Ah, l’temps des Fêtes. On s’entend que c’t’année, avec la COVID pis les restrictions sanitaires pis toute ça, c’est pas parti pour swinger ben fort dins chaumières au réveillon. Mais en 1317, pour la famille royale de Suède, y’aurait p’t-être mieux valu que tout l’monde reste chez eux.
Le 10 décembre, le roi Birger arcevait ses deux fréres à son château de Nyköping pour un p’tit party de famille. Quand les deux arsoudirent, Birger leu souhaita la bienvenue pis leu fit de chaleureux colleux.
Ça avait l’air ben beau, ah l’amour fraternel, mais ça avait pas toujours été d’même.
Artournons un peu en arrière. Quand le roi Magnus III de Suède mourut en 1290, c’est Birger, le plus vieux de ses trois gars – qui avait quand même yinque dix ans – qui fut couronné. Les deux autres, Eric pis Valdemar, arçurent des territoires eux-autres avec, mais y restaient quand même des vassaux à Birger – des numéros 2, essentiellement.
Pis ça faisait pas leur affaire. Surtout Eric : y’était marié avec la fille du roi de Norvège, qui répondait au doux nom d’Ingeborg, pis vu qu’y était safre, y’avait l’œil sur le trône de Norvège ET lui de Suède. Ça fit de la marde dès l’départ.
J’vous évite toutes les grenouillages qui suivirent, mais pour s’débarrasser d’leu frére, Eric et Valdemar allèrent jusqu’à dire des menteries au sujet de Torgils Knuttson, le régent et protecteur à Birger, pour le faire exécuter (ici, c’est bien de dire que Waldemar était marié avec la fille de Torgils; mais comme Valdemar avait quand même 2-3 scrupules qui traînaient dins craques du divan de son âme, y s’arrangea pour qu’un curé encule des mouches assez creux dans l’droit canonique pour y trouver un prétexte de divorce, histoire que ça paraisse moins mal).
Bref, à c’t’heure que son protecteur était tassé, Birger était vulnérable.
Les frères niaisèrent pas avec la puck : moins d’un an après, y se rendirent à Håtuna, où Birger avait un chalet. Le roi, qui était su’l bord de souper pis s’doutait de rien, leu dit :
« Heille! J’vous attendais pas icitte, tu parles d’une surprise, toé! V’nez don vous assire avec nous-autres! »
Sauf qu’Eric et Valdemar étaient pas là pour deviser gaiement autour d’une platée de boulettes Ikea : drette là, y firent capturer Birger, sa femme Marta, un archevêque qui traînait là, pis toutes ceux qui étaient là pour les protéger.
Après ça, y’enfermèrent Birger et compagnie au château de Nyköping pis se mirent à régner sur la Suède comme si y’existait pas.
Birger resta emprisonné 2 ans, avant de finalement réussir à sortir pis à retrouver son trône grâce une grosse rançon pis à un jeu d’alliances hyper compliquées entre la Suède, la Norvège pis le Danemark.
Dins dix années qui suivirent, y’eut presque pas de chicane entre les frères. Jusqu’au jour du fameux réveillon d’Noël 1317 à Nyköping. En arcevant l’invitation, Eric était pas sûr, mais Valdemar était comme :
« Nanon! J’ai vu Birger v’la pas longtemps, pis y nous haït pu pantoute, j’te jure! »
Faique les trois frères eurent un ben beau réveillon, avec la boisson qui coulait à flots pis ben du plaisir pis d’l’agrément. À’fin d’la soirée, Eric pis Valdemar, assez pompettes merci, allèrent se coucher tout contents.
C’est là que Birger frappa : quand y furent ben endormis, y’envoya ses gars armés jusqu’aux dents pour les capturer dans leu litte.
Après ça, y les crissa dans le donjon où y l’avaient lui-même faite enfermer 12 ans avant, en leu disant :
Y les laissa sécher là, attachés par le cou pis les mains, à fermenter dans leux propres dépôts, jusqu’à ce qu’y meurent de faim. Y jeta même la clé du donjon dans’rivière.
Et après ça, supposé que Birger aurait dit, comme un méchant dans les bonshommes du samedi matin à la TV :
« Mouahaha! À c’t’heure la Suède est toute à moé! »
Sauf que, pas tant. L’année d’après, y’eut une révolte, faique Birger dut se sauver au Danemark où y mourut en 1321. Pis finalement, c’est l’fils à Eric qui monta su’l trône de Suède. Pouet Pouet.
Faique comme vous disais, c’t’année-là, ça aurait été mieux pour tout l’monde si on avait été en pleine pandémie.
À l’extrême boutte du nord de Terre-Neuve, là où on peut
presque chatouiller le t’sour des pieds du Labrador, se trouve une place ben
mystérieuse, entre mer et swompe, perdue dans la brume : c’est
L’Anse-aux-Meadows.
À cet endroit-là, que le monde du coin appelaient « le
vieux camp d’Indiens », on pouvait voir de drôles de rectangles de terre,
creux au milieu pis couverts d’herbe, binque trop à l’équerre pour être naturels.
Quand des archéologues se mirent à fouiller là, dans les années 1960, ils
découvrirent que c’était pas un camp autochtone pantoute : c’était en fait
la preuve irréfutable qu’autour de l’an 1 000, les Vikings étaient venus
virer jusqu’en Amérique du Nord, pis assez longtemps pour se construire un
village.
C’était qui, ces crinqués-là, qui bravèrent les vagues, le
vent pis les icebergs, à se geler le cul dans des bateaux ouverts aux voiles faites
en laine, leurs vaches pis leurs bœufs à bord, avec jusse le soleil pis les
étoiles pour savoir où c’qu’y allaient?
Pour le savoir, faut se plonger dans les sagas, les
anciennes chroniques qui racontent l’histoire des Vikings.
Toute commença vers 870, dans une Norvège qui était pas
encore un pays. Harald, roi de plusieurs petites garnottes de territoire qu’il
avait soit conquises, soit héritées de son père, demanda en mariage la
princesse Gyda, la fille de son voisin. Or, la belle, dédaigneuse, lui
répondit :
« Pfft! T’es juste un p’tit roi de rien. T’auras ma main juste quand tu vas être roi de toute la Norvège! »
Faique Harald, insulté ben noir, répliqua : « Ah ouin? Check-moé ben aller, ma belle, tu créras pas à ça! »
Il jura alors de pas se couper ni se peigner les cheveux
tant qu’il aurait pas conquis la Norvège au complet.
Ça lui prit dix ans – pendant ce temps-là, on le surnomma « Harald le Motté ». Pis quand il unifia le royaume et se coupa enfin la crigne, il devint roi sous le nom de « Harald aux Beaux Cheveux ».
L’affaire, c’est que les nobles norvégiens étaient pas trop
contents de payer des impôts à leur nouveau roi sur des terres dont y’avaient autrefois
été les seuls propriétaires. Faique y’en a une maudite gang qui paquetèrent
leurs petits et s’en allèrent coloniser l’Islande, qui venait d’être
découverte.
C’est quelques décennies plus tard qu’un certain Erik le
Rouge arriva dans le décor. Comme son père avait été chassé de la Norvège pour
« des meurtres » (quels meurtres, là, fouillez-moé, les sagas en
disent pas plus là‑dessus), la famille s’en alla en Islande. Rendu là,
quasiment toute le territoire était déjà occupé, faique Erik et sa famille
durent s’arracher la vie sur un petit boutte de terre bourré de roches que
personne avait encore réclamé.
À la mort de son père, Erik hérita de la ferme et se maria
avec Thorhild, une fille dont la mère – fallait que vous le dise, c’est juste
trop bon – répondait au doux nom de Thorbjorg Buste‑de‑bateau. J’vous laisse
imaginer de quoi la madame avait l’air.
Un m’ment’né, les esclaves d’Erik (tout le monde en avait
dans ce temps-là, c’était la grosse mode) allèrent se crisser où y’avaient pas
d’affaire et causèrent un glissement de terrain qui détruisit la ferme d’un
voisin. Pour se venger, Eyolf le Crotté, un membre de la famille du voisin en
question, tua les esclaves. Erik, en beau maudit, tua Eyolf le Crotté pis un
autre gars appelé Hrafn le Duelliste.
Faut savoir que dans ce temps-là, t’avais le droit de tuer
ton voisin si y t’avait fait chier, mais seulement pendant un duel officiel avec
des témoins. Erik, lui, avait pas pensé à ça, faique il fut déclaré coupable de
meurtre pis banni temporairement de la région. Woups.
Tsé, quand tu prêtes ta varlope au gars qui reste en face,
pis des mois plus tard, t’en as besoin, pis y te l’a pas encore ardonnée, faique
là t’es pas de bonne humeur? Ben la suite, c’est un peu ça : c’est une
chicane sanglante qui a éclaté à cause d’une… base de lit.
(Photo de l’intérieur d’une maison reconstituée à L’Anse-aux-Meadows)
J’vous explique : dans les sagas, le mot qui est écrit,
c’est setstokkr, pis les savants
s’entendent pas trop sur ce que ça veut dire. Y’en a qui pensent que c’est des
poteaux mystiques avec des runes gravées dessus que le père d’Erik avait
apportés de Norvège; d’autres, que ça veut juste dire les planches qui
servaient de plateforme pour s’asseoir pis dormir dans les maisons de ce
temps-là. Moé, je choisis de dire que c’est une base de lit parce que c’est pas
faux… pis c’est plus drôle.
Faique entécas, Erik, qui devait se faire discret pour un
p’tit boutte, partit se réfugier sur une autre île. Le temps de se construire
une autre maison, il confia les planches de sa base de lit à son chum Thorgest.
Pour les Vikings, le bois, c’était quet’chose de rare et de précieux, faique on s’entend que même si c’étaient pas des poteaux mystiques, Erik avait ben l’intention de ravoir ses setstokkr. Mais là, quand il se pointa chez Thorgest, le gars voulut pas y’ardonner!
Faique Erik fit pas ni une ni deux pis partit pareil avec sa base de lit (concrètement, on sait pas trop comment ça s’est passé, mais on se bâdrera pas trop avec les détails aujourd’hui). Thorgest pis sa gang se lâchèrent aussitôt après lui. Un peu plus loin, Thorgest rattrapa Erik, et ça vira à l’échauffourée. Bilan : plusieurs morts, dont deux des fils de Thorgest.
L’Islande au complet était maintenant déchirée par la base de lit de la discorde. Ok, j’exagère un peu, mais en tout cas, certains prirent le bord d’Erik, d’autres, le bord de Thorgest.
Pis là, Thorgest alla se plaindre d’Erik au thing, l’assemblée des hommes libres qui servait entre autres de cour de justice, et réussit à le faire déclarer hors-la-loi pendant trois ans. Ça, ça voulait dire qu’Erik perdait tous ses droits et ses biens, pis que n’importe qui avait le droit de le tuer à vue.
Sentant la soupe chaude, Erik, caché par un de ses chums pendant que la gang à Thorgest le cherchait pour y faire la peau, prépara son bateau pour partir en expédition. Il dit aux hommes qui avaient pris son bord :
« Écoutez-moi ben : faut que je lève les feutres au plus crisse, mais j’ai nulle part où aller. Faique j’ai pensé à de quoi. Vous rappelez-vous de Gunnbjorn? Tsé, le gars qui a passé tout drette à cause d’une tempête, qui s’est retrouvé déporté vers l’ouest pis qui a vu une terre avec des grosses roches qu’il a appelée “les roches à Gunnbjorn”? Ben moé, je vais aller voir c’est quoi c’te terre‑là, pis m’a vous r’venir quand m’a l’avoir trouvée. »
C’est d’même qu’au printemps 982, Erik le Rouge, intrépide
explorateur et, surtout, gars qui avait peur pour ses fesses, prit la mer vers
des horizons inconnus.
Après avoir navigué vers l’ouest pendant une secousse, il
vit enfin les roches dont Gunnbjorn avait parlé. Ensuite, il suivit la côte
vers le sud et découvrit des baies abritées et des prairies toutes vertes. Pendant
trois ans, il explora cette terre-là en donnant des noms à tout ce qu’il voyait
– c’était une façon de prendre possession de la place :
– Ça, c’est l’île à Erik. Ça, c’est le fjord à Erik. Pis ça, c’est la butte à Erik. – Cette anse-là, on pourrait-tu l’appeler l’anse à l’Ivoire? Ça ferait beau! Tsé, à cause des défenses des morses qui se tiennent là… – Non, j’ai ben mieux que ça. – Quoi? – L’anse à Erik!
Comme vous voyez, y’était pas dû pour faire un poète.
À l’été 985, sa hors-la-loi-itude était finie, faique il retourna en Islande recruter des familles pour coloniser sa nouvelle terre, qu’il avait appelée « Groenland », ou « terre verte », pour une raison ben simple :
« Pour attirer le monde, ça prend un nom vendeur! »
À défaut d’avoir de l’imagination, au moins y’avait le sens
du marketing.
Il passa l’hiver chez un de ses chums, pis au printemps, il
tomba sur nul autre que Thorgest, le gars de la base de lit.
Pas encore lui!
C’était comme deux matous qui tombent face à face dans une
ruelle; les crocs pis les griffes sortirent, le ton monta pis la bagarre pogna.
À la fin, c’est Thorgest qui gagna, mais heureusement, il tua pas Erik :
dans un revirement qui sortait de nulle part, les deux hommes se raccommodèrent
définitivement, pis ça finit en rires pis en grosses claques dans le dos. C’est
si beau, l’accordéon!
À c’t’heure que c’t’affaire-là était réglée, Erik put se
concentrer sur le recrutement de colons. Faut croire que le nom
« Groenland » pognait fort : 35 bateaux partirent pour la
nouvelle terre. Malheureusement, y’en a juste 14 qui se rendirent. Les autres
coulèrent ou furent écartés de leur chemin par des tempêtes.
Malgré ça, la petite colonie s’en venait ben, même si la vie
était toffe, au Groenland. Pis pour un ancien hors‑la‑loi, Erik était rendu pas
pire pantoute aussi. Il était bien installé au fjord à Erik, il avait quatre enfants
avec sa Thorhild – Thorstein, Leif, Thorvald et Freydis – pis y’avait été
choisi comme chef de la colonie.
Un jour, un certain Bjarni Herjólfsson arriva au Groenland.
Il était allé voir son père en Islande, mais rendu là, il s’était fait dire qu’il
était parti avec Erik. Faique y’avait repris la mer avec son équipage pour
aller le trouver.
Il fut bien reçu par Erik. Un soir que tout le monde était réuni autour du feu, avec plusieurs bocks dans le nez, Bjarni se mit à raconter ce qui lui était arrivé en se rendant au Groenland.
– Pis là, on s’est retrouvés pognés dans’brume pis on a dérivé pendant une méchante secousse. On savait pu pantoute où c’qu’on était! Après ça, le soleil est sorti, pis on a vu une terre qu’on connaissait pas, avec ben du bois. Mais là, moé, j’avais hâte de voir mon père, faique j’ai décidé de pas débarquer. Pis là, le vent est revenu du bon bord, pis on est arrivés icitte. – Voyons, tu me niaises-tu? T’as trouvé une nouvelle terre, pleine de bois pour construire des bateaux, pis t’es pas débarqué? T’es ben épais! dit Erik. – Ben là! J’voulais vraiment arriver icitte avant l’hiver! – Franchement, c’est vraiment pas fort, ton affaire! Où c’qu’est ton sens de la découverte? Moé, à ta place, j’srais descendu sur un moyen temps!
Faique ça resta là. La nouvelle terre demeurait
un mystère. Mais pas pour longtemps…
Au début, Fridtjof et Hjalmar avaient une bonne erre d’aller
– jusqu’à ce que leurs montres s’arrêtent.
C’était plus grave que ça n’avait l’air : sans connaître l’heure exacte, ils pouvaient pas calculer précisément leur position à partir du soleil. Et comme ils savaient plus trop où ils étaient, ça devenait difficile de savoir où s’enligner pour atteindre la terre de François‑Joseph, un archipel pas habité et même pas toute cartographié.
Ils étaient complètement écartés, sans repères, sur une banquise
qui changeait tout le temps. Mais, endurcis qu’ils étaient par toute la misère
qu’ils avaient mangée dans leur vie, ils se forcèrent à avancer. Ils savaient
pas quand ni comment, mais ils allaient rentrer chez eux, bout d’ciarge!
Le mois de mai passa, pis juin. L’été arctique s’installait
tranquillement. La glace virait en sloche et fendait de partout, pis c’était un
aria du diable de traverser les craques avec les traîneaux pis les chiens.
Traversée des craques dans la glace. Source : The Project Gutenberg EBook of Farthest North, by Fridtjof Nansen
Un jour, ils tirèrent un gros phoque qui avait eu le malheur
de passer trop proche d’eux‑autres. Heureux comme des papes, ils montèrent leur
camp et se préparèrent tout un festin :
– Qu’est-ce que tu nous fricottes pour souper à soir?
– Des crêpes au sang, frites dans la graisse de phoque!
– Oohhh, ça va être bon dans yeule, ça!
– Mets-en!
– Euh, Fridt? Tu trouves pas que ça commence à chauffer pas mal fort?
– Hein?
– Fridtjof, ‘ttention! Le feu est pris!
– Ah, tabarnak!
Fridtjof et Hjalmar se garrochèrent en dehors de la tente
dans une explosion de graisse pis d’huile de baleine en feu. Les flammes furent
soufflées d’un coup, mais elles avaient laissé un gros trou dans la tente, que
les gars bouchèrent avec un boutte de voile de traîneau. Ils se réinstallèrent,
rallumèrent un feu et mangèrent enfin leurs crêpes au sang avec un p’tit peu de
sucre : tant qu’à eux-autres, c’était la meilleure affaire qu’ils avaient
jamais mangée.
Un m’ment’né, tandis que Fridtjof préparait son kayak pour
le mettre à l’eau, il entendit Hjalmar lui crier :
« POGNE TON FUSIL! »
Fridtjof se revira de bord juste à temps pour voir un ours
polaire courir vers Hjalmar et le crisser à terre sur le dos. Il niaisa pas
avec la puck : il partit aussitôt pour pogner son arme, mais au même
moment, son kayak, avec le fusil dedans, glissa dans l’eau. Il essaya de le rattraper,
mais il était pesant, pis ça lui prit toute son p’tit change pour le ramener
sur la glace tandis que, derrière lui, Hjalmar était après se battre avec l’ours.
Combat contre l’ours (à partir d’un croquis de Fridtjof) Source : The Project Gutenberg EBook of Farthest North, by Fridtjof Nansen
« Fridtjof, dit calmement Hjalmar, la main sur la gorge de l’ours, si tu te déniaises pas, y va être trop tard! »
C’est là que l’ours remarqua les chiens. Il lâcha Hjalmar,
ce qui donna à Fridtjof le temps de récupérer son fusil et de se placer pour
tirer. PÂWF! L’ours tomba raide mort, une balle drette en arrière de l’oreille.
Pis enfin, le 23 juillet, plus de trois mois après avoir
décidé de revirer de bord, Fridtjof et Hjalmar aperçurent une terre au loin.
Ils savaient pas si c’était ben là qu’ils étaient censés aller, mais rendu là,
ils s’en sacraient pas mal : une terre, c’t’une terre.
Pour se rendre, ils devaient traverser une grande étendue d’eau pas de glace, faique ils attachèrent les kayaks ensemble et posèrent une voile sur le dessus. Mais là, ils durent se faire une raison. Il avait déjà fallu abattre la majorité des chiens au fur et à mesure, pour que les autres puissent survivre; les deux derniers allaient devoir y passer aussi – c’était impossible de les emmener en kayak sur une aussi longue distance. Le cœur gros, Fridtjof s’en alla avec celui de Hjalmar, et Hjalmar, avec celui de Fridtjof. Les coups de fusil partirent en même temps.
En kayak. Source : The Project Gutenberg EBook of Farthest North, by Fridtjof Nansen
Quand ils mirent finalement le pied sur la terre ferme,
après deux semaines à pagayer quasiment sans arrêt, ils étaient fous comme des
balais : ils couraient partout, sautaient par‑dessus les roches,
cueillaient des fleurs… Mine de rien, ça faisait deux ans qu’ils avaient pas
marché sur la terre nue!
– Astie, Hjalmar, j’aurais jamais cru être aussi content de voir de la bouette!
Fridtjof prit le temps d’observer comme faut la terre où ils
avaient abouti : d’après les caps, les fjords pis les îles qu’il voyait,
ça semblait bien être la terre de François‑Joseph. Il croyait pas à sa shot; plus
que jamais, il avait l’espoir de pouvoir rentrer chez lui avant l’hiver.
Complètement brûlés par toute c’te pagayage, Fridtjof et
Hjalmar prirent plusieurs jours pour se reposer, tout en sachant qu’ils
devraient repartir bientôt. Malheureusement, ils étaient pas dûs pour ça :
à la fin du mois d’août, il se mit soudainement à faire pas mal plus frette, et
la glace revint presque du jour au lendemain. Comme ils avaient plus de chiens
pour tirer leurs traîneaux, ils durent se rendre à l’évidence : ils
étaient pognés là jusqu’au retour de l’été.
La falle basse, mais résignés, Fridtjof et Hjalmar construisirent
leur abri pour les prochains mois avec les moyens du bord : des roches
pour les murs, des peaux d’ours pour le plancher et le toit.
Leur abri pour l’hiver. Source : The Project Gutenberg EBook of Farthest North, by Fridtjof Nansen
La nuit, y faisait -40° C. Au début, ils dormaient chacun de leur bord, mais ils gelaient comme des crottes, faique ben vite ils se mirent à dormir en petite cuiller dans le même sac de couchage. On se demande comment ils faisaient pour s’endurer, à rester collés de même pis à s’avoir tout le temps dans la face.
À Noël, leur troisième depuis leur départ, ils célébrèrent en grand en changeant de bobettes et en revirant leur chemise de bord, pour que le côté graissé de sueur arrête de leur coller sur la peau. Pour le réveillon, ils mangèrent du fiskegratin, fait de farine de poisson et de cornestache et frit dans l’huile de baleine – pour aimer ça, fallait juste pas penser à la dinde.
Après huit mois de noir pis de frette sans fin, avec pour
seule compagnie les renards arctiques qui venaient parfois leur voler des affaires,
Fridtjof et Hjalmar remarquèrent que les jours commençaient à s’allonger pis la
banquise à fendre. C’était le temps de repartir.
Après avoir fait des provisions de viande d’ours, ils s’en
allèrent vers le sud, pleins d’espoir. Un matin de juin, tandis qu’il allait
chercher de l’eau pour faire à déjeuner, Fridtjof entendit un bruit familier.
– Hein? Des chiens? T’es sûr que t’es pas en train d’halluciner? demanda Hjalmar, tout collé de sommeil en sortant de la tente.
– Ben non, j’te jure! Écoute!
– Moé, j’entends juste les oiseaux.
– Tu penseras ben ce que tu voudras, mais après déjeuner, je vais aller sentir, voir.
Faique Fridtjof partit à pied en direction des jappements.
Ben vite, il jura avoir entendu une voix humaine. Tout énarvé, il cria un
« AAAALLOOOOO! » aussi fort qu’il pouvait. Un cri lointain lui
répondit. Puis, au travers des blocs de glace, il vit la silhouette d’un homme.
L’estomac serré, osant à peine croire à ce qui se passait,
il s’en alla en direction de la silhouette. Il lui fit salut avec son chapeau;
l’étranger fit pareil. Quand il fut assez proche, Fridtjof reconnut avec
bonheur Frederick George Jackson, un explorateur anglais qu’il avait déjà
rencontré avant.
Or, tandis que l’Anglais était propre, bien rasé, habillé avec du beau linge neuf, Fridtjof, lui, était vêtu de haillons pis de peaux de bêtes, et tellement crotté qu’il était à peine reconnaissable.
Fridtjof rencontre Frederick Jackson (scène reconstituée par après). Source : The Project Gutenberg EBook of Farthest North, by Fridtjof Nansen
– Bien le bonjour! Heureux de vous rencontrer, dit l’Anglais en lui serrant la main.
– Moi pareil, répondit Fridtjof.
– Votre bateau est-tu là?
– Non.
– Vous êtes combien?
– Y’a un autre gars avec moi, pas loin par là-bas.
L’Anglais prit le temps de regarder Fridtjof en pleine face.
– Heille, dit-il. J’vous regarde, là – vous seriez pas Fridtjof Nansen?
– En plein ça.
– Ah ben ça parle au yâble! Là, je suis VRAIMENT content de vous voir!
Fridtjof et Hjalmar étaient sauvés.
Fridtjof et Hjalmar juste après avoir été sauvés. Source : Wikimedia Commons
Une couple de mois après, ils arrivèrent finalement à
Hammerfest, en Norvège, où Fridtjof retrouva sa femme. Deux semaines plus tard,
à leur grande joie, ils apprirent que le Fram
était finalement sorti de la glace et sur son retour. Des télégrammes partirent
dans toutes les directions, apprenant au monde entier la nouvelle de leur
exploit de fou.
Quand l’équipage du Fram enfin réuni arriva à Christiania, le fjord était rempli de bateaux de toutes les sortes pis de toutes les grosseurs qui tirèrent du canon pour les saluer, et le bord de mer était noir de monde tout énarvés qui criaient des hourras, se faisaient aller les bras et brandissaient des drapeaux norvégiens pour les accueillir comme les héros du Grand Nord qu’ils étaient et qui venaient de se tailler une place dans l’histoire pour toujours.
C’était encore une maudite idée de fou, mais taboire,
cette-fois-là, le Parlement norvégien accorda une subvention à Fridtjof. Faut
croire qu’astheure, le monde le prenait au sérieux.
Fridtjof se fit donc construire un bateau, le Fram, à partir de son idée. Sur le
millier de personnes qui s’étaient garrochées pour participer à l’expédition,
Fridtjof choisit 12 gars, dont Otto Sverdrup, qui l’avait accompagné dans
sa traversée du Groenland, pis Hjalmar Johansen, un expert de la conduite
d’attelage de chiens.
Puis, le 24 juin 1893, devant une grosse foule venue saluer le héros de la nation, le Fram quitta Christiania avec du charbon, de la bouffe pis du matériel pour cinq ans.
Le Fram à son départ. (Source : Wikimedia Commons)
Fridtjof pensait à sa femme et à son bébé fille, Liv, pis ça lui tirait les cordons du cœur de savoir qu’il les reverrait pas avant une maudite secousse – s’il les revoyait tout court. Son expédition, c’était loin d’être une promenade en char dans les rangs le dimanche après‑midi. En fait, tous les gars à bord avaient une graine dans chaque œil. Mais ils étaient déterminés à réussir.
Après avoir navigué pendant trois mois jusqu’au cap Tcheliouskine, point le plus au nord du continent, le Fram arriva à la place où la Jeannette, un bateau d’exploration américain, avait été complètement effoirée par la glace dans une autre tentative d’atteindre le pôle Nord quelques années avant. Faique là, ça passait… ou ça cassait. Littéralement.
L’expédition de la USS Jeannette
En 1879, l’équipage de la Jeannette s’est embarqué pour le pôle Nord en passant par le détroit de Béring. Malheureusement, le bateau se retrouva pogné ben dur dans la banquise, où il resta pendant quasiment deux ans jusqu’à ce qu’il soit carrément écrapouti sous la pression de la glace.
Quant aux gars à bord, ce fut pas jojo : ils essayèrent de partir sur la banquise en traînant des petits bateaux jusqu’à l’eau libre, mais sur les 33, juste treize ont survécu; les autres se sont perdus dans une tempête ou sont morts de faim en errant dans la toundra.
Faique mettons que les gars savaient très bien ce qu’ils risquaient si Fridtjof s’était fourré dans ses calculs.
Comme des bouttes de ce bateau-là avaient été retrouvés des centaines de kilomètres à l’ouest, pas loin du Groenland, Fridtjof était convaincu qu’il y avait un courant marin qui allait dans ce sens-là, et qu’il fallait juste le suivre avec la glace pour arriver au pôle Nord.
Or, quand ce fut le tour du Fram d’embarquer dans la banquise, au lieu d’être effoiré, floup! Grâce à sa quille arrondie, il glissa en dehors de la glace, et il allait pouvoir se laisser porter par elle, comme Fridtjof l’avait imaginé!
« Astie que c’est beau! se dit Fridtjof en regardant son bateau aller. Il est tellement solide, y sent quasiment pas les plaques de glace pis y roule dessus comme une chique dans une spitoune! »
C’est là que commença le boutte plate.
Le Fram dans la banquise. (Source : Wikimedia Commons)
Fram, ça veut dire « en avant » en norvégien, mais au début, c’était pas vraiment dans ce sens‑là que le bateau allait. La banquise le faisait virailler n’importe comment, pis quand il allait du bon bord, c’était quasiment par hasard. Il fallut jusqu’en janvier 1894 pour qu’il commence à dériver comme faut vers le nord-ouest. Pendant ce temps-là, les gars essayaient de se désennuyer comme y pouvaient, mais il y a toujours ben des limites au nombre de parties de poker pis de trou de cul que tu peux jouer avant de t’écœurer.
Fridtjof, lui, commençait à être comme une queue de veau : un an et demi après le départ, le pôle Nord était encore loin, pis y se pouvait pu d’attendre à rien faire. Selon ses calculs, ça allait prendre encore cinq ans pour se rendre. Faique il eut une autre de ses idées de fou :
« Mettons que je clanchais en traîneau à chiens jusqu’au pôle Nord, pis que je retrouvais la gang après? Pour m’en r’venir, il y a la terre François-Joseph, un peu plus à l’ouest. Faique, j’irai là-bas, pis après c’est juste un p’tit boutte en kayak jusqu’à Svalbard, où je trouverai ben un bateau pour me ramener. »
Là, faut que je prenne le temps de vous expliquer à quel point c’était crinqué, son affaire. L’océan Arctique, c’est juste de la glace. C’est une immense immensité avec du rien à perte de vue. Il n’y a pas de terre où te mettre les pieds ni personne pour te venir en aide si ça va mal. Y’a pas de GPS. Pas de carte fiable. Pas de téléphone. C’était comme si Fridtjof se lançait dans un trou noir en gageant qu’il allait ressortir à l’autre boutte.
Fridtjof et Hjalmar quittent le Fram (Source : The Project Gutenberg Ebook of Fridtjof Nansen, by Jacob B. Bull)
Sans en parler à son équipage, il commença donc à planifier son équipéeet à faire des virées en traîneau à chiens sur la banquise pour s’entraîner. Puis, après quelques mois, il annonça ses intentions : il laisserait le commandement à Otto Sverdrup, pis il emmènerait Hjalmar Johansen. Vous allez trouver ça bizarre, mais ils étaient plusieurs dans l’équipage à être déçus de pas pouvoir y aller avec lui!
Faique, après tout ça, nous voilà revenus au moment où Fridtjof Nansen et Hjalmar Johansen quittèrent le Fram avec 27 chiens, leurs traîneaux, leurs skis, leurs kayaks et de la bouffe pour 100 jours dans le but de se rendre en haut de la calotte du monde. Pour leur dire au revoir, les gars restés dans le bateau tirèrent du fusil dans les airs.
Ben vite, ce fut la grosse misère noire : la glace était tout croche, avec des trous pis des bosses partout, faique ça skiait vraiment mal. Des fois, le soir, Fridtjof et Hjalmar étaient assez brûlés qu’ils tombaient endormis en mangeant. Leur linge venait tellement trempe pendant la journée qu’il leur gelait dur sur le dos, pis ils devaient se coucher tout habillés dans leur sac de couchage pour sécher pendant la nuit. Pis même là, ils se reposaient pas vraiment : Fridtjof était souvent réveillé par Hjalmar qui criait des directives aux chiens dans son sommeil.
Alors, comme si ça allait pas assez mal de même, la banquise se mit à dériver vers le sud, ce qui les éloignait encore davantage de leur but. Plus ça allait, plus elle devenait chaotique : devant nos deux explorateurs, il y avait juste d’énormes blocs de glace jusqu’à l’horizon. Un m’ment n’né, Fridtjof dut se rendre à l’évidence : y se rendraient pas au pôle Nord.
« Hjalmar, ça a pas d’allure. C’est plate, mais va falloir qu’on r’vire de bord. »
Alors, le 8 avril, à une latitude record de 86°14’, Fridtjof et Hjalmar reprirent le chemin de la maison. Ce qu’ils savaient pas, c’est que ça allait prendre plus de temps qu’ils pensaient. PAS MAL plus de temps.
« Ma doudoune–STOP–J’étais tanné d’être pogné dans glace au beau milieu de l’océan Arctique–STOP–Faique Hjalmar pis moé on est débarqués du bateau pis on est partis pour le pôle Nord–STOP–Fais-toi s’en pas c’est juste 660 km aller pis ça prendra même pas deux mois–STOP–Je sais pas trop quand je redonnerai signe de vie, les ours polaires ont pas le télégraphe haha je t’aime–STOP et FIN »
C’est le télégramme que l’explorateur norvégien Fridtjof*
Nansen aurait pu envoyer à sa femme Eva le 14 mars 1895, quand il
clancha dans le frette pis le blanc à perte de vue pour essayer d’être le
premier à atteindre le pôle Nord.
Mais, avant ça, il s’était fait les dents en réussissant la
première traversée du Groenland par la terre.
Né pour explorer
Fridtjof, c’est comme s’il avait commencé à s’entraîner pour être explorateur dès son plus jeune âge. Né en 1861, ce fils d’avocat apprit à skier à l’âge de deux ans, pis à dix ans, il alla essayer le saut à ski (le gros tremplin épeurant, là) sans la permission de ses parents. À son premier atterrissage, les bouttes de ses skis se plantèrent ben drette dans la neige et il tomba à pleine face, manquant de se tuer. Cette débarque épique aurait fait passer le goût du sport à n’importe qui, mais pas au jeune Fridtjof : plus tard, il fut plusieurs fois champion national de ski et de patin.
Ado, il avait aussi l’habitude de partir des semaines de temps tout seul dans le bois, à vivre « comme Robinson Crusoé ». À l’université, il étudia la zoologie parce qu’il se disait que ça lui permettrait de travailler dehors. En 1882, il s’embarqua sur un phoquier** pour un voyage de cinq mois dans l’océan Arctique. Ça lui a fait tout un effet! C’est là, au large de la partie inexplorée*** du Groenland, que lui pogna le goût d’aller s’épivarder sur les glaciers.
En revenant, il fit son doctorat, mais pendant ce temps-là, l’envie de repartir lui démangeait sans arrêt…
Jusque-là, tous ceux qui avaient essayé ça s’étaient plantés : ils s’entêtaient à partir du bord habité à l’ouest en direction du bord inexploré à l’est, ce qui les forçait à faire un aller-retour. Par contre, ce p’tit torvis de Fridtjof voyait les choses autrement :
« Mettons que moé, là, je partais du bord inexploré? Tsé, si je peux juste pas revirer de bord, je serai ben obligé de continuer jusqu’au boutte. »
C’était… pour le moins crinqué.
« Ben voyons, yé-tu tombé su’a tête? » fut, en gros, l’accueil réservé à son projet.
Ça traitait Fridtjof de fou dans
les journaux. Le gouvernement, qui trouvait que ça avait pas d’allure, refusa
même de financer l’expédition. Finalement, grâce aux bidous inespérés d’un
homme d’affaires danois, Fridtjof, avec cinq autres gars qu’il avait triés sur
le volet, partit pour le Groenland au printemps 1888. Y’était tellement
frétillant d’impatience qu’il a même pas attendu les résultats de son examen
final du doctorat.
Pendant la traversée. (photo Wikipedia)
L’expédition, mettons que ça a pas été une partie de sucre :
le bateau était pas capable d’accoster, pis les gars dérivèrent sur la glace
380 km au sud de leur point de départ prévu à cause du temps de cul,
durent remonter le long de la côte en kayak en se battant contre le courant,
manquèrent de tomber dans des crevasses. Ils ont même dû arrêter pendant trois
jours à cause des orages pis d’une pluie épouvantable.
C’est ben pour dire.
Finalement, après avoir traversé les montagnes, où y faisait
en moyenne -45 °C la nuit, ils ont débouché de l’autre bord, se sont
construit un bateau avec des bouttes de traîneau pis de tente et ont remonté
jusqu’à Godthåb, la ville la plus proche.
Après 49 jours, ils avaient réussi leur gageure – ils
étaient les premiers à réussir la traversée du Groenland par la terre! Tandis
que Fridtjof arrivait, trempe, les pieds gelés, pis probablement ben écœuré et
pressé d’aller se chauffer la couenne, le représentant de la ville l’accueillit
en lui disant :
– Monsieur Nansen! Vous avez passé votre doctorat!
– Hein?
– Vous avez passé votre doctorat! Félicitations!
– Euhh, merci, mais je pensais tellement pas à ça, moé-là! Les orteils sont à veille de me tomber!
Malheureusement, quand Fridtjof et sa gang arrivèrent à Godthåb,
il était trop tard dans l’année pour reprendre le bateau jusqu’en Norvège à
cause de la glace, faique ils restèrent pognés là pendant sept mois. Pas ben
ben grave : l’explorateur en profita pour chasser, pêcher pis étudier le
mode de vie des Inuits, ce qui allait lui être utile plus tard. D’ailleurs, il
dit dans son journal que ça lui coûtait quasiment de partir, tellement il avait
eu du fun avec eux‑autres.
Eva, la femme de Fridtjof. Pour l’époque, son costume était scandaleux (on voit ses cheviiiiilles! Perversion!). (photo Wikipedia)
Quand Fridtjof revint en Norvège, heille! Là y’avait pu personne
pour le traiter de fou. C’était le nouveau héros national! Quand il débarqua à
Christiania (astheure Oslo, la capitale de la Norvège), le tiers de la ville
était là pour l’acclamer. Il était demandé partout pour faire des conférences
et reçut un char pis une barge d’honneurs. Ah, pis aussi, il se maria avec Eva
Sars, célèbre chanteuse lyrique et fichue de bonne skieuse.
C’était ben le fun, tout ça, mais ça prit pas grand temps
pour qu’une nouvelle idée lui excite le poil des jambes :
« Mettons qu’on construit un bateau assez petit pis solide pour qu’y glisse en dehors de l’eau au lieu de s’écrapoutir quand il est pris dans la glace, là… Ben en faisant exprès pour rester pognés dans la banquise pis en se laissant dériver, peut-être qu’on serait capables de se rendre au pôle Nord? »
Ça a tu marché? C’est ce qu’on va voir la semaine prochaine.