
Ma belle-soeur à moé, la soeur à Mononc’ Poêle, c’est toute une femme. A l’enseigne les arts martiaux, là, le kick-boxing pis l’jujitsu, pis à r’vir’rait n’importe qui comme un bas. Des fois, j’la niaise en y disant qu’a pogne des avions à mains nues.
Je l’aime ben gros.
C’t’une créâture moderne, qu’on pourrait dire. Forte pis indépendante pis qui torche des culs, pis ch’parle pas de quand ça y’arrive de changer des couches.
Mais v’la 700 ans, y’avait une princesse – Khutulun, qu’a s’appelait. L’arrière-arrière-petite-fille de Gengis Khan. Pis comme ma belle-soeur, a se laissait pas marcher sué pieds.
Avant de continuer, on va mettre ça au clair drette là : aujourd’hui, on parle des Mongols, pis l’premier que j’vois faire une joke plate avec ça, j’y sacre un coup de tisonnier en arrière des jarrets.
Bon.
Quand Khutulun est née, son aïeul Gengis était six pieds sous terre depuis un bon boutte déjà. Ses descendants étaient répandus aux quatre coins de l’empire mongol, de la Chine à l’Iran en passant par la Corée pis l’sud de la Russie. Pis l’empereur de toutes les Mongols – le grand khan – c’tait Kublaï, le p’tit-fils de Gengis, qui dirigeait son empire à partir de Beijing, ben assis su son beau trône en or, dans sa robe de soie brodée.
Mais, c’tait pas toutes les Mongols qui trippaient sur la vie de palais. Le père à notre princesse, Kaïdu Khan, régnait sur l’Asie centrale, dans l’boutte du Kirghizistan, du Kazakhstan pis toutes les autres pays en « stan ». C’tait un homme dur, plus strict qu’un curé, qui buvait pas d’alcool pis qui mangeait même pas de sel – le genre à faire exécuter un de ses gendres quand y’apprit qu’y couchaillait avec la servante. Pis lui, y trouvait que Kublaï était yinque un faux cul qui avait abandonné les traditions de son peuple.
Faique Khutulun grandit à la mongole, nomade, dans la steppe, le vent dins ch’feux, au travers des herbes hautes, des ch’faux, des moutons pis de QUATORZE frères. Ça jouait dur dans’yourte à Kaïdu, pis toutes les moyens étaient bons pour se faire r’marquer par le père.
« Ayoye! Khutulun! Arrête! Mononc’! Tu me fais mal! Argh! Mononc’!!! MAMAN!!! »
La princesse apprit d’bonne heure à faire sa place, par la force si y fallait; pour elle, pas question de passer dans l’beurre parce qu’elle était une fille. C’tait un apprentissage à la dure qui allait y servir plus tard.
En grandissant, Khutulun devint une grande femme ben plantée pis large d’épaules, un peu comme moé dans mon jeune temps. Pis au lieu de se marier pis de faire des enfants, ben a devint lutteuse. Entre autres.
La lutte, c’tait un sport super important pour le peuple mongol. Quand t’étais bon à la lutte, t’étais considéré comme béni des esprits. Pis Khutulun, ch’sais pas si c’était à force de s’être autant colletaillée avec ses frères quand a l’était floune, mais a l’était bonne en simonac!
Dans c’temps-là, les hommes pis les femmes étaient pas séparés dans les compétitions. Y’avait pas de limite de temps, pas de tapis pis pas de catégories de poids : si tu pésais 100 livres mouillé pis que tu t’artrouvais en avant d’un astie d’bétail de 300 livres, ben tu t’arrangeais avec tes troubles.
Mais, qu’y soyent p’tits, gros, larges, minces, longs ou courts, Khutulun les battait toutes :
— Faique c’est toé la fille à Kaïdu, là, qui est censée être pas battable? Pff! Ché pas quelle espèce de moumounes t’as pognées avant moé, mais ça s’arrête là, ton affaire!
— Ah, t’es sûr? Parce que j’t’aurais proposé d’aller plusse par là-bas, l’herbe est moins tapée pis ça va être moins raide su ton dos quand j’vas te crisser à terre!
Ça se passait tout le temps de la même façon : la princesse pis son adversaire se pognaient par les bras, forçaient l’un contre l’autre, se sizaient. Ça pouvait durer longtemps. Ou pas pantoute. Mais le fendant qui avait osé affronter la princesse se retrouvait toujours cul par-dessus tête.
Malgré le risque de se faire planter les dents dans l’tuf par une femme pis de faire rire d’eux-autres, y se bousculaient quand même au portillon pour s’essayer contre elle.
L’affaire, c’est que Khutulun avait juré d’épouser yinque le gars qui réussirait à la battre.
Tsé, ça a d’l’air qu’a l’était pas laitte; en plus, être le gendre du khan, y’avait pire, dans’vie, comme situation. Mais, les gars étant des gars, le plus gros avantage à gagner, c’était le droit de péter d’la broue à tes chums jusqu’à la fin de tes jours.
Mais à date, personne l’avait vaincue. À chaque match, elle pis son adversaire gageaient des ch’faux, si bien qu’après un boutte, y’avait 10 000 bêtes dans sa cour. Une chance que les Mongols laissaient leux ch’faux lousses dehors – m’agine-tu, être pogné pour construire des écuries pis ramasser l’fumier pour un grosse harde de même?
Pis quand a luttait pas, Khutulun était à côté de son père, dans l’feu d’l’action.
C’tait la préférée de Kaïdu. Y’écoutait ses conseils, se fiait sur elle pis lui confiait des affaires importantes dans l’administration du royaume. Y y’avait même faite faire un gerege, un gros médaillon en or qui disait, en gros, « faire chier la personne qui le porte, c’est faire chier le khan ». Pis en général, y’avait juste les hommes qui avaient des médaillons d’même, faique c’tait tout un honneur.
Comme j’vous ai dit, Kaïdu aimait pas vraiment Kublaï, qui se trouvait à être le cousin à son père. Y refusait de reconnaître son autorité, pis ça arrivait que ça vire à l’escarmouche. Pis dans c’temps-là, Khutulun était drette en avant.
Marco Polo, tsé LE Marco Polo, a vu Khutulun de ses yeux vue, pis y parle d’elle dans son Livre des merveilles.
« Kaïdu allait jamais au combat sans sa fille, parce qu’elle était plus vaillante que n’importe quel de ses guerriers. Des fois, a piquait une course à ch’fal, fonçait direct dins rangs ennemis pis, aussi habilement qu’une buse s’attrape un mulot, a pognait un pauvre gars de su son ch’fal pis le ramenait à son père. »
Ché pas pour vous-autres, mais moé, ça m’donne des frissons.
Entécas, c’tait clair que Kaïdu aimait ben gros sa fille. Mais là, y’a des langues sales qui commencèrent à dire qu’y couchaient ensemble. Ce monde-là, c’tait des asties de pervers jaloux qui voyaient des fesses partout.
Entre temps, un prince arriva pour défier Khutulun. Y’était beau comme Roy Dupuis dins Filles de Caleb, fort comme Jos Montferrand, riche comme Péladeau pis courageux comme le père Brébeuf. Pis fendant comme Trudeau père, à part ça : normalement, les gars gageaient 10 chevaux, 100 si y’étaient ben crinqués, mais le prince était tellement sûr de lui qu’y en gagea 1 000!
C’t’homme-là était un maudit bon parti, pis Khutulun aurait d’la misère à trouver mieux. Ça, Kaïdu l’avait ben vu, faique comme y’était pas trop à l’aise avec les rumeurs, y câlla un p’tit meeting familial :
— Ma fille, ta mère pis moé faudrait qu’on t’parle de queque’chose.
— Qu’est-ce qu’y a, p’pa?
— Ben, tsé l’prince qui vient d’arriver dans l’boutte pis contre qui tu vas lutter?
— Ouin…
— Ben tsé, y’est bel homme, pis y’est vaillant pis y’est riche… Tsé, on s’rait pas fâchés d’l’avoir comme gendre. Pis comme le monde commence à jaser, ça s’rait pas mal le temps qu’tu t’marisses.
— Êtes-vous après me d’mander de perdre par exprès?
— Ben… C’est toi qui décide, ma fille. Nous-autres, on te tord pas un bras. Mais on aimerait ben gros ça si tu te trouvais un mari.
Khutulun était déchirée :
« Ch’pas pour perdre par exprès! Voyons donc, j’vais avoir l’air de quoi? Tsé, si y réussit à m’battre, m’as l’marier comme j’ai dit, pas de trouble. Mais d’un coup que j’gagne? Ch’pas pour faire d’la peine à p’pa pis m’man! »
C’tait toujours pas réglé dans sa tête quand arriva l’jour du match.
Y’avait du peuple, entécas. La steppe était ben pleine, pis y’avait d’l’électricité dans l’air! C’tait comme Ali contre Foreman, mais avec un soupçon d’érotisme qui faisait frissonner l’monde comme la brise qui s’faufile au travers des brins d’herbe.
Face à face, le prince pis la princesse se pognèrent par les bras, pis c’tait parti.
Khutulun se rendit compte pas mal vite que le prince était pas mal plus bon pis fort que le Mongol moyen. Heille, enfin un adversaire qui avait d’l’allure! Son dilemme prit le bord sur un moyen temps : a VOULAIT gagner, pis au yâble c’que ses parents allaient penser!
En lutte mongole, tu peux pas trop t’énarver : yinque ton genou qui touche à terre, pis t’as perdu. Faique pendant une cristie d’escousse, y se poussèrent, se tirèrent, se garrochant d’un bord, se garrochant de l’autre; c’tait à qui f’rait faire une erreur à l’autre en premier.
La foule se pouvait pu de crier; ça s’adoucissait l’gorgoton à grandes gorgées de lait de jument fermenté.
Pis là, enfin, forçant avec toute la force qui y restait, Khutulun réussit à crisser le prince à terre pis à gagner l’match.
Le prince, vaincu, crissa son camp sans dire un mot avec toute sa gang comme un astie d’mauvais perdant, laissant quand même les 1 000 chevaux qu’y avait gagés.
Les parents à Khutulun étaient pas d’bonne humeur.
Les rumeurs commençaient à vraiment faire du tort à son père, faique Khutulun finit par se marier avec un des hommes de son père, sans lutter contre.
Ce qui est important, c’est que ce gars-là, c’tait ELLE qui l’avait choisi. C’tait pas n’importe quel frais chié qui s’était adonné à être plus fort qu’elle, pis qu’après elle aurait été pognée avec.
C’est ça que j’ai toujours trouvé, moé, avec c’te genre d’histoire-là : la belle princesse dit qu’elle mariera yinque le gars qui vaincra le dragon/courra plus vite qu’elle/résoudra l’énigme/rapportera un quelconque cossin magique.
Mais y’arrive quoi si le gars en question est secrètement un astie d’moron pas de maturité émotionnelle qui ramasse pas ses rognures d’ongles d’orteil qui traînent à terre? La princesse est fourrée, là!
Mettons que c’est pas la meilleure façon de s’trouver un chum. C’est la leçon du jour, gang!
Pis au cas où vous vous le demandiez, c’est pas d’même que ma belle-sœur a trouvé son homme 😛
Sources :
Marco POLO, The Book of Sir Marco Polo the Venetian, concerning the Kingdoms and Marvels of the East
Jack WEATHERFORD, The Secret History of the Mongol Queens