Quequ’temps après que Leif arvint au Groenland pis que les Eriksson apprirent que Thorvald était mort au Vinland, y’eut une grosse épidémie. Erik, comme ben du monde, péta au frette, pis Leif devint le chef de la colonie.
Un bon jour, un riche marchand islandais, Thorfinn Karlsefni, arsoudut au Groenland, le bateau plein d’affaires à vendre. Le monde qui restaient là étaient ben heureux de voir arriver du nouveau stock – faut ben remplacer ça de temps en temps, ces esclaves-là, qu’y se disaient. Leif, lui, était énarvé comme un p’tit veau du printemps :
« Heille! Si c’est pas mon vieux chum Thorfinn! Ça fait une maudite secousse qu’on s’est pas vus! C’tu fais dans l’boutte d’icitte? Enwoye, rentre, mon homme! Dégreille-toé pis tire-toé une bûche! »
Faique il l’invita à passer l’hiver à Brattahlíð – qui voulait dire « côte à pic » – le domaine qu’il avait hérité de son père. La saison s’écoula dans le plaisir pis l’agrément, mais tandis que l’vent du Nord fessait comme un déchaîné sur la colonie, y’avait pas juste le feu de tourbe qui chauffait le dedans d’la maison à Leif – y’avait aussi la pâssion.
Pas longtemps avant ça, Leif avait accueilli chez eux son ex-belle-sœur, Gudrid. Ex-belle-sœur, parce qu’elle avait été mariée avec Thorstein, le troisième frère Eriksson. Elle était partie avec lui en expédition au Vinland pour ramener le corps de Thorvald, mais leur bateau avait été bardassé de tous les bords par la mer pour enfin se ramasser dans l’établissement de l’Ouest, un autre boutte de la colonie du Groenland. Pendant l’hiver, Thorstein était mort de maladie, pis Gudrid était revenue à Brattahlíð.
Ça a d’l’air que c’était une créâture pas comme les autres, belle comme une princesse, pis brave, pis fine pis pleine de jarnigoine. Thorfinn se reconnaissait pu. Y’était rendu poète!
« Ah! Gudrid, avec ses yeux qui brillent comme une lame de hache ben affilée à’lueur d’la pleine lune de janvier! »
Par Freyja, a y faisait oublier le p’tit Jésus! Faique y niaisa pas avec la puck et la demanda en mariage. Gudrid, qui le trouvait aussi pas mal de son goût, se fit pas prier, pis les noces eurent lieu pas longtemps après, dans le temps de Noël.
Mais là, Gudrid, elle, était restée sur sa faim après le flop de l’expédition avec Thorstein. Elle avait une âme d’exploratrice, pis a voulait y’aller, au Vinland, bon! Faique quand, au printemps, ça commença à jaser de retourner dans le Nouveau Monde, elle se mit tusuite à achaler Thorfinn :
« On pourrait fonder une vraie colonie! On emmènerait des bestiaux pis toute la patente. Pis pas juste des gars, là, des femmes aussi! On se partagerait les profits égal toute la gang. Qu’est-ce t’en penses? »
Thorfinn, en bon marchand qu’y’était, put pas résister à ce qui avait d’l’air d’une bonne affaire. Pis, on va se le dire, y’aurait fait n’importe quoi pour sa belle nouvelle femme. Faique il prit la mer avec soixante hommes, cinq femmes, un beu, pis une gang de vaches qui beuglaient comme des pardues dans le fond de la cale.
C’te fois-là, la traversée de Gudrid se passa numéro un, pis les colons arrivèrent toutes d’un boutte au Vinland. J’vous dis que les vaches étaient contentes en simonac de ravoir de l’harbe en d’sour des sabots!
Le premier été, tout fut tiguidou : une baleine s’échoua pas loin du village, ce qui donna de la viande pour un christie de boutte. Y’avait des fruits, du poisson, du gibier. C’tait ben plaisant. Après, vint l’hiver.
Le deuxième été, par exemple, les colons vikings tombèrent face à face avec des Autochtones, qu’ils surnommèrent « skrælings » – on n’est pas sûrs de ce que ce mot‑là voulait dire, mais d’la manière que ça sonne, on se doute que ça devait pas être ben ben flatteur.
Mais comme Thorfinn était moins niaiseux que Thorvald, il vit qu’ils avaient des sacs remplis de peaux pis de fourrures, probablement pour troquer, faique il les laissa approcher. C’est le moment que le maudit beu à’marde choisit pour pousser un gros :
« MMEEEEEUUUUHHHHH!!!! »
Les skrælings, qui avaient jamais entendu un son de même de leur vie, pognèrent la chienne et partirent à courir comme des malades. Ils essayèrent même de rentrer dans la maison à Thorfinn et Gudrid, mais Thorfinn bloqua la porte.
Faique là, t’avais une gang de Vikings d’un bord, pis une gang d’Autochtones de l’autre, plongés dans un silence malaisant pis tendu, pas trop sûrs de qu’est-ce qui fallait faire.
Finalement, les Autochtones ouvrirent leurs sacs pour montrer ce qu’il y avait dedans. Ben crère qu’ils voulaient échanger leurs fourrures contre les belles lames en fer des Vikings.
« Que j’en voye pas un leur donner son épée! Faut pas leur mettre ça entre les mains, avertit Thorfinn. Gudrid – toé pis les autres femmes, apportez-leur du lait, voir si y’en veulent. »
Les skrælings avaient jamais vu ça, du lait de vache, pis y trouvèrent ça bon en ti-péché. Ils échangèrent toutes leurs fourrures pour pouvoir se remplir la panse, pis repartirent de y’où c’qu’y’étaient venus.
Même si y’était rien arrivé de plate, Thorfinn, lui, était pas trop rassuré de savoir qu’y’étaient pas tout seuls dans l’boutte. Surtout qu’en plus, Gudrid était enceinte! Faique il fit construire une grosse palissade en bois autour du village. Pas longtemps après, Gudrid accoucha du premier Européen né en Amérique, un beau gros garçon que les heureux parents appelèrent Snorri. Tsé, j’vous l’avais dit que Gudrid, c’était une toffe : fallait le faire pareil, accoucher au milieu de nulle part en terrain semi hostile!
Au début du deuxième hiver, les Autochtones se repointèrent la face, encore avec des sacs pleins de peaux pis de fourrures à troquer. Sauf que là, ça se passa pas aussi ben que la première fois : un skræling essaya de pogner l’arme d’un des hommes, qui lui crissa aussitôt en plein front. Ça le tua ben net.
Les autres Autochtones se sauvèrent, laissant là toute leur stock. Mais Thorfinn savait que ça en resterait pas là, faique il se prépara pour la bataille.
« Bon ok, faut qu’on se parle. Ch’pas mal sûr qui vont arvenir avec plus de monde pour nous attaquer. M’a vous dire c’qu’on va faire. Vous-autres, allez su’l dessus du cap là-bas pour qu’y vous voyent. Les autres, allez dans le bois pis coupez des arbres pour faire de la place pour les vaches. Quand les skrælings vont s’en aller pour attaquer les gars sur le cap, nous-autres on va sortir du bois pis les prendre par surprise. Ah, pis on va mettre e’l beu en avant – y’a eu l’air de ben les épeurer l’autre fois. »
Quand les skrælings arrivèrent au spot que Thorfinn avait choisi, les Vikings sortirent du bois en hurlant, avec comme mascotte le beu paniqué ben raide. Pendant la bataille, beaucoup d’Autochtones furent tués.
Un m’ment’né, un des skrælings ramassa une hache viking qui était tombée à terre. Après l’avoir checkée une petite secousse, il la leva dins airs et en crissa un coup à un de ses compatriotes qui passait par là. J’sais pas trop à quoi y s’attendait en faisant ça, mais, euh, oups : le gars tomba raide mort.
Pas loin, y’avait un autre Autochtones qui avait toute vu ça aller. Y’était grand, large pis narfré; à son air fier pis son dos ben drette, Thorfinn se dit que c’était probablement le chef.
Faique là, le peut-être chef s’approcha du tata à la hache et y prit des mains, l’air de dire « Da-moé ça, toé! »
Il checka l’arme lui’ssi, pis, sans dire un mot, la garrocha au bout de ses bras, jusque dans la mer.
Après ça, les skrælings crissèrent leur camp par le bois, et on les revit plus de l’hiver.
Rendu au printemps, Thorfinn pis Gudrid étaient pu sûrs que ça leur tentait de rester une autre année :
– Tsé, avec le p’tit pis toute, ça me tente pas de prendre de chance. D’un coup que les skrælings arviennent?
– T’as ben raison. On est juste pas assez de monde pour se défendre si y nous attaquent encore. Tsé, on le sait pas, y pourraient être encore plus la prochaine fois. M’a dire au monde qu’on s’en va.
C’est de même que se termina l’aventure de Thorfinn et Gudrid : comme les autres avant eux, y s’en retournèrent au Groenland, les bateaux pleins de fourrures, de bois pis de raisins. Après, avec leur pécule, ils allèrent s’installer en Islande.
Pis, L’Anse-aux-Meadows, c’était tu ça, le camp à Thorfinn Karlsefni? Ça se peut, parce qu’en fouillant, on a trouvé des affaires qui prouvaient qu’y’avait eu des femmes à c’te place-là. Par exemple, y’avait un volant de fuseau, un gugusse qui servait à filer la laine. C’est une preuve béton, parce que tu peux être sûr qu’aucun homme aurait touché à ça de peur que la brimballe y tombe à terre.
En tout cas, on le saura jamais vraiment.
Mais, heille! Je vous avais dit qu’Erik le Rouge avait eu quatre enfants, pis je vous ai pas encore parlé de sa fille, Freydis. Elle, en tout cas, a n’avait d’dans, pis y’était pas question qu’a reste là à sécher comme un coton pendant que ses frères s’épivardaient dans le Nouveau Monde.
J’vous conte ça la semaine prochaine!
Source principale : HON. RASMUS B. ANDERSON, LL.D. The Norse Discovery of America, 1906. https://www.norron-mytologi.info/diverse/norsediscovery.pdf
2 commentaires sur “Les Vikings arsoudent au Vinland, partie 3 : la colonie à Thorfinn pis Gudrid”