Quand les belles-sœurs s’haïssent la face : Frédégonde contre Brunehaut, partie 2

Partie 1

Faique ouais. C’te maudit courailleux de Chilpéric, roi de Soissons, avait fait étrangler sa femme Galswinthe pour épouser Frédégonde, sa grenouilleuse concubine équipée pour veiller tard. 

Pis Brunehaut, la sœur de Galswinthe pis aussi la belle-sœur à Chilpéric parce qu’elle était mariée avec son frère Sigebert, avait crié vengeance. 

Faique Sigebert alla voir Gontran, son autre frère, pour qu’y vienne avec lui fesser sur Chilpéric. 

(Aux p’tits smattes qui voudraient me demander y’est où le quatrième frère, parce que j’ai dit qu’y en avait quatre la semaine passée, ben y’était déjà mort rendu là.) 

Gontran, c’tait un peu le bonnasse de la gang. Ça y tentait pas trop, lui, de jouer la game. Y’était ben content avec c’qu’y avait pis ça le décourageait ben gros de voir les chicanes à ses frères. 

Ben crère, au début, y prit le bord de Sigebert. Y’était pas pour défendre un assassin, pis ça aurait fait un frette si y’avait décidé de pas s’en mêler. Faique y’embarqua dans’bataille, mais on voyait ben que le cœur y’était pas. 

Après un boutte, y finit par dire : 

« Bon, les gars, là, ch’file pas pour me battre. Au lieu de se taper su’à yeule, on peut-tu jaser à’place? »

Faique Chilpéric et Sigebert acceptèrent d’aller en médiation familiale, où y jasèrent de leurs émotions…

Non, j’niaise : Gontran assembla comme jury toutes les seigneurs du coin – ça avait l’air d’un show de Metallica tellement y’avait du poilu dans’place – pis s’improvisa juge.  

Après les délibérations, Gontran annonça sa décision : 

« Bon. Tchéquez-ben c’qu’on va faire. Toé, Chilpéric, tu vas t’excuser pis r’donner à Brunehaut les quatre villes que Galswinthe avait eues comme dot pis cadeau du matin, pis toé, Sigebert, tu vas y pardonner pis pu jamais r’venir là-dessus. Ça a-tu de l’allure, les gars? »

En passant, faut que j’vous dise : un cadeau du matin, chez les peuples germaniques, c’était quet’chose qu’un homme donnait à sa nouvelle femme le lendemain des noces, drette quand a se réveillait, en échange de sa virginité : 

– Heille! Plectrude! Réveille-toé! 
– Hrgmmhh? 
– Engorde! J’ai douze moutons pis une chaise berçante pour toé! C’est ton cadeau du matin! 

C’était douteux pour au moins 275 raisons, mais bon, ça s’passait d’même dans le bon vieux temps.

Pis entécas, Chilpéric, Sigebert pis Brunehaut acceptèrent le jugement à Gontran, et la paix revint dans l’royaume…

Mais c’tait pas pour durer. 

Pendant les quelques années qui suivirent, Frédégonde s’attela à faire le plus de bébés possible – tsé, une femme a besoin d’un fonds de pension – tandis que Chilpéric, lui, chiquait d’la guénille en cherchant une occasion de reprendre les villes qu’il avait été obligé de donner à Brunehaut. Pis y’oubliait pas non plus que, si y se débarrassait de Sigebert, ben y’aurait pu yinque Gontran à éliminer pour devenir le roi de tous les Francs. 

Faique, en 573, Chilpéric rassembla une armée pis y donna le commandement à Thibert, un des fils qu’il avait eus avec sa première femme :

« Vas-y, mon gars! Pis fais-moé pas honte! »

Thibert partit su’és chapeaux de roues : il fonça sur Poitiers pis la conquit facilement. Après ça, y se dirigea vers Tours en saccageant toute sur son passage. Y’avait pu rien de sacré, même les places saintes pis les couvents – les hommes de Thibert massacraient les prêtres pis violaient les bonnes sœurs, partaient avec les trésors pis crissaient toute à terre. La campagne au complet était en feu.

En voyant l’armée de Thibert arriver dans un gros nuage de fumée noire, les habitants de Tours ouvrirent les portes de la ville sans s’astiner. Thibert continua de même jusqu’à Limoges, puis Cahors; y’avait rien pour l’arrêter.

Mais, de son bord, Sigebert était loin d’être assis sur ses mains : y’était après rassembler autant d’hommes qu’y pouvait parmi le peuple pour aller sacrer une volée à son neveu pis à son frère.

Bon, là, vous devez vous attendre à une grosse bataille épique pis à un duel entre frères su’l top d’une colline avec du tonnerre pis des éclairs, pis Sigebert victorieux qui rentre chez eux, frenche Brunehaut à pleine bouche pis déclare : « Ch’t’ai vengée, bebé ». 

Mais… pantoute. Voyant que Chilpéric n’avait une plus grosse que la sienne – une armée, je veux dire –, y se rendit et promit de filer doux à partir de maintenant. Sigebert crut en la bonne foi de son frère pis s’en alla. Mais dès qu’il eut le dos tourné, Chilpéric recommença à faire d’la marde. 

Là, Brunehaut en eut son tas et alla parler dans le casse à Sigebert :

« Heille là, veux-tu ben arrêter de faire ton branleux? Tu y donnes plein de chances, à ton frère, pis à chaque fois y t’donne un coup d’pognard dans le dos! T’es trop mou avec, Sigebert! As-tu déjà oublié qu’y a tué ma sœur? L’astie d’écœurant, y’est v’nu la chercher yinque pour faire comme toé, tandis qu’a voulait rien savoir de lui, pis après y s’en est débarrassé pour marier sa maudite charrue! Pis tu le laisses s’en clairer avec une tape su’és doigts? C’est ton devoir de venger ma Galswinthe, pis j’te sacrerai jamais patience tant que ton frère sera pas mort à mes pieds! »

Faique Sigebert, ben crinqué par sa femme, rassembla encore une autre armée – sérieux, le peuple lui avec devait commencer à être à boutte de son niaisage – et partit régler son compte à Chilpéric une bonne fois pour toutes. 

C’te fois-là, pas de pitié : l’armée de Sigebert ramassa celle à Chilpéric comme une gratte qui passe dans l’banc de neige. Neveu Thibert fut tué pendant une bataille, pis Chilpéric dut battre en retraite et se réfugier avec Frédégonde pis ses flos dans la ville de Tournai. 

Brunehaut, qui voulait s’assurer que son mari finisse la job, paqueta ses petits – littéralement, parce qu’a l’emmenait ses filles Ingonde et Clodoswinthe pis son p’tit gars de quatre ans, Childebert – pis toute un tapon de richesses qu’elle mit dans des waguines pour aller trouver Sigebert, qui était à Paris. A l’était même pas encore débarquée qu’elle commença déjà à tanner son mari pour qu’il aille assiéger Tournai.

Elle eut pas à l’achaler longtemps. Ben vite, y prit la route de Tournai, avec ses meilleurs cavaliers toutes fiers-pet avec leux  beaux boucliers peinturés pis leux lances à banderoles. Mais là, un vieux pépère malade se garrocha devant lui. C’était Germain, évêque de Paris, pis ça y’avait pris toute son p’tit change pour sortir de son litte dans une ultime tentative d’empêcher Sigebert de tuer Chilpéric :  

« R’virez d’bord, Vot’Majesté! Rappelez-vous c’que l’Seigneur a dit par la bouche de Salomon : que la tombe que tu creuses pour ton frère, ben c’est toé qui va tomber d’dans! »

Sigebert prit même pas la peine d’y répondre pis poursuivit son chemin. 

Pendant ce temps-là, à Tournai, Chilpéric pis Frédégonde se savaient faites comme des rats. C’tait pas jojo : tandis que Chilpéric restait assis là à se pogner le beigne, comme résigné, Frédégonde, qui venait d’accoucher d’un p’tit gars, capotait ben raide :

« Y vont toutes nous tuer, Chilpéric! Toé pis moé pis les enfants! Y vont égorger notre p’tit gars, tu comprends-tu? Pis toé, tu câlisses rien! »

Faique a prit les choses en main. A se mit à inventer des plans pas d’allure pour s’échapper, à chercher la moindre grenaille d’espoir dans les racoins les plus improbables.  

Un jour, au travers des hommes de Chilpéric, elle vit deux jeunesses qui avaient l’air particulièrement fidèles à leur roi, voire quasiment fanatiques. Elle les fit venir dans ses appartements, leur donna d’la boisson pis leur raconta ses malheurs à grands renforts de sparages. Quand y furent complètement fascinés, les yeux grands comme des trente sous pis ben embarqués dans son numéro de reine martyre, elle leur dit :

– Ah! Si seulement y’avait quequ’un pour m’aider! De braves guerriers prêts à tout pour leur reine, mettons… 
– Nous-autres, M’dame, on ferait n’importe quoi pour vous! 
– Ah, mais c’est pas mal dangereux…. J’sais pas si j’ai le droit d’vous demander ça…
– On est pas des pissous, M’dame! Vous avez yinque à dire qu’est-cé vous voulez, pis on va l’faire! 
– Ah, vous êtes tellement courageux! Ben d’abord, m’a vous dire à quoi j’ai pensé…

Sigebert, lui, était à Vitry-en-Artois, une ville pas loin de Tournai, un peu au-dessus de ses affaires. Y s’était fait acclamer comme nouveau roi à la place de Chilpéric, pis depuis une couple de jours, y faisait la grosse vie sale, entre festins, brosses épiques et démonstrations de combat. 

Avec toute le monde qui allaient pis qui venaient du matin au soir pour lui jurer fidélité pis lui dire comment y’était beau pis bon pis fort, y se méfia pas pantoute quand deux gars qui avaient déserté l’armée de Chilpéric demandèrent une audience avec lui, tout seul. 

Y les écouta parler, ben relax, le menton accoté sur son poing : « Votre Majesté… blabla… On sait que c’est vous le vrai roi… On veut vous servir… » La poutine habituelle, quoi. 

Pis là, les deux jeunesses dégainèrent leur scramasaxe, une espèce de long couteau aiguisé yinque d’un bord, lui sautèrent dessus et FLÂWK!! Ils le poignardèrent les deux en même temps. 

Sigebert eut même pas le temps de réagir : y hurla pis tomba raide mort à terre. 

Pis drette de même, la situation r’vira d’bord complètement. 

Quand elle apprit la nouvelle, Frédégonde était morte de rire : elle avait été faite comme une rate, pis là elle était libre pis toute puissante. 

Pis Brunehaut, tout d’un coup, était rendue mère célibataire dans un pays en guerre, pis a savait qu’à c’t’heure, son petit Childebert, unique héritier de Sigebert, avait une cible grosse de même su’l dos…

Partie 3


Source : Augustin THIERRY, Récit des temps mérovingiens, tome 2, 1842.
https://play.google.com/books/reader?id=id3mt9lGw58C&pg=GBS.PP1

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