Avant la Guerre des Deux-Roses, partie II – La bataille d’Azincourt

Sir John Gilbert, Le matin précédant le bataille d’Azincourt

Partie I

Ok! Wé toutes là? 

Toé le grand slaque, tasse-toé don un ti peu pour que la pauvre chatte en arrière puisse voir de quoi. 

C’est beau, merci, mon pit!

Donc, l’ex-roi Ritch se faisait emmener en prison en braillant sa vie, pis Henri IV commençait son règne. 

Henri, ça y’avait pas trop tenté de devenir roi. Son cousin y’avait quasiment tordu le bras pour l’obliger à usurper la couronne, pis ça le faisait limite chier de se retrouver sur le trône. Ça questionnait sa légitimité de tou’és bords, pis lui-même y crèyait pas trop, dans l’fond. Mais pareil. Tant qu’à être là, y’allait s’accrocher.

Comme Ritch était encore vivant, ça arrêtait pas de grenouiller pour le remettre sur le trône, entre autres en assassinant Henri. Un m’ment’né, dans son litte, un serviteur trouva même une chausse-trappe – tsé une espèce de patente épouvantable avec des bouttes pointus qui sert à estropier les chevaux pis l’monde quand y marchent dessus? 

Henri avait pas pantoute envie de tuer son cousin non plus, mais comme y’allait jamais avoir la paix tant qu’y allait être en vie, y s’organisa pour « l’oublier », pis Ritch finit par mourir de faim. Quand même ironique pour un gars qui avait 300 employés dans sa cuisine. 

Mais on y sacra pas la paix à Henri pour autant. Le roi d’Écosse y lâcha une craque dans une lettre en l’appelant « duc de Lancaster » plutôt que roi, faique y partit lui crisser une volée. 

Pis quand c’tait pas les Écossais, c’tait les Gallois qui faisaient d’la marde. Leu rébellion, backée par la France, dura une grosse partie de son règne.

Le Parlement faisait exprès pour l’écœurer; chaque fois qu’y demandait d’l’argent, y se faisait répondre :

« Z’avez yinque à piger dins joyaux à Richard, hein? Où c’qui sont passés, dites-nous don ça? » 

Pis en plus, Henri était souvent malade. Bref, y’eut pas trop de fun pendant ses 13 ans de règne. Quand y passa l’arme à gauche, c’est son fils aîné, un autre Henri, qui devint roi. 

Rendu là, ça faisait déjà 70 ans qu’Anglais et Français se tapaient su’a yeule, même si ça avait quelque peu slaqué pendant les règnes de Richard pis d’Henri IV. Aussitôt qu’il eut la couronne su’a tête, le nouveau roi se dit : 

« Bon. P’pa avait yinque une fesse sur le trône, pis tout le monde arrêtait pas de le traiter d’usurpateur. Pis moé, ben j’ai une trâlée de p’tits cousins qui pourraient aussi ben revendiquer ma couronne. Là, qu’est-cé qui pourrait m’rendre plus solide? L’monde aiment ben ça, les victoires militaires. Faique ch’pourrais, genre, arpartir la guerre contre la France? Heille, c’est bon, ça. Si j’gagne, y’aura pu personne pour venir m’écœurer! »

Faique y commença drette là à accumuler de l’argent, des munitions pis à se monter une armée. Deux ans après, au mois d’août, y partit en campagne. 

Y commença par attaquer le port de Harfleur; le siège dura six semaines dans la grosse chaleur épouvantable. La ville finit par se rendre, mais la dysenterie pis la malaria pogna dans les rangs anglais : 2 000 hommes moururent drette là, pis 2 000 autres durent artourner en Angleterre pour se faire soigner. 

En partant, Henri avait l’intention de s’rendre jusqu’à Paris. Mais comme y’avait pardu pas mal de monde pis qu’y était rendu tard dans l’année, à’place, y décida de marcher jusqu’à Calais, une ville qui appartenait aux Anglais à c’te moment-là. Ça faisait une trotte de 250 km à ch’fal, en plein bois, dans’pluie, pis en terrain ennemi : 

« M’as leu marcher ça dans’face, les Français! Dieu est d’mon bord pis m’as leu montrer qu’y peuvent rien faire contre moé! »

Mais là, les Français furent informés de t’ça, faique y clanchèrent pour pogner les Anglais en chemin. 

Henri pis sa gang avaient vraiment pas de fun. Les ponts sur la Somme avaient été démolis, faique ça les força à faire un détour; y mouillait à siaux; y manquait de provisions, tellement que les soldats devaient survivre su des noix pis des p’tits bouttes de viande séchée; pis la dysenterie continuait de faire des ravages, tellement que les hommes gardaient leux culottes baissées, pis le flux coulait le long des flancs de leux ch’faux. Bref, c’tait la grosse misére nouère. 

Le 20 octobre, un émissaire français arriva pis dit à Henri que l’armée française s’en venait pis qu’y était aussi ben d’attacher son casse avec d’la broche. Henri lui répondit yinque de décrisser pis de pas se mettre dans ses jambes. 

Henri pensait encore être bon pour se rendre à Calais, mais, 4 jours plus tard pas loin de la ville d’Azincourt, un éclaireur arvint au camp anglais en capotant ben raide : 

« Votre Altesse, sont deux fois plusse que nous-autres, sacrament! »

Shit. Henri sut à ce moment-là qu’y avait pu moyen d’éviter une bataille, pis que la puck roulait crissement pas pour lui. 

C’te soir-là, y’eut une file de 200 pieds d’long en avant d’la tente du curé : tout l’monde voulaient s’confesser, d’un coup qu’y meurent le lendemain. Les faces étaient longues, les assiettes étaient vides, ça sentait la marde, pis y mouillait, crisse qu’y mouillait! 

De l’autre bord, c’tait pas mal plus jojo : le maréchal Boucicaut, qui était à la tête de l’armée française, était hyper sûr de sa shot, pis c’tait semi l’party dans l’camp. 

Tsé, on peut les comprendre d’être au-dessus d’leux affaires. L’armée anglaise, c’tait aux trois quarts une gang d’archers crottés, du monde ordinaire payés par le roi pour s’engager dans l’armée. L’armée française, c’tait en grande partie des chevaliers avec la grosse armure pis toute le kit, comme dins romans courtois, des gars qui passaient toute leur temps pis leur argent dans l’combat – autrement dit, l’équivalent médiéval de des chars d’assaut. Y’allaient passer su’és Anglais comme un tracteur s’un siffleux. 

Le lendemain, y mouillait encore, viarge. 

Les Anglais se placèrent dans un grand champ où les semailles venaient d’être faites, en haut d’une p’tite côte, avec un bois de chaque bord. Les fantassins étaient au milieu, pis les archers étaient chaque bord. 

Pis là, Henri arriva devant son armée, à cheval, avec un casse plaqué or pis un diadème de perles, de rubis pis de saphirs. Ça flashait en astie : 

« Chus v’nu icitte pour ravoir l’héritage qui m’arvient de droit : le trône de France! Oubliez pas qu’les Français ont juré de couper les doigts de la main droite de tou’és archers qui captur’raient! Faique faites-vous pas pogner! Mais vu qu’Jésus est mort su’a croix pour nos péchés, ben qu’chaque homme trace une croix à terre pis l’embrasse, pour se rappeler que c’est mieux d’mourir su’a terre icitte là que d’se sauver comme des pissous! » 

Les Français, eux-autres, attendaient en bas d’la côte. Le maréchal voulait que les Anglais les attaquent en premier, mais après trois heures à rester plantés là comme des codindes, les fantassins pis les chevaliers commençaient à faire la queue d’veau. 

Finalement, Henri fit avancer son monde juste assez proche pour que les archers puissent tirer.

Quand les Français reçurent les premières flèches par la tête, y’avait pu moyen d’les arrêter de foncer comme des malades, un peu tout croche. Pis à part ça, c’est pas tout le monde qui partit en même temps, parce qu’y avait des chevaliers qui s’étaient tannés d’attendre pis qui étaient partis nourrir leu ch’fal ou tirer une pisse. 

Entécas, ce fut une astie de catastrophe. 

Le maréchal Boucicaut avait prévu pogner les archers par le flanc pis les massacrer, mais à cause du bois de chaque bord, ses hommes durent laisser faire pis y’aller tête première en montant la côte.

Les ch’faux se faisaient blesser par les flèches pis se mirent à paniquer; après avoir crissé leu cavalier à terre, y’arpartirent à courir dans l’autre sens pis piétinèrent des fantassins en arrière. 

Faique les chevaliers continuèrent tous seuls. Les grosses armures, ça faisait en masse la job contre les flèches; c’tait comme avancer en char s’un chemin d’terre avec les taons à chevreuil qui pètent dans l’winshire. Le problème, c’est que les casses avaient yinque une fente pour voir, faique les chevaliers devaient avancer tête baissée pour pas manger de flèche dans l’œil. 

Mettons que c’tait pas vargeux. 

Les Français avaient aussi des arbalétriers, mais y’avaient pas assez de place pour tirer sans pogner leux alliés. Comme j’ai dit, y’étaient deux fois plus nombreux que les Anglais, mais là, ça leu servait pas à grand-chose, parce que le terrain entre les deux bois était pas assez large. Y se pilaient su’é pieds pis se nuisaient les uns aux autres : 

« Voyons, crisse! Tassez-vous! Chus même pas capable de m’sarvir de ma lance! »

Au fur et à mesure que ça mourait en avant, ceux qui suivaient devait passer par-dessus les cadavres. 

Pis comme ça allait pas assez mal de même, le champ avait viré à la grosse bouette qui colle. Les Français calaient aux genoux pis ça leu prenait toute pour avancer. Pis quand y tombaient, leu chien était pas mal mort : leur armure était trop pésante pour qu’y se relèvent, les autres leu pilaient dessus, pis y’en a plein qui finirent noyés dans leu casse. 

Une autre vague de Français se lâcha à l’assaut, mais y firent juste embarrasser encore plus le champ de bataille, poussant dans l’cul des premiers en avant pis finissant pareil comme eux-autres, effoirés dans la bouette. 

Les « crottés » de monde ordinaire, eux-autres, y’avaient pas de grosse armure, faique la bouette les faisait pas mal moins chier. Quand les archers finirent par manquer de flèches, y’embarquèrent dans l’tas avec des haches, des épées pis même des marteaux. 

Le roi Henri, lui, y’était pas assis su son steak en arrière avec son beau casse plaqué or; y’était drette dans la mêlée. En fait, en défendant son p’tit frère le duc de Gloucester qui s’tait faite blesser à la fourche, y mangea un coup de hache su’a tête qui fit décoller une partie de son diadème. Mais là, y s’artrouva avec un tapon de prisonniers. Y’en avait tellement qu’y étaient plus nombreux que l’armée anglaise au complet : 

« Crisse, d’un coup qu’y s’en rendent compte pis qu’y en profitent pour nous massacrer par en arrière? Ch’peux pas laisser faire ça… Calvaire, j’aime pas ça, mais j’ai comme pas l’choix… » 

Faique, contrairement aux règles de chevalerie du temps, y’ordonna qu’on tue toutes les prisonniers, sauf ceux qui pourraient donner une bonne rançon, genre, les nobles. Ça resta une grosse tache sale sur son règne, pis si y’avait faite de quoi d’même aujourd’hui, le Tribunal pénal international y’aurait claqué un procès pour crime de guerre assez sec. 

Pis là, finalement, après même pas 4 heures de bataille, les Français étaient toutes soit morts, soit prisonniers, soit en train de se sauver la queue entre les jambes. Quand Henri s’en aperçut, y’arrêta direct l’exécution des prisonniers. Les Anglais avaient perdu quelques centaines d’hommes, pis les Français, des milliers, dont une trâlée de monde important – des ducs pis des chevaliers pis plein de haut gradés. 

C’tait une sacrament d’volée historique. 

Après ça, y retourna en Angleterre sous les confettis pis de ding dong des clochers d’église. Y réussit pas à conquérir le trône de France à ce moment-là, mais y réussit à rendre le sien crissement plus solide. Même les épais qui avaient encore le piton collé sur Richard prirent leur trou pour de bon. 

Mais là, c’tait pas comme si l’royaume s’en allait vers des horizons meilleurs avec des p’tits anges pis des arcs-en-ciel, le sourire fendu jusqu’aux oreilles, avec son beau roi neuf pis victorieux. 

Pour savoir comment ça a viré, ben allez vous dégourdir les jambes pis r’venez dans 15 minutes. Moi-même, ch’commence à avoir la fesse engourdie!  


La suite ici!


Source : Desmond Seward, The Demon’s Brood : The Plantagenêt Dynasty that Forged the English Nation, 2014.


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Quand les belles-sœurs s’haïssent la face : Frédégonde contre Brunehaut, partie 2

Partie 1

Faique ouais. C’te maudit courailleux de Chilpéric, roi de Soissons, avait fait étrangler sa femme Galswinthe pour épouser Frédégonde, sa grenouilleuse concubine équipée pour veiller tard. 

Pis Brunehaut, la sœur de Galswinthe pis aussi la belle-sœur à Chilpéric parce qu’elle était mariée avec son frère Sigebert, avait crié vengeance. 

Faique Sigebert alla voir Gontran, son autre frère, pour qu’y vienne avec lui fesser sur Chilpéric. 

(Aux p’tits smattes qui voudraient me demander y’est où le quatrième frère, parce que j’ai dit qu’y en avait quatre la semaine passée, ben y’était déjà mort rendu là.) 

Gontran, c’tait un peu le bonnasse de la gang. Ça y tentait pas trop, lui, de jouer la game. Y’était ben content avec c’qu’y avait pis ça le décourageait ben gros de voir les chicanes à ses frères. 

Ben crère, au début, y prit le bord de Sigebert. Y’était pas pour défendre un assassin, pis ça aurait fait un frette si y’avait décidé de pas s’en mêler. Faique y’embarqua dans’bataille, mais on voyait ben que le cœur y’était pas. 

Après un boutte, y finit par dire : 

« Bon, les gars, là, ch’file pas pour me battre. Au lieu de se taper su’à yeule, on peut-tu jaser à’place? »

Faique Chilpéric et Sigebert acceptèrent d’aller en médiation familiale, où y jasèrent de leurs émotions…

Non, j’niaise : Gontran assembla comme jury toutes les seigneurs du coin – ça avait l’air d’un show de Metallica tellement y’avait du poilu dans’place – pis s’improvisa juge.  

Après les délibérations, Gontran annonça sa décision : 

« Bon. Tchéquez-ben c’qu’on va faire. Toé, Chilpéric, tu vas t’excuser pis r’donner à Brunehaut les quatre villes que Galswinthe avait eues comme dot pis cadeau du matin, pis toé, Sigebert, tu vas y pardonner pis pu jamais r’venir là-dessus. Ça a-tu de l’allure, les gars? »

En passant, faut que j’vous dise : un cadeau du matin, chez les peuples germaniques, c’était quet’chose qu’un homme donnait à sa nouvelle femme le lendemain des noces, drette quand a se réveillait, en échange de sa virginité : 

– Heille! Plectrude! Réveille-toé! 
– Hrgmmhh? 
– Engorde! J’ai douze moutons pis une chaise berçante pour toé! C’est ton cadeau du matin! 

C’était douteux pour au moins 275 raisons, mais bon, ça s’passait d’même dans le bon vieux temps.

Pis entécas, Chilpéric, Sigebert pis Brunehaut acceptèrent le jugement à Gontran, et la paix revint dans l’royaume…

Mais c’tait pas pour durer. 

Pendant les quelques années qui suivirent, Frédégonde s’attela à faire le plus de bébés possible – tsé, une femme a besoin d’un fonds de pension – tandis que Chilpéric, lui, chiquait d’la guénille en cherchant une occasion de reprendre les villes qu’il avait été obligé de donner à Brunehaut. Pis y’oubliait pas non plus que, si y se débarrassait de Sigebert, ben y’aurait pu yinque Gontran à éliminer pour devenir le roi de tous les Francs. 

Faique, en 573, Chilpéric rassembla une armée pis y donna le commandement à Thibert, un des fils qu’il avait eus avec sa première femme :

« Vas-y, mon gars! Pis fais-moé pas honte! »

Thibert partit su’és chapeaux de roues : il fonça sur Poitiers pis la conquit facilement. Après ça, y se dirigea vers Tours en saccageant toute sur son passage. Y’avait pu rien de sacré, même les places saintes pis les couvents – les hommes de Thibert massacraient les prêtres pis violaient les bonnes sœurs, partaient avec les trésors pis crissaient toute à terre. La campagne au complet était en feu.

En voyant l’armée de Thibert arriver dans un gros nuage de fumée noire, les habitants de Tours ouvrirent les portes de la ville sans s’astiner. Thibert continua de même jusqu’à Limoges, puis Cahors; y’avait rien pour l’arrêter.

Mais, de son bord, Sigebert était loin d’être assis sur ses mains : y’était après rassembler autant d’hommes qu’y pouvait parmi le peuple pour aller sacrer une volée à son neveu pis à son frère.

Bon, là, vous devez vous attendre à une grosse bataille épique pis à un duel entre frères su’l top d’une colline avec du tonnerre pis des éclairs, pis Sigebert victorieux qui rentre chez eux, frenche Brunehaut à pleine bouche pis déclare : « Ch’t’ai vengée, bebé ». 

Mais… pantoute. Voyant que Chilpéric n’avait une plus grosse que la sienne – une armée, je veux dire –, y se rendit et promit de filer doux à partir de maintenant. Sigebert crut en la bonne foi de son frère pis s’en alla. Mais dès qu’il eut le dos tourné, Chilpéric recommença à faire d’la marde. 

Là, Brunehaut en eut son tas et alla parler dans le casse à Sigebert :

« Heille là, veux-tu ben arrêter de faire ton branleux? Tu y donnes plein de chances, à ton frère, pis à chaque fois y t’donne un coup d’pognard dans le dos! T’es trop mou avec, Sigebert! As-tu déjà oublié qu’y a tué ma sœur? L’astie d’écœurant, y’est v’nu la chercher yinque pour faire comme toé, tandis qu’a voulait rien savoir de lui, pis après y s’en est débarrassé pour marier sa maudite charrue! Pis tu le laisses s’en clairer avec une tape su’és doigts? C’est ton devoir de venger ma Galswinthe, pis j’te sacrerai jamais patience tant que ton frère sera pas mort à mes pieds! »

Faique Sigebert, ben crinqué par sa femme, rassembla encore une autre armée – sérieux, le peuple lui avec devait commencer à être à boutte de son niaisage – et partit régler son compte à Chilpéric une bonne fois pour toutes. 

C’te fois-là, pas de pitié : l’armée de Sigebert ramassa celle à Chilpéric comme une gratte qui passe dans l’banc de neige. Neveu Thibert fut tué pendant une bataille, pis Chilpéric dut battre en retraite et se réfugier avec Frédégonde pis ses flos dans la ville de Tournai. 

Brunehaut, qui voulait s’assurer que son mari finisse la job, paqueta ses petits – littéralement, parce qu’a l’emmenait ses filles Ingonde et Clodoswinthe pis son p’tit gars de quatre ans, Childebert – pis toute un tapon de richesses qu’elle mit dans des waguines pour aller trouver Sigebert, qui était à Paris. A l’était même pas encore débarquée qu’elle commença déjà à tanner son mari pour qu’il aille assiéger Tournai.

Elle eut pas à l’achaler longtemps. Ben vite, y prit la route de Tournai, avec ses meilleurs cavaliers toutes fiers-pet avec leux  beaux boucliers peinturés pis leux lances à banderoles. Mais là, un vieux pépère malade se garrocha devant lui. C’était Germain, évêque de Paris, pis ça y’avait pris toute son p’tit change pour sortir de son litte dans une ultime tentative d’empêcher Sigebert de tuer Chilpéric :  

« R’virez d’bord, Vot’Majesté! Rappelez-vous c’que l’Seigneur a dit par la bouche de Salomon : que la tombe que tu creuses pour ton frère, ben c’est toé qui va tomber d’dans! »

Sigebert prit même pas la peine d’y répondre pis poursuivit son chemin. 

Pendant ce temps-là, à Tournai, Chilpéric pis Frédégonde se savaient faites comme des rats. C’tait pas jojo : tandis que Chilpéric restait assis là à se pogner le beigne, comme résigné, Frédégonde, qui venait d’accoucher d’un p’tit gars, capotait ben raide :

« Y vont toutes nous tuer, Chilpéric! Toé pis moé pis les enfants! Y vont égorger notre p’tit gars, tu comprends-tu? Pis toé, tu câlisses rien! »

Faique a prit les choses en main. A se mit à inventer des plans pas d’allure pour s’échapper, à chercher la moindre grenaille d’espoir dans les racoins les plus improbables.  

Un jour, au travers des hommes de Chilpéric, elle vit deux jeunesses qui avaient l’air particulièrement fidèles à leur roi, voire quasiment fanatiques. Elle les fit venir dans ses appartements, leur donna d’la boisson pis leur raconta ses malheurs à grands renforts de sparages. Quand y furent complètement fascinés, les yeux grands comme des trente sous pis ben embarqués dans son numéro de reine martyre, elle leur dit :

– Ah! Si seulement y’avait quequ’un pour m’aider! De braves guerriers prêts à tout pour leur reine, mettons… 
– Nous-autres, M’dame, on ferait n’importe quoi pour vous! 
– Ah, mais c’est pas mal dangereux…. J’sais pas si j’ai le droit d’vous demander ça…
– On est pas des pissous, M’dame! Vous avez yinque à dire qu’est-cé vous voulez, pis on va l’faire! 
– Ah, vous êtes tellement courageux! Ben d’abord, m’a vous dire à quoi j’ai pensé…

Sigebert, lui, était à Vitry-en-Artois, une ville pas loin de Tournai, un peu au-dessus de ses affaires. Y s’était fait acclamer comme nouveau roi à la place de Chilpéric, pis depuis une couple de jours, y faisait la grosse vie sale, entre festins, brosses épiques et démonstrations de combat. 

Avec toute le monde qui allaient pis qui venaient du matin au soir pour lui jurer fidélité pis lui dire comment y’était beau pis bon pis fort, y se méfia pas pantoute quand deux gars qui avaient déserté l’armée de Chilpéric demandèrent une audience avec lui, tout seul. 

Y les écouta parler, ben relax, le menton accoté sur son poing : « Votre Majesté… blabla… On sait que c’est vous le vrai roi… On veut vous servir… » La poutine habituelle, quoi. 

Pis là, les deux jeunesses dégainèrent leur scramasaxe, une espèce de long couteau aiguisé yinque d’un bord, lui sautèrent dessus et FLÂWK!! Ils le poignardèrent les deux en même temps. 

Sigebert eut même pas le temps de réagir : y hurla pis tomba raide mort à terre. 

Pis drette de même, la situation r’vira d’bord complètement. 

Quand elle apprit la nouvelle, Frédégonde était morte de rire : elle avait été faite comme une rate, pis là elle était libre pis toute puissante. 

Pis Brunehaut, tout d’un coup, était rendue mère célibataire dans un pays en guerre, pis a savait qu’à c’t’heure, son petit Childebert, unique héritier de Sigebert, avait une cible grosse de même su’l dos…

Partie 3


Source : Augustin THIERRY, Récit des temps mérovingiens, tome 2, 1842.
https://play.google.com/books/reader?id=id3mt9lGw58C&pg=GBS.PP1