Quand les belles-soeurs s’haïssent la face : Frédégonde contre Brunehaut, partie 4

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Partie 1
Partie 2
Partie 3

En 580, Frédégonde s’en venait pas mal ben : même si son fils Samson était mort deux ans avant, y lui en restait quand même deux, en plus d’une fille. Comme y restait pu yinque un fils à la première femme de son mari Chilpéric, les chiffres étaient clairement de son bord pour que ça soit sa descendance à elle qui monte su’l trône des Francs.

Mais là, la marde pogna solide. Pis littéralement à part ça. 

Cette année-là, le yâble était aux vaches : y’eut un déluge, des inondations, des tremblements de terre, des météorites, de la grêle, des éboulis, des incendies… Pis ça aurait d’l’air que du sang aurait coulé d’un pain pendant la communion dans l’boutte de Chartres, mais là, y’a peut-être quequ’un qui a abusé du vin de messe.   

Surtout, y’eut une épouvantable épidémie de dysenterie. Pis la dysenterie, c’pas compliqué : t’as de la fièvre, tu vomis pis tu te chies le corps – des fois jusqu’à ce que mort s’ensuive. Pis pour faire du mal, c’était surtout les flos qui en mouraient.

Des chaumières aux châteaux, la maladie fessait partout. 

Le roi Chilpéric lui-même tomba malade, mais y’en réchappa. Et juste comme y se renmieutait, c’est son bébé flambant neuf à lui pis à Frédégonde, Dagobert, qui commença à mal filer. Y’était tellement neuf que ses parents l’avaient même pas encore faite baptiser, ce qu’y firent au plus maudit dans l’espoir que ça aide. 

La dose de Saint-Esprit eut l’air de faire la job, parce que bébé Dagobert reprit du poil d’la bête. Mais là, c’est l’autre gars, Chlodobert, une belle jeunesse de 15 ans, qui tomba malade. 

Là, Frédégonde se mit à capoter :

« C’t’une punition divine, Chilpéric! Toé pis moé, on est trop à l’argent, pis l’Seigneur aime pas ça! On est là à piler d’l’argent pis des pierreries, mais pour qui, han? Ça sert à quoi si y’a pu personne pour nous survivre? On est après perdre c’qu’on a de plus beau! » 

Moé, j’ai pour mon dire que si Dieu avait eu à être fâché après elle, ça aurait plusse été à cause de ses meurtres pis de ses manigances, mais bon. Là, la reine se donna un coup de poing sur la falle comme Céline qui part en peur au milieu d’une toune, pis dit à son mari : 

« Nos coffres, pis nos celliers sont full au bouchon! On n’a pas d’affaire à aller chercher plus. Faique si tu penses comme moé, ben viens-t-en, on va brûler toutes les papiers qui disent qui nous doit combien en impôts. Feni l’temps où c’qu’on faisait fortune su’l dos du pauve’r monde! » 

Pis Chilpéric, qui faisait tout le temps toute c’que sa femme y demandait sans dire un mot, se garrocha pour brûler les registres d’impôts. 

C’tait ben beau, c’te bulle au cerveau-là, mais la dysenterie, a s’en crissait, elle, des registres d’impôt. Pas longtemps après, Dagobert recommença à mal filer, pis y rempira au point qu’y rendit bientôt son dernier p’tit soupir de bébé.  

Pis l’ado, Chlodebert, était rendu tellement magané que Chilpéric et Frédégonde le firent mettre sur un brancard pis l’emmenèrent au tombeau de saint Médard pour supplier le saint de le sauver. Malheureusement, Chlodebert était rendu trop faible pis mourut dans la nuite.

Drette de même, Frédégonde se retrouva avec pu de fils. Toute était à r’commencer. 

Mais même dans le fin fond de la souffrance la plus épouvantable, la ratoureuse reine perdit pas de vue son objectif : si elle avait pu de fils, ben elle allait s’assurer qu’Audovère, la première femme de Chilpéric, en aye pu non plus. 

Faique a manigança pour faire envoyer Clovis, le dernier des fils d’Audovère, au château de Braine, où le monde tombait comme des mouches de la dysenterie. Pis comme Chilpéric était pas plus fin que ça, ça passa comme du beurre dans’poêle. 

L’affaire, c’est que Clovis tombait juste pas malade. Pis en plus, l’innocent, y se mit à se vanter en avant de ses chums :

« Hey hey hey! À c’t’heure que toutes mes frères sont morts, c’est quiiiiii qui va hériter du trône? MOÉ! Dans ses dents, à Frédégonde! Heille, la servante! A pensait-tu que ses culs-terreux de fils allaient passer avant moé? Ça bon! Ha ha ha, tu parles d’une épaisse! » 

Parce que, ouais : contrairement à Audovère, qui était d’origine noble, Frédégonde était une femme du peuple, une « colonne » qui venait de nulle part, pis elle était restée pas mal complexée de t’ça. Faique aller l’attiser de même, c’était pas l’idée du siècle. Surtout que la vie de Clovis tenait déjà yinque à un fil.

Fâchée noire, Frédégonde décida d’en finir avec son beau-fils, pis ça y prit pas grand temps pour trouver comment faire. Elle arriva en avant de Chilpéric, le linge tout croche, la face tout rouge, pis les larmes aux yeux, pis dit :

— Mon mari! Tu sais pas quoi? C’t’épouvantable!
— Cibole, sa mére, qu’est-cé qu’y a?
— C’est Clovis! Toute ce qui est arrivé, c’est de sa faute!
— Ben voyons donc?
— Quequ’un m’a dit que Clovis était en amour avec la fille d’une de mes servantes, pis que cette servante-là était une sorcière! Pis là, y’a demandé à la sorcière de prendre ses pouvoirs pour tuer nos deux gars! C’est toute de sa faute! 
— Franchement, Frédégonde, tu crois vraiment à c’tes folies-là? Mon Clovis f’rait jamais une affaire de même! 
— Moi aussi au début j’trouvais que ça avait pas d’allure, mais je voulais être sûre, faique j’ai pogné la mère pis la fille pis y’ont fini par toute avouer. Qu’est-cé que tu vas faire, là, Chilpéric? Ça peut pas rester de même!

Encore une fois, ça passa comme du beurre dans’poêle. Chilpéric invita Clovis à la chasse avec lui; le jeune, pas méfiant pour deux cennes, se fit pogner par les hommes à son père, qui y’enlevèrent ses armes pis l’habillèrent en guénilles avant de le garrocher aux pieds de Frédégonde. 

Après ça, la marâtre le fit enfermer pis envoya un assassin pour l’achever. Pis après, elle alla voir Chilpéric :

— C’hais pas trop comment t’dire ça, mon mari, mais… Clovis s’est tué. 
— Pfft! Ça bon! M’a pas l’pleurer après c’qu’y a faite à nos gars!

Victoire! Frédégonde était enfin débarrassée de ses maudits beaux-fils. Rendue fantasse, a fit même assassiner Audovère, pis tant qu’à faire, violer Basine, la fille d’Audovère et de Chilpéric, pour qu’a parde son honneur, pis même son héritage. Tsé, histoire de finir la job comme faut. 

J’vous ai pas beaucoup parlé de Brunehaut à date, aujourd’hui. En fait, pas pantoute. C’est juste que pendant que Frédégonde faisait un ménage dynastique, elle, elle était occupée à jouer du coude avec les nobles d’Austrasie pour garder le contrôle du mini-roi Childebert, toujours pas majeur. C’tait moins croustillant, mais c’tait quand même une job à temps plein. 

Deux ans après, Frédégonde accoucha d’un autre p’tit gars, Théodoric. Yé! Mais y mourut un an plus tard de la maudite dysenterie à marde.

La reine fit passer sa peine pis sa colère sur Mummolus, le préfet de la maison royale, qu’a pouvait pas sentir. Mummolus était allé ouvrir sa grande trappe en disant qu’y connaissait un remède contre la dysenterie. En plus, le bruit courait qu’y avait été voir des sorcières pour qu’y jettent un mauvais sort au p’tit Théodoric. Faique la Frédégonde le fit arrêter pis fesser à coups de strapes jusqu’à ce que les bourreaux soyent trop brûlés pour continuer. Après, on y rentra des aiguilles en d’sour des ongles des doigts pis des orteils. 

Ayoye, bonyenne! 

À la fin, y’eut la vie sauve, mais y péta une crise d’apoplexie en s’en r’tournant chez eux pis mourut pas longtemps après.

Pis là – toute sacra l’camp. Un jour, Chilpéric était à la chasse comme à son habitude. Y’était après descendre de son ch’fal en s’accotant su l’épaule d’un de ses hommes quand un malade sortit du bois, y crissa un coup de poignard dans l’t’sour de bras, pis un autre dans l’ventre. Toute graissé de sang, y tomba mort. Pis le malade, y se sauva, pis personne réussit à le pogner.

Pas qu’on essaya ben ben fort. Dans l’fond, personne aimait Chilpéric – même pas Frédégonde, qui voyait plus son mari comme un tournevis ou une égoïne que comme un homme. Faique on sut jamais qui l’avait faite assassiner. Y’en a qui dirent que c’était Frédégonde elle-même, parce qu’y commençait à la soupçonner d’adultère, mais voyons donc : sans Chilpéric, elle avait pu de protection, pu d’autorité, pu rien. 

En fait, ce qui est plus probable, c’est que Brunehaut était dans son château, un verre de vin dans’main, à regarder par la fenêtre, quand un de ses fidèles serviteurs entra dans ses appartements :

— Madame? C’est faite. 
— Parfait. 

Pis là, sans se détourner d’la fenêtre, a sourit, et se dit dans sa tête : 

« Y’est mort, l’écœurant. Tu peux r’poser en paix, ma sœur. »

Quoi qu’il en soit, c’était au tour de Frédégonde de penser vite en christie : les trésoriers de Chilpéric étaient déjà après se pousser avec les trésors royaux. Faique elle emporta toute c’qu’à pouvait pis se mit sous la protection de l’évêque de Paris. 

En plus de ça, ben vite, son neveu Childebert allait arriver pour prendre possession du royaume. Pis si a se faisait pogner par lui, et donc par Brunehaut, a donnait pas cher de sa peau.

« Heh, ciboire, qui c’est que ch’pourrais ben appeler? Ah, je l’sais! Gontran! Lui y’a toujours été correct. Y va sûrement me protéger! »

Mononc Gontran, c’était le frère de Chilpéric, le dernier des quatre fils de Clotaire. Comme toutes ses fils étaient morts de la peste, ou en bas âge, ou empoisonnés par sa femme Marcatrude, ben y’avait désigné Childebert comme son héritier. Autrement dit, Gontran était rendu avec toutes les terres de ses frères, sauf celles qui étaient à son neveu, pis à sa mort, Childebert ramasserait toute pis deviendrait roi de toutes les Francs. 

Comme j’vous l’avais déjà dit, y’aimait pas trop ça, le chamaillage, pis y’avait toujours essayé de faire la paix entre ses frères. Faique, fidèle à sa réputation de bon gars, y’accueillit Frédégonde à bras ouverts. Sauf qu’y eut une astie de surprise quand y’alla à sa rencontre. A l’avait de quoi dans les bras, emballé dans un linge, pis a dit à Gontran :

« Ok, fais pas l’saut… » 

Et dans ses bras, elle découvrit… un bébé. Son bébé à elle pis à Chilpéric. Un garçon.

« Ah ben ça parle au yâble! » s’exclama Gontran. 

C’que personne savait, c’est qu’avant que Chilpéric crève sous les coups de son mystérieux assassin, Frédégonde avait accouché d’un p’tit gars qu’elle pis son mari avaient gardé secret pis avaient même pas nommé, de peur qu’on essaye d’y faire du mal. 

Pis ça, ça changeait toute.


Source : Grégoire de Tours, Histoire des Francs. https://play.google.com/books/reader?id=xuIpDwAAQBAJ&pg=GBS.PP1

Quand les belles-soeurs s’haïssent la face : Frédégonde contre Brunehaut – partie 3

Partie 1
Partie 2

Fallait que Brunehaut pense vite en christie : de un, son mari venait de se faire assassiner sous les ordres de sa belle-sœur Frédégonde; de deux, son beau-frère Chilpéric pis ses hommes s’en venaient la chercher, elle pis ses trois flos, dans le palais de Paris où y’étaient rendus plus prisonniers qu’autre chose. 

« Jamais que je pourrais me sauver avec les flos pis les waguines de bagage : j’me f’rais pogner avant d’avoir avancé de deux pouces. Faique on va y’aller au plus pressant : sortir Childebert d’icitte. » 

Brunehaut avait raison de capoter pour son fils : le tuage de neveux, chez les Francs, ça faisait quasiment partie de la constitution. Dans l’temps, le grand-père Clotaire avait égorgé ses neveux de dix pis sept ans, Thibault pis Gonthaire, pour récupérer le royaume de son frère Clodomir, pis Brunehaut craignait que Chilpéric fasse la même affaire à son ti-bonhomme de cinq ans pour récupérer le royaume de Sigebert, qu’on appelait à c’t’heure l’Austrasie.  

Faique bref, fallait que Childebert soye mis en sécurité au plus crisse.

« Mon fils, écoute-moi ben. Je vais t’envoyer avec monsieur Gondobald, pis tu vas retourner chez nous, à Metz. Maman peut pas venir avec toi tusuite, mais je vais venir te trouver dans pas long, c’est promis. Faut que tu soyes fort, mon lapin. À c’t’heure que ton père est mort, c’est toi le roi d’Austrasie! » 

Faique, au beau milieu de la nuite, Brunehaut mit Childebert dans un gros panier attaché après une corde pis le fit descendre par la fenêtre, en prenant ben garde de pas y péter la tête sur le mur de la tour, jusqu’en bas où attendait le duc Gondobald, qui le mit su son ch’fal et l’emporta en dehors de Paris.

Quand Childebert arriva à Metz, heille, là le monde étaient contents! La gang de seigneurs pis de guerriers qui s’en allaient rejoindre l’armée à Chilpéric revirèrent de bord drette là. Y formèrent une assemblée qui proclama officiellement le p’tit gars roi d’Austrasie, pis un conseil fut formé pour diriger le royaume en son nom.

« Astie de saint ciboire de crisse de maudit sacrament! Le p’tit tabarnak m’a passé en dessous du nez! »

C’est à peu près de même que réagit Chilpéric quand y’apprit que Childebert était en sécurité à Metz pis qu’y était backé par les seigneurs austrasiens. Si y voulait récupérer le royaume à son frère sans trop se forcer, son chien était mort. 

Quand même, toute t’tait pas pardu : y’avait encore Brunehaut, ses filles, pis toute le tas de richesses qu’a l’avait apportées avec elle. Faique sans téter une seconde, y’alla à Paris compter son motton dans la face de sa belle-sœur.

Mais là, trop aveuglé par les signes de piasses, Chilpéric remarqua pas ce qui se passait dans son dos. Mérovée, un des gars qu’il avait eus avec sa première femme Audovère – celle qu’il avait envoyée sécher au monastère, là – avait spotté de quoi de ben plus beau que des pierreries : Brunehaut. 

Ben oui, toé! Quand y vit la veuve de son oncle, qui était pas ben ben plus vieille que lui pis encore crissement pétard, y tomba cul par-dessus tête. 

On sait pas si Brunehaut trouvait Mérovée de son goût aussi, mais en tout cas, a l’était pas folle : s’il avait le kick sur elle, aussi ben en profiter. Elle déploya ses plus beaux yeux de biche pis toute le reste son arsenal de viens-icitte-mon-minou, de sorte que ben vite, Mérovée tomba en amour ben raide.   

Frédégonde, elle, voyait toute ça aller – pis ça faisait son affaire. J’vous avais pas dit ça encore, mais depuis le début, a grenouillait pour éliminer les fils d’Audovère pour que ce soit un des siens qui succède à Chilpéric. Pis si c’te grand niaiseux de Mérovée pouvait se mettre dans marde tu seul en fricotant avec sa propre tante, tant qu’à elle, c’était ben tant mieux.

Finalement, Chilpéric, ramolli par sa nouvelle fortune, décida d’être fin : au lieu de les faire tuer, y’envoya Brunehaut en exil à Rouen, pis ses deux filles à Meaux.  

Là, Mérovée était ben en peine. Sa belle était partie, pis y’était toujours ben pas pour aller la trouver direct – ça serait ben que trop suspect. Faique y soupira pendant des semaines jusqu’à ce que son père y donne, sans le savoir, une occasion en or. 

Quand Chilpéric avait une idée dans tête, y l’avait pas dans l’c… ailleurs. C’était pas tant parce que c’était un gars déterminé qui lâchait jamais le morceau; c’était plus parce qu’une fois qu’y était pointé dans une direction, y’était pas assez brillant pour regarder à d’autres places, pis y continuait à avancer tant qu’y frappait pas de mur. 

Faique à c’t’heure que le cas à Sigebert était réglé, Chilpéric repensa à, tsé les villes pour lesquelles y s’était chicané avec lui? Depuis le temps, y’avaient reconnu Childebert comme roi. 

— Mérovée? Viens don icitte deux menutes.  
— Oui, p’pa? 
— Mettons que je te montais une p’tite armée pis que je t’envoyais prendre Poitiers, là, qu’est-cé tu dirais de t’ça? 
— Ch’pourrais-tu en profiter pour aller voir m’man dans son couvent au Mans?
— Cré p’tit gars à sa mère! Vas-y, si ça te tente! Mais dis-lé pas à Frédégonde, tu sais comment qu’a l’est! 
— Ah certain! Merci p’pa! M’a te prendre ça, moé, c’te ville-là, ça va être un pet, tu vas voir! Attache ta tuque avec d’la broche, Poitiers! 

Le Mans, c’était pas trop loin de Rouen. Suffisait d’un p’tit détour… N’importe qui avec au moins deux neurones et quart aurait pu se douter que ça allait mal finir, mais au yâble les risques : Mérovée prit la route avec ses hommes pis s’en alla direct trouver Brunehaut sans même faire semblant d’aller voir sa mère. 

Brunehaut en revenait juste pas de l’voir retontir. Pis entre les deux, les affaires décollèrent sur un moyen temps : après yinque trois-quatre jours, le neveu par alliance demanda la veuve de son oncle en mariage, pis a dit oui. 

Y’avait juste un problème : selon l’Église, y’étaient considérés comme consanguins. D’habitude, les rois se bâdraient pas trop avec ça : y’avaient yinque à demander une dispense, pis ça se mariait cousin avec cousine, nièce avec oncle, pis aweille. Mais Mérovée pis Brunehaut avaient pas le temps de niaiser. Ça adonnait ben : l’évêque de Rouen, Prætextat, était le parrain de Mérovée, pis y l’aimait comme son fils. Faique les amoureux arsoudirent drette chez eux pour y demander de les marier :  

— T’es-tu tombé sua tête, mon garçon? Ton père va être fâché noir! Pis en plus, ch’peux pas! C’est ta tante par alliance! 
— Envoye donc, Prætextat! P’pa va finir par avaler son étron, pis à part de t’ça, c’est même pas si grave que ça! Si c’était la sœur à mon père ou à ma mère, j’dis pas, mais c’est la veuve à mon oncle! C’est de l’enculage de mouches, tant qu’à moé. 
— Ben voyons, surveille ton langage! On est dans une église, icitte! 
— Scuse-moé, Prætextat. Mais c’qui compte, c’est que je l’aime! De toute mon cœur. J’ai su drette la première fois que je l’ai vue que j’en voudrais pas d’autres, pis j’me torche du reste. S’il te plaît, parrain! 

À voir les grand yeux de veau de son filleul, Prætextat se sentit mollir : 

« Ok, ben v’nez-vous en, m’a vous marier, d’abord! »

Quand il apprit la nouvelle, loin d’avaler son étron, Chilpéric vint bleu : 

 « L’astie de sorcière! A l’a séduit! Pis lui, le p’tit crisse de traître, y’est tombé drette dans le piège! M’a aller le chercher par le chignon du cou! » 

Les nouveaux mariés, tout occupés qu’y étaient à se rouler dans leu bonheur, se firent pogner les culottes à terre, carrément. Chilpéric les captura; Brunehaut redevint prisonnière, mais avec des gardes plus à leur affaire, pis Mérovée fut ramené dans sa famille, la queue entre les jambes. Pis Prætextat, lui, fut condamné à l’exil.

Comme Mérovée avait l’air de juste babouner dans son coin, Chilpéric était prêt à oublier toute l’affaire, mais Frédégonde savait qu’a tenait le moyen de se débarrasser de son beau-fils : 

« J’te l’dis, moé, ton gars, y’a l’air de filer doux, de même, mais tu peux être sûr que la Brunehaut y’a monté la tête. J’te gage qu’y te joue déjà dans l’dos, pis y’attend yinque sa chance pour te planter un couteau entre les côtes! » 

Elle était tout le temps après le bombarder d’images de fin du monde : Mérovée veut prendre ton trône, Mérovée veut massacrer nos enfants, Mérovée veut régner sur toutes les Francs avec Brunehaut, Mérovée veut brûler des chatons, un coup parti – plein d’affaires auxquelles le principal intéressé avait même pas pensé. Si bien qu’après un boutte, Chilpéric, complètement parano, enleva ses armes à Mérovée et le fit mettre en garde à vue.

Son sort fut mis entre les mains d’un petit tribunal maison, dirigé par nulle autre que sa marâtre Frédégonde. La décision se fit pas attendre : Mérovée fut condamné à… se faire raser la tête. 

Là, vous devez vous dire : ben voyons. Y’a rien là. C’est quoi l’affaire? 

C’est que la famille des Mérovingiens (c’est-à-dire « les descendants de Mérovée », mais un autre Mérovée de v’la ben longtemps) avait une obsession malsaine pour les cheveux, un peu comme les ours qui trippent sur le papier de toilette dans les annonces. Leur crigne, c’était le symbole de leur royauté, pis y’a coupaient jamais, de la naissance au trépas. En enlever ne serait-ce qu’un pouce, c’était un crime de lèse-majesté – on se doute qu’après un boutte, y devaient avoir les pointes fourchues en simonac –, pis se la faire raser, c’était l’équivalent d’être déshérité pis crissé dehors de la famille.

Faique Mérovée fut rasé, ordonné prêtre pis envoyé sécher dans un monastère, pareil comme sa mère. 

Là, je vais sauter des bouttes, parce qu’on serait encore là au Mercredi des Cendres, mais quelques mois plus tard, le grand chum de Mérovée, Gaïlen, vint le libérer. Pis avec d’autres seigneurs, dont le comte Gaukil pis un dénommé Grind, y’essaya d’organiser une rébellion contre Chilpéric. 

Y’alla même voir Brunehaut, qui avait été libérée depuis le temps pis qui était retournée trouver son fils, mais y’eut comme un malaise : à c’t’heure qu’elle l’avait pu besoin de lui, y’était plus comme l’ex gênant que t’aimerais mieux cacher en t’sour du tapis, faique elle l’envoya promener.

Un jour, des émissaires vinrent trouver Mérovée pour dire que la ville de Thérouanne s’était ralliée à lui. Tout content, y se rendit tusuite là-bas avec ses plus proches compagnons, mais ah! Bazouelle de saint chrême! C’était Frédégonde qui avait envoyé les émissaires, faique Mérovée fut fait prisonnier tandis que Chilpéric s’en venait avec une brique pis un fanal. 

Se sachant faite comme un rat, pis étant beeeen au courant des affaires horribles qui sont faites aux traîtres, y se tourna vers Gaïlen, pis y dit : 

« Mon homme, toé pis moé, on est de même, comme les deux doigts d’la main, depuis qu’on est flos. T’es mon meilleur chum, pis tu t’es toujours fendu en quatre pour moé. Ch’t’aime, mon homme. Pis là, j’ai une dernière affaire à te demander : prends ton épée, pis tue-moé! »

Pis Gaïlen, fidèle jusqu’au boutte, fit ce qu’on y demandait pis poignarda son ami à mort. 

Faique quand Chilpéric arriva, y trouva yinque un cadavre.  

Donnant raison à son fils, y fit subir des affaires horribles à ses compagnons : Gaïlen se fit couper les pieds, les mains, le nez pis les oreilles avant de se faire achever; Grind se fit attacher sur une roue, péter toutes les membres pis tourner jusqu’à ce que mort s’ensuive, pis Gaukil, le chanceux, fut yinque décapité. 

Pis au travers des cris d’agonie, Frédégonde se frottait les mains : y restait pu yinque le dernier fils d’Audovère à éliminer…  


Partie 4


Source : Source : Augustin THIERRY, Récit des temps mérovingiens, 1842. https://play.google.com/books/reader?id=1i2Y7dHy-VgC&hl=fr&pg=GBS.PP1

Quand les belles-sœurs s’haïssent la face : Frédégonde contre Brunehaut, partie 2

Partie 1

Faique ouais. C’te maudit courailleux de Chilpéric, roi de Soissons, avait fait étrangler sa femme Galswinthe pour épouser Frédégonde, sa grenouilleuse concubine équipée pour veiller tard. 

Pis Brunehaut, la sœur de Galswinthe pis aussi la belle-sœur à Chilpéric parce qu’elle était mariée avec son frère Sigebert, avait crié vengeance. 

Faique Sigebert alla voir Gontran, son autre frère, pour qu’y vienne avec lui fesser sur Chilpéric. 

(Aux p’tits smattes qui voudraient me demander y’est où le quatrième frère, parce que j’ai dit qu’y en avait quatre la semaine passée, ben y’était déjà mort rendu là.) 

Gontran, c’tait un peu le bonnasse de la gang. Ça y tentait pas trop, lui, de jouer la game. Y’était ben content avec c’qu’y avait pis ça le décourageait ben gros de voir les chicanes à ses frères. 

Ben crère, au début, y prit le bord de Sigebert. Y’était pas pour défendre un assassin, pis ça aurait fait un frette si y’avait décidé de pas s’en mêler. Faique y’embarqua dans’bataille, mais on voyait ben que le cœur y’était pas. 

Après un boutte, y finit par dire : 

« Bon, les gars, là, ch’file pas pour me battre. Au lieu de se taper su’à yeule, on peut-tu jaser à’place? »

Faique Chilpéric et Sigebert acceptèrent d’aller en médiation familiale, où y jasèrent de leurs émotions…

Non, j’niaise : Gontran assembla comme jury toutes les seigneurs du coin – ça avait l’air d’un show de Metallica tellement y’avait du poilu dans’place – pis s’improvisa juge.  

Après les délibérations, Gontran annonça sa décision : 

« Bon. Tchéquez-ben c’qu’on va faire. Toé, Chilpéric, tu vas t’excuser pis r’donner à Brunehaut les quatre villes que Galswinthe avait eues comme dot pis cadeau du matin, pis toé, Sigebert, tu vas y pardonner pis pu jamais r’venir là-dessus. Ça a-tu de l’allure, les gars? »

En passant, faut que j’vous dise : un cadeau du matin, chez les peuples germaniques, c’était quet’chose qu’un homme donnait à sa nouvelle femme le lendemain des noces, drette quand a se réveillait, en échange de sa virginité : 

– Heille! Plectrude! Réveille-toé! 
– Hrgmmhh? 
– Engorde! J’ai douze moutons pis une chaise berçante pour toé! C’est ton cadeau du matin! 

C’était douteux pour au moins 275 raisons, mais bon, ça s’passait d’même dans le bon vieux temps.

Pis entécas, Chilpéric, Sigebert pis Brunehaut acceptèrent le jugement à Gontran, et la paix revint dans l’royaume…

Mais c’tait pas pour durer. 

Pendant les quelques années qui suivirent, Frédégonde s’attela à faire le plus de bébés possible – tsé, une femme a besoin d’un fonds de pension – tandis que Chilpéric, lui, chiquait d’la guénille en cherchant une occasion de reprendre les villes qu’il avait été obligé de donner à Brunehaut. Pis y’oubliait pas non plus que, si y se débarrassait de Sigebert, ben y’aurait pu yinque Gontran à éliminer pour devenir le roi de tous les Francs. 

Faique, en 573, Chilpéric rassembla une armée pis y donna le commandement à Thibert, un des fils qu’il avait eus avec sa première femme :

« Vas-y, mon gars! Pis fais-moé pas honte! »

Thibert partit su’és chapeaux de roues : il fonça sur Poitiers pis la conquit facilement. Après ça, y se dirigea vers Tours en saccageant toute sur son passage. Y’avait pu rien de sacré, même les places saintes pis les couvents – les hommes de Thibert massacraient les prêtres pis violaient les bonnes sœurs, partaient avec les trésors pis crissaient toute à terre. La campagne au complet était en feu.

En voyant l’armée de Thibert arriver dans un gros nuage de fumée noire, les habitants de Tours ouvrirent les portes de la ville sans s’astiner. Thibert continua de même jusqu’à Limoges, puis Cahors; y’avait rien pour l’arrêter.

Mais, de son bord, Sigebert était loin d’être assis sur ses mains : y’était après rassembler autant d’hommes qu’y pouvait parmi le peuple pour aller sacrer une volée à son neveu pis à son frère.

Bon, là, vous devez vous attendre à une grosse bataille épique pis à un duel entre frères su’l top d’une colline avec du tonnerre pis des éclairs, pis Sigebert victorieux qui rentre chez eux, frenche Brunehaut à pleine bouche pis déclare : « Ch’t’ai vengée, bebé ». 

Mais… pantoute. Voyant que Chilpéric n’avait une plus grosse que la sienne – une armée, je veux dire –, y se rendit et promit de filer doux à partir de maintenant. Sigebert crut en la bonne foi de son frère pis s’en alla. Mais dès qu’il eut le dos tourné, Chilpéric recommença à faire d’la marde. 

Là, Brunehaut en eut son tas et alla parler dans le casse à Sigebert :

« Heille là, veux-tu ben arrêter de faire ton branleux? Tu y donnes plein de chances, à ton frère, pis à chaque fois y t’donne un coup d’pognard dans le dos! T’es trop mou avec, Sigebert! As-tu déjà oublié qu’y a tué ma sœur? L’astie d’écœurant, y’est v’nu la chercher yinque pour faire comme toé, tandis qu’a voulait rien savoir de lui, pis après y s’en est débarrassé pour marier sa maudite charrue! Pis tu le laisses s’en clairer avec une tape su’és doigts? C’est ton devoir de venger ma Galswinthe, pis j’te sacrerai jamais patience tant que ton frère sera pas mort à mes pieds! »

Faique Sigebert, ben crinqué par sa femme, rassembla encore une autre armée – sérieux, le peuple lui avec devait commencer à être à boutte de son niaisage – et partit régler son compte à Chilpéric une bonne fois pour toutes. 

C’te fois-là, pas de pitié : l’armée de Sigebert ramassa celle à Chilpéric comme une gratte qui passe dans l’banc de neige. Neveu Thibert fut tué pendant une bataille, pis Chilpéric dut battre en retraite et se réfugier avec Frédégonde pis ses flos dans la ville de Tournai. 

Brunehaut, qui voulait s’assurer que son mari finisse la job, paqueta ses petits – littéralement, parce qu’a l’emmenait ses filles Ingonde et Clodoswinthe pis son p’tit gars de quatre ans, Childebert – pis toute un tapon de richesses qu’elle mit dans des waguines pour aller trouver Sigebert, qui était à Paris. A l’était même pas encore débarquée qu’elle commença déjà à tanner son mari pour qu’il aille assiéger Tournai.

Elle eut pas à l’achaler longtemps. Ben vite, y prit la route de Tournai, avec ses meilleurs cavaliers toutes fiers-pet avec leux  beaux boucliers peinturés pis leux lances à banderoles. Mais là, un vieux pépère malade se garrocha devant lui. C’était Germain, évêque de Paris, pis ça y’avait pris toute son p’tit change pour sortir de son litte dans une ultime tentative d’empêcher Sigebert de tuer Chilpéric :  

« R’virez d’bord, Vot’Majesté! Rappelez-vous c’que l’Seigneur a dit par la bouche de Salomon : que la tombe que tu creuses pour ton frère, ben c’est toé qui va tomber d’dans! »

Sigebert prit même pas la peine d’y répondre pis poursuivit son chemin. 

Pendant ce temps-là, à Tournai, Chilpéric pis Frédégonde se savaient faites comme des rats. C’tait pas jojo : tandis que Chilpéric restait assis là à se pogner le beigne, comme résigné, Frédégonde, qui venait d’accoucher d’un p’tit gars, capotait ben raide :

« Y vont toutes nous tuer, Chilpéric! Toé pis moé pis les enfants! Y vont égorger notre p’tit gars, tu comprends-tu? Pis toé, tu câlisses rien! »

Faique a prit les choses en main. A se mit à inventer des plans pas d’allure pour s’échapper, à chercher la moindre grenaille d’espoir dans les racoins les plus improbables.  

Un jour, au travers des hommes de Chilpéric, elle vit deux jeunesses qui avaient l’air particulièrement fidèles à leur roi, voire quasiment fanatiques. Elle les fit venir dans ses appartements, leur donna d’la boisson pis leur raconta ses malheurs à grands renforts de sparages. Quand y furent complètement fascinés, les yeux grands comme des trente sous pis ben embarqués dans son numéro de reine martyre, elle leur dit :

– Ah! Si seulement y’avait quequ’un pour m’aider! De braves guerriers prêts à tout pour leur reine, mettons… 
– Nous-autres, M’dame, on ferait n’importe quoi pour vous! 
– Ah, mais c’est pas mal dangereux…. J’sais pas si j’ai le droit d’vous demander ça…
– On est pas des pissous, M’dame! Vous avez yinque à dire qu’est-cé vous voulez, pis on va l’faire! 
– Ah, vous êtes tellement courageux! Ben d’abord, m’a vous dire à quoi j’ai pensé…

Sigebert, lui, était à Vitry-en-Artois, une ville pas loin de Tournai, un peu au-dessus de ses affaires. Y s’était fait acclamer comme nouveau roi à la place de Chilpéric, pis depuis une couple de jours, y faisait la grosse vie sale, entre festins, brosses épiques et démonstrations de combat. 

Avec toute le monde qui allaient pis qui venaient du matin au soir pour lui jurer fidélité pis lui dire comment y’était beau pis bon pis fort, y se méfia pas pantoute quand deux gars qui avaient déserté l’armée de Chilpéric demandèrent une audience avec lui, tout seul. 

Y les écouta parler, ben relax, le menton accoté sur son poing : « Votre Majesté… blabla… On sait que c’est vous le vrai roi… On veut vous servir… » La poutine habituelle, quoi. 

Pis là, les deux jeunesses dégainèrent leur scramasaxe, une espèce de long couteau aiguisé yinque d’un bord, lui sautèrent dessus et FLÂWK!! Ils le poignardèrent les deux en même temps. 

Sigebert eut même pas le temps de réagir : y hurla pis tomba raide mort à terre. 

Pis drette de même, la situation r’vira d’bord complètement. 

Quand elle apprit la nouvelle, Frédégonde était morte de rire : elle avait été faite comme une rate, pis là elle était libre pis toute puissante. 

Pis Brunehaut, tout d’un coup, était rendue mère célibataire dans un pays en guerre, pis a savait qu’à c’t’heure, son petit Childebert, unique héritier de Sigebert, avait une cible grosse de même su’l dos…

Partie 3


Source : Augustin THIERRY, Récit des temps mérovingiens, tome 2, 1842.
https://play.google.com/books/reader?id=id3mt9lGw58C&pg=GBS.PP1

Æthelflæd, la princesse qui sacra une volée aux Vikings

**C’est une version remastérisée 4K Ultra HD Dolby Surround 7.1 d’un de mes plus anciens articles. Mais c’est pas juste « du vieux stock »! J’ai refait mes recherches, réorganisé le contenu et ajouté beaucoup de choses!


Au IXe siècle, ça allait ben mal en Angleterre. En fait, l’Angleterre comme telle existait même pas encore : c’était juste un tapon de petits royaumes anglo-saxons, comme la Mercie et le Wessex, attaqués de tous bords tous côtés par les Vikings qui pillaient, violaient, tuaient pis brûlaient tout ce qui bougeait – pis ce qui bougeait pas. Bref, c’était la grosse misère noire.

C’est dans ces années-là que grandit Æthelflæd*, la fille aînée d’Alfred, roi du Wessex. Alfred, qu’on a fini par appeler « le Grand », c’est le Charlemagne des Anglais : un protecteur des arts pis de l’éducation, qui rêvait d’un grand royaume uni. Il fit éduquer sa fille aussi ben que ses fils, pis la princesse en apprit beaucoup sur la politique et la guerre, juste à le regarder aller.

Quand Æthelflæd eut l’âge qu’y fallait, Alfred arrangea son mariage avec le seigneur Æthelred de Mercie, son voisin, histoire de se mettre chum avec. C’est de même qu’il scella une alliance militaire entre le Wessex et la Mercie pour mieux combattre les Vikings.

Là, vous devez être comme : « Voyons, c’tu moé, où y s’appellent toute Æthel-quequ’chose? » Vous avez rien vu : le père d’Alfred s’appelait Æthelwulf, ses frères s’appelaient Æthelbald, Æthelberht pis Æthelred, ses neveux s’appelaient Æthelhelm pis Æthelwold, pis une autre de ses filles s’appelait Æthelgifu. « Æthel », en vieil anglais, ça voulait dire « noble ». C’qui faut en retenir? Les nobles saxons, y manquaient peut-être d’imagination, mais y se prenaient pas pour de la marde.

Mais revenons à nos moutons. Pas longtemps après ses noces, Æthelflæd eut une fille, Ælfwynn. Normalement, son rôle, comme celui des autres femmes du temps, aurait dû se limiter à produire une trâlée d’héritiers – des gars, de préférence. Sauf que ça se passa pas de même :

« Bon, ben, mon mari, c’est ben d’valeur, mais c’est fini les mamours à partir d’à c’t’heure. J’ai fendu de bord en bord en accouchant d’Ælfwynn, pis c’est juste pas digne de la fille d’un roi de souffrir de même. Y’est pas question que je r’commence. »

En plus, quelques années plus tard, Æthelred, qui était pas mal plus vieux que sa femme, pogna une maladie qui le rendit grabataire et pas capable de s’occuper de son royaume. Faique Æthelflæd mit ses culottes et régna sur la Mercie à sa place.

Mais on s’entend qu’avec les Vikings dans le coin, c’était pas pour être relax. Pas intimidée pour deux cennes, Æthelflæd fortifia des villes, signa des traités, entre autres avec les Écossais, pis mena des campagnes militaires en son nom à elle, ce qui était vraiment pas ordinaire pour le temps. On se mit à parler d’elle jusque dans les autres royaumes.

C’est d’ailleurs des Irlandais que nous vient l’histoire de la bataille de Chester. Dans les « Annales fragmentaires », y racontent qu’un m’ment’né, Ingimund, un chef viking, pis sa gang de fiers-à-bras arsourdirent chez Æthelflæd, la falle ben basse :

– Bonjour, Votre Splendeur. Les Irlandais nous ont crissés dehors, pis on a nulle part où aller. On pourrait-tu s’installer dans votre boutte? Pas pour vous faire de la marde, là. On est tannés de la guerre pis du tuage. On veut juste s’installer tranquilles – une p’tite maison, une femme, une couple de vaches pis des flots. Vous voyez le genre? 
– Ouin…. Si vous promettez de vous tenir tranquilles, j’peux ben vous donner des terres pas loin de Chester, répondit Æthelflæd. Mais vous avez d’affaire à filer doux, c’tu clair?
– Oui oui, pas de trouble, Votre Magnificence. On va être fins, promis.

Ingimund s’installa donc où Æthelflæd lui avait dit. Mais là, y trouva ben vite que ses terres faisaient dur à côté des autres dans le boutte de Chester, faique il alla se lamenter à ses chums vikings qui restaient pas loin :

« Les gars, on ira pas chier loin avec des terres de marde. Un fou d’une poche, moé, comme si j’allais continuer de me barrer le dos à enlever des roches dans mon champ de ti-coune quand y’a plein de bonnes terres autour pis une ville bourrée de richesses qui attendent yinque d’être ramassées! Si on se met en gang pis on se rend à Chester, on va leur demander poliment de nous donner plus de terres. Pis si ça marche pas, ben on attaque, on tue tout le monde pis on prend la place. Ça marche-tu? »

Faique Ingimund et compagnie se préparèrent à marcher sur Chester. Y se pensaient ben fins, eux-autres-là : c’était pas le seigneur de Mercie pis sa femme – un vieil infirme pis une petite madame – qui allaient leur faire peur. Y le savaient pas encore, mais le sourire allait leur débarquer de dans la face. Assez raide à part ça.

C’est parce qu’Æthelflæd avait des oreilles partout, pis elle avait vite entendu parler de la petite jasette qu’Ingimund avait eue avec les autres chefs vikings. Elle niaisa pas avec la puck : elle rassembla drette là l’armée mercienne et clancha pour défendre la ville.

À son arrivée à Chester, Ingimund, comme prévu, demanda qu’on lui donne ce qu’y voulait, sous peine de crise de bacon meurtrière. Y se fit revirer de bord assez sec. Ça allait être le carnage.

Mais, loin d’être folle, Æthelflæd avait une idée ben précise. Elle commença par affronter les Vikings dans les champs autour de Chester. Puis, après une petite secousse, elle ordonna à ses troupes de rentrer dans la ville, comme s’ils se sauvaient.

Ingimund pis sa gang, tellement attisés qu’ils voyaient pu clair, partirent après les soldats d’Æthelflæd et les suivirent jusqu’à l’intérieur de la ville. C’était ben de valeur pour eux-autres, parce que dès qu’ils furent rentrés, Æthelflæd fit fermer les portes derrière eux, pis le reste des troupes merciennes, qui étaient restées cachées dans la ville, les défirent en bouttes jusqu’au dernier.

Æthelflæd était ben fine, mais fallait pas la prendre pour une valise.  

Rendu là, son père, Alfred, avait trépassé. Edward, le frère d’Æthelflæd, lui avait succédé sur le trône du Wessex. Faique pendant qu’Æthelred dépérissait dans sa chaise berçante, Edward et Æthelflæd formaient une équipe de feu contre les Vikings : fantasses, ils menèrent des raids jusque vraiment creux dans le royaume de Northumbrie occupé par l’ennemi.

Les Vikings trouvaient qu’ils commençaient à ambitionner. Faique un m’ment’né, pensant qu’Edward était parti au sud avec ses troupes, pis commettant eux-autres aussi l’erreur de pas se méfier d’Æthelflæd, ils descendirent la rivière Severn jusqu’au beau milieu de la Mercie et se payèrent la traite : pillage, violage, brûlage, tuage – la totale.

Sauf que quand ils voulurent arvirer de bord, les drakkars bourrés de stock volé, Æthelflæd et Edward les attendaient avec une brique pis un fanal à Tettenhall. Pognés entre deux armées, ils mangèrent une volée tellement épouvantable qu’ils s’en remirent jamais vraiment : les Vikings de Northumbrie furent carrément étêtés pis prirent leur trou sur un moyen temps.

Pis là, la maladie finit par achever Æthelred. La Mercie avait plus de seigneur. 

Alors, quand les nobles merciens se réunirent pour jaser succession, ça se passa à peu près de même :

– Bon, ben maudine, notre seigneur a trépassé. Quessé qu’on fait, gang? Y’a pas de gars pour lui succéder…
– Ben, je trouve que la créâture se débrouille pas pire, depuis quasiment dix ans. Si on faisait juste… la laisser continuer de même? C’tu dis de t’ça, toé, mon Ecgberht? – Pas fou, Beorhtfrith, pas fou pantoute! Pis toé, Cynewald, lâche le pichet d’hydromel pis dis nous c’que t’en penses!
– Euh… J’ai pas de trouble avec ça, moé! Faique c’est réglé. On se câlle-tu du sanglier pour fêter ça?

Æthelflæd reçut donc officiellement le titre de « dame des Merciens », faique aussi ben dire qu’elle était reine. Imaginez ça! Une femme sur le trône d’un royaume anglo-saxon, dans la société ultra-macho de l’époque! C’était jamais arrivé avant et ça rarriverait pas avant un méchant boutte.  

Pis pour elle, pas question de se remarier. Comme dit la Bible, « le mari est le chef de la femme, comme Christ est le chef de l’Église », faique un nouveau mari aurait tout de suite pris possession de ses territoires pis l’aurait envoyée y faire une sandwich.

Faut dire qu’elle avait quand même raison de s’en faire avec ça.

Rendu là, son père, qui rêvait d’unir toutes les royaumes anglos-saxons, était mort. Edward, le frère d’Æthelflæd, qui lui avait succédé sur le trône du Wessex, trouvait lui aussi que ça serait pas pire pantoute d’être roi de toute l’Angleterre. Mais là, y’était ben embêté :

« Bon, qu’est-cé m’as faire, moé-là? Ch’peux pas être roi de toute l’Angleterre sans annexer la Mercie. Mais ça paraît mal en christie de tasser sa propre sœur pour pogner ses terres. »

Faique y fit un compromis : il prit possession des villes de Londres et d’Oxford, qui appartenaient à la Mercie. Ça envoyait un message à Æthelflæd : ch’taime ben, ma sœur, mais tu peux rester là yinque parce que chus pas un trou de cul.

Depuis la bataille de Tettenhall, l’équilibre des forces avait changé pour de vrai. Aethelflaed avait maintenant assez de lousse pour se lancer dans un gros programme de construction de forteresses drette dans la face des Vikings.

Quand elle eut fini, la dame de Mercie passa à l’offensive. Elle profita du fait qu’une partie des Vikings de Derby étaient dans le sud en train de se battre contre Edward pour s’emparer de la ville pis annexer la région au complet. Sa réputation de cheffe de guerre courageuse, efficace et ratoureuse grandissait.

Quand elle se pointa devant la ville de Leicester, occupée par les Vikings, le chef de la place savait ce qui était bon pour lui pis se rendit sans s’astiner.

Un m’ment’né, même les Vikings de la cité d’York décidèrent qu’il valait mieux pour eux-autres d’avoir Æthelflæd de leur bord, faique ils lui promirent leur loyauté en échange de sa protection.

Malheureusement, Æthelflæd mourut avant d’aller là-bas pour rendre ça officiel. Drette de même. Paf. On sait même pas de quoi. Sa fille Ælfwynn lui succéda, mais là, Edward, tanné d’attendre, dit :

« Ok, c’est beau, ma p’tite, Mononc va s’occuper du reste ».

Il shippa sa nièce dans un couvent et s’empara de la Mercie. Ça fit solidement chier les Merciens, mais c’tu voulais qu’y fassent?

C’est plate, mais il y eut quand même une consolation : Æthelstan, le fils d’Edward, avait été élevé chez Æthelflæd, qui s’occupa de son éducation. Il succéda à son père et devint le premier roi d’une Angleterre unie, en grande partie grâce aux succès militaires de sa brillante matante.


Sources principales
Le Registre mercien : http://www.dot-domesday.me.uk/mercia_three.htm
Les Annales fragmentaires d’Irlande : http://www.dot-domesday.me.uk/fragments.htm