La Légende de sainte Marguerite d’Antioche

Au 4e siècle, dans l’temps que les chrétiens s’faisaient tuer parce qu’y étaient chrétiens, pis ben avant qu’y s’mettent à tuer les autres parce qu’y étaient pas chrétiens (ou pas la bonne sorte de chrétiens), y’avait un beau brin d’fille qui s’appelait Marguerite.

Marguerite était la fille d’un prêtre païen d’Antioche, dans la Turquie d’à c’t’heure, mais a l’avait un secret : a s’tait faite baptiser en cachette.

Un jour qu’a gardait les moutons ben tranquille sans rien d’mander à parsonne, v’là-ti pas qu’artontit l’astie d’Olibrius.

« Capitaine Haddock, sors de ce corps! » vous allez m’dire. 

Ben non. 

Le gars, c’tait le gouverneur d’la province d’Antioche, pis y s’appelait Olibrius. C’tait SON NOM. Pis c’t’à cause de lui que l’mot est une insulte. 

Ça commence ben, hein?

Toujours est-il qu’Olibrius, en passant au bord du champ avec ses hommes pis ses serviteurs, spotta Marguerite pis sentit la sève y monter dans l’érable : 

« Watatow, c’est qui, elle? Amenez-moé ça icitte tu’suite! Si c’t’une femme libre, a va être ma femme; si c’t’une esclave, ben a s’ra ma concubine. »

Ch’précise, juste de même, que Marguerite avait yinque quinze ans. 

Quand a fut en avant de lui, l’gouverneur y demanda : 

« C’est quoi ton nom, ton pays pis ta religion? »

(Pour ceux qui ont connu l’aube des Internets pis les tréfonds obscurs de mIRC, j’imagine que ça devait être l’équivalent de « ASV » au quatrième siècle.)

Marguerite répondit : 

« J’m’appelle Marguerite, chus de race noble, pis chus chrétienne. »

Olibrius fut ben étonné d’entendre ça : 

— Ben voyons, comment’ce qu’une belle pitoune comme toé peut vénérer un dieu de niflette qui a fini broché s’une couple de deux par quatre? 
— Comment tu sais ça? 
— Comment que ch’sais quoi?
— Que Jésus a été crucifié. 
— Ben, j’ai lu les livres des chrétiens. Tsé, pour la science.
— Si t’as lu nos livres pis t’as vu que Notre Sauveur avait été crucifié, t’as aussi vu qu’y avait été ressuscité pis qu’y avait la vie éternelle! T’as vu sa gloire pis sa puissance! Faique pourquoi tu mets ça de côté pis tu gardes juste c’qui fait ton affaire? 

Olibrius, dont l’afflux sanguin était pas tellement à la bonne place pour l’aider à livrer un débat théologique, pogna les nerfs : 

« Ah, tu m’énarves! J’tez-la en prison pis on va voir comment qu’a va filer demain matin! »

Marguerite passa donc la nuite au cachot pis, le lendemain, fut emmenée en avant d’Olibrius. 

— Bon, t’as-tu assez réfléchi? Enwèye don, Marguerite, adore nos dieux! Eux-autres y vont apprécier ta beauté! Pas ton dieu d’braillards!
— Mon dieu fait trembler toutes les créâtures d’la Terre, tu sauras!
— Maudite tête dure! Si tu continues d’même, m’as t’faire torturer pis tu vas te lamenter, ma fille!
— Jésus est mort pour moé, faique moé, ça m’frait plaisir de mourir pour lui! 

C’est là que l’histoire vire pas mal « death metal ». Ça va être intense. Vous êtes avertis.

Olibrius fit attacher Marguerite su’l chevalet. Ça, c’t’une patente qui sert à t’étirer lentement les bras pis les jambes jusqu’à ce que mes muscles pis l’filage autour des os déchirent. 

Après ça, y la fit fesser à coups d’bâtons pis couper avec des ongles en fer, une autre belle patente de torture des siècles anciens. Marguerite pissait l’sang, mais a lâchait pas. Après un boutte, a s’ramassa tellement maganée que même Olibrius se cachait la face avec sa manche de toge pour pas voir ça. 

— Pis, tu vas-tu vénérer nos dieux, là? Ch’pu capable!
— Toé mon maudit chien, tu peux ben avoir mon corps, mais c’est Jésus-Christ qui va avoir mon âme! Plus ch’souffre icitte, plus j’gagne mon salut en haut!

À boutte, Olibrius ordonna qu’on ramène Marguerite dans son cachot. Pis dès qu’la porte fut farmée, une grosse lumière éclata autour d’la fille, tellement brillante qu’on aurait dit qu’l’élément de poêle venait de sauter. 

Pis là, par miracle, Marguerite fut guérie de toutes ses plaies.  

N’importe qui qui aurait eu une grosse journée d’même se s’rait couché dans l’coin pis aurait été dins vapes jusqu’au matin. Mais Marguerite en avait pas eu assez : a pria le Tout-Puissant d’y montrer l’ennemi qu’a l’avait à combattre. Pis tout d’un coup, POUF! Un dragon apparut en avant d’elle pis l’avala d’une bouchée.

Ça aurait pu être la fin de l’histoire. Mais, dans’bedaine du dragon, Marguerite, pas encore digérée, fit le signe de la croix : 

Pis PÂWF! Le dragon péta comme une balloune remplie d’lumière, pis Marguerite en sortit toute propre pis toute d’un morceau comme si de rien n’était! 

Bon, là on va s’arrêter une tite menute. On est-tu rendus dans Donjons et Dragons, coudonc?

L’histoire à Marguerite, on la r’trouve dans La Légende dorée, une espèce de compendium d’la sainteté écrit au 13e siècle par Jacques de Voragine, moine dominicain pis archevêque de Gênes. 

Dans c’te méga best-seller du Moyen Âge, Jacques raconte la vie de 150 saints, pis j’vous dis que par bouttes, ça vient spécial en sivouplaît : y’a des guérisons, des résurrections, des attaques de démons, des cadavres qui suintent le sent-bon, une couple de saints décapités qui se promènent ben relax avec la tête en d’sour du bras…

Toute ça, là, ça passe. 

Mais quand y’arrive au dragon à sainte Marguerite d’Antioche, Jacques écrit : 

« Mais ce récit-là est regardé comme vain et mal fondé. »

Autrement dit :

Pousse, mais pousse égal. Jacques avait pas d’poignée dans l’dos. 

Entécas, les épreuves à Marguerite étaient loin d’être finies : après ça, c’est l’yâble en parsonne qui se pointa dans son cachot! 

Ça aurait mérité des applaudissements pis des rires en canne, comme à’ tévé.

Y’était déguisé en gars ordinaire, mais Marguerite l’arconnut tu’suite; a tomba à genoux pis a s’mit à prier de toutes ses forces. 

Le yâble y prit les mains pis y dit : 

« Ah, mon pauvre p’tit pet de sœur! T’as ben assez souffert, tu peux arrêter, là! » 

Le prince des démons l’savait pas, mais y’avait fait une erreur fatale en s’approchant trop proche de Marguerite : a le pogna par la tête pis le câlissa à terre avec une technique d’amené au sol digne de Georges Saint-Pierre.  

Après ça, a mit son pied su sa tête pis dit : 

— Quins toé! Tu t’sens moins fin, là, hein, en d’sour des pieds d’une créâture?
— Heille, ça se peut-tu? répondit l’yâble, tout débiné. Battu par une floune! 
—Pourquoi t’es venu icitte? Parle! 
— J’voulais t’convaincre d’obéir au gouverneur pour que tu soyes damnée. Moé, tsé, ch’t’un ange déchu pis ça m’écœure TELLEMENT, les p’tits parfaits comme toé qui vont s’en aller au ciel tandis que moé, ch’peux même pu y’aller! 

Quand y’eut fini de s’lamenter Marguerite leva son pied pis dit :

« T’es vraiment une marde. Enweille, décâlisse. » 

Le lendemain matin, Marguerite voulut toujours pas faire de sacrifice aux dieux des païens, faique les tortures arcommencèrent. 

Marguerite fut brûlée avec des torches, encore pis encore pis encore. La foule en revenait juste pas de voir une p’tite jeune fille de même toffer toute ça sans dire un mot. 

Faique le gouverneur la fit jeter dans un bassin d’eau. Mais, tout d’un coup, la terre s’mit à trembler, pis Marguerite sortit de d’là toute guérie. 

En voyant c’te miracle-là, 5 000 hommes – ça fait BEAUCOUP de woireux – se mirent subitement à croire au Tout-Puissant. 

Là, le gouverneur se dit : 

« Heille wô, ça a pas de bon sens, ça là! Si on continue d’même, a va convertir toute la ville! C’t’assez. Qu’on la décapite! »

Marguerite demanda une p’tite menute pour prier avant d’mourir, pis l’gouverneur accepta. A dit : 

« Ch’prie pour toutes mes persécuteurs. J’leu pardonne pis j’leu souhaite de trouver la lumière du Très-Haut. Pis aussi, j’voudrais que les femmes enceintes, si y m’invoquent, y puissent accoucher sans danger. » 

Pis là, toujours selon La Légende dorée, une voix venue du ciel y répondit : 

« Tiguidou, ma brebis! »

Faique Marguerite se tourna vers le bourreau pis dit : 

« Prends ton épée pis vas-y. Fesse. » 

SHLAK. 

C’est d’même que mourut Marguerite d’Antioche, martyre, tête de cochon, championne d’arts martiaux mixtes pis paladin niveau 20 à Donjons et Dragons. 

J’sais pas pour vous autres, mais moé, j’ai une nouvelle sainte préférée. 

Spécial de Nwël 2021 : Saint Boniface pis la légende du sapin d’Nwël

Heille, moé j’aime assez ça, les sapins d’Nwël! Pas les maudits sapins en plastique blanc avec des lumières bleues qui ont l’air de sortir du palais d’la reine des neiges en dépression majeure, là! Nenon. Les vrais sapins verts qui sentent le sapin avec des lumières de toutes les couleurs pis des cannes en bonbon pis toutes sortes de décorations dépareillées ramassées au fil des ans pis qui ont toutes leu z’histoire. 

Bref, c’que j’décris, c’est les sapins d’Nwël de mon enfance – les sapins d’Nwël à Mémére Poêle. 

Mais d’où-ce que ça vient, ça, la tradition de rentrer un arbre dans’maison pis de l’greyer d’même?

En gros, ça vient des Germains, mais ça r’monte à loin en bazouelle.

Faut savoir que, depuis que l’monde est monde, les humains sont ben impressionnés par le faite que les arbres comme le pin, le sapin, le cèdre pis ben d’autres de même restent verts à l’année. Faique, ça a pas été long qu’y en ont faite un symbole d’immortalité. De l’Égypte à la Chine, on prenait des branches de conifères pour se faire des couronnes pis des guirlandes qui arprésentaient la vie éternelle. Mais là où le culte de l’arbre pas tuable a le plus pogné, c’est chez les Germains pis les Scandinaves.

Avant qu’y s’convartissent au christianisme, c’tes peuples-là trippaient ben raide sur l’idée de l’arbre divin. Ch’pense entre autres à Yggdrasil, un arbre qui sert de poteau à l’univers entier selon les Vikings; à Irminsul, qui joue pas mal le même rôle chez les Saxons; ou au chêne de Thor, vénéré par les Chattes – pas des minounes, là; c’t’un peuple germanique qui s’appelle de même. Mais celui-là, on va y’arvenir.

Pis bon, les chrétiens avaient l’tour de faire coller leu religion chez les fraîchement convertis en prenant des traditions païennes qui existaient déjà pis en mettant une grosse croix d’ssus, genre la fête de la Samhain chez les Celtes qui s’est faite transformer en Toussaint, pis plus tard en Halloween. En  gros, c’est d’même que le sapin s’est faite embarquer dins rituels de Nwël. 

Les premiers sapins d’Nwël comme tels sont apparus au 16e siècle en Allemagne, pis y se sont répandus lentement par après, au fur et à mesure que des Allemands ont émigré à plein de places, comme les États-Unis. C’qui a achevé de faire rentrer les sapins d’Nwël dins maisons de toute l’Occident, c’est quand l’mari d’la reine Victoria, un Allemand lui-même, en a faite poser un au château de Windsor. À partir de là, tout l’monde a voulu faire pareil.

Mais entre les arbres sacrés des païens pis les sapins d’Nwël du Moyen-Âge, vous trouvez pas qu’y a comme un trou? 

C’te trou-là, j’ai pas d’explication béton pour le boucher, mais par’zempe, j’ai une légende.

Une légende qui commence au 7e siècle dans le Devon, dans c’qui était pour devenir l’Angleterre, avec un gars qui a vraiment existé, un dénommé Winfrid. 

Comme c’tait la coutume dans c’temps-là, y’avait tout l’temps des prêtres pis des moines qui voyageaient de ville en village pour prêcher. 

Le pére à Winfrid, un bonhomme assez riche, en accueillait souvent chez eux pour jaser d’affaires spirituelles. Pis quand ça arrivait, notre p’tit Winfrid, encore à l’âge où tu trippes sur la Pat’Patrouille, les écoutait les yeux ronds comme des deux piasses pis posait plein de questions. 

Faique, tel un flo qui voit un film des Zavengeurs pis qui décide que quand y va être grand, y va être Iron Man, Winfrid eut de quoi de ben important à annoncer à son paternel : 

— Papa! J’veux être moine, moi’ssi!
— Y’en est pas question mon ti-gars! Sors-toé ça d’la tête! Sont ben fins pis connaissants, les moines, mais y’ont pas une vie ben l’fun. Ça te tente-tu de te l’ver au beau milieu de la nuite pour prier pis d’être toujours pogné entre quatre murs avec les mêmes gars, ou d’vivre comme un quêteux tout l’temps su’l chemin? 
— OUIIIII!!!!
— Euh… À part de t’ça, pense à toute c’que tu vas manquer! Le confort, le fun… Les p’tites femmes! En plus, j’ai besoin d’quequ’un pour hériter d’ma fortune, moé! 

Mais le p’tit gars en démordait pas : y’allait entrer au monastère, pis parsonne allait l’en empêcher. 

C’est d’même que, du haut de ses cinq ans, Winfrid prononça ses vœux monastiques pis d’vint frére bénédictin. Messemble que c’est crissement d’bonne heure pour faire des gros choix d’vie de même, mais qu’est-cé vous voulez. 

Dins années qui suivirent, y se garrocha corps et âme dans son étude des Saintes Écritures. Pis même quand y pogna l’adolescence, où normalement les priorités d’un jeune homme peuvent virer s’un dix cennes dès qu’y voit passer une belle p’tite pitoune (ou un beau p’tit piton) à son goût, y garda le cap pis d’vint curé. 

Quand l’abbé de son monastère péta au frette, tout l’monde s’attendait à c’que Winfrid prenne sa place, mais notre homme trouvait qu’y avait faite le tour d’la basse-cour. 

À’place, y décida de partir su’a trotte pour porter la lumière du Christ chez les barbares poilus d’la Germanie. Fallait des couilles pour faire ça, pareil : les mœurs locales étaient pas douces, dans c’temps-là. Winfrid avait tellement de chances de juste finir le crâne fendu dans l’fond d’un fossé que si les assurances avaient existé, y’a pas un actuaire qui aurait accepté qu’on y vende une police.

Entécas, y s’en alla en Frise pour convartir le monde là-bas, mais y trouva pas les Frisons ben ben réceptifs :

« Ouin, mon Winfrid, t’arrive pas vraiment d’un bon temps! C’parce qu’on est pas mal dans l’jus avec la guerre contre les Francs. »

Yinque à voir, Winfrid voyait ben que ça donnerait rien d’essayer de parler de Jésus au monde tandis que leu maison brûlait pis que les flèches leu sifflaient chaque bord d’la tête. 

Faique y décida plutôt de partir pour Rome pour demander au pape Grégoire II d’y donner un papier officiel de missionnaire chez les Germains. Le pape, trop heureux d’voir un gars aussi crinqué, se fit pas prier : 

« Heille, t’es dedans, toé, le jeune! Ça m’fait chaud au cœur! Tchèque ben ça : m’as te nommer évêque d’la Germanie, pis m’as te signer un papier comme de quoi t’es mon missionnaire officiel là-bas. Pis une darniére affaire : Winfrid, ça, c’t’un nom de païen. À partir d’à c’t’heure, tu vas t’appeler Boniface, en l’honneur du martyr saint Boniface de Tarse. »

Faique notre nouvellement nommé Boniface partit pour son nouveau diocèse, un territoire où l’Église avait encore rien de faite pis qui aurait été le premier surpris d’savoir qu’y était rendu un diocèse. 

La clé, pour convartir les Germains, c’tait de passer par les chefs de tribu. Leu rôle, à eux-autres, c’tait d’intercéder auprès des dieux pour leu d’mander du succès su’l champ de bataille. Pis y’avaient totalement le droit de magasiner le meilleur dieu pour ça. Suffisait d’les convaincre de gager su Jésus, pis si la puck roulait pour eux-autres à la prochaine bataille, l’affaire était ketchup! Tout l’reste d’la tribu allait suivre par après. 

Pis Boniface, un gars qui savait être sympathique, mais qui lâchait jamais le morceau, était ben bon là-dedans. Y convartit tribu après tribu pis fonda des monastères bénédictins un peu partout.

Un beau jour, y’entendit parler du fameux chêne de Thor, l’arbre sacré des Chattes, pis du gros party avec sacrifice humain qui avait lieu à son pied toutes les hivers. 

« Heille, mettons que j’arrivais, moé-là, en plein milieu de leu veillée du yâble pis que j’abattais leu z’arbre, ça flasherait en estie! Méchant coup de relations publiques pour Jésus-Christ notre Sauveur! » 

Faique la veille de Nwël, avec une p’tite gang de compagnons, Boniface s’en alla au party des Chattes. 

Sauf que quand y furent assez proches pour voir les flammes des feux d’joie pis entendre le monde qui chantaient, les compagnons se mirent à stresser : 

— Euh, Monseigneur, êtes-vous sûrs que c’t’une bonne idée? Y pourraient aussi ben toute nous massacrer si on leu scrappe leur fatalatapouette! 
— Faites-vous en pas. Dieu est avec nous-autres pis toute va ben aller!

Ben sûr de lui, Boniface arsoudit donc comme un ch’feu su’a soupe drette comme le prêtre de Thor allait sacrifier un p’tit enfant. 

« Heille, étranger! Viens-t’en! Tire-toé une bûche! On commence yinque! » 

Pis là, le prêtre se mit à se lamenter que ça allait don mal pour les Chattes pis que c’tait grand temps de répandre du sang su’é racines de l’arbre sacré. 

Faique y prit un p’tit gars par le bras, l’amena au pied de l’arbre, y banda les yeux pis y mit la tête s’un autel en roche. 

« À c’t’heure, notre précieux ti-poute va partir pour le Valhalla pis rappeler à Thor qu’on existe. »

Pis juste comme le prêtre allait y’exploser le cerveau avec un gros marteau en pierre noire, Boniface s’approcha pis bloqua le coup avec sa crosse épiscopale. Le prêtre échappa l’marteau, qui tomba su l’autel pis péta en deux. 

Tout le monde avait la gueule à terre. La maman du p’tit gars se garrocha su lui en pleurant. 

Poursuivant su sa lancée, Boniface dit : 

« Si vos dieux à vous-autres vous écoutent pu, c’parce qu’y sont morts. C’est fini, l’temps des sacrifices! Mon dieu à moé, le Christ, y d’mande pas d’affaires de même. À partir d’à c’t’heure, y’aura pu yinque le Tout-Puissant! Tchéquez ben ça. »

Boniface pogna une hache pis commença à fesser comme un déchaîné su’l tronc de l’arbre sacré. Pis là, selon la légende, un gros vent se leva pis crissa le chêne à terre, le brisant en quatre morceaux. 

Pas loin, miraculeusement pas effoiré, se tenait un jeune sapin qui pointait vers le ciel, fier-pet comme un clocher d’église. 

Boniface, vite su ses patins, profita de cette passe su’a palette du hasard (ou du Seigneur, c’est selon) :

« Vous voyez, là, c’te beau p’tit arbre qui reste toujours vert? Y fait penser à la vie éternelle. En plus, y’est en forme de triangle, pis ça rappelle la Sainte Trinité. Prenez-le don comme nouvel arbre sacré! À l’avenir, au lieu de courailler dans l’bois le soir de Nwël, ramenez don toutes un sapin chez vous pour fêter la naissance du p’tit Jésus. »

Faique c’est d’même que le sapin rentra dans les traditions de Nwël.

Pis Boniface, lui, savez-vous comment y’a fini? 

Ben des années plus tard, après avoir convarti des milliers de Germains, y fut attaqué par des bandits qui pensaient trouver des bébelles en or pis en argent dans ses bagages, pis qui furent ben déçus quand y virent yinque un tapon de vieux livres plates avec des croix dessus.

Bref, y’est mort le crâne fendu dans l’fond d’un fossé. Comme de quoi, finalement, c’tait une bonne idée de pas y vendre d’assurance-vie!


Source : La vie de saint Boniface selon Willibald, 8e siècle.

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Kid Kodak : Henri IV de France pis ses portraits

Aujourd’hui, c’est le 411 anniversaire d’Henri IV, roi de France – tsé, le gars de l’autoroute du même nom, à Québec?

Y’a été tué en pleine rue par François Ravaillac, un fanatique religieux qui pensait que le roi était l’Antéchrist.

Mais bon; mettre des tites bulles drôles sur la peinture de son assassinat, c’t’un peu… J’me sentais pas à l’aise avec ça, faique j’ai décidé de faire autre chose.

Voyez-vous, notre Henri IV était un kid kodak avant l’heure. Y’aimait pas mal ça, s’faire tirer l’portrait.

Faut dire aussi que lui, au départ, c’tait le roi de Navarre. Y’a hérité du trône de France parce que la dynastie des Valois a trouvé l’tour de passer au travers de toutes ses héritiers mâles, pis comme les Français interdisaient aux « gonzesses » d’hériter du trône, ben y’a fallu qu’y’armontent neuf générations en arrière pour se trouver un roi.

J’vous dis ça parce que c’est pas tout l’monde qui trouvait que son auguste darrière avait légitimement d’affaire là. Faique, en utilisant des portraits, y’a lancé une espèce d’opération de relations publiques pour ben paraître pis asseoir comme faut son pouvoir.

Faisons une tite rétrospective.

Le v’là à 15 ans, avec un beau pinch mou. C’est magnifique. Enlève le colette, pis on dirait un nerd qui rentre d’un tournoi de cartes Magic, ben certain qui va gagner, pis qui tient les portes aux filles en disant « Mad’moiselle ».

Notez le pif pis le r’gard de braise – vous allez les arvoir souvent.

Le r’vla quatre ans plus tard, à ses noces, avec Marguerite de Valois, alias la reine Margot, tsé comme dans la vue avec Isabelle Adjani pis Daniel Auteuil.

Comme on peut l’voir à leux faces qui irradient le wouptidou, y s’aimaient pas pantoute. C’tait un mariage arrangé par Catherine de Médicis, la mére à Marguerite, dans l’espoir de faire slaquer la guerre entre catholiques et protestants. Parce que, ouais, Henri était protestant; à cause de ça, y pouvait pas rentrer dans Notre-Dame, faique la cérémonie de mariage a eu lieu su’l perron d’la cathédrale.

Y’ont pas eu d’enfants, pis finalement, Henri a fini par faire annuler son mariage avec Marguerite, pis y s’est armarié avec Marie de Médicis, qui lui a donné un héritier doué de zouiz quasiment tu’suite.

D’ailleurs, quins, argardez l’beau tit portrait de famille avec toutes les enfants (Louis, Elizabeth, Christine – pis l’ti poute, dans son cârosse, c’est MONSIEUR d’Orléans) pis euh… euh… L’gars dans l’coin, là? En bas? C’est Guillaume Fouquet de la Varenne. Y v’nait d’une famille bourgeoise, pis y’était cuisinier pour la sœur d’Henri. Fouillez-moé comment, mais c’est devenu l’grand chum d’Henri, pis y lui a même sauvé la vie à la bataille de Fontaine-Française.

Mais bon. C’est bizarre. Y’a l’air photoshoppé dans’peinture. Tsé, c’t’un peu comme aller au studio Sears avec les flos pour une séance photo quétaine avec des pommes pis mettre ton courtier d’assurances dans l’coin. Ou bedon, ton chum de gars qui travarse une mauvaise passe pis que t’as accepté d’héberger dans ton sous-sol, mais là y s’incruste pis ta blonde est à boutte. En passant, son papier dit « Il m’a fait quérir l’honneur et donné le bien ». Au moins, y’est arconnaissant.

Comme j’vous disais, Henri s’sarvait aussi de ses portraits pour faire un ti peu de propagande, genre :

Là, on l’voit en armure, l’épée dins airs, toute drette, avec un sourire de champion. à gauche, c’est l’nœud gordien, tsé lui qu’Alexandre le Grand a fendu en deux. À drette, c’t’un mini Hydre de Lerne toute étêté, comme dins douze travaux d’Hercule. Tu’suite, on voit qu’y s’prenait pas pour d’la marde.

Mais c’pas fini!

Le faite qu’Henri était protestant, ça fâchait ben du monde, dont la Ligue catholique, qui voulait ARDJIEN savoir de lui su’l trône de France. Y leu a faite la guerre pendant des années. Un m’ment’né, pour acheter la paix, y’a fini par se convertir au catholicisme, mais même à ça, la Ligue continua de l’attaquer comme un chien qui a les dents pognées dins culottes du facteur.

Quand y réussit enfin à avoir l’dessus, cinq ans après sa conversion, on y tira c’te beau portrait-là :

Faique le but de t’ça, c’tait de l’arprésenter en Mars, dieu d’la guerre chez les Romains. Y tient l’bâton du boss, pis y’a l’pied su les bouttes d’armure de ses ennemis vaincus. Notez son armure rose flash! Ça, ça montre que l’rose, ça a pas toujours été associé aux p’tites filles. En faite, jusqu’aux années 1930, le rose, c’tait une couleur associée aux p’tits gars, un genre de rouge-lite qui arprésente la force. Les p’tites filles, elles, étaient habillées en bleu pâle, la couleur d’la sainte Vierge.

Faique les gars, j’vous encourage à mettre des ch’mises roses! Ça fait tellement ben!

Ok. Là on arrive à mon image préférée.

ARGARDEZ. SA. FACE. J’me peux pu. Y’a l’air d’un comédien poche qui joue un héros dans une pièce de théâtre d’été pis qui a apporté son costume à maison pour surprendre sa femme.

Dans c’te portrait-là, y’a r’pris l’idée de l’Hydre de Lerne, mais là, y’est allé à fond. Y’est carrément habillé en Hercule, avec la massue pis toute. Même si la face fait son âge, le corps est toute jeune pis fringant. C’est pour montrer la vigueur pis la santé du roi, mais finalement, ça donne juste le goût d’rire.

Pis là, l’apothéose. Comme j’vous disais au début, y’a été assassiné le 14 mai 1610. Mais même dans’mort, y’avait pas dit son darnier mot. Tchéquez-ça :

(Si c’est trop p’tit, cliquez avec le piton drette pis faites « Voir l’image dans un nouvel onglet »)

Méchante affaire, hein? À gauche, Henri s’fait emmener su l’mont Olympe par Jupiter pis Saturne comme un homme devenu dieu. Au milieu, deux Victoires nu boules s’arrachent les ch’feux. À drette, t’as Marie, la veuve à Henri, qui s’fait offrir la régence du royaume, vu que son gars Louis XIII est encore trop jeune pour régner. Est toute triste pis humble.

C’est la France en parsonne qui y tend l’globe du pouvoir pour qu’a l’prenne. Autour d’elle, y’a la Prudence, la Providence pis la déesse Minerve qui l’encouragent. Pis en bas, ben… c’t’une gang d’hystériques qui endurent pas l’incertitude.

Faique c’est ça! Mais avant d’partir, j’ai un darnier nanane pour vous-autres. Henri, y s’est pas limité à un seul médium pour ben paraître…

Fig. 3

La débarque historique des Templiers, en queques menutes

(Voici un p’tit boutte de morceau pour vous faire patienter, vu que le texte sur Jos Montferrand sortira yinque le 25.)

Bon. Ch’t’en retard avec ça, mais y’est jamais trop tard pour ben faire, hein?

Hier, c’tait le 13 octobre. Faique ça a fait 713 ans depuis le vendredi 13 octobre 1307, l’jour où toutes les Templiers de France ont été arrêtés d’une shot par les hommes du roi Philippe le Bel.

Au départ, les Templiers, y s’appelaient les « Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon ». Y s’étaient donné comme mission de protéger les pèlerins qui s’en allaient à Jérusalem – arprise par les Chrétiens pendant les croisades – pis que les bandits pognaient comme les gornouilles pognent des grosses mouches gourfues qui volent pas vite.

Mais les Templiers restèrent pas pauvres ben longtemps : y se mirent à r’cevoir des dons de partout, des nobles pis des rois comme du monde ordinaire. Y se faisaient léguer des bien pis des terres à la pochetée, pis comme y géraient ça en champions, toute ça a fructifié sur un moyen temps.

Un m’ment’né, parzempe, les croisades ont fini par finir, pis les Templiers ont pardu leux châteaux pis leux terrains en territoire musulman. Y’avaient pardu leu but premier. Mais y’étaient encore full riches, full puissants pis protégés par le pape… De quoi rendre Philippe le Bel, roi de France, ben jaloux.

Faique le roi demanda au pape Clément V de partir une enquête sur les Templiers : supposément qu’y crachaient sur les crucifix pour le fun pis qu’y vénéraient le démon Baphomet.

Sauf que l’pape, qui avait pas pantoute envie de faire ça, se traîna un ti peu les pieds, faique Philippe le Bel se tanna : y’organisa, dans le plus grand secret, l’arrestation de l’Ordre au complet en France. Pis comme les Templiers étaient pas des bandits, y se laissèrent emmener comme des agneaux.

Le roi saisit toutes leux biens, parce que tsé, ben sûr. Y les fit torturer, pis même le grand chef, Jacques de Molay, passa au batte lui avec. À force de se faire étirer su tou’és sens pis brûler l’tsour des pieds, les pauvres chevaliers finirent par avouer n’importe quoi pour que ça arrête.

Y’en a qui avouèrent, mais qui se rétractèrent après, faique Philippe le Bel les condamna toute au bûcher.

Rendu là, Clément V sentit que Philippe le Bel commençait à avoir le dessus, pis que lui avait l’air de plus en plus fou à mesure que le temps passait pis qu’y continuait à soutenir les Templiers. Faique y r’vira sa froque de bord, désavoua Jacques de Molay pis dissolut l’Ordre.  

Jacques de Molay était en beau saint ciboire de tabarnak.

Y passa finalement au bûcher le 18 mars 1314. Supposé qu’avant de mourir, y lança une terrible malédiction au pape pis au roi :

Clément V mourut le 20 avril 1314, probablement d’un cancer de l’intestin. Ses médecins lui avaient fait avaler des émeraudes pilées pour le guérir, mais on s’imagine que ça devait marcher aussi ben que l’œuf de jade dans la ploune à Gwyneth.

Quant à Philippe le Bel, y mourut d’un ACV pas longtemps après, le 4 novembre d’la même année. Pis ses trois fils pétèrent au frette sans descendance mâle, ce qui foutit la merde dans la succession pis déclencha plus tard la Guerre de Cent Ans, dont j’vous ai déjà parlé par la bande dans ma série sur la Guerre des Deux-Roses.

Jacques y était-tu pour de quoi? Sûrement pas, mais c’est l’fun d’y croire…

Spécial Noël : saint Nicolas, héros en soutane – partie II

Partie 1

Salut! 

J’espère que vous vous êtes ben bourrés la face! Vot’réveillon a pas fini avec mononc Paul qui roule en-dessous de la table après sa onzième shot de caribou, toujours? Ou avec grand-m’man qui tombe dans l’sapin en dansant sur un solo de ruine-babines endiablé?

En tout cas, si vous avez eu comme cadeau un kit de chandelles qui sentent le mal de tête, un tour de volant en minou ou bedon un Rotato Express, pis que vous êtes ben déçus, j’ai quequ’chose pour vous consoler : une collection des greatests hits de saint Nicolas! C’est comme une boîte de chocolats de chez Jean-Coutu, mais avec des miracles au lieu de des vieilles cerises pognées dans l’sirop figé dur!

Saint Nicolas pogne les nerfs au concile de Nicée 

En tant qu’évêque, Nicolas fut invité au concile de Nicée. Ça, c’était un gros congrès des évêques de l’Empire romain que l’empereur Constantin avait organisé parce qu’y avait d’la chicane dans’cabane : personne s’entendait sur le rapport entre Dieu le Père pis Jésus le Fils, pis personne allait partir tant que ça serait pas réglé. 

Y’avait un gars, Arius, qui pensait pas comme les autres, pis y voulait pas lâcher le morceau : 

« Vous l’avez pas pantoute, gang : Dieu, c’est Dieu, pis Jésus, c’est yinque son messager! Quand y dit que Dieu, c’est son père, là, ben c’est comme… Une adoption, genre! Jésus, c’t’un gars ben spécial, mais y’est comme vous pis moé, qui rote pis qui se pète l’orteil su’l coin du litte de temps en temps! Y’est pas divin, y’est juste ben plogué! »

Méchante hérésie. Après des mois d’astinage, Nic finit par tomber dans’face à Arius :

« Coute-moé ben, toé, mon p’tit théologien à deux cennes! Jésus, là, y’est divin! Y’est faite d’la même substance que son père! Que ch’te voye toé, dire que le Christ est pas Dieu incarné! »

Nic vint tellement fâché qu’y crissa une claque su’à gueule à Arius. Les pères du concile, scandalisés, le firent arrêter. La religion, là, c’est pas une raison pour se faire mal! 

Mais Nic sécha pas trop longtemps dans sa cellule : Dieu était de son bord, pis Jésus pis Marie en personne firent un croche pour y’ouvrir la porte. Entécas, c’est c’qu’on dit. 

Saint Nicolas se fait livrer une colonne de marbre par Jésus Express

En r’venant du concile de Nicée, Nic fit un croche par Rome. Au bord du fleuve Tibre, il vit une colonne de marbre blanc et rouge qui traînait à terre. Y’a trouva ben belle, faique y fit le signe de croix dessus et lui dit : 

« Va-t-en à Myre, j’aimerais ça t’avoir dans mon église. »

Pis y lui donna un coup de pied pour qu’a roule dans le fleuve (quand saint Nicolas te donne un coup de pied, t’as beau être une colonne de marbre de 30 tonnes, tu t’astines pas).

La colonne s’en alla, flottant miraculeusement sur le fleuve, pis réapparut au port de Myre, prête à être livrée à Nicolas. Jésus Express : plus fiable que Postes Canada! 

Saint Nicolas crée un malaise à table

Il était une fois trois p’tits gars qui s’étaient épivardés un peu trop loin pis un peu trop tard, pis qui se firent pogner ben perdus par la noirceur. 

Y virent la lueur d’une chaumière, faique y cognèrent à la porte pour demander un abri pour la nuit. C’était chez le boucher, pis y les fit rentrer. Mais, au lieu de leur donner à souper, ben le bonhomme décida d’les dépecer. Il les découpa en bouttes pis les mit à saler comme des jambons. 

Sept ans plus tard, Nic, qui était en route vers Nicée, demanda l’hospitalité au boucher : 

– Entrez entrez, mon bon monsieur! Qu’est-cé j’vous sers pour souper? Un bon rôti d’veau?
– Boarf, non, ch’file pas pour ça à soir. 
– Vous voulez quoi, d’abord? 
– Votre p’tit jambon salé, là, qui est dans le saloir depuis sept ans, y doit être rendu pas pire? 

Le boucher, qui comprit tusuite que son crime avait été découvert, vint ben blême pis partit à’course pour pu jamais r’venir. 

Faique Nic alla dans le saloir, pria, pis les p’tits gars furent raboutés et ramenés à la vie par l’Esprit saint. L’histoire dit pas si leurs parents ont faite le saut en les voyant arsoudre après sept ans sans avoir vieilli d’un jour… 

(Ça, en fait, ça serait la même histoire que les trois soldats innocents dont je vous avais déjà parlé dans l’autre partie, qui s’est transformée en se rendant de Turquie jusqu’en Europe : y’a de quoi qui s’est perdu dans la traduction, pis tsé, innocence, enfants, ça a fini par donner ça.)

Saint Nicolas a des écoulements

Notre bon saint Nic était pas éternel, faique y finit par trépasser. Y fut placé dans un beau tombeau en marbre blanc, pis là, le monde remarquèrent que… ben… y suintait d’la tête pis des pieds. 

Mais, ttention, là! C’tait pas du simple jus de mort! C’était une huile miraculeuse qui guérissait tous les maux. De partout, on venait pour s’en mettre sur des bobos de toutes sortes. Pauvre Nicolas, pareil : même après sa mort, y’était encore pogné pour se faire taponner les orteils. 

Mais pensez-vous que le trépas allait arrêter notre vieux snoro? Oh que non! Les miracles ont continué!

Saint Nicolas s’en laisse pas passer une p’tite vite

Y’avait un homme riche qui voulait absolument avoir un fils, faique y pria saint Nicolas en lui disant : 

« Saint Nicolas, si tu m’donnes un fils, ben ch’te promets de venir avec lui y’où c’que sont tes reliques pis de t’apporter un gros vase en or avec plein de joyaux pis toute. » 

Faique le fils tant voulu vint au monde pis grandit. Pendant ce temps-là, l’homme riche fit faire le vase chez un orfèvre, mais il le trouva tellement à son goût qu’il décida de le garder pis d’en faire faire un autre un p’tit peu moins beau : 

« Y s’en rendra pas compte, hein? Ça va être correct pareil? »

Le père et le fils prirent le bateau pour déposer, comme promis, le vase sur le reliquaire de saint Nicolas. À bord, le père demanda au fils d’aller puiser de l’eau avec le plusse beau vase.  

Là, s’cusez, mais c’était une maudite idée de cabochon. Premièrement, y’étaient en mer : c’était de l’eau salée! J’sais pas si vous avez déjà mangé une vague en pleine face en vous baignant dans l’fleuve, mais ça goûte pas tout à faite le p’tit jésus en culotte de v’lours.  

Deuxièmement, quand t’as un vase précieux de même, tu l’gardes dans sa boîte pis tu l’sors juste pour faire ton frais-chié en avant de la visite. Tu vas pas t’en servir comme cruche pour puiser de l’eau, voyons donc!

Troisièmement, houle + bateau qui brasse + enfant en bas-âge qui se penche par-dessus bord pour puiser de l’eau, ben ça peut pas finir autrement qu’en drame. Pis c’est drette ça qui arriva : le p’tit gars tomba dans la mer avec le vase pis disparut dins vagues. 

Le père se mit à capoter, ben sûr, à brailler pis à hurler pis à se rouler à terre, mais y’avait rien à faire : il avait perdu son fils pis son vase de frais-chié à cause d’une seule décision de cave. 

Malgré tout, y finit son pèlerinage pis alla quand même porter le vase cheapette sur l’autel de saint Nic. Mais dès qu’y le déposa, le vase y r’vola dans face : 

« Ben voyons! »

Il le ramassa pis le déposa une autre fois. Pis encore là, le vase y r’vola dans face, comme si y’avait mangé une claque invisible : 

« Qu’est-cé ça? »

Il réessaya encore une fois, pis là, le vase arvola jusqu’à porte de l’église. Pis juste comme le père se tournait vers la porte, y vit son fils rentrer, sain et sauf, avec le plusse beau vase. Le père se garrocha sur lui et le couvrit de becs pis de larmes.

Quand y reprit ses esprits, y ramassa le beau vase pis le vase cheapette et les déposa les deux sur l’autel. Pis c’te fois-là, ils y restèrent. Le père avait appris sa leçon : faut pas essayer d’en passer une p’tite vite à saint Nic! 

Saint Nicolas fait un lift au patricien Jean

Méthode, patriarche de Constantinople dans les années 840, avait l’habitude de raconter pour faire son intéressant dans les partys que son père, le patricien Jean, était tombé à la mer pendant une tempête, pis qu’alors qu’il était su’l bord de se neyer, il pria saint Nic qui apparut en chaloupe pis lui cria : 

« HEILLE, JEAN! PAR ICITTE! EMBARQUE, CH’TE RAMÈNE À TERRE! »

Saint Nicolas ramasse l’émir

Une fois c’t’un p’tit gars qui venait d’une famille ben chrétienne qui fêtait la fête de saint Nicolas à toutes les ans. 

Un jour, le pauvre p’tit pet se fit kidnapper par les musulmans pis devint le serviteur de l’émir. Un an plus tard, le jour de la fête de saint Nic, y lui vint une p’tite nostalgie pis y se mit à brailler en avant de l’émir. 

Faique l’émir y demanda : 

– Qu’est-cé qu’t’as là, mon p’tit infidèle?
– Ah, scusez, Votre Magnificence, c’est juste qu’aujourd’hui, c’est la fête de saint Nicolas. On fêtait ben gros ça dans ma famille, pis ça me rappelait des souvenirs… J’ai un peu le motton, c’est toute…
– Ouin, ben y t’as pas aidé fort fort, ton saint, parce que t’es rendu mon esclave! Pis y f’ra ben c’qu’y voudra, mais tu vas le rester pour toujours! Mouahaha!

L’émir venait yinque de finir sa phrase qu’un gros vent de bœuf se leva pis emporta le p’tit gars et rasa le palais de l’émir au solage. Pis le p’tit gars, lui, y’atterrit sain et sauf drette en avant de la porte de chez ses parents. 

C’était pas une bonne idée de baver saint Nic, même mort et enterré.

Bon! M’a m’arrêter là. Si j’vous racontais vraiment toute, on s’rait encore là le 31 au soir pis j’vous ferais manquer le Bye Bye. 

Faique j’vous souhaite une maudite bonne année, ma gang de vous-autres! 

La semaine prochaine, j’me donne congé, pis après j’vous reviens toute fringante pour la suite de la saga de Frédégonde contre Brunehaut! 


Sources :
Jacques de Voragine, La Légende dorée. https://play.google.com/books/reader?id=vuliAAAAcAAJ&pg=GBS.PP1
Nicolas de Bralion, La Vie admirable de saint Nicolas. https://play.google.com/books/reader?id=VucYAAAAYAAJ&pg=GBS.PP1

Spécial Noël : saint Nicolas, héros en soutane

Ilia Répine, « Saint Nicolas arrêtant le bourreau » (1888). Mention spéciale à l’adorable petite nuisette rose transparente du gars à gauche.

Bon, w’est encore rendus à Noël. 

Vot’ Matante Poêle, entécas, a trippe : mes gâteaux aux fruits macèrent dans’boisson, mes cadeaux sont emballés pis Mononc Poêle est déjà à boutte de m’entendre chanter des tounes de Noël. 

Les enfants aussi, y trippent : sont fous comme des balais en attendant que le père Noël vienne leur porter leux étrennes en dessous du sapin. 

Mais d’où c’est qui t’sort, lui, le père Noël? 

C’t’un peu compliqué, mais en gros, c’est parti d’un saint du quatrième siècle : Nicolas de Myre, le saint patron des enfants. Au Moyen-Âge, le jour de sa fête – le 6 décembre – les parents donnaient des cadeaux aux flos en son honneur.

Après ça, au 16e siècle, y’a du monde qui ont commencé à trouver que le vénérage d’un tapon d’saints, ça commençait à ressembler aux païens qui ont plusieurs dieux. Faique comme le monde auraient chiâlé si on leur avait dit d’arrêter ben sec la tradition de la Saint-Nicolas, ben le donnage de cadeaux a été déménagé à Noël pour que ça soit associé au p’tit Jésus à place. 

Après, ben là, y’a plein d’influences pis de coutumes qui se sont mélangées, du « Father Christmas » joyeux et soûlon des Anglais aux traditions des Pays-Bas en passant par l’Odin des Vikings, pis, avec un coup de pouce de Coca-Cola, on s’est ramassés avec le bonhomme qu’on connaît aujourd’hui. 

Mais le saint Nic du quatrième siècle, là, y’avait fait quoi de spécial? Pas mal d’affaires, ça a d’lair. Selon la légende, y’était tout le temps après sauver tout le monde – un vrai superhéros! Mais y’était pas doux. Oohhh, non! 

Nicolas de Myre naquit au troisième siècle à Patare, dans la Turquie d’à c’t’heure. Pis y’était précoce, le p’tit vlimeux : le jour de sa naissance, y se leva deboutte tu seul pour recevoir le baptême, pis y refusait de prendre le sein de sa mère les jours de jeûne prescrits par l’Église. 

Rendu ti-gars, y’aimait plus passer du temps dins églises qu’avec les autres flos. Inspiré par les Saintes Écritures, notre rongeux de balustre en herbe devint pas mal pieux. 

Comme ses parents étaient riches, Nic hérita d’un pas pire pécule quand y moururent. Au lieu de s’acheter un gros char pis d’aller dans le Sud, y se demanda comment distribuer l’argent pour contribuer à la gloire de Dieu. 

Un m’ment’né, y’apprit qu’un de ses voisins était rendu tellement pauvre qu’y était su’l bord d’envoyer ses trois filles vierges faire le trottoir pour mettre du pain su’à table. 

Nic capota ben raide : y’était pas pour laisser faire ça! Faique la nuite venue, y’emballa un gros tas de pièces d’or dans un linge pis le garrocha dans’cour du voisin. 

Pas longtemps après, grâce à l’argent de Nic qui servit de dot, l’aînée des trois filles put se marier. 

Nic fit la même affaire pour la deuxième fille. Là, le père commença à se poser des questions : 

« Voyons, jériboire, c’est qui qui garroche d’l’argent dans ma cour? »

Pour la troisième fille, Nic doubla la somme d’argent par rapport aux fois d’avant et la pitcha chez le voisin; mais là, le bruit des piasses qui tombaient à terre réveilla le voisin, qui partit à’course après Nic pour y dire merci. 

Y voulut lui embrasser les pieds pis crier c’qu’y avait faite sur tous les toits, mais Nic voulut rien savoir : 

« Bon, là, là, lâche-moé les orteils, pis parle de t’ça à personne, c’tu clair? » 

Nic, y faisait pas ça pour la renommée. 

Un jour, l’évêque de Myre péta au frette, faique les vieilles barbes vénérables se réunirent pour y trouver un remplaçant.

Un de ces vénérables-là, que beaucoup de monde voyaient comme nouvel évêque, dit aux autres : 

« Partons pas en peur, là : avant de décider, on va prier pis jeûner, pis on va voir c’que l’Seigneur nous inspire. » 

Dans la nuite, y’entendit une voix qui y dit : 

« Demain matin, à l’heure des matines, tiens-toé dans le cadre de porte de l’église, pis le premier gars qui essaye de rentrer ben, fais-le évêque. » 

Faique le vénérable se tint dans le cadre de porte, en espérant ben gros que ça soye pas l’idiot du village qui s’adonne à arriver en premier. Mais quand les matines sonnèrent, dès le premier ding et avant même le dong, c’est Nicolas qui se pointa sur le parvis. 

– Heille, t’es qui, toé?
– Euh… Nicolas?
– Ben Nicolas, t’es le nouvel évêque! 
– Hein? Wô, menute là! 

Nic se fit pogner par les vénérables, emmener dans l’église pis mettre le casse d’évêque su’a tête. Y’eut beau chiâler pis dire qu’y était pas digne, y’était pas mal devant le fait accompli, faique il accepta sa nouvelle job. 

C’est après ça que commença sa carrière de superhéros en soutane. 

Un m’ment’né, des marins en perdition qui avaient entendu parler de lui, mais qui l’avaient jamais vu, se mirent à le prier en braillant : 

« Nicolas! Si toutes les belles affaires qu’on a entendues sur Dieu sont vraies, ben viens nous sauver d’la tempête! »

Pis là, Nicolas apparut au travers d’la pluie pis des vagues qui fessaient su’l pont : 

« Chus là! Qu’est-cé vous voulez? Heille, c’est su’l bord de couler, c’bateau-là! Ôtez-vous de d’là, m’as vous arranger ça! »

Les marins, les yeux ronds comme des trente sous, le regardèrent pogner lui-même la barre, les ramener à bon port, pis disparaître.

Quand y’arrivèrent à Myre, y croisèrent Nic, le reconnurent, pis se garrochèrent à ses pieds pour le remercier. Mais vous savez comment Nic aimait ça, se faire taponner les orteils :

« Ben voyons, j’ai rien faite, moé, c’est Dieu pis votre foi qui ont fait toute la job. Tassez-vous, là! Faut que ch’passe. »

Un jour, y’avait des rebelles qui faisaient du trouble en Phrygie, une région de la Turquie d’à c’t’heure. Faique l’empereur envoya trois princes – Népotien, Orsin pis Apolin – à la tête d’une armée pour leur calmer les nerfs.

Mais là, pendant le voyage, le vent était pas trop d’adon, faique les princes durent faire un croche par Myre. Fouille-moé pourquoi, c’pas clair, mais c’te soir-là, Nic se tenait avec eux-autres, pis pendant ce temps-là, quequ’un vint le trouver toute essoufflé :

« Monsieur Nicolas! Monsieur Nicolas! Le préfet est après vouloir faire décapiter trois soldats qu’y ont rien faite de mal! Y’avait du monde qui voulaient leu peau, pis y’ont corrompu le préfet pour qu’y’é condamne à mort! »

Nic fit pas ni une ni deux pis dit aux princes :

« Ah ben simonac! V’nez-vous en, vous autres, on s’en va les sauver! »

Faique Nic clancha, les trois princes qui suivaient en arrière comme des bébés canards, jusque où les trois soldats étaient censés se faire décapiter. Comme y’arrivait, y’étaient enchaînés, à genoux à terre, pis le bourreau avait l’épée dins airs, prêt à fesser.

« Heille! Arrête-moé ça tusuite! »

Pis Nic, full au bouchon de l’amour de Dieu, se garrocha sur le bourreau, pogna son épée par la lame pis la pitcha au bout de ses bras. Y détacha les prisonniers pis les emmena avec lui :

« Maudit cave de préfet, m’a y dire ma façon d’penser, moé! V’nez-vous en! »

Faique y se rendit chez le préfet. La porte était fermée, mais Nic se bâdra de t’ça pas pis rentra de force. Comme de raison, le préfet, attiré par le bruit, arriva pour voir ce qui se passait :

– Ah ben quins, si c’est pas Nicolas! Qu’est-ce que le me vaut l’honneur de… euh… qu’est-cé tu fais icitte?
– Toé là, espèce d’Hérode de crosseur du maudit! Sans-dessein! Qu’est-cé qui t’as passé par la tête, de faire une affaire de même? J’espère que tu files cheap!

Pis y continua de l’engueuler jusqu’à ce qu’y se roule en boule à terre et implore le pardon du Tout-Puissant. 

Après ça, les trois princes purent repartir, aller faire leur affaire en Phrygie pis r’tourner à Constantinople. En récompense d’avoir effoiré les rebelles, l’empereur Constantin les couvrit d’honneurs : des banquets pis d’l’or pis d’la boisson pis des fesses, toute le kit. 

Mais là, toute c’t’es patentes-là, ça rendit les autres princes jaloux. Faique y grenouillèrent pour faire croire que Népotien, Orsin pis Apolin avaient conspiré contre l’empereur. 

Quand Constantin sut ça par un de ses magistrats, y se posa même pas de questions, fit pas d’enquête et pogna tusuite les nerfs : 

« Qu’on les câlisse en prison pis qu’on leu coupe la tête drette demain matin! »

Nos trois majestés étaient ben découragées. Mais là, y se rappelèrent ce que Nic avait fait avec les trois soldats innocents, faique ils pensèrent ben fort à lui en espérant qu’y vienne les sauver. 

Ben creyez-moé, creyez-moé pas, mais Nic apparut direct dans la chambre à Constantin pis commença à l’engueuler : 

– Pourquoi c’est faire que t’es monté drette su tes grands ch’faux pis que t’as condamné les princes à mort sans essayer de savoir si c’tait vrai ou si c’tait des menteries? Sors de ton litte, pis ordonne qu’y soyent libérés, parce que sinon m’a prier Dieu pour que tu te fasses tuer par tes ennemis pis que tu finisses en charogne tout éjarrée dans l’désert! 
– T’es qui, toé, pour rentrer dans mon palais en pleine nuite pis me parler dans l’casse de même?
– Chus Nicolas, évêque de Myre! 

Nic avait pas fini – y’apparut au magistrat aussi : 

– T’es-tu tombé su’à tête, toé? Voyons donc, conseiller à l’empereur d’exécuter trois innocents? Enweille, déguédine pis va les faire libérer, sinon toute ton corps va pourrir, tu vas te faire bouffer par les vers, pis toute ta descendance va être maudite!
– T’es qui, toé, pour v’nir me menacer d’même? 
– Chus Nicolas, évêque de Myre! 

L’empereur et le magistrat se levèrent pis allèrent se raconter leux aventures : 

– Heille, y vient-tu de t’apparaître un vieux crisse d’enragé noir qui te faisait des menaces?
– Han! Ben oui, toé’ssi? 
– Ouin. On f’rait mieux d’aller libérer les princes! Y’avait pas l’air de niaiser, l’pére! 

Faique y’allèrent libérer les princes, pis l’empereur leur dit : 

« Vous pouvez y’aller! Vous êtes aussi ben de rendre grâce à Dieu, parce vous y d’vez vos fesses! Pendant qu’j’vous ai, j’vous demanderais une p’tite faveur : allez don à Myre dire merci à Nicolas, pis apportez-y une couple de cadeaux de ma part! Demandez-y ben gentiment d’arrêter d’me menacer, pis dites-y que si y pouvait parler de moi en bien au Seigneur, ça serait pas pire pantoute. » 

Pis après ça, Nic mourut. Mais là, allez pas penser que la mort allait l’arrêter d’apparaître au diâble au vert pour sauver tout le monde! Ni que j’vous ai conté toute c’que Nic a faite dans sa vie! Là, faut j’vous laisse, mon chat est après grimper dans mon sapin pis toute sacrer à terre. Mais on se r’trouve entre Noël pis l’jour de l’An, m’as vous conter toute c’que j’ai pas eu l’temps d’vous dire aujourd’hui! 

Joyeuses Fêtes, là! 

Partie II


Source : Jacques de Voragine, La Légende dorée. https://play.google.com/books/reader?id=vuliAAAAcAAJ&pg=GBS.PP1









Sainte Radegonde de Poitiers

On a toutes vu ça au Jean-Coutu, à côté de la caisse, pas loin des revues à potins : tsé, là, les espèces de romans d’amour quétaines avec un agrès musclé en bédaine pis une pitoune échevelée sur la couverture?  

Dans ces livres-là, y se passe tout le temps la même affaire : la belle héroïne est capturée par le gros barbare qui la fait amener dans sa tente pour y faire des affaires pas catholiques. Pis, finalement, a se rend compte qu’en-dessous du poil pis d’la brutalité, c’t’un tendre, pis en plus, c’t’un étalon en d’sour des couvartes!  

Mais, ça se passerait comment si l’héroïne avait une tête de cochon pis qu’a voulait rien savoir pantoute? Pis que le barbare en question était assez vieux pour être son père?  

Sûrement un peu comme dans l’histoire de sainte Radegonde de Poitiers. 

Radegonde, c’tait une princesse : c’était la fille du roi Berthaire de Thuringe, dans ce qu’y est aujourd’hui l’Allemagne.

À l’époque où est’née, vers l’an 520, l’Empire romain venait de s’effoirer, pis les peuples germaniques, comme les Francs, avaient pris la place. Pis ces peuples germaniques-là, y’avaient des règles de succession pas ben ben d’adon. À la mort d’un roi, son royaume passait pas direct à son fils aîné pis on en parle pu : oh non! Y’était plutôt séparé entre TOUTES ses fils. Pis les fils, au lieu de s’accorder, ben y s’entretuaient pis au plus fort la poche.

C’est justement ce qui arriva en Thuringe quand Radegonde avait yinque trois ans. Basin, son grand-père, venait de mourir, pis le royaume avait été séparé entre ses trois fils : Berthaire, Badéric pis Hermanfred.

Ça prit pas grand temps pour que Badéric pis Hermanfred se mettent ensemble pour zigouiller Berthaire. Pis là, Hermanfred s’allia avec Thierry, fils de Clovis – tsé, là, LE Clovis roi des Francs? – en lui promettant la moitié de la Thuringe contre son aide pour se débarrasser de Badéric.

Mais là, Thierry, voyant que son ancien allié était pas trop pressé d’y donner la moitié de Thuringe qu’y lui avait promise (comme y’avait dit?), alla voir son frère Clotaire – un autre fils à Clovis : 

– Heille, Hermanfred m’a promis un boutte de territoire pis y me niaise! J’men va y sacrer une volée. T’embarques-tu? On sépare toute à deux après.
– Ah, ben pourquoi pas? Messemble que je serais dû. Ça fait déjà un boutte depuis ma campagne contre les Burgondes! 
– Depuis que tu t’es fait péter la yeule, tu veux dire?
– Ah, ta yeule, t’étais là, toé aussi!

Faique Radegonde se retrouva à la cour de son mononcle Hermanfred, orpheline pis pognée au beau milieu d’une guerre. 

Elle était rendue à 11 ans quand Thierry pis Clotaire vinrent à bout de son oncle. Pis là, comme deux corneilles chevelues, les frères se mirent à se picocher pour savoir qui ramasserait quoi… Dont Radegonde, qui faisait partie du butin. Pis Clotaire, lui, y’avait l’œil dessus. 

Pour vous donner une idée d’à quel genre d’animal elle avait affaire, Clotaire avait 22 ans de plus qu’elle; c’était un chef de guerre qui rêvait juste de prendre le territoire de ses autres frères pour devenir le roi de tous les Francs comme son père avait été, pis y’était pas du genre à se bâdrer du bien-être des autres. 

Tsé : quand sa femme « principale », Ingonde, lui demanda de trouver un époux digne de sa sœur Arégonde, ben Clotaire trouva pas mieux que lui-même, pis Ingonde passa le reste de sa vie à se dire qu’elle aurait don dû fermer sa grand yeule. Y’avait aussi épousé Gondioque, la veuve de son frère, pour mettre la patte sur son royaume d’Orléans, non sans avoir assassiné ses deux neveux pour éviter qu’ils héritent. Faique bref, c’était un gros dégueulasse sans scrupules, pis y’avait déjà tellement de concubines qu’y savait pu où donner d’la gr… euh, tête. 

Ça a d’l’air que c’était pas assez, parce que Clotaire trouvait que la p’tite avait du potentiel.

Ark. 

Il réussit à convaincre son frère Thierry d’y laisser Radegonde, pis y la ramena comme prisonnière, avec son frère, dans son royaume de Soissons. 

Vu qu’elle était très jeune, y se garda quand même une petite gêne. Il décida d’attendre un peu et la fit éduquer, pis ben comme faut à part ça! En plus de la religion, des travaux d’aiguille pis de toutes les « affaires de femmes », elle apprit aussi à lire et à écrire, ce qui était rare pour les femmes du temps, même pour une princesse. 

Pendant ces années-là, elle devint très pieuse et se mit à rêver de devenir bonne sœur :

« Je serais proche de Dieu, je pourrais lire pis prier pis m’occuper des pauvres pis des malades. Je pourrais jaser avec du monde pieux pis savants au lieu des gros colons de la cour. J’aurais la sainte paix! »

Mais Clotaire, comme j’vous ai dit, y se bâdrait pas trop de ce que les autres voulaient. Quand Ingonde mourut, y se tourna vers Radegonde, pis trouva qu’elle était rendue mûre pour être sa femme. Faique il annonça leur mariage. 

La nouvelle tomba sur la tête de Radegonde comme une édition revue et augmentée du Nouveau Testament avec commentaire intégral verset par verset. Ça faisait pas son affaire pantoute, pantoute, pantoute! Est-ce qu’a fit une face, vous pensez? Ben non! Pas tusuite, en tout cas. Quand a l’entendit ça, la face y grouilla pas d’un sourcil. Mais en dedans par exemple, ça brassait en bout d’viarge : 

« C’est pas vrai! J’vas me ramasser avec c’te vieux bouc dégueu qui pue la robine? Ark! Faut que je me fasse un plan pour me sauver! Ah mais non. Le bon Dieu veut éprouver ma foi. Mais si j’me marie, ch’pourrai jamais être religieuse! Seigneur, qu’est-cé je fais? »

Paniquée, elle leva les feutres au beau milieu de la nuite. Mais elle alla pas loin avant de se faire rattraper par les hommes de Clotaire : 

« Où c’est que tu penses que t’allais, de même, ma tite fille? »

Y’aurait ben des femmes qui auraient tué pour être à sa place. Pour moins que ça, en fait. Mais Radegonde, elle, c’est à reculons qu’elle maria Clotaire et devint reine de Soissons et d’Orléans.

Y’eut pas d’étincelles en d’sour des couvartes. Radegonde découvrit pas le côté homme rose du gars qui avait tué ses propres neveux pis marié sa belle-sœur pour avoir plus grand de terrain. Pis c’est pas les belles robes pis les pierreries qui allaient l’amadouer non plus. 

En fait, c’tait comme si la richesse y brûlait les mains. Dès qu’a recevait de quoi, a le donnait aux pauvres pis à l’Église : ses revenus, ses tributs, ses meubles… 

Personne échappait à sa générosité à pu finir. J’vous dis que l’ermite du coin resta frette en tabarouette en sortant de sa mâsure au milieu du bois quand y vit arriver du monde avec une waguine pleine de cadeaux! 

Radegonde donnait même ses restes de table pis son linge. Pis c’est là que ça accrochait avec Clotaire. Dans ce temps-là, chez les Francs, la femme servait un peu de rack à richesses pour son mari. Plusse qu’a l’avait l’air d’un arbre de Nouël avec ses joyaux, plusse que son mari paraissait ben. Pis Clotaire avait beau être patient avec Radegonde, là, y commençait à se faire écœurer par ses chums : 

– Radegonde, qu’est-cé tu fais là encore habillée comme la chienne à Jacques? Je t’ai acheté plein de belles affaires, pourquoi tu les mets pas? Les gars commencent à dire que j’ai épousé une bonne sœur!  
– Ouin pis? C’est ça que j’aurais voulu faire, moé, dans’vie, si j’avais pu! Hein! Pis Jésus a dit qu’y fallait être humble, pas péter de la broue avec nos bébelles! 

Faique Radegonde continua d’endurer c’te vie-là dont a voulait rien savoir, jusqu’à ce que Clotaire remette ses vieilles pantoufles de gros écœurant : y fit tuer son frère à elle, sous prétexte qu’y complotait contre lui. Ou de quoi de même.

Comme de fait, Radegonde le prit pas pantoute pis décida de sacrer son camp pour de bon. Elle commença par aller voir son mari : 

– Noble époux, ch’peux-tu aller à Noyon voir l’évêque Médard? Messemble que ça me ferait du bien d’aller voir un saint homme pis de me rapprocher de Dieu un peu. Une p’tite cure religieuse, mettons. 
– Ah, ben ch’pas contre! T’es pas du monde pis t’arrête pas de brailler depuis queques temps. Ça va te faire du bien! J’vas même dire à mes gars de t’escorter jusque là-bas!

L’évêque Médard était très aimé pis y’avait la réputation d’être capable de contrôler la météo, c’qui est pratique quand tu veux pas qu’y mouille pour faire les foins! Même Clotaire pensait que c’était une bonne idée que Radegonde aille le voir pour une p’tite fin de semaine de spa spirituel. Mais elle, a l’avait une idée en arrière de la tête. 

En effet, dès qu’elle arriva en avant de Médard, l’évêque eut même pas l’temps d’y dire bonjour qu’a se garrocha sur lui : 

« Monseigneur! Ch’t’à boutte de la vie terrestre! J’veux entrer en religion! Ch’t’en supplie, consacre-moi au Seigneur drette-là! »

Médard resta un peu frette. 

« Euh, ben là, Majesté… »

Dans sa tête, ça virait vite en ciboulot : 

« Hé bonyenne, qu’est-cé m’a faire? Ch’pas pour casser un mariage royal, moé-là! J’vas être dans’marde! »

Pis y’avait pas yinque ça. Les guerriers que Clotaire avait envoyés avec sa femme arrivèrent pis commencèrent à bourrasser Médard : 

– Heille là, que ch’te voye, e’l bonhomme, faire une bonne sœur avec la femme du roi!
– Ouin, ttention, là! Le roi va être en tabarnak! 

Les gars de Clotaire pognèrent l’évêque pis l’emmenèrent plus creux dans l’église. 

Radegonde capotait; mais y’était pas question pour elle de se laisser abattre. Faique, fouille-moé comment, mais elle trouva un habit de bonne sœur pis l’enfila par-dessus sa robe. Pis là, elle s’avança vers Médard, au fond de l’église, et dit : 

« Médard! Si tu branles dans le manche pis que t’as plus peur des hommes que de Dieu, tu vas filer cheap en tabarouette quand tu vas te retrouver devant le Créateur pis qu’y va te demander des comptes pour l’âme de ta brebis! »

C’tait en plein l’affaire à dire. Pogné d’une terreur divine, Médard imposa les mains à Radegonde et la consacra à Dieu. 

Radegonde trippait : c’était le premier choix de vie qu’a réussissait à faire sans qu’un maudit barbu s’en mêle. 

Après ça, elle s’en alla à Poitiers, où a fonda une abbaye. Clotaire essaya ben de la ravoir, mais y’insista pas trop, parce que selon la loi de l’Église, tu pouvais te faire excommunier pour toujours si t’essayais de sortir une religieuse de son abbaye. Mettons que ça fait réfléchir. 

Pis pour le reste de sa vie, comme à voulait, elle aida les pauvres et les malades, guida les autres dans la foi, pis essaya d’aider les fils à Clotaire à pas s’entretuer. 

Pis c’est bien mieux que de finir dans les bras d’un agrès musclé en bédaine! Mais ça, c’est juste moé. Si c’est ça que tu veux, envoye fort! 


Sources :
Vie de Radegonde par saint Fortunat : http://surlespasdessaintes.over-blog.com/article-vie-de-sainte-radegonde-par-saint-fortunat-3-3-85056970.html
M. l’abbé Migne, « Sainte Radegonde », Nouvelle Encyclopédie théologique, 1855 : https://play.google.com/books/reader?id=-_snAAAAYAAJ&hl=fr&pg=GBS.PA1081



Orphelines possédées, bonnes sœurs qui se prennent des mordées et autres cas d’hystérie collective

Ah, le yâble! J’te dis qu’y a l’dos large. Toute est tout le temps de sa faute. Les patates prennent au fond? Le yâble. Un mouton pète au frette? Le yâble. Rogatien a le goût d’aller se coller en cuiller avec Fernand, son voisin de dortoir au camp de bûcheux? C’est le yâble qui y met ces idées-là dans’tête. Tant qu’à moé, si Fernand est consentant, lui pis Rogatien pourraient ben s’en aller tou’é deux dans le soleil couchant pis s’acheter une fermette à Saint-Colomban, mais vous voyez ce que je veux dire.

Or, dans l’ancien temps, y s’est passé des affaires tellement bizarres qu’on n’avait quasiment pas le choix de mettre ça sur le dos du yâble : du monde qui viraient fous toute ensemble pis toute en même temps, sans aucune raison apparente. Comme une espèce d’hystérie collective.

Quins, par exemple : en 1661, dans un orphelinat de Lille, en France, les petites filles se mirent toutes à dire qu’elles étaient possédées par Satan.

Ça sortait pas tant de nulle part : la directrice de l’orphelinat, Antoinette Bourignon, avait vraiment le piton collé sur le yâble. Au lieu d’être fine avec ses orphelines, a les fessait à coups de strap pour « faire sortir le méchant ». Au lieu de parler de Dieu, a parlait yinque de damnation. A voyait Satan vraiment partout – même au-dessus des têtes de ses protégées :

« Les filles, faites pas le saut, là, mais je vois comme une volée de démons au-dessus de vous-autres. »

Faut croire qu’à force d’en parler tout le temps, Antoinette avait attiré le yâble dans son orphelinat : un m’ment’né, une fille qui avait été mis en pénitence dans une pièce barrée réussit à sortir toute seule. A dit « qu’un homme » l’avait faite sortir. Y’avait juste une affaire : les hommes avaient pas le droit de rentrer dans l’orphelinat d’Antoinette Bourignon.

Trois mois après, une autre fille, qui allait se faire fouetter pour avoir volé de quoi, dit :

« C’est pas de ma faute! C’est le yâble qui me fait voler des affaires! Y vient me voir la nuite! »

Là, ça commençait à être bizarre. Une par une, les orphelines se mirent à dire qu’elles avaient fait un pacte avec le yâble.

– La nuit, y nous amène dans son château pis y nous montre des affaires épouvantables!
– Ouais! Pis y nous invite à manger chez eux pis on mange plein de cochonneries!

Étonnamment, Antoinette grimpa pas tusuite dins rideaux :

« Messemble, ouin, qu’y passent la nuite à se bourrer la face à’table du yâble! Yinque à les voir saper leur gruau le matin, on voit ben que c’est des menteries! »

Quand même, Antoinette prit pas de chance pis appela les prêtres, qui sortirent toute leur réguine d’exorcisme. Les pauvres filles furent pognées pour passer deux heures par jour dans une pièce fermée avec des bonshommes qui essayaient de leur sortir le démon du corps. Ça devait être le fun en ti-père.

Mais là, ça commença à mémérer en ville :

« La Bourignon est une sorcière! A l’a corrompu les jeunesses à l’orphelinat! »

Faique Antoinette, sentant la soupe chaude, se sauva aux Pays-Bas, et on entendit pu parler des orphelines possédées de Lille.

Mais ben avant ça, au Moyen-Âge, y’avait eu plusieurs cas de bonnes sœurs virées folles.

Un bon m’ment’né, dans un couvent de France, une bonne sœur se mit à miauler. Drette de même, sans raison. Mais là, au lieu de lui dire « Ben voyons, c’tu fais là, sœur Marie-Ange du Calvaire? Es-tu après pardre la carte? », les autres sœurs se dirent que ça pourrait être le fun de miauler elles avec. Ben vite, le couvent au complet était rendu une annonce de Meow Mix.

À partir de là, tous les jours, les bonnes sœurs se mirent toutes à miauler en même temps, des heures de temps. 

Le monde de la ville étaient à boutte, pis ben sur le bord d’aller leur garrocher des souliers par la tête. Faique un jour, une compagnie de soldats se pointa à la porte du couvent et dit : 

« Bon, là, mes p’tites madames, ça va faire, le miaulage! Si vous arrêtez pas, on va vous fouetter toute la gang! »

J’te dis qu’après ça, la chorale arrêta assez sec. 

Dans un autre cas du genre, des bonnes sœurs se mirent à se mordre. Ça a commencé par une, pis deux, pis ben vite toutes les sœurs du couvent s’entremordaient allègrement. Ça devait défouler, faut croire. Mais là, la folie du mordage partit de ce couvent-là en Allemagne pis se répandit dans tous les couvents du Royaume, pis en Hollande, pis jusqu’à Rome! Qu’essé qui leu avait pogné don là? L’histoire le dit pas.

En 1632 à Loudun, en France, un couvent d’Ursulines au complet se fit brasser par une vague de possessions. La mère supérieure, sœur Jeanne des Anges, commença à faire des sparages bizarres : convulsions, criage, yoga démoniaque la langue sortie, toutes sortes d’affaires, pis d’autres encore qui sont pas disables icitte, parce que je risque de scandaliser les matantes. Hubert Lenoir avec son trophée dans yeule, à côté de t’ça, c’est rien! 

Les autres sœurs se mirent à faire pareil, à halluciner des fantômes dans les corridors pis même à aller se jouquer sur le toit du couvent en pleine nuite. 

On fit venir un exorciste au plus crisse. Pendant une séance, sœur Jeanne des Anges, qui était convaincue d’être possédée par sept démons, dit qu’elle avait des pensées impures pour le père Grandier, le nouveau curé de la paroisse, qu’elle avait pourtant jamais vu de sa sainte vie. Elle l’accusa d’être un sorcier pis de grenouiller avec le yâble pour la séduire.

Grandier avait rien à voir là-dedans, mais y’avait une réputation de courailleux, une grande gueule pis, ça a d’l’air, des ennemis puissants, dont le fameux cardinal de Richelieu – tsé, le gars que tu veux absolument pas te mettre à dos?

Faique quand ça se mit à mémérer dans le royaume que le curé Grandier était un sorcier, y se fit tusuite arrêter. 

Ce fut un vrai procès de Mickey Mouse : Richelieu pis sa gang voulaient la peau de Grandier, pis c’était le prétexte parfait pour l’avoir. 

On fit venir sœur Jeanne des Anges. À travers elle, le démon Léviathan, qui avait ben de la jasette c’te jour-là, déclara que lui pis d’autres démons avaient fait un pacte avec Grandier. Pis drette après, l’évêque responsable du procès remarqua de quoi à côté de son pied : 

« Quins donc! Y’a un papier à terre! J’me demande c’que c’est! Voyons voir… Ah ben tu parles d’un adon! C’est le pacte signé par Léviathan pis le curé Grandier! »

Ça en prit pas plus pour que le pauvre Grandier soit condamné au bûcher. Mais même après qu’y fut rendu un ti tas de cendres, les bonnes sœurs étaient encore possédées. Les braves exorcistes lâchèrent pas la patate pis finirent par sortir un par un les démons de sœur Jeanne des Anges. Pis une fois la mère supérieure calmée, les autres sœurs se calmèrent aussi. 

Après ça, sœur Jeanne des Anges l’exorcisée devint une superstar et partit en tournée dans toute la France. Elle rencontra le cardinal de Richelieu, la reine d’Anne d’Autriche pis le roi Louis XIII, qui accorda la protection royale à son couvent. Grâce à ça, les Ursulines de Loudun furent pleines aux as jusqu’à la mort de sœur Jeanne des Anges. Payante, la possession, tu dis?

Pour finir, j’ai un cas un peu plus extrême pour vous-autres. J’vous avertis, ça fesse. Si vous voulez aller aux toilettes, ça serait un bon temps. C’est beau? Bon, si vous êtes sûrs, on y va! 

Margaretta Peter, une jeune Suissesse, était convaincue que Napoléon II était l’antéchrist, pis que la bataille finale entre Dieu pis le yâble allait commencer. Elle avait même des disciples, qu’elle avait crinqués ben raide pour combattre le mal. Un bon soir, y’en a un qui fit une crise d’épilepsie, faique Margaretta dit : 

« Tchéquez ça! Y’est après avoir une vision des armées de Napoléon II qui s’en viennent! Pognez toutes les armes que vous pouvez pis v’nez-vous en! »

Mais, au lieu de se battre contre les forces de l’antéchrist, Margaretta pis ses disciples passèrent trois heures dans la maison à décâlisser les murs pis les meubles. C’que ça faisait de bon, fouillez-moé, mais entécas, eux-autres, y’étaient dedans en simonac.

Attirés par le train qu’y menaient, les policiers arrivèrent pis séparèrent les hommes des femmes pour les interroger. Pendant qu’y s’occupaient des hommes, Margaretta, qui était restée avec les femmes, les crinqua encore plus : 

« Êtes-vous prêtes à mourir pour sauver votre âme? » 

Elizabetta, la sœur de Margaretta, répondit : 

« Moé! Moé chus prête à mourir! » et commença à se fesser elle-même. 

Faique Margaretta pogna un marteau et se mit à en sacrer des grands coups à sa sœur. Les autres femmes, folles raides, se jetèrent elles avec sur Elizabetta, qui fut tabassée à mort.

Après ça, pour Margaretta, dans la lutte contre le yâble, c’était égalité à une minute de la fin de la troisième période en septième match des séries. C’tait le temps de toute donner : 

– Bon, là, les filles, y reste yinque une affaire à faire pour sauver le monde : va falloir me crucifier!
– Euh…
– Mais, c’est pas grave, je vais r’venir dans trois jours!
– Ah, ben fallait le dire! 

Faique les disciples de Margaretta la crucifièrent. Les armées de Napoléon II se pointèrent jamais la face. Pis après trois jours, Margaretta revint pas d’entre les morts comme elle avait promis. Oups. Les disciples, ben déçus, finirent toutes en prison.

Faique ouais, le yâble, y’a le dos large en tabarouette. Mais tant qu’à moé, les humains ont toute c’qui leu faut dans le ciboulot pour partir en peur pis se faire des accroires, sans l’aide de rien pis de personne. 

Alors, que vous la passiez à soir ou demain, joyeuse Halloween! 


Sources :

https://arbredor.com/ebooks/AntoinetteBourignon.pdf

https://www.faculty.umb.edu/gary_zabel/Courses/Phil%20281b/Philosophy%20of%20Magic/Arcana/Witchcraft%20and%20Grimoires/Loudun.html

https://archive.org/details/epidemicsofmiddl1844heck/page/118

https://www.ancient-origins.net/history-famous-people/crucifixion-margaretta-peter-0011535

Sainte Paule, saint Jérôme et la traduction de la Bible

Derrière chaque grand homme, y’a une grande femme qui lui pousse dans le derrière, paye pour toute pis passe par après pour être sûre que tout est correct.

Jérôme de Stridon, saint patron des traducteurs, a été canonisé pour avoir traduit pour la première fois la Bible en latin direct à partir de l’hébreu, dans les alentours du quatrième siècle. À une époque où, pour un mot ou une virgule dans les Saintes Écritures, le monde s’égorgeaient, partaient une nouvelle secte ou se ruinaient la réputation à grands coups de lettres pleines de bitcheries – c’est selon –, fallait des couilles en béton pour se lancer dans un projet de malade de même*. Pour ben du monde, c’était comme si Jérôme disait : « Ok, tassez-vous, moé m’a vous l’dire c’qu’a dit, la Bible! » L’affaire, c’est qu’il aurait jamais réussi sans l’aide de sa grande chum, sainte Paule de Rome.

Sainte Paule

Sainte Paule, c’était toute une madame. À en croire Jérôme, a chiait pas d’marde. À sa mort, il dit que « [q]uand bien même que toutes les bouttes de mon corps étaient rendus des langues pis que chaque langue se mettait à jaser, y’a rien que j’pourrais dire qui vous f’rait voir comme faut toutes les qualités de la bonne, fine et sainte Paule. »

Si on oublie la métaphore dégueu – un bonhomme faite tout en langues gigotantes qui avance en laissant une traînée de bave à terre pis qui crie « Paaaauuuuuule!!! » avec 5-6 voix en même temps –, c’est un méchant compliment! Mais on va commencer par le commencement.

Paule est née dans une famille de gens riches et connus de Rome. Elle a été élevée dans la ouate, avec une bonne éducation. La petite avait ben de la jarnigoine, faique elle absorbait toute ce qu’elle lisait : livres saints, littérature grecque et romaine, livres d’histoires, poésie, traités de philosophie, toute la patente.

Paraît aussi qu’elle était ben princesse au petit pois :

« Ah! C’te robe de soie-là est tellement rude, on dirait un gant d’crin! »

Ou bedon :

« Est-ce qu’un eunuque pourrait venir fermer la craque dans le rideau de ma chaise à porteurs? J’ai le soleil dans face! C’est insupportable! »

Quand elle fut ado, elle se maria avec un dénommé Toxoce, qui lui aussi venait d’une famille ben en vue. Le couple eut cinq enfants : Blésille, Pauline, Eustochie, Rufine et Toxoce junior.

Après plusieurs années de bonheur familial, pendant lesquelles Paule conserva une irréprochable réputation de madame pieuse et vertueuse, Toxoce senior péta au frette.

Là, tout d’un coup, Paule vira boutte pour boutte : pour fuir sa peine, elle s’enfonça ben creux dans la religion. À partir de là, y’eut juste Dieu pis le salut qui comptaient : elle faisait pu yinque jeûner, prier pis étudier les Saintes Écritures.

Fini le beau linge pis les chaises à porteurs : elle se mit à donner sa fortune aux pauvres. Ses proches avaient rien contre la vertu, mais après un boutte, ils commençèrent à trouver qu’a l’exagérait :

– Paule, on trouve ça ben beau ce que tu fais avec les nécessiteux pis toute, mais si tu continues de même, tu vas mettre tes enfants à la rue!
– Peut-être, mais y vont avoir un héritage ben plus beau que l’argent – la miséricorde de Jésus Christ! répondait toujours Paule, ben sérieuse.

Ça devait leur faire une astie de belle jambe.

Paule commença à se tenir avec Marcelle, une autre riche veuve romaine qui accueillait chez elle des femmes, veuves ou non, pour jaser de religion. C’est là qu’elle rencontra Jérôme de Stridon.

Saint Jérôme était moine et prêtre, parlait plein de langues, traduisait plein d’affaires pis écrivait un tapon de traités, de lettres et de commentaires sur les Saintes Écritures – c’était un big shot de la religion, quoi.

Jérôme était à Rome parce que le pape Damase lui avait demandé d’être son secrétaire, mais y’avait une autre raison. C’qui faut savoir, c’est que la Bible avait d’abord été traduite de l’hébreu au grec, puis du grec au latin, mais c’était un peu le bordel entre les différentes traductions latines. Comme y’avait de la chicane, le pape s’était dit qu’avec une version latine révisée, le monde allait arrêter de s’astiner, pis Jérôme était le candidat tout désigné pour en faire une.

Pendant ce temps-là, Jérôme restait chez Marcelle et enseignait aux femmes, dont Paule et ses filles Blésille et Eustochie. Deux évêques, Paulin d’Antioche et Épiphane de Salamine, s’adonnaient à être là en même temps. Tout ce beau monde se réunissait pour des veillées chez Marcelle, pis Paule en particulier trippait à entendre les évêques raconter plein d’affaires sur les ermites du désert :

– Saint Antoine a passé vingt ans enfermé par exprès dans un fort abandonné au milieu du désert à se battre contre des démons, en survivant juste avec de la bouffe que des pèlerins lui garrochaient par-dessus les murs!
– Han!
– Pis saint Paul a passé 60 ans dans la même caverne! Dieu s’occupait de son lunch tous les jours en lui envoyant un corbeau avec un demi-pain dans le bec, pis quand il est mort, deux lions sont venus creuser sa tombe!
– Ta!

Entre-temps, le pape Damase mourut. Jérôme aurait pu lui succéder, mais comme y passait son temps à se pogner avec tout un chacun sur des questions de religion**, y s’était mis pas mal de monde à dos. Ça fait qu’il partit pour la Terre sainte, mais continua à correspondre avec Paule, avec qui y’était rendu ben proche.  

Paule, elle, avait été ben impressionnée par les histoires d’ermites. Ça commençait à lui tenter pas mal d’aller vivre comme eux-autres dans le désert, loin des tentations du monde. Faique, avec Eustochie, qui faisait jamais rien sans sa mère et qui avait déjà décidé depuis longtemps de rester vierge, elle s’embarqua pour aller rejoindre Jérôme en Terre sainte.

Sur le quai, tandis que le bateau de Paule et d’Eustochie partait, Toxoce junior, 10 ans, braillait toutes les larmes de son p’tit corps en tendant les bras vers sa maman qui s’en allait pour toujours. Paule était toute virée à l’envers en-dedans, mais elle tourna le dos à son garçon et dit :

« Si j’aime plus mes enfants que Dieu, je suis pas digne de Lui. »

Arrivée à Antioche, Paule se lança avec Jérôme et Eustochie dans une tournée des Greatest Hits de la Terre sainte : la grotte de la Nativité! Le lac Tibériade! Le mont Golgotha! C’était comme un voyage organisé, mais avec pas de selfies, pas d’air climatisé, du pain sec pis ben des génuflexions.

Après un p’tit détour par l’Égypte, elle retourna à Bethléem et fonda quatre monastères, trois pour les femmes et un pour les hommes. Elle avait les moyens : même si elle faisait l’aumône mur à mur aux miséreux, y lui restait encore un pas pire pécule. Elle fit aussi construire une auberge pour les voyageurs du désert :

« Comme ça, si Marie et Joseph repassent par icitte, y vont avoir une place où coucher. »

Une fois installée, elle redoubla de pénitences : a se lavait pu, a dormait drette à terre sur une couverte rude en poils de chèvre pis a braillait à pu finir parce qu’elle se sentait coupable d’avoir profité des bonnes choses dans sa vie d’avant.

Elle imposait pas les mêmes affaires aux filles de son couvent, dont elle s’occupait comme une bonne maman; mais si elle en voyait une qui était un peu trop fière-pet par rapport à son apparence, elle lui faisait des gros yeux :

« Oublie pas c’que j’t’ai dit : propre de ta personne, crottée dans ton âme, ma p’tite fille! »

(Messemble que c’est possible d’être une bonne personne sans sentir le swing dans un rayon de 15 pieds.)

Paule, Eustochie et Jérôme en grande discussion.

Ensemble, Paule, Eustochie et Jérôme passaient leur temps à étudier la Bible pis à la commenter. Un beau jour, Paule alluma sur quelque chose :  

– Heille, Jérôme? Tant qu’à réviser les versions latines à partir de la version en grec… Ça serait pas mieux de partir de l’original en hébreu?
– Ayoye, Paule! Méchant flash! T’es en feu à matin!
– Non, mais penses-y! L’original, y’a été inspiré par Dieu lui-même. Mais avec toutes les traductions qui ont été faites, un peu tout croche pis des fois par du monde qui connaissaient pas trop leur affaire, on est en train de perdre la Parole divine.
– J’veux ben, mais c’est une méchante commande que tu me fais-là, Paule! Si ma version s’éloigne trop de ce que le monde connaît, les évêques pis les fidèles vont grimper dins rideaux pis je risque de me faire tirer des roches. En plus, c’est tellement plate et ingrat, la job de traducteur**!
– Y pourront ben japper, Jérôme. Envoye donc. Moi, j’pense que c’est la bonne affaire à faire, pis que tu devrais commencer drette là.

Comme Jérôme pouvait rien refuser à Paule, il s’attela tout de suite au travail.

Saint Jérôme, ben écœuré d’être pogné sur le même passage de sa traduction depuis une heure et demie.

Avec l’argent qui lui restait, Paule lui commanda plein de manuscrits rares qui servirent de référence pour la traduction. Elle et Eustochie l’encourageaient quand il branlait dans le manche, le débloquaient quand il restait pogné sur un passage difficile, révisaient ses traductions et les copiaient pour qu’elles puissent être diffusées (on dit d’ailleurs que c’est de là que serait partie la tradition du copiage de manuscrits par les moines).

Cachée en arrière de Jérôme
 
Comme on connaît juste la vie de Paule par les écrits de Jérôme, c’est difficile de savoir à quel point le bonhomme a été honnête sur sa contribution; elle en a peut-être fait pas mal plus qu’il a osé dire.
 
En fait, Palladios, un évêque et historien qui a vécu dans les mêmes temps qu’eux-autres, a écrit que : « Compétente en ciboulot, Paule se retrouva malgré tout pognée avec un certain Jérôme de Dalmatie. Elle était tellement bonne que personne lui arrivait à la cheville, mais il était tout le temps dans ses jambes avec sa jalousie, pis y se servait d’elle pour réaliser ses propres ambitions. »
 
En fait, Paule aurait probablement été en masse capable de faire elle-même la traduction. Pourtant, elle s’en remettait tout le temps à Jérôme. C’est-tu sa propre humilité qui l’a empêchée de le faire? Jérôme la manipulait-tu? C’est-tu l’attitude de la société du temps par rapport aux femmes? On le saura jamais.

Malheureusement, Paule mourut avant que la traduction soit terminée, maganée à l’os par le jeûne et les privations. Dans le fond, elle avait enfin ce qu’elle voulait : elle était rendue avec Dieu, pis elle était enfin débarrassée de son corps qui avait toujours eu l’air de l’écœurer plus qu’autre chose.

Eustochie hérita de la responsabilité des monastères, qui avaient désormais pu une cenne, Paule ayant fini par venir à boutte de sa fortune.

Jérôme finit la traduction en mémoire de Paule; en hommage, il mit la dernière page sur sa tombe.

Avec les Évangiles qu’il avait révisés, sa traduction formait ce qu’on appela la Vulgate. Ça prit une maususse de secousse, mais, dans les années 1500, elle devint la version officielle de la Bible acceptée par l’Église, et elle le resta jusqu’à Vatican II, dans les années 1960.

Jérôme est le saint patron des traducteurs, des archéologues, des archivistes, des bibliothécaires, des étudiants, alouette; Paule, la sainte patronne des veuves. Mais simonac! Elle aurait peut-être été beaucoup plus si Jérôme s’était pas juste contenté de dire qu’elle était don bonne pis fine, pis qu’il avait vraiment rendu justice à l’œuvre de sa vie.


*C’est pas une exagération. Pour essayer de convaincre Jérôme que son projet avait pas d’allure, saint Augustin raconta que quand les fidèles de Tripoli entendirent sa version du Livre de Jonas, ils pognèrent le mors aux dents et partirent une émeute dans les rues de la ville.

**Par bouttes, les couteaux volaient bas. Jérôme s’astinait entre autres avec un autre théologien appelé Rufin; quand il mourut, Jérôme écrit à propos de lui : « À c’t’heure que le scorpion est enterré… »

***Ouaip, le saint patron des traducteurs a vraiment dit ça!


Source principale : Saint Jérôme de Stridon, Vie de sainte Paula, veuve.
http://remacle.org/bloodwolf/eglise/jerome/paula.htm