Spécial Noël : saint Nicolas, héros en soutane – partie II

Partie 1

Salut! 

J’espère que vous vous êtes ben bourrés la face! Vot’réveillon a pas fini avec mononc Paul qui roule en-dessous de la table après sa onzième shot de caribou, toujours? Ou avec grand-m’man qui tombe dans l’sapin en dansant sur un solo de ruine-babines endiablé?

En tout cas, si vous avez eu comme cadeau un kit de chandelles qui sentent le mal de tête, un tour de volant en minou ou bedon un Rotato Express, pis que vous êtes ben déçus, j’ai quequ’chose pour vous consoler : une collection des greatests hits de saint Nicolas! C’est comme une boîte de chocolats de chez Jean-Coutu, mais avec des miracles au lieu de des vieilles cerises pognées dans l’sirop figé dur!

Saint Nicolas pogne les nerfs au concile de Nicée 

En tant qu’évêque, Nicolas fut invité au concile de Nicée. Ça, c’était un gros congrès des évêques de l’Empire romain que l’empereur Constantin avait organisé parce qu’y avait d’la chicane dans’cabane : personne s’entendait sur le rapport entre Dieu le Père pis Jésus le Fils, pis personne allait partir tant que ça serait pas réglé. 

Y’avait un gars, Arius, qui pensait pas comme les autres, pis y voulait pas lâcher le morceau : 

« Vous l’avez pas pantoute, gang : Dieu, c’est Dieu, pis Jésus, c’est yinque son messager! Quand y dit que Dieu, c’est son père, là, ben c’est comme… Une adoption, genre! Jésus, c’t’un gars ben spécial, mais y’est comme vous pis moé, qui rote pis qui se pète l’orteil su’l coin du litte de temps en temps! Y’est pas divin, y’est juste ben plogué! »

Méchante hérésie. Après des mois d’astinage, Nic finit par tomber dans’face à Arius :

« Coute-moé ben, toé, mon p’tit théologien à deux cennes! Jésus, là, y’est divin! Y’est faite d’la même substance que son père! Que ch’te voye toé, dire que le Christ est pas Dieu incarné! »

Nic vint tellement fâché qu’y crissa une claque su’à gueule à Arius. Les pères du concile, scandalisés, le firent arrêter. La religion, là, c’est pas une raison pour se faire mal! 

Mais Nic sécha pas trop longtemps dans sa cellule : Dieu était de son bord, pis Jésus pis Marie en personne firent un croche pour y’ouvrir la porte. Entécas, c’est c’qu’on dit. 

Saint Nicolas se fait livrer une colonne de marbre par Jésus Express

En r’venant du concile de Nicée, Nic fit un croche par Rome. Au bord du fleuve Tibre, il vit une colonne de marbre blanc et rouge qui traînait à terre. Y’a trouva ben belle, faique y fit le signe de croix dessus et lui dit : 

« Va-t-en à Myre, j’aimerais ça t’avoir dans mon église. »

Pis y lui donna un coup de pied pour qu’a roule dans le fleuve (quand saint Nicolas te donne un coup de pied, t’as beau être une colonne de marbre de 30 tonnes, tu t’astines pas).

La colonne s’en alla, flottant miraculeusement sur le fleuve, pis réapparut au port de Myre, prête à être livrée à Nicolas. Jésus Express : plus fiable que Postes Canada! 

Saint Nicolas crée un malaise à table

Il était une fois trois p’tits gars qui s’étaient épivardés un peu trop loin pis un peu trop tard, pis qui se firent pogner ben perdus par la noirceur. 

Y virent la lueur d’une chaumière, faique y cognèrent à la porte pour demander un abri pour la nuit. C’était chez le boucher, pis y les fit rentrer. Mais, au lieu de leur donner à souper, ben le bonhomme décida d’les dépecer. Il les découpa en bouttes pis les mit à saler comme des jambons. 

Sept ans plus tard, Nic, qui était en route vers Nicée, demanda l’hospitalité au boucher : 

– Entrez entrez, mon bon monsieur! Qu’est-cé j’vous sers pour souper? Un bon rôti d’veau?
– Boarf, non, ch’file pas pour ça à soir. 
– Vous voulez quoi, d’abord? 
– Votre p’tit jambon salé, là, qui est dans le saloir depuis sept ans, y doit être rendu pas pire? 

Le boucher, qui comprit tusuite que son crime avait été découvert, vint ben blême pis partit à’course pour pu jamais r’venir. 

Faique Nic alla dans le saloir, pria, pis les p’tits gars furent raboutés et ramenés à la vie par l’Esprit saint. L’histoire dit pas si leurs parents ont faite le saut en les voyant arsoudre après sept ans sans avoir vieilli d’un jour… 

(Ça, en fait, ça serait la même histoire que les trois soldats innocents dont je vous avais déjà parlé dans l’autre partie, qui s’est transformée en se rendant de Turquie jusqu’en Europe : y’a de quoi qui s’est perdu dans la traduction, pis tsé, innocence, enfants, ça a fini par donner ça.)

Saint Nicolas a des écoulements

Notre bon saint Nic était pas éternel, faique y finit par trépasser. Y fut placé dans un beau tombeau en marbre blanc, pis là, le monde remarquèrent que… ben… y suintait d’la tête pis des pieds. 

Mais, ttention, là! C’tait pas du simple jus de mort! C’était une huile miraculeuse qui guérissait tous les maux. De partout, on venait pour s’en mettre sur des bobos de toutes sortes. Pauvre Nicolas, pareil : même après sa mort, y’était encore pogné pour se faire taponner les orteils. 

Mais pensez-vous que le trépas allait arrêter notre vieux snoro? Oh que non! Les miracles ont continué!

Saint Nicolas s’en laisse pas passer une p’tite vite

Y’avait un homme riche qui voulait absolument avoir un fils, faique y pria saint Nicolas en lui disant : 

« Saint Nicolas, si tu m’donnes un fils, ben ch’te promets de venir avec lui y’où c’que sont tes reliques pis de t’apporter un gros vase en or avec plein de joyaux pis toute. » 

Faique le fils tant voulu vint au monde pis grandit. Pendant ce temps-là, l’homme riche fit faire le vase chez un orfèvre, mais il le trouva tellement à son goût qu’il décida de le garder pis d’en faire faire un autre un p’tit peu moins beau : 

« Y s’en rendra pas compte, hein? Ça va être correct pareil? »

Le père et le fils prirent le bateau pour déposer, comme promis, le vase sur le reliquaire de saint Nicolas. À bord, le père demanda au fils d’aller puiser de l’eau avec le plusse beau vase.  

Là, s’cusez, mais c’était une maudite idée de cabochon. Premièrement, y’étaient en mer : c’était de l’eau salée! J’sais pas si vous avez déjà mangé une vague en pleine face en vous baignant dans l’fleuve, mais ça goûte pas tout à faite le p’tit jésus en culotte de v’lours.  

Deuxièmement, quand t’as un vase précieux de même, tu l’gardes dans sa boîte pis tu l’sors juste pour faire ton frais-chié en avant de la visite. Tu vas pas t’en servir comme cruche pour puiser de l’eau, voyons donc!

Troisièmement, houle + bateau qui brasse + enfant en bas-âge qui se penche par-dessus bord pour puiser de l’eau, ben ça peut pas finir autrement qu’en drame. Pis c’est drette ça qui arriva : le p’tit gars tomba dans la mer avec le vase pis disparut dins vagues. 

Le père se mit à capoter, ben sûr, à brailler pis à hurler pis à se rouler à terre, mais y’avait rien à faire : il avait perdu son fils pis son vase de frais-chié à cause d’une seule décision de cave. 

Malgré tout, y finit son pèlerinage pis alla quand même porter le vase cheapette sur l’autel de saint Nic. Mais dès qu’y le déposa, le vase y r’vola dans face : 

« Ben voyons! »

Il le ramassa pis le déposa une autre fois. Pis encore là, le vase y r’vola dans face, comme si y’avait mangé une claque invisible : 

« Qu’est-cé ça? »

Il réessaya encore une fois, pis là, le vase arvola jusqu’à porte de l’église. Pis juste comme le père se tournait vers la porte, y vit son fils rentrer, sain et sauf, avec le plusse beau vase. Le père se garrocha sur lui et le couvrit de becs pis de larmes.

Quand y reprit ses esprits, y ramassa le beau vase pis le vase cheapette et les déposa les deux sur l’autel. Pis c’te fois-là, ils y restèrent. Le père avait appris sa leçon : faut pas essayer d’en passer une p’tite vite à saint Nic! 

Saint Nicolas fait un lift au patricien Jean

Méthode, patriarche de Constantinople dans les années 840, avait l’habitude de raconter pour faire son intéressant dans les partys que son père, le patricien Jean, était tombé à la mer pendant une tempête, pis qu’alors qu’il était su’l bord de se neyer, il pria saint Nic qui apparut en chaloupe pis lui cria : 

« HEILLE, JEAN! PAR ICITTE! EMBARQUE, CH’TE RAMÈNE À TERRE! »

Saint Nicolas ramasse l’émir

Une fois c’t’un p’tit gars qui venait d’une famille ben chrétienne qui fêtait la fête de saint Nicolas à toutes les ans. 

Un jour, le pauvre p’tit pet se fit kidnapper par les musulmans pis devint le serviteur de l’émir. Un an plus tard, le jour de la fête de saint Nic, y lui vint une p’tite nostalgie pis y se mit à brailler en avant de l’émir. 

Faique l’émir y demanda : 

– Qu’est-cé qu’t’as là, mon p’tit infidèle?
– Ah, scusez, Votre Magnificence, c’est juste qu’aujourd’hui, c’est la fête de saint Nicolas. On fêtait ben gros ça dans ma famille, pis ça me rappelait des souvenirs… J’ai un peu le motton, c’est toute…
– Ouin, ben y t’as pas aidé fort fort, ton saint, parce que t’es rendu mon esclave! Pis y f’ra ben c’qu’y voudra, mais tu vas le rester pour toujours! Mouahaha!

L’émir venait yinque de finir sa phrase qu’un gros vent de bœuf se leva pis emporta le p’tit gars et rasa le palais de l’émir au solage. Pis le p’tit gars, lui, y’atterrit sain et sauf drette en avant de la porte de chez ses parents. 

C’était pas une bonne idée de baver saint Nic, même mort et enterré.

Bon! M’a m’arrêter là. Si j’vous racontais vraiment toute, on s’rait encore là le 31 au soir pis j’vous ferais manquer le Bye Bye. 

Faique j’vous souhaite une maudite bonne année, ma gang de vous-autres! 

La semaine prochaine, j’me donne congé, pis après j’vous reviens toute fringante pour la suite de la saga de Frédégonde contre Brunehaut! 


Sources :
Jacques de Voragine, La Légende dorée. https://play.google.com/books/reader?id=vuliAAAAcAAJ&pg=GBS.PP1
Nicolas de Bralion, La Vie admirable de saint Nicolas. https://play.google.com/books/reader?id=VucYAAAAYAAJ&pg=GBS.PP1

Spécial Noël : saint Nicolas, héros en soutane

Ilia Répine, « Saint Nicolas arrêtant le bourreau » (1888). Mention spéciale à l’adorable petite nuisette rose transparente du gars à gauche.

Bon, w’est encore rendus à Noël. 

Vot’ Matante Poêle, entécas, a trippe : mes gâteaux aux fruits macèrent dans’boisson, mes cadeaux sont emballés pis Mononc Poêle est déjà à boutte de m’entendre chanter des tounes de Noël. 

Les enfants aussi, y trippent : sont fous comme des balais en attendant que le père Noël vienne leur porter leux étrennes en dessous du sapin. 

Mais d’où c’est qui t’sort, lui, le père Noël? 

C’t’un peu compliqué, mais en gros, c’est parti d’un saint du quatrième siècle : Nicolas de Myre, le saint patron des enfants. Au Moyen-Âge, le jour de sa fête – le 6 décembre – les parents donnaient des cadeaux aux flos en son honneur.

Après ça, au 16e siècle, y’a du monde qui ont commencé à trouver que le vénérage d’un tapon d’saints, ça commençait à ressembler aux païens qui ont plusieurs dieux. Faique comme le monde auraient chiâlé si on leur avait dit d’arrêter ben sec la tradition de la Saint-Nicolas, ben le donnage de cadeaux a été déménagé à Noël pour que ça soit associé au p’tit Jésus à place. 

Après, ben là, y’a plein d’influences pis de coutumes qui se sont mélangées, du « Father Christmas » joyeux et soûlon des Anglais aux traditions des Pays-Bas en passant par l’Odin des Vikings, pis, avec un coup de pouce de Coca-Cola, on s’est ramassés avec le bonhomme qu’on connaît aujourd’hui. 

Mais le saint Nic du quatrième siècle, là, y’avait fait quoi de spécial? Pas mal d’affaires, ça a d’lair. Selon la légende, y’était tout le temps après sauver tout le monde – un vrai superhéros! Mais y’était pas doux. Oohhh, non! 

Nicolas de Myre naquit au troisième siècle à Patare, dans la Turquie d’à c’t’heure. Pis y’était précoce, le p’tit vlimeux : le jour de sa naissance, y se leva deboutte tu seul pour recevoir le baptême, pis y refusait de prendre le sein de sa mère les jours de jeûne prescrits par l’Église. 

Rendu ti-gars, y’aimait plus passer du temps dins églises qu’avec les autres flos. Inspiré par les Saintes Écritures, notre rongeux de balustre en herbe devint pas mal pieux. 

Comme ses parents étaient riches, Nic hérita d’un pas pire pécule quand y moururent. Au lieu de s’acheter un gros char pis d’aller dans le Sud, y se demanda comment distribuer l’argent pour contribuer à la gloire de Dieu. 

Un m’ment’né, y’apprit qu’un de ses voisins était rendu tellement pauvre qu’y était su’l bord d’envoyer ses trois filles vierges faire le trottoir pour mettre du pain su’à table. 

Nic capota ben raide : y’était pas pour laisser faire ça! Faique la nuite venue, y’emballa un gros tas de pièces d’or dans un linge pis le garrocha dans’cour du voisin. 

Pas longtemps après, grâce à l’argent de Nic qui servit de dot, l’aînée des trois filles put se marier. 

Nic fit la même affaire pour la deuxième fille. Là, le père commença à se poser des questions : 

« Voyons, jériboire, c’est qui qui garroche d’l’argent dans ma cour? »

Pour la troisième fille, Nic doubla la somme d’argent par rapport aux fois d’avant et la pitcha chez le voisin; mais là, le bruit des piasses qui tombaient à terre réveilla le voisin, qui partit à’course après Nic pour y dire merci. 

Y voulut lui embrasser les pieds pis crier c’qu’y avait faite sur tous les toits, mais Nic voulut rien savoir : 

« Bon, là, là, lâche-moé les orteils, pis parle de t’ça à personne, c’tu clair? » 

Nic, y faisait pas ça pour la renommée. 

Un jour, l’évêque de Myre péta au frette, faique les vieilles barbes vénérables se réunirent pour y trouver un remplaçant.

Un de ces vénérables-là, que beaucoup de monde voyaient comme nouvel évêque, dit aux autres : 

« Partons pas en peur, là : avant de décider, on va prier pis jeûner, pis on va voir c’que l’Seigneur nous inspire. » 

Dans la nuite, y’entendit une voix qui y dit : 

« Demain matin, à l’heure des matines, tiens-toé dans le cadre de porte de l’église, pis le premier gars qui essaye de rentrer ben, fais-le évêque. » 

Faique le vénérable se tint dans le cadre de porte, en espérant ben gros que ça soye pas l’idiot du village qui s’adonne à arriver en premier. Mais quand les matines sonnèrent, dès le premier ding et avant même le dong, c’est Nicolas qui se pointa sur le parvis. 

– Heille, t’es qui, toé?
– Euh… Nicolas?
– Ben Nicolas, t’es le nouvel évêque! 
– Hein? Wô, menute là! 

Nic se fit pogner par les vénérables, emmener dans l’église pis mettre le casse d’évêque su’a tête. Y’eut beau chiâler pis dire qu’y était pas digne, y’était pas mal devant le fait accompli, faique il accepta sa nouvelle job. 

C’est après ça que commença sa carrière de superhéros en soutane. 

Un m’ment’né, des marins en perdition qui avaient entendu parler de lui, mais qui l’avaient jamais vu, se mirent à le prier en braillant : 

« Nicolas! Si toutes les belles affaires qu’on a entendues sur Dieu sont vraies, ben viens nous sauver d’la tempête! »

Pis là, Nicolas apparut au travers d’la pluie pis des vagues qui fessaient su’l pont : 

« Chus là! Qu’est-cé vous voulez? Heille, c’est su’l bord de couler, c’bateau-là! Ôtez-vous de d’là, m’as vous arranger ça! »

Les marins, les yeux ronds comme des trente sous, le regardèrent pogner lui-même la barre, les ramener à bon port, pis disparaître.

Quand y’arrivèrent à Myre, y croisèrent Nic, le reconnurent, pis se garrochèrent à ses pieds pour le remercier. Mais vous savez comment Nic aimait ça, se faire taponner les orteils :

« Ben voyons, j’ai rien faite, moé, c’est Dieu pis votre foi qui ont fait toute la job. Tassez-vous, là! Faut que ch’passe. »

Un jour, y’avait des rebelles qui faisaient du trouble en Phrygie, une région de la Turquie d’à c’t’heure. Faique l’empereur envoya trois princes – Népotien, Orsin pis Apolin – à la tête d’une armée pour leur calmer les nerfs.

Mais là, pendant le voyage, le vent était pas trop d’adon, faique les princes durent faire un croche par Myre. Fouille-moé pourquoi, c’pas clair, mais c’te soir-là, Nic se tenait avec eux-autres, pis pendant ce temps-là, quequ’un vint le trouver toute essoufflé :

« Monsieur Nicolas! Monsieur Nicolas! Le préfet est après vouloir faire décapiter trois soldats qu’y ont rien faite de mal! Y’avait du monde qui voulaient leu peau, pis y’ont corrompu le préfet pour qu’y’é condamne à mort! »

Nic fit pas ni une ni deux pis dit aux princes :

« Ah ben simonac! V’nez-vous en, vous autres, on s’en va les sauver! »

Faique Nic clancha, les trois princes qui suivaient en arrière comme des bébés canards, jusque où les trois soldats étaient censés se faire décapiter. Comme y’arrivait, y’étaient enchaînés, à genoux à terre, pis le bourreau avait l’épée dins airs, prêt à fesser.

« Heille! Arrête-moé ça tusuite! »

Pis Nic, full au bouchon de l’amour de Dieu, se garrocha sur le bourreau, pogna son épée par la lame pis la pitcha au bout de ses bras. Y détacha les prisonniers pis les emmena avec lui :

« Maudit cave de préfet, m’a y dire ma façon d’penser, moé! V’nez-vous en! »

Faique y se rendit chez le préfet. La porte était fermée, mais Nic se bâdra de t’ça pas pis rentra de force. Comme de raison, le préfet, attiré par le bruit, arriva pour voir ce qui se passait :

– Ah ben quins, si c’est pas Nicolas! Qu’est-ce que le me vaut l’honneur de… euh… qu’est-cé tu fais icitte?
– Toé là, espèce d’Hérode de crosseur du maudit! Sans-dessein! Qu’est-cé qui t’as passé par la tête, de faire une affaire de même? J’espère que tu files cheap!

Pis y continua de l’engueuler jusqu’à ce qu’y se roule en boule à terre et implore le pardon du Tout-Puissant. 

Après ça, les trois princes purent repartir, aller faire leur affaire en Phrygie pis r’tourner à Constantinople. En récompense d’avoir effoiré les rebelles, l’empereur Constantin les couvrit d’honneurs : des banquets pis d’l’or pis d’la boisson pis des fesses, toute le kit. 

Mais là, toute c’t’es patentes-là, ça rendit les autres princes jaloux. Faique y grenouillèrent pour faire croire que Népotien, Orsin pis Apolin avaient conspiré contre l’empereur. 

Quand Constantin sut ça par un de ses magistrats, y se posa même pas de questions, fit pas d’enquête et pogna tusuite les nerfs : 

« Qu’on les câlisse en prison pis qu’on leu coupe la tête drette demain matin! »

Nos trois majestés étaient ben découragées. Mais là, y se rappelèrent ce que Nic avait fait avec les trois soldats innocents, faique ils pensèrent ben fort à lui en espérant qu’y vienne les sauver. 

Ben creyez-moé, creyez-moé pas, mais Nic apparut direct dans la chambre à Constantin pis commença à l’engueuler : 

– Pourquoi c’est faire que t’es monté drette su tes grands ch’faux pis que t’as condamné les princes à mort sans essayer de savoir si c’tait vrai ou si c’tait des menteries? Sors de ton litte, pis ordonne qu’y soyent libérés, parce que sinon m’a prier Dieu pour que tu te fasses tuer par tes ennemis pis que tu finisses en charogne tout éjarrée dans l’désert! 
– T’es qui, toé, pour rentrer dans mon palais en pleine nuite pis me parler dans l’casse de même?
– Chus Nicolas, évêque de Myre! 

Nic avait pas fini – y’apparut au magistrat aussi : 

– T’es-tu tombé su’à tête, toé? Voyons donc, conseiller à l’empereur d’exécuter trois innocents? Enweille, déguédine pis va les faire libérer, sinon toute ton corps va pourrir, tu vas te faire bouffer par les vers, pis toute ta descendance va être maudite!
– T’es qui, toé, pour v’nir me menacer d’même? 
– Chus Nicolas, évêque de Myre! 

L’empereur et le magistrat se levèrent pis allèrent se raconter leux aventures : 

– Heille, y vient-tu de t’apparaître un vieux crisse d’enragé noir qui te faisait des menaces?
– Han! Ben oui, toé’ssi? 
– Ouin. On f’rait mieux d’aller libérer les princes! Y’avait pas l’air de niaiser, l’pére! 

Faique y’allèrent libérer les princes, pis l’empereur leur dit : 

« Vous pouvez y’aller! Vous êtes aussi ben de rendre grâce à Dieu, parce vous y d’vez vos fesses! Pendant qu’j’vous ai, j’vous demanderais une p’tite faveur : allez don à Myre dire merci à Nicolas, pis apportez-y une couple de cadeaux de ma part! Demandez-y ben gentiment d’arrêter d’me menacer, pis dites-y que si y pouvait parler de moi en bien au Seigneur, ça serait pas pire pantoute. » 

Pis après ça, Nic mourut. Mais là, allez pas penser que la mort allait l’arrêter d’apparaître au diâble au vert pour sauver tout le monde! Ni que j’vous ai conté toute c’que Nic a faite dans sa vie! Là, faut j’vous laisse, mon chat est après grimper dans mon sapin pis toute sacrer à terre. Mais on se r’trouve entre Noël pis l’jour de l’An, m’as vous conter toute c’que j’ai pas eu l’temps d’vous dire aujourd’hui! 

Joyeuses Fêtes, là! 

Partie II


Source : Jacques de Voragine, La Légende dorée. https://play.google.com/books/reader?id=vuliAAAAcAAJ&pg=GBS.PP1