Les Vikings arsoudent au Vinland, partie 2 : les voyages à Leif pis Thorvald

Partie 1

Leif, un des garçons à Erik, avait l’œil clair, l’esprit entreprenant pis ben d’la jarnigoine. Faique quand il entendit son père jaser avec Bjarni, les oreilles y retroussèrent tusuite :

« Une nouvelle terre? Faut que j’aille voir ça, moé! C’est ma chance de me faire un nom! »

Y fit pas ni une ni deux pis alla trouver Bjarni pour y poser des questions pis y’acheter son bateau. Après ça, y convainquit 35 gars de partir avec lui pis invita son père à devenir chef de l’expédition. Mais Erik, que les années commençaient à rattraper pas mal, répondit :

– Boaaarff, ch’pus en forme comme j’étais, t’sais! J’ai pu l’âge de m’énarver trop trop.
– Ben voyons, p’pa! Viens donc avec nous autres! T’es le découvreur du Groenland : tu vas être notre porte-bonheur! Enwoye don!

Flatté dans le sens du poil, Erik finit par dire oui. Mais la journée du départ, son cheval se planta comme un cabochon sur le chemin qui menait au quai, pis Erik tomba à terre et se fit mal au pied. Voyant ça comme un signe (ou une excuse), le vieux Viking dit :

– Non, moé, chuis pas dû pour découvrir d’autres places qu’icitte. Vas-y tout seul, mon gars, j’te fais confiance. Moé, j’m’en retourne trouver ta mère en avant du feu. Que le dieu Njord soye avec toé!
– P’pa, j’te l’ai dit que j’étais rendu chrétien!

Faique Leif rassembla sa gang pis mit l’cap sur l’inconnu, comme son père avait fait des années avant ça. Après une secousse à naviguer vers l’ouest, il aperçut une terre de roches plates qui s’étendaient de la mer jusqu’à un massif de montagnes de glace. Y’avait pas grand-chose d’intéressant là, mais Leif descendit pareil.

« Qu’y en ait pas un qui vienne dire que je suis branleux comme Bjarni. J’ai débarqué icitte pis j’vas donner un nom à la place : Helluland. »

Ça voulait dire « terre des roches plates ». C’était un peu facile, mais au moins y’a pas appelé ça « les roches à Leif », toujours ben.

Il poursuivit son chemin vers le sud, pis tomba ensuite sur une terre pleine d’arbres. Leif pis sa gang avaient la gueule à terre : y’avait de quoi en construire en simonac, des bateaux! Faique Leif nomma la place « Markland » ou « terre des forêts », pis repartit, en se promettant ben de faire un croche en revenant pour remplir sa cale de bois au ras-bord.

Ces deux places-là, on pense que c’était l’île de Baffin pis le Labrador, mais c’est après que ça devient moins clair.

Une bonne journée, Tyrker, un esclave allemand d’Erik que Leif aimait ben et considérait comme un deuxième père, revint pas au camp. Comme y’était rendu entre chien et loup, Leif commençait à stresser :

– Ben voyons, où c’qu’il est, Tyrker?
– Euh… On l’sait pas, y’était avec nous-autres, pis un m’ment’né, y’était pu là…
– Ben là! Gang de gnochons! J’vous avais dit de toujours rester ensemble! C’pas dur, messemble!
– Scusez! Y doit pas être loin! Veux-tu qu’on essaye de l’trouver?
– Na-non! Moé m’a y’aller, pis pas avec vous-autres! Ça se peut-tu être cave de même!

Faique Leif, en beau maudit, et 12 de ses compagnons partirent à la recherche de Tyrker. Ça prit pas grand temps pour qu’ils le voient sortir du bois, l’air toute de bonne humeur.

« Hein! T’étais où, son père? Pourquoi c’est faire que tu t’es écarté des autres pis que t’arrives tard de même? »

Tyrker avait pas l’air toute là : y parlait juste en allemand, roulait des yeux pis souriait comme un épais. Finalement, y dit dans la langue du Nord :

– Chus pas allé ben ben plus loin que vous-autres, pis j’ai trouvé quet’chose de pas pire pantoute : des vignes pis des raisins!
– Hein! T’es-tu sûr, son père?
– Ben crère! Là où c’que chus né, y’en avait en masse, d’la vigne, faique cré-moé que j’sais de quoi qu’ça a d’l’air!

Leif capotait. D’la vigne, heille! C’était ben au-dessus de tout ce qu’il aurait pensé trouver là. Le lendemain, il fit une annonce à sa gang :

« Ok les gars, changement de programme. À partir d’à c’t’heure, on explore pu : y’en a une gang qui vont couper des arbres, pis une autre gang qui va cueillir des raisins. On remplit le bateau ben accoté pis on s’en r’tourne au Groenland. Ah, pis icitte, à cause des vignes qu’on a trouvées, j’ai décidé d’appeler ça le Vinland. »

C’était où, exactement, le Vinland? Les savants s’astinent encore là-dessus. Le camp à Leif, c’est-tu celui qu’on a trouvé à L’Anse-aux-Meadows? Pas sûr pantoute. Là-bas, c’est plein de petits fruits nordiques qui font des batèche de bonnes confitures. Mais, des raisins? Ça se peut juste pas. Fait binque trop frette. En plus, dans les sagas, on dit que ça gelait même pas l’hiver. Parlez-en à un Terre-Neuvien – y va être crampé raide.

Faique, le Vinland, à Terre-Neuve? Oubliez ça. Certains disent que c’était au Nouveau-Brunswick. D’autres, au Maine ou au Massachussetts. Mais on le sait juste pas, parce qu’on n’a pas encore trouvé de preuve que les Vikings se sont rendus jusque‑là. P’t’être qu’un jour, quequ’un va tomber sur une épingle en cuivre vieille de 1 000 ans qui va changer toute ça…

Mais en tout cas, Leif, lui, savait c’était où, pis y le dit à d’autres. Son frère Thorvald, en l’entendant raconter toutes les belles affaires qu’il avait vues, devint tout énarvé :

« Ayoye, mon homme! C’est ben malade, ce que t’as découvert! Moéssi j’veux y aller! Tu me prêtes-tu ton bateau? Envoye-doooonc! »

Faique le printemps d’après, Thorvald partit au Vinland sur le bateau de Leif avec 30 de ses chums. Il explora tout le long de l’été, pis passa l’hiver dans le camp que Leif avait bâti. Au deuxième été, il repartit à la découverte.

Un jour, il arriva dans un estuaire, pis vit un cap qui s’avançait dans’mer, couvert de belle forêt. Il décida de débarquer pis d’aller sentir autour. Trouvant la place ben à son goût, il dit :

« Ouan, j’me construirais ben un chalet, icitte, moé! »

En retournant au bateau, Thorvald pis ses gars virent trois bosses bizarres sur la grève. En s’approchant, ils se rendirent compte que c’étaient trois canots en peau, avec trois hommes en dessous de chaque – des Autochtones. Thorvald, pas plus brillant que ça, cria : « POGNEZ-LES! »

Y’était pas le chef de la diplomatie européenne, mettons.

Ils tuèrent tous les hommes, sauf un, qui réussit à se sauver en canot.

Faique Thorvald et sa gang remontèrent sur le dessus du cap et virent plusieurs petites buttes de terre qui semblaient être des maisons. Mais ça les stressa pas plus qu’y faut, parce qu’ils retournèrent au bateau, se cantèrent et s’endormirent ben dur.

Mais là, leur beau dodo fut brutalement interrompu : du fond du bras de mer arrivait une trâlée de canots remplis d’Autochtones, pis ça prenait pas la tête à Papineau pour comprendre qu’y s’en venaient venger leurs compagnons.

Les gars sautèrent de leur litte comme des saumons qui remontent la Restigouche. Dans le bordel des flèches qui sifflaient pis du monde qui criaient, Thorvald dit :

« ‘Tention les gars! Essayez-pas de les attaquer, juste de vous défendre! Y vont peut-être se tanner! »

Pis soudain, les attaquants s’en allèrent, aussi rapidement qu’y étaient venus.

– Êtes-vous corrects, les gars? demanda Thorvald. Y’a-tu des blessés?
– Tout a l’air beau! Mais toé, Thorvald, ça va tu?

Le fils d’Erik le Rouge, ben sur l’adrénaline, prit le temps de se tchéquer, pis dit :

« Ah ben câline! Gorde ça, j’ai mangé une flèche dans le t’sour de bras! »

Il mit un genou à terre, et ses chums se garrochèrent pour le soutenir. Couché sur le pont du bateau de Leif, mourant, il leur dit :

« Bon, ben ça a l’air que je partirai pas d’icitte. Vous-autres, j’vous conseille de décâlisser au plus maudit. Mais avant, j’aimerais que vous me rameniez à la place que j’trouvais ben belle pis que vous m’enterriez là. C’est drôle pareil. J’aurais voulu un chalet, mais finalement, c’est ma tombe qui va être là… »

Et c’est de même que Thorvald Eriksson rendit l’âme, dans un premier rendez-vous botché entre l’Europe et l’Amérique.

Ses compagnons retournèrent au camp à Leif, remplirent le bateau de raisins pis de bois, pis repartirent au Groenland annoncer la nouvelle de la mort de Thorvald.

Une tragédie de même, ça aurait refroidi les ardeurs de pas mal de monde. Mais, heille! C’est des Vikings, qu’on parle, là! C’est pas une p’tite escarmouche qui allait leur faire peur. Faique l’été d’après, y’en avait déjà qui commençaient à jaser d’aller eux-autres avec tenter leur chance dans le Nouveau Monde.

Comment ça allait virer, toute ça? À suivre!

Partie 3


Source principale : HON. RASMUS B. ANDERSON, LL.D. The Norse Discovery of America, 1906. https://www.norron-mytologi.info/diverse/norsediscovery.pdf

Les Vikings arsoudent au Vinland, partie 1 : la saga d’Erik le Rouge

À l’extrême boutte du nord de Terre-Neuve, là où on peut presque chatouiller le t’sour des pieds du Labrador, se trouve une place ben mystérieuse, entre mer et swompe, perdue dans la brume : c’est L’Anse-aux-Meadows.

À cet endroit-là, que le monde du coin appelaient « le vieux camp d’Indiens », on pouvait voir de drôles de rectangles de terre, creux au milieu pis couverts d’herbe, binque trop à l’équerre pour être naturels. Quand des archéologues se mirent à fouiller là, dans les années 1960, ils découvrirent que c’était pas un camp autochtone pantoute : c’était en fait la preuve irréfutable qu’autour de l’an 1 000, les Vikings étaient venus virer jusqu’en Amérique du Nord, pis assez longtemps pour se construire un village.

C’était qui, ces crinqués-là, qui bravèrent les vagues, le vent pis les icebergs, à se geler le cul dans des bateaux ouverts aux voiles faites en laine, leurs vaches pis leurs bœufs à bord, avec jusse le soleil pis les étoiles pour savoir où c’qu’y allaient?

Pour le savoir, faut se plonger dans les sagas, les anciennes chroniques qui racontent l’histoire des Vikings.


Toute commença vers 870, dans une Norvège qui était pas encore un pays. Harald, roi de plusieurs petites garnottes de territoire qu’il avait soit conquises, soit héritées de son père, demanda en mariage la princesse Gyda, la fille de son voisin. Or, la belle, dédaigneuse, lui répondit :

« Pfft! T’es juste un p’tit roi de rien. T’auras ma main juste quand tu vas être roi de toute la Norvège! »

Faique Harald, insulté ben noir, répliqua : « Ah ouin? Check-moé ben aller, ma belle, tu créras pas à ça! »

Il jura alors de pas se couper ni se peigner les cheveux tant qu’il aurait pas conquis la Norvège au complet.

Ça lui prit dix ans – pendant ce temps-là, on le surnomma « Harald le Motté ». Pis quand il unifia le royaume et se coupa enfin la crigne, il devint roi sous le nom de « Harald aux Beaux Cheveux ».

L’affaire, c’est que les nobles norvégiens étaient pas trop contents de payer des impôts à leur nouveau roi sur des terres dont y’avaient autrefois été les seuls propriétaires. Faique y’en a une maudite gang qui paquetèrent leurs petits et s’en allèrent coloniser l’Islande, qui venait d’être découverte.

C’est quelques décennies plus tard qu’un certain Erik le Rouge arriva dans le décor. Comme son père avait été chassé de la Norvège pour « des meurtres » (quels meurtres, là, fouillez-moé, les sagas en disent pas plus là‑dessus), la famille s’en alla en Islande. Rendu là, quasiment toute le territoire était déjà occupé, faique Erik et sa famille durent s’arracher la vie sur un petit boutte de terre bourré de roches que personne avait encore réclamé.

À la mort de son père, Erik hérita de la ferme et se maria avec Thorhild, une fille dont la mère – fallait que vous le dise, c’est juste trop bon – répondait au doux nom de Thorbjorg Buste‑de‑bateau. J’vous laisse imaginer de quoi la madame avait l’air.

Un m’ment’né, les esclaves d’Erik (tout le monde en avait dans ce temps-là, c’était la grosse mode) allèrent se crisser où y’avaient pas d’affaire et causèrent un glissement de terrain qui détruisit la ferme d’un voisin. Pour se venger, Eyolf le Crotté, un membre de la famille du voisin en question, tua les esclaves. Erik, en beau maudit, tua Eyolf le Crotté pis un autre gars appelé Hrafn le Duelliste.

Faut savoir que dans ce temps-là, t’avais le droit de tuer ton voisin si y t’avait fait chier, mais seulement pendant un duel officiel avec des témoins. Erik, lui, avait pas pensé à ça, faique il fut déclaré coupable de meurtre pis banni temporairement de la région. Woups.

Tsé, quand tu prêtes ta varlope au gars qui reste en face, pis des mois plus tard, t’en as besoin, pis y te l’a pas encore ardonnée, faique là t’es pas de bonne humeur? Ben la suite, c’est un peu ça : c’est une chicane sanglante qui a éclaté à cause d’une… base de lit.  

(Photo de l’intérieur d’une maison reconstituée à L’Anse-aux-Meadows)

J’vous explique : dans les sagas, le mot qui est écrit, c’est setstokkr, pis les savants s’entendent pas trop sur ce que ça veut dire. Y’en a qui pensent que c’est des poteaux mystiques avec des runes gravées dessus que le père d’Erik avait apportés de Norvège; d’autres, que ça veut juste dire les planches qui servaient de plateforme pour s’asseoir pis dormir dans les maisons de ce temps-là. Moé, je choisis de dire que c’est une base de lit parce que c’est pas faux… pis c’est plus drôle.

Faique entécas, Erik, qui devait se faire discret pour un p’tit boutte, partit se réfugier sur une autre île. Le temps de se construire une autre maison, il confia les planches de sa base de lit à son chum Thorgest.

Pour les Vikings, le bois, c’était quet’chose de rare et de précieux, faique on s’entend que même si c’étaient pas des poteaux mystiques, Erik avait ben l’intention de ravoir ses setstokkr. Mais là, quand il se pointa chez Thorgest, le gars voulut pas y’ardonner!

Faique Erik fit pas ni une ni deux pis partit pareil avec sa base de lit (concrètement, on sait pas trop comment ça s’est passé, mais on se bâdrera pas trop avec les détails aujourd’hui). Thorgest pis sa gang se lâchèrent aussitôt après lui. Un peu plus loin, Thorgest rattrapa Erik, et ça vira à l’échauffourée. Bilan : plusieurs morts, dont deux des fils de Thorgest.

L’Islande au complet était maintenant déchirée par la base de lit de la discorde. Ok, j’exagère un peu, mais en tout cas, certains prirent le bord d’Erik, d’autres, le bord de Thorgest.  

Pis là, Thorgest alla se plaindre d’Erik au thing, l’assemblée des hommes libres qui servait entre autres de cour de justice, et réussit à le faire déclarer hors-la-loi pendant trois ans. Ça, ça voulait dire qu’Erik perdait tous ses droits et ses biens, pis que n’importe qui avait le droit de le tuer à vue.

Sentant la soupe chaude, Erik, caché par un de ses chums pendant que la gang à Thorgest le cherchait pour y faire la peau, prépara son bateau pour partir en expédition. Il dit aux hommes qui avaient pris son bord :

« Écoutez-moi ben : faut que je lève les feutres au plus crisse, mais j’ai nulle part où aller. Faique j’ai pensé à de quoi. Vous rappelez-vous de Gunnbjorn? Tsé, le gars qui a passé tout drette à cause d’une tempête, qui s’est retrouvé déporté vers l’ouest pis qui a vu une terre avec des grosses roches qu’il a appelée “les roches à Gunnbjorn”? Ben moé, je vais aller voir c’est quoi c’te terre‑là, pis m’a vous r’venir quand m’a l’avoir trouvée. »

C’est d’même qu’au printemps 982, Erik le Rouge, intrépide explorateur et, surtout, gars qui avait peur pour ses fesses, prit la mer vers des horizons inconnus.

Après avoir navigué vers l’ouest pendant une secousse, il vit enfin les roches dont Gunnbjorn avait parlé. Ensuite, il suivit la côte vers le sud et découvrit des baies abritées et des prairies toutes vertes. Pendant trois ans, il explora cette terre-là en donnant des noms à tout ce qu’il voyait – c’était une façon de prendre possession de la place :

– Ça, c’est l’île à Erik. Ça, c’est le fjord à Erik. Pis ça, c’est la butte à Erik.
– Cette anse-là, on pourrait-tu l’appeler l’anse à l’Ivoire? Ça ferait beau! Tsé, à cause des défenses des morses qui se tiennent là…
– Non, j’ai ben mieux que ça.
– Quoi?
– L’anse à Erik!

Comme vous voyez, y’était pas dû pour faire un poète.   

À l’été 985, sa hors-la-loi-itude était finie, faique il retourna en Islande recruter des familles pour coloniser sa nouvelle terre, qu’il avait appelée « Groenland », ou « terre verte », pour une raison ben simple :

« Pour attirer le monde, ça prend un nom vendeur! »

À défaut d’avoir de l’imagination, au moins y’avait le sens du marketing.

Il passa l’hiver chez un de ses chums, pis au printemps, il tomba sur nul autre que Thorgest, le gars de la base de lit.

Pas encore lui!

C’était comme deux matous qui tombent face à face dans une ruelle; les crocs pis les griffes sortirent, le ton monta pis la bagarre pogna. À la fin, c’est Thorgest qui gagna, mais heureusement, il tua pas Erik : dans un revirement qui sortait de nulle part, les deux hommes se raccommodèrent définitivement, pis ça finit en rires pis en grosses claques dans le dos. C’est si beau, l’accordéon!

À c’t’heure que c’t’affaire-là était réglée, Erik put se concentrer sur le recrutement de colons. Faut croire que le nom « Groenland » pognait fort : 35 bateaux partirent pour la nouvelle terre. Malheureusement, y’en a juste 14 qui se rendirent. Les autres coulèrent ou furent écartés de leur chemin par des tempêtes.

Malgré ça, la petite colonie s’en venait ben, même si la vie était toffe, au Groenland. Pis pour un ancien hors‑la‑loi, Erik était rendu pas pire pantoute aussi. Il était bien installé au fjord à Erik, il avait quatre enfants avec sa Thorhild – Thorstein, Leif, Thorvald et Freydis – pis y’avait été choisi comme chef de la colonie.

Un jour, un certain Bjarni Herjólfsson arriva au Groenland. Il était allé voir son père en Islande, mais rendu là, il s’était fait dire qu’il était parti avec Erik. Faique y’avait repris la mer avec son équipage pour aller le trouver.

Il fut bien reçu par Erik. Un soir que tout le monde était réuni autour du feu, avec plusieurs bocks dans le nez, Bjarni se mit à raconter ce qui lui était arrivé en se rendant au Groenland.

– Pis là, on s’est retrouvés pognés dans’brume pis on a dérivé pendant une méchante secousse. On savait pu pantoute où c’qu’on était! Après ça, le soleil est sorti, pis on a vu une terre qu’on connaissait pas, avec ben du bois. Mais là, moé, j’avais hâte de voir mon père, faique j’ai décidé de pas débarquer. Pis là, le vent est revenu du bon bord, pis on est arrivés icitte.
– Voyons, tu me niaises-tu? T’as trouvé une nouvelle terre, pleine de bois pour construire des bateaux, pis t’es pas débarqué? T’es ben épais! dit Erik.
– Ben là! J’voulais vraiment arriver icitte avant l’hiver!
– Franchement, c’est vraiment pas fort, ton affaire! Où c’qu’est ton sens de la découverte? Moé, à ta place, j’srais descendu sur un moyen temps!

Faique ça resta là. La nouvelle terre demeurait un mystère. Mais pas pour longtemps…


Partie 2


Source principale : HON. RASMUS B. ANDERSON, LL.D. The Norse Discovery of America, 1906. https://www.norron-mytologi.info/diverse/norsediscovery.pdf