça, quand y voyait qu’un soldat avait frette la nuite, y’allait se coucher en cuiller avec.

Non, mais, hein! C’est-tu cute, un peu!

Pis si vous pensez qu’y devait puer, ben non! Pas pantoute : y’avait trouvé comment rentrer dans l’bloc sanitaire pis partir l’eau! Y prenait des douches tellement longues qu’y causait des pénuries d’eau dans l’camp.

Mine de rien, en pas longtemps, Wojtek devint un gros our adulte de 200 livres. Les soldats s’amusaient à lutter contre, pis quand y’arrivait une nouvelle recrue, y disaient à l’our de pogner l’gars par les bottes pis de l’virer à l’envers pour y faire peur.

Come on, les gars. C’est pas fin.

Faique Wojtek pis l’armée polonaise traversèrent l’Iran, pis l’Iraq pis la Syrie. Rendu en Palestine, notre our fit un héros de lui.

Une nuite, les soldats furent réveillés par un hurlement du yâble :

— AAAAaaeAAAAeeeeAAAAagh!!!!!
— Ben voyons, qu’est-cé ça, câlisse?
— On dirait que ça vient de l’entrepôt de munitions!
— Shit!

Les gars artroussèrent tu’suite pis se garrochèrent à l’entrepôt. Pis, c’qu’y virent-ti pas? Vojtek, qui avait pogné un voleur en flagrant délit – le pauvre gars hurlait comme un pardu, convaincu qu’y allait se faire bouffer. L’histoire le dit pas, mais y’a probablement fait un ti pepi dans ses culottes.

À partir de l’Égypte, la 22e compagnie allait s’embarquer pour l’Italie. Sauf que là, à bord du navire, c’tait interdit d’avoir des mascottes ou des animaux de compagnie :

— BEN LÀ! On peut pas le laisser icitte! Qu’est-cé qu’on va faire?
— Ben oui, Wojtek, y fait partie d’la gang!
— Y dort avec nous-autres EN CUILLER, câline!
— Ben justement, c’est un de nous-autres! C’est pas une mascotte, c’t’un militaire!

 Faique Wojtek fut officiellement enrôlé comme soldat de la 22e compagnie, avec un matricule pis toute. Le gars qui s’occupait des papiers à l’embarquement fit une cristie d’face quand y vit Wojtek, mais sinon, toute passa comme du beurre dans’poêle, pis l’our prit la mer avec ses chums.

Les Polonais débarquèrent Italie en juillet 1943. Avec les Anglais, y’aidèrent à r’pousser les Allemands au nord.

Pour Wojtek pis sa gang, c’tait pu l’temps du fun pis du colletaillage entre chums : là, c’tait la guerre pour vrai.

Les explosions pis les guns pis l’beding bedang, c’est épeurant pour un humain; on aurait pu croire que Wojtek aurait capoté, mais non! Partout où c’que la 22e compagnie allait, y suivait, souvent d’un tank, la tête sortie par le trou d’la tourelle, l’poil au vent pis les narines qui s’faisaient aller après toutes les nouvelles senteurs qu’y découvrait.

Au printemps 1944, le sud de l’Italie était arvenu aux mains des Alliés. Mais, en bonne p’tite marionnette d’Hitler, Ti-Ben Mussolini s’accrochait au pouvoir dans le nord, pis y contrôlait encore Rome. Ça pouvait pas rester d’même.

Sauf que Ti-Ben et ses Nazis avaient l’avantage du terrain : la botte de l’Italie, ça fait un front pas large pis facile à défendre, pis en plus, y’étaient protégés par les monts Apennins, qui leu faisaient une barrière naturelle ben d’adon.

Les Alliés frappaient littéralement un mur. Pis si toutes les ch’mins mènent à Rome, ben là, entécas, le seul ch’min qu’y pouvaient prendre passait par le mont Cassin, une butte avec un monastère dessus que les Allemands avaient transformée en une vraie forteresse.

Pis là, dans la s’maine du 11 mai 1944, c’tait aux Polonais, dont la 22e compagnie, d’arconquérir la butte pour les Alliés.

La bataille fut crissement raide : tandis que les Polonais essayaient de monter su l’dessus d’la butte, complètement à découvert, les Allemands les garnottaient sans arrêt au mortier, à l’artillerie pis aux armes légères.

Dans l’bordel qui s’ensuivit, Wojtek s’artrouva séparé des gars qui s’occupaient de lui d’habitude. Mais au lieu de capoter pis d’aller s’rouler en boule d’un coin – c’qui aurait été ben compréhensible – notre our rentra dans l’histoire.

Resté avec les gars qui s’occupaient de l’artillerie, y décida d’se rendre utile. Voyant que les autres charriaient à bras des obus pis des caisses de munitions, ben, y fit pareil.

— Crisse, t’as-tu vu ça?
— Quoi?
— Wojtek! Garde-lé aller!
— J’ai mon astie d’voyage!
— D’habitude, ça prend 4 gars pour charrier une caisse de même! Avec lui, ça va aller ben plus vite!

Pendant toute la bataille, se crissant du danger pis des balles qui y sifflaient l’long des oreilles, l’our arrêta jamais de travailler.

Pis le 18 mai, enfin, le drapeau polonais fut planté su’l dessus du mont Cassin. Les Alliés avaient gagné!

Les exploits de Wojtek passèrent pas inaperçus. Ben vite, tout l’monde avait entendu parler d’l’our qui avait participé à’bataille. Y fut promu au rang de caporal. En son honneur, la 22e compagnie changea son emblème officiel, qu’on voyait sur les chars, les uniformes pis su les fanions, pour l’image d’un our qui transporte un obus.

Après la guerre, les soldats polonais se ramassèrent en Angleterre; y pouvaient pas artourner chez eux tu’suite, vu que la Pologne était encore aux mains des Soviétiques. Mais bon; y furent démobilisés l’un après l’autre, tout comme Wojtek en 1947. Mais là, où c’est qu’y pouvait ben aller? Les Polonais voulaient pas qu’y aille en Pologne, parce qu’y avaient peur qu’y sarve d’outil de propagande communiste.

Après avoir passé un boutte s’une ferme en Écosse avec d’autres soldats polonais, Wojtek finit ses jours au zoo d’Édimbourg, mais pas seul et abandonné pantoute : tout l’monde voulait l’voir, plein d’organismes en firent un membre honoraire, pis y passait souvent à’TV. Des fois, ses anciens chums de la 22e v’naient y rendre visite, pis y’artroussait tu’suite quand y’entendait parler polonais. Y paraît qu’y s’gênait pas pour se téter une cigarette!

Y mourut en 1953 à l’âge de 21 ans; ça a d’l’air qu’y avait l’œsophage magané, mais mettons que c’t’un peu normal quand t’as l’habitude d’avaler des cigarettes allumées.

Aujourd’hui, y’a des statues de lui à plusieurs places, dont à Édimbourg pis à Cracovie. Y’a même un film en p’tits bonshommes qui raconte son histoire.

Pas pire, hein, pour un bébé our toute chenu orphelin dans une poche su’l bord du chemin?


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Une femme, 33 hommes, pis ben du trouble : Kazuko Higa, la « reine » d’Anatahan

Kazuko Forever.

Des fois, dans’vie, y’arrive des affaires inattendues; une menute t’es tout écartillé, ben relax, pis la menute d’après tu capotes, t’as la broue dans l’toupette, pis tu te d’mandes c’que t’as faite au Bon Dieu.   

Prenez ma grand-mère à moé, par’zempe. En r’venant de la messe un beau dimanche d’été, a pouvait être en train de se préparer à faire un pique-nique avec les enfants, pis là, y’a un char qui virait l’croche : ciboire. Y’avaient même pas appelé avant. 

Faique là, Grand-m’man, au yâble ses plans, devait se r’virer s’un dix cennes pis préparer un festin pour les mononcles pis les matantes pis toute le kit, même si y’avait rien de prêt dans l’four. Ma grand-mère, c’tait une surfemme, faique à réussissait tout le temps avec même pas un ch’feu de travers, mais une fois, est venue tellement stressée qu’elle a mis ses bettes dans l’eau d’javel au lieu du vinaigre – les gallons étaient pareils, tsé! 

Ben ça, c’est un peu ce qui est arrivé à Kazuko Higa : a s’attendait pas, elle, à être la seule femme sur une garnotte perdue au milieu du Pacifique Nord. En pleine Deuxième Guerre mondiale. Avec 31 naufragés qui refusaient de se rendre. Pis à devenir tout d’un coup la reine d’un harem de gars prêts à s’entretuer pour elle.

Kazuko, a v’nait d’Okinawa, au Japon. C’tait une fille sans histoire, ni pitoune ni pichou, ni ange ni démon. 

Un peu avant le début de la guerre de 1939-1945, son mari, Shoichi Higa, avait pogné une job de superviseur adjoint d’une plantation de noix de coco sur l’île d’Anatahan, dans l’archipel des Mariannes du Nord, pis a l’avait suivi là-bas. 

Sur Anatahan, en plus d’eux-autres, y’avait le superviseur, Kikuichiro Higa – aucun lien de parenté : Higa, à Okinawa, c’tait comme Tremblay icitte – pis des ouvriers autochtones. 

Au début, y se passait pas grand-chose; les noix de coco se récoltaient, la vie s’écoulait pis y faisait chaud en sivouplaît. Quand la guerre éclata, ça se mit à péter tout autour d’eux-autres, mais jamais sur l’île comme telle. Un m’ment’né, on arrêta de v’nir les ravitailler ou de ramasser leurs récoltes; y devinrent comme oubliés du monde.

Un jour, Shoichi alluma que, la guerre, tsé, c’est dangereux, pis que sa sœur, qui restait sur l’île de Saïpan, à 65 milles nautiques au sud, était p’t-être dans l’péril : 

« J’vas aller la chercher, pis j’vas r’venir avec. Ça devrait m’prendre un mois, pas plus. Kikuichiro-san, occupe-toé ben de ma femme pendant que chus parti, ok? »

Faique Shoichi partit su son p’tit bateau de rien. Le temps passa pis passa, mais Kazuko pis Kikuichiro rentendirent pu jamais parler de lui. 

Après un bout de temps raisonnable, un soir, Kikuichiro regarda Kazuko pis y dit : 

« Tsé, j’me disais… Ton mari a pas l’air d’être parti pour arvenir. Chus là, pis t’es là… Faique, tant qu’à faire… Tsé veut dire? »

Faut croire que Kazuko a trouvait le temps long elle avec, parce qu’a se fit pas prier; les deux s’accotèrent à partir de ce moment-là. 

Jusqu’en 1944.

C’est là que, pas loin de l’île, trois bateaux japonais reçurent des bombes américaines en pleine face et coulèrent. Pas longtemps après, 31 rescapés – des militaires pis des marins – mirent le pied sur Anatahan. 

Pis drette de même, toute c’te beau monde-là tombèrent en plein thriller psychosexuel. 

Bon ok, p’têtre pas tu’suite tu’suite. Au début, les naufragés avaient d’autres priorités que la galipote : fallait qu’y mangent. Du naufrage, y’avaient yinque pu sauver d’la bouffe pour trois jours, une mitraillette pis deux fusils, un peu de munitions pis… une bouteille d’iode. On s’entend qu’y allaient pas chier loin avec ça. 

Faique y se mirent à vivre comme Kazuko pis Kikuichiro, c’est-à-dire qu’y adoptèrent le mode de vie que les autochtones d’la place leur avaient montré : recueillir de l’eau de pluie en attachant des feuilles de palmier ensemble, pêcher le crabe, ramasser des oeufs d’oiseaux, pogner des lézards pis faire du tuba, une espèce d’alcool de coconut qui saoule pas ben ben. 

C’est quand y commencèrent à être ben installés, avec un bon p’tit verre de tuba, que les naufragés allumèrent qu’y avait yinque une femme sur l’île. Pis Kazuko devint leur obsession. 

Chaque fois qu’y partaient dans’lune, c’tait pour aller la r’trouver. Elle était leur inspiration dans leurs p’tits tête-à-tête avec eux-mêmes dans les buissons pis hantait toutes leurs rêves. Mais pour l’instant, y se gardaient une p’tite gêne, parce qu’y pensaient qu’elle et Kikuichiro étaient mariés. 

Mais un m’ment’né, un des rescapés arriva et dit aux autres : 

— Heille, les gars, j’viens de n’apprendre une bonne! 
— Quoi?
— Kazuko pis Kikuichiro-san, là… Sont pas mariés! 
— Ben voyons?
— Non! A l’était mariée avec un autre Higa, mais y’est parti, faique a s’est accotée avec Kikuichiro-san! Kazuko est pas mariée, gang! 
— Ah ben tabarnak! 

Faique là, les gars se dégênèrent : plusieurs se mirent à faire des p’tits cadeaux à Kazuko, des clins d’œil, des compliments… 

Ben vite, Kikuichiro commença à être sur les nerfs : 

« Kazuko? Euh… Les gars commencent à tourner pas mal autour de toé… Ch’pense qu’on devrait s’en aller plus creux dans l’île pour mettre un peu de distance entre nous-autres. »

Faique c’est c’qu’y firent. 

À ce moment-là, on était en 1946, pis la guerre était finie. Mais ça, les Japonais le savaient pas. Quand les Américains passèrent en avion au-dessus de l’île en leur garrochant des journaux de leur pays par la tête, y refusèrent de croire que leur empereur avait capitulé. Le capitaine Ishida, le militaire au rang le plus élevé de la gang, menaça de tuer n’importe qui qui essayerait de se rendre aux Américains. Y’avait d’la tension dans l’air, mettons. 

Au début de 1947, Kikuichiro mourut, supposément de maladie. 

Heille là, on aurait dit que quequ’un avait sonné le cor de chasse : taïaut, stie! C’tait à qui allait devenir le prochain chum de Kazuko, pis tous les coups étaient permis. 

Quand même, la madame était pas exactement un pauvre p’tit chevreux sans défense – elle a un peu profité de la situation. Disons qu’elle avait le choix des cadeaux, pis y’en avait des pas mal beaux pis fringants au travers. J’y en veux pas d’s’être épivardée. 

Mais ben vite, le bordel pogna : ça se cassait la yeule de tous bords tous côtés pour les faveurs de l’unique créâture sur l’île, pis c’tait rendu invivable. 

Faique le capitaine Ishida mit son pied à terre : 

« Bon, là, ça va faire, le niaisage, ma p’tite madame : vous allez vous choisir un nouveau mari, pis ça va être ça! »

Mais ben vite, le nouveau mari fut retrouvé mort noyé. Pas louche pantoute, han? Faique Kazuko dut en choisir un autre. 

C’est un dénommé Yoshino qui fut l’heureux élu.

Ça dura pas longtemps : en 1949, Yoshino fut retrouvé mort lui avec, poignardé.  

Le capitaine Ishida était ben découragé : 

« Ben voyons, cibole! Au suivant! »

C’te fois-là Kazuko se ramassa avec Morio Chiba, un pêcheur. Mais Morio était un peu une vidange : quand y buvait, y’a battait, pis y buvait quasiment tout le temps. Pis là, après une couple d’autres morts – encore des noyés, pis un qui reçut une balle dans une chicane à cause d’une affaire de pêche au crabe – c’tait pu l’fun pantoute, pis Kazuko décida qu’elle en avait son tas : 

« Sont toutes fous, astie! Faut que j’sacre mon camp d’icitte. »

Faique a disparut dans la nuite pis s’en alla de l’autre bord de l’île. Elle était sur le gros nerf, parce qu’a savait que c’tait juste une question de temps avant que Morio la retrouve. Au loin, a vit un cargo qui passait, mais elle eut beau crier pis faire des sparages jusqu’à l’épuisement, y s’arrêta jamais. 

Douze jours plus tard, en se réveillant, Kazuko vit qu’y avait un petit remorqueur américain, le Miss Susie, qui mouillait dans la petite anse en avant d’elle. Au travers des arbres, elle r’garda quatre hommes débarquer du bateau pis s’éloigner s’a plage. Quand y se r’pointèrent, a sortit tranquillement du bois.

Quasiment cinq ans après la fin de la guerre, Kazuko Higa allait enfin rentrer chez elle. 

Même si Kazuko était pu là, le carnage s’arrêta pas. Morio Chiba fut accusé d’avoir trucidé Yoshino, le quatrième mari à Kazuko, pendant qu’y dormait, ben saoul. Faique après un à peu près procès, le capitaine Ishida exécuta Morio avec un sabre de samouraï maison qu’y avait fabriqué avec des bouttes d’un avion qui s’était écrasé sur l’île. 

Plusieurs mois après, un avion américain passa au-dessus de l’île pis dompa encore de quoi : c’te fois-là, c’tait des lettres de membres de la famille des rescapés, du genre : 

« Chéri, s’te plaît, veux-tu ben te rendre! C’est correct, personne va te traiter de pissou. J’m’ennuie assez, là, t’as pas idée! J’espère que tu vas bien pis que t’as pas oublié de te passer la soie dentaire… »

Faique enfin, les rescapés qui restaient sortirent du bois. Pas longtemps après, y furent ramassés par un bateau américain pis ramenés au Japon en avion. 

Pis Kazuko, elle? Ben, pendant un boutte, elle fut une célébrité. Les woireux se garrochaient pour voir la « reine » d’Anatahan. En 1953, on fit même un film avec son histoire. Pis vous savez pas quoi? A retrouva son premier mari, Shoichi, tsé lui qui était parti chercher sa sœur pis qui était jamais r’venu? Y’avait yinque un problème : y s’était remarié pis y’avait deux enfants. 

Malaise.

Finalement, Kazuko mourut dans la misère au début des années 1970, mais entécas, son histoire prouve une affaire : d’la visite qui arrive comme un ch’feu s’a soupe, c’est jamais l’fun. Au moins, a l’avait pas mis ses bettes dans l’eau de javel!


Source : Jim Peters, « Odyssey on Anatahan », The Marianas Variety, 1973. https://issuu.com/mpmagazine/docs/mp_magazine_odyssey_on_anatahan

Orphelines possédées, bonnes sœurs qui se prennent des mordées et autres cas d’hystérie collective

Ah, le yâble! J’te dis qu’y a l’dos large. Toute est tout le temps de sa faute. Les patates prennent au fond? Le yâble. Un mouton pète au frette? Le yâble. Rogatien a le goût d’aller se coller en cuiller avec Fernand, son voisin de dortoir au camp de bûcheux? C’est le yâble qui y met ces idées-là dans’tête. Tant qu’à moé, si Fernand est consentant, lui pis Rogatien pourraient ben s’en aller tou’é deux dans le soleil couchant pis s’acheter une fermette à Saint-Colomban, mais vous voyez ce que je veux dire.

Or, dans l’ancien temps, y s’est passé des affaires tellement bizarres qu’on n’avait quasiment pas le choix de mettre ça sur le dos du yâble : du monde qui viraient fous toute ensemble pis toute en même temps, sans aucune raison apparente. Comme une espèce d’hystérie collective.

Quins, par exemple : en 1661, dans un orphelinat de Lille, en France, les petites filles se mirent toutes à dire qu’elles étaient possédées par Satan.

Ça sortait pas tant de nulle part : la directrice de l’orphelinat, Antoinette Bourignon, avait vraiment le piton collé sur le yâble. Au lieu d’être fine avec ses orphelines, a les fessait à coups de strap pour « faire sortir le méchant ». Au lieu de parler de Dieu, a parlait yinque de damnation. A voyait Satan vraiment partout – même au-dessus des têtes de ses protégées :

« Les filles, faites pas le saut, là, mais je vois comme une volée de démons au-dessus de vous-autres. »

Faut croire qu’à force d’en parler tout le temps, Antoinette avait attiré le yâble dans son orphelinat : un m’ment’né, une fille qui avait été mis en pénitence dans une pièce barrée réussit à sortir toute seule. A dit « qu’un homme » l’avait faite sortir. Y’avait juste une affaire : les hommes avaient pas le droit de rentrer dans l’orphelinat d’Antoinette Bourignon.

Trois mois après, une autre fille, qui allait se faire fouetter pour avoir volé de quoi, dit :

« C’est pas de ma faute! C’est le yâble qui me fait voler des affaires! Y vient me voir la nuite! »

Là, ça commençait à être bizarre. Une par une, les orphelines se mirent à dire qu’elles avaient fait un pacte avec le yâble.

– La nuit, y nous amène dans son château pis y nous montre des affaires épouvantables!
– Ouais! Pis y nous invite à manger chez eux pis on mange plein de cochonneries!

Étonnamment, Antoinette grimpa pas tusuite dins rideaux :

« Messemble, ouin, qu’y passent la nuite à se bourrer la face à’table du yâble! Yinque à les voir saper leur gruau le matin, on voit ben que c’est des menteries! »

Quand même, Antoinette prit pas de chance pis appela les prêtres, qui sortirent toute leur réguine d’exorcisme. Les pauvres filles furent pognées pour passer deux heures par jour dans une pièce fermée avec des bonshommes qui essayaient de leur sortir le démon du corps. Ça devait être le fun en ti-père.

Mais là, ça commença à mémérer en ville :

« La Bourignon est une sorcière! A l’a corrompu les jeunesses à l’orphelinat! »

Faique Antoinette, sentant la soupe chaude, se sauva aux Pays-Bas, et on entendit pu parler des orphelines possédées de Lille.

Mais ben avant ça, au Moyen-Âge, y’avait eu plusieurs cas de bonnes sœurs virées folles.

Un bon m’ment’né, dans un couvent de France, une bonne sœur se mit à miauler. Drette de même, sans raison. Mais là, au lieu de lui dire « Ben voyons, c’tu fais là, sœur Marie-Ange du Calvaire? Es-tu après pardre la carte? », les autres sœurs se dirent que ça pourrait être le fun de miauler elles avec. Ben vite, le couvent au complet était rendu une annonce de Meow Mix.

À partir de là, tous les jours, les bonnes sœurs se mirent toutes à miauler en même temps, des heures de temps. 

Le monde de la ville étaient à boutte, pis ben sur le bord d’aller leur garrocher des souliers par la tête. Faique un jour, une compagnie de soldats se pointa à la porte du couvent et dit : 

« Bon, là, mes p’tites madames, ça va faire, le miaulage! Si vous arrêtez pas, on va vous fouetter toute la gang! »

J’te dis qu’après ça, la chorale arrêta assez sec. 

Dans un autre cas du genre, des bonnes sœurs se mirent à se mordre. Ça a commencé par une, pis deux, pis ben vite toutes les sœurs du couvent s’entremordaient allègrement. Ça devait défouler, faut croire. Mais là, la folie du mordage partit de ce couvent-là en Allemagne pis se répandit dans tous les couvents du Royaume, pis en Hollande, pis jusqu’à Rome! Qu’essé qui leu avait pogné don là? L’histoire le dit pas.

En 1632 à Loudun, en France, un couvent d’Ursulines au complet se fit brasser par une vague de possessions. La mère supérieure, sœur Jeanne des Anges, commença à faire des sparages bizarres : convulsions, criage, yoga démoniaque la langue sortie, toutes sortes d’affaires, pis d’autres encore qui sont pas disables icitte, parce que je risque de scandaliser les matantes. Hubert Lenoir avec son trophée dans yeule, à côté de t’ça, c’est rien! 

Les autres sœurs se mirent à faire pareil, à halluciner des fantômes dans les corridors pis même à aller se jouquer sur le toit du couvent en pleine nuite. 

On fit venir un exorciste au plus crisse. Pendant une séance, sœur Jeanne des Anges, qui était convaincue d’être possédée par sept démons, dit qu’elle avait des pensées impures pour le père Grandier, le nouveau curé de la paroisse, qu’elle avait pourtant jamais vu de sa sainte vie. Elle l’accusa d’être un sorcier pis de grenouiller avec le yâble pour la séduire.

Grandier avait rien à voir là-dedans, mais y’avait une réputation de courailleux, une grande gueule pis, ça a d’l’air, des ennemis puissants, dont le fameux cardinal de Richelieu – tsé, le gars que tu veux absolument pas te mettre à dos?

Faique quand ça se mit à mémérer dans le royaume que le curé Grandier était un sorcier, y se fit tusuite arrêter. 

Ce fut un vrai procès de Mickey Mouse : Richelieu pis sa gang voulaient la peau de Grandier, pis c’était le prétexte parfait pour l’avoir. 

On fit venir sœur Jeanne des Anges. À travers elle, le démon Léviathan, qui avait ben de la jasette c’te jour-là, déclara que lui pis d’autres démons avaient fait un pacte avec Grandier. Pis drette après, l’évêque responsable du procès remarqua de quoi à côté de son pied : 

« Quins donc! Y’a un papier à terre! J’me demande c’que c’est! Voyons voir… Ah ben tu parles d’un adon! C’est le pacte signé par Léviathan pis le curé Grandier! »

Ça en prit pas plus pour que le pauvre Grandier soit condamné au bûcher. Mais même après qu’y fut rendu un ti tas de cendres, les bonnes sœurs étaient encore possédées. Les braves exorcistes lâchèrent pas la patate pis finirent par sortir un par un les démons de sœur Jeanne des Anges. Pis une fois la mère supérieure calmée, les autres sœurs se calmèrent aussi. 

Après ça, sœur Jeanne des Anges l’exorcisée devint une superstar et partit en tournée dans toute la France. Elle rencontra le cardinal de Richelieu, la reine d’Anne d’Autriche pis le roi Louis XIII, qui accorda la protection royale à son couvent. Grâce à ça, les Ursulines de Loudun furent pleines aux as jusqu’à la mort de sœur Jeanne des Anges. Payante, la possession, tu dis?

Pour finir, j’ai un cas un peu plus extrême pour vous-autres. J’vous avertis, ça fesse. Si vous voulez aller aux toilettes, ça serait un bon temps. C’est beau? Bon, si vous êtes sûrs, on y va! 

Margaretta Peter, une jeune Suissesse, était convaincue que Napoléon II était l’antéchrist, pis que la bataille finale entre Dieu pis le yâble allait commencer. Elle avait même des disciples, qu’elle avait crinqués ben raide pour combattre le mal. Un bon soir, y’en a un qui fit une crise d’épilepsie, faique Margaretta dit : 

« Tchéquez ça! Y’est après avoir une vision des armées de Napoléon II qui s’en viennent! Pognez toutes les armes que vous pouvez pis v’nez-vous en! »

Mais, au lieu de se battre contre les forces de l’antéchrist, Margaretta pis ses disciples passèrent trois heures dans la maison à décâlisser les murs pis les meubles. C’que ça faisait de bon, fouillez-moé, mais entécas, eux-autres, y’étaient dedans en simonac.

Attirés par le train qu’y menaient, les policiers arrivèrent pis séparèrent les hommes des femmes pour les interroger. Pendant qu’y s’occupaient des hommes, Margaretta, qui était restée avec les femmes, les crinqua encore plus : 

« Êtes-vous prêtes à mourir pour sauver votre âme? » 

Elizabetta, la sœur de Margaretta, répondit : 

« Moé! Moé chus prête à mourir! » et commença à se fesser elle-même. 

Faique Margaretta pogna un marteau et se mit à en sacrer des grands coups à sa sœur. Les autres femmes, folles raides, se jetèrent elles avec sur Elizabetta, qui fut tabassée à mort.

Après ça, pour Margaretta, dans la lutte contre le yâble, c’était égalité à une minute de la fin de la troisième période en septième match des séries. C’tait le temps de toute donner : 

– Bon, là, les filles, y reste yinque une affaire à faire pour sauver le monde : va falloir me crucifier!
– Euh…
– Mais, c’est pas grave, je vais r’venir dans trois jours!
– Ah, ben fallait le dire! 

Faique les disciples de Margaretta la crucifièrent. Les armées de Napoléon II se pointèrent jamais la face. Pis après trois jours, Margaretta revint pas d’entre les morts comme elle avait promis. Oups. Les disciples, ben déçus, finirent toutes en prison.

Faique ouais, le yâble, y’a le dos large en tabarouette. Mais tant qu’à moé, les humains ont toute c’qui leu faut dans le ciboulot pour partir en peur pis se faire des accroires, sans l’aide de rien pis de personne. 

Alors, que vous la passiez à soir ou demain, joyeuse Halloween! 


Sources :

https://arbredor.com/ebooks/AntoinetteBourignon.pdf

https://www.faculty.umb.edu/gary_zabel/Courses/Phil%20281b/Philosophy%20of%20Magic/Arcana/Witchcraft%20and%20Grimoires/Loudun.html

https://archive.org/details/epidemicsofmiddl1844heck/page/118

https://www.ancient-origins.net/history-famous-people/crucifixion-margaretta-peter-0011535

La bataille de Caransebeş

Pas la bataille en question, mais fallait ben mettre une image.

Mettons que Ti-Paul est dans le poulailler avec son fanal, pis qu’y est un peu sur les nerfs parce qu’il a entendu des bruits bizarres. Y se r’vire un peu vite, voit son ombre, pense que c’est le yâble, capote, part à courir et s’assomme sur le cadre de porte. Vous diriez quoi? Que c’t’un cabochon pis qu’y a toute fait ça tout seul?

Pis si je vous disais qu’y’était arrivé pas mal la même affaire à l’armée autrichienne pendant la Guerre austro-turque de 1788-1791? 

(En tout cas, c’est ce qu’on dit. Y’a du monde sérieux qui en ont parlé, de c’t’affaire-là, sauf que c’était pas moins de 50 ans après. Ça veut pas dire que c’est pas arrivé. C’est juste qu’on est pas sûrs que ça se soit vraiment passé de même. Mais pour à soir, on va dire que c’est vrai.)

Dans ce temps-là, l’Autriche était un grand empire, avec à sa tête l’empereur Joseph II (si vous aimez les potins, c’était le frère de la fameuse Marie-Antoinette, reine de France). Pis Joseph II, y’avait conclu une alliance avec la Russie, faique quand l’impératrice russe Catherine II commença à se colletailler avec les Turcs, y’eut pas le choix d’embarquer avec elle.

Mais, comme Joseph II était un peu complexé par son manque de victoires militaires comparé à ses voisins, comme Frédéric II de Prusse, y’était quand même content d’avoir un prétexte pour aller faire son défenseur de la chrétienté face aux « barbares » musulmans. Faique y rassembla une armée de 200 000 hommes qui venaient de partout dans l’empire : y’en avait qui parlaient allemand; d’autres, français, polonais, serbe, croate, pis j’en passe. Pour la communication, c’était pas ben ben vargeux. Pourquoi je vous dis ça? Tendez menute, ça va devenir important.

L’armée impériale s’installa près de Belgrade, dans ce qui s’appelle la Serbie à c’t’heure, pour attendre les Turcs avec une brique pis un fanal. Mais Joseph II se retrouva à se pogner le beigne pendant six mois, sans aucun ennemi à l’horizon, tandis que ses hommes mouraient par milliers de la malaria. C’était le gros fun noir.

Or, le 20 septembre 1788, Joseph II, qui lui-même filait pas fort fort, apprit que les Turcs s’en venaient enfin vers lui pis son armée. Son heure de gloire était arrivée! Faique il monta de peine et de misère sur son cheval, prit la moitié de son armée et marcha en direction de la ville de Caransebeş, dans ce qui s’appelle la Roumanie à c’t’heure.

Dans la nuit, on envoya des hussards – ça, c’est une sorte de cavalier – en éclaireurs pour voir si les Turcs étaient rendus ben proches. Y virent pas un chat enturbanné, mais y tombèrent sur une gang de gitans prêts à faire la piasse.

« Salut les gars! Fait beau, hein? La lune pis toute… Vous devez avoir soif? Parce qu’on a de l’eau‑de‑vie, pis on serait prêts à vous en vendre… Ça vous tente-tu? »

Mets-en que ça leur tentait. Y’a rien comme une p’tite brosse pour se détendre avant le carnage.

Entre-temps, y’a une gang de soldats d’infanterie qui r’soudirent. Ça fit pas l’affaire des hussards, qui se pensaient bons avec leurs chevaux pis qui prenaient les soldats de haut.

– Heille! C’est quoi, ça?
– De l’eau de vie, t’es-tu aveugle?
– On peut-tu en avoir?
– Non.
– Ben là, pourquoi?
– Décrissez, les pouilleux. C’t’un party de hussards, icitte.
– Mange donc de la marde, astie de frais-chié!

Les hussards chassèrent les soldats, ou les soldats s’en allèrent, on sait pas trop, mais ça allait pas en rester là. 

– Les crisses de péteux de broue! Y nous traitent tout le temps comme des chiens! 
– Ouin, mais tchècke-ben ça. J’ai une idée. Ça va être drôle. 

Faique les soldats d’infanterie se cachèrent pis commencèrent à tirer du fusil en l’air en criant : « Les Turcs! Les Turcs! » 

Pensant que c’était une vraie alerte, les hussards partirent en peur. Ils abandonnèrent leur eau-de-vie, montèrent sur leur cheval et foncèrent vers le reste de l’armée en criant « Les Turcs! Les Turcs! » eux-autres avec. 

C’est là que le problème de communication de l’armée allait transformer une situation niaiseuse en un chiard total. 

Les divisions de hussards et les colonnes d’infanterie restées en arrière, en entendant le criage pis les coups de fusils, pensèrent qu’y tombaient dans une embuscade. En voyant les silhouettes de leurs propres camarades qui s’en venaient vers eux dans le noir, les hommes crurent voir l’ennemi arriver se mirent à tirer sur eux-autres. 

Les officiers, voyant ce qui arrivait, essayèrent de calmer le jeu en criant : « Halte! Halte! » 

Ayoye. Au lieu d’entendre « Halte », les soldats entendirent « Allah! », le cri de guerre des Turcs. Pour eux-autres, c’était la preuve que les « barbares » venaient d’arriver, pis le bordel pogna pour de bon. 

La colonne de ravitaillement aurait pas dû se trouver au travers des lignes d’infanterie, mais elle avait pas suivi les ordres. Quand les coups de fusils commencèrent à péter, les hommes pognèrent le mors aux dents et essayèrent de se sauver, défaisant les rangs d’infanterie et crissant du monde dans la rivière juste à côté en les bousculant avec leurs gros wagons pis leurs chevaux de trait. 

Plus en arrière, y’avait des soldats brûlés raide qui venaient juste de s’endormir, la tête sur leur pack-sac, après une longue journée de marche. Mais là, avec toute le train que ça menait en avant, ils se réveillèrent, les yeux dans la graisse de bines, au son des détonations pis du monde qui criaient : « Les Turcs arrivent! On va toute mouuurriiiir! »

Mettons que, dans une situation de même, t’as pas vraiment le temps de t’asseoir tranquillement pour analyser la situation en buvant ta tasse de Postum : tu décrisses. Faique c’est drette ça que firent les soldats, piquant une course à travers les champs pour échapper à un ennemi qui était même pas là. 

Joseph II, averti de t’ça, décida d’aller lui-même dire à ses hommes de respirer par le nez : 

« Messieurs, diantre, reprenez-vous! Votre empereur vous ordonne de vous calmer! »

Personne l’écouta, pis dans le chaos des balles qui sifflaient, des chariots renversés pis des canons abandonnés, il se retrouva avec quasiment pu personne pour le protéger.  

Heureusement, y réussit à se mettre en sécurité. Le lendemain, au lever du soleil, y put se rendre compte de ce qui était vraiment arrivé : son armée s’était sacré une volée à elle-même. Pendant la dérape, 1 200 hommes avaient été tués. Si ça s’est vraiment passé de même, on comprend pourquoi les Autrichiens auraient voulu tenir ça mort. 

Entécas, les Turcs restèrent frettes quand ils arrivèrent à Caransebeş pis virent les restants du carnage : 

– Ben voyons, Mehmed, c’tu toé qui a faite ça sans me le dire?
– Vrai comme chus là, j’ai rien à voir là-dedans, Moustafa! 
– Ben coudonc. On aura pas de misère à prendre la ville! 

Quant à Joseph II, ben s’était pas pour se renmieuter, son affaire. Deux mois après, y retourna à Vienne, la capitale de l’Autriche, malade comme un chien. Il voulut poursuivre ses réformes pour moderniser l’empire qu’il avait commencées avant la guerre, mais ça dérangeait trop de monde, pis comme y’était pogné dans son litte, pus personne se donna la peine d’y obéir, pis tous ses beaux plans virèrent à rien. 

Quand y mourut, en janvier 1790, y demanda que faire écrire ça sur sa tombe : « Ici repose un prince qui avait des ben bonnes intentions, mais qui s’est planté dans toute ce qu’il a essayé de faire. »

Pauvre ti-loup, pareil…