
Bon, w’est encore rendus à Noël.
Vot’ Matante Poêle, entécas, a trippe : mes gâteaux aux fruits macèrent dans’boisson, mes cadeaux sont emballés pis Mononc Poêle est déjà à boutte de m’entendre chanter des tounes de Noël.
Les enfants aussi, y trippent : sont fous comme des balais en attendant que le père Noël vienne leur porter leux étrennes en dessous du sapin.
Mais d’où c’est qui t’sort, lui, le père Noël?
C’t’un peu compliqué, mais en gros, c’est parti d’un saint du quatrième siècle : Nicolas de Myre, le saint patron des enfants. Au Moyen-Âge, le jour de sa fête – le 6 décembre – les parents donnaient des cadeaux aux flos en son honneur.
Après ça, au 16e siècle, y’a du monde qui ont commencé à trouver que le vénérage d’un tapon d’saints, ça commençait à ressembler aux païens qui ont plusieurs dieux. Faique comme le monde auraient chiâlé si on leur avait dit d’arrêter ben sec la tradition de la Saint-Nicolas, ben le donnage de cadeaux a été déménagé à Noël pour que ça soit associé au p’tit Jésus à place.
Après, ben là, y’a plein d’influences pis de coutumes qui se sont mélangées, du « Father Christmas » joyeux et soûlon des Anglais aux traditions des Pays-Bas en passant par l’Odin des Vikings, pis, avec un coup de pouce de Coca-Cola, on s’est ramassés avec le bonhomme qu’on connaît aujourd’hui.
Mais le saint Nic du quatrième siècle, là, y’avait fait quoi de spécial? Pas mal d’affaires, ça a d’lair. Selon la légende, y’était tout le temps après sauver tout le monde – un vrai superhéros! Mais y’était pas doux. Oohhh, non!
Nicolas de Myre naquit au troisième siècle à Patare, dans la Turquie d’à c’t’heure. Pis y’était précoce, le p’tit vlimeux : le jour de sa naissance, y se leva deboutte tu seul pour recevoir le baptême, pis y refusait de prendre le sein de sa mère les jours de jeûne prescrits par l’Église.
Rendu ti-gars, y’aimait plus passer du temps dins églises qu’avec les autres flos. Inspiré par les Saintes Écritures, notre rongeux de balustre en herbe devint pas mal pieux.
Comme ses parents étaient riches, Nic hérita d’un pas pire pécule quand y moururent. Au lieu de s’acheter un gros char pis d’aller dans le Sud, y se demanda comment distribuer l’argent pour contribuer à la gloire de Dieu.
Un m’ment’né, y’apprit qu’un de ses voisins était rendu tellement pauvre qu’y était su’l bord d’envoyer ses trois filles vierges faire le trottoir pour mettre du pain su’à table.
Nic capota ben raide : y’était pas pour laisser faire ça! Faique la nuite venue, y’emballa un gros tas de pièces d’or dans un linge pis le garrocha dans’cour du voisin.
Pas longtemps après, grâce à l’argent de Nic qui servit de dot, l’aînée des trois filles put se marier.
Nic fit la même affaire pour la deuxième fille. Là, le père commença à se poser des questions :
« Voyons, jériboire, c’est qui qui garroche d’l’argent dans ma cour? »
Pour la troisième fille, Nic doubla la somme d’argent par rapport aux fois d’avant et la pitcha chez le voisin; mais là, le bruit des piasses qui tombaient à terre réveilla le voisin, qui partit à’course après Nic pour y dire merci.
Y voulut lui embrasser les pieds pis crier c’qu’y avait faite sur tous les toits, mais Nic voulut rien savoir :
« Bon, là, là, lâche-moé les orteils, pis parle de t’ça à personne, c’tu clair? »
Nic, y faisait pas ça pour la renommée.
Un jour, l’évêque de Myre péta au frette, faique les vieilles barbes vénérables se réunirent pour y trouver un remplaçant.
Un de ces vénérables-là, que beaucoup de monde voyaient comme nouvel évêque, dit aux autres :
« Partons pas en peur, là : avant de décider, on va prier pis jeûner, pis on va voir c’que l’Seigneur nous inspire. »
Dans la nuite, y’entendit une voix qui y dit :
« Demain matin, à l’heure des matines, tiens-toé dans le cadre de porte de l’église, pis le premier gars qui essaye de rentrer ben, fais-le évêque. »
Faique le vénérable se tint dans le cadre de porte, en espérant ben gros que ça soye pas l’idiot du village qui s’adonne à arriver en premier. Mais quand les matines sonnèrent, dès le premier ding et avant même le dong, c’est Nicolas qui se pointa sur le parvis.
– Heille, t’es qui, toé?
– Euh… Nicolas?
– Ben Nicolas, t’es le nouvel évêque!
– Hein? Wô, menute là!
Nic se fit pogner par les vénérables, emmener dans l’église pis mettre le casse d’évêque su’a tête. Y’eut beau chiâler pis dire qu’y était pas digne, y’était pas mal devant le fait accompli, faique il accepta sa nouvelle job.
C’est après ça que commença sa carrière de superhéros en soutane.
Un m’ment’né, des marins en perdition qui avaient entendu parler de lui, mais qui l’avaient jamais vu, se mirent à le prier en braillant :
« Nicolas! Si toutes les belles affaires qu’on a entendues sur Dieu sont vraies, ben viens nous sauver d’la tempête! »
Pis là, Nicolas apparut au travers d’la pluie pis des vagues qui fessaient su’l pont :
« Chus là! Qu’est-cé vous voulez? Heille, c’est su’l bord de couler, c’bateau-là! Ôtez-vous de d’là, m’as vous arranger ça! »
Les marins, les yeux ronds comme des trente sous, le regardèrent pogner lui-même la barre, les ramener à bon port, pis disparaître.
Quand y’arrivèrent à Myre, y croisèrent Nic, le reconnurent, pis se garrochèrent à ses pieds pour le remercier. Mais vous savez comment Nic aimait ça, se faire taponner les orteils :
« Ben voyons, j’ai rien faite, moé, c’est Dieu pis votre foi qui ont fait toute la job. Tassez-vous, là! Faut que ch’passe. »
Un jour, y’avait des rebelles qui faisaient du trouble en Phrygie, une région de la Turquie d’à c’t’heure. Faique l’empereur envoya trois princes – Népotien, Orsin pis Apolin – à la tête d’une armée pour leur calmer les nerfs.
Mais là, pendant le voyage, le vent était pas trop d’adon, faique les princes durent faire un croche par Myre. Fouille-moé pourquoi, c’pas clair, mais c’te soir-là, Nic se tenait avec eux-autres, pis pendant ce temps-là, quequ’un vint le trouver toute essoufflé :
« Monsieur Nicolas! Monsieur Nicolas! Le préfet est après vouloir faire décapiter trois soldats qu’y ont rien faite de mal! Y’avait du monde qui voulaient leu peau, pis y’ont corrompu le préfet pour qu’y’é condamne à mort! »
Nic fit pas ni une ni deux pis dit aux princes :
« Ah ben simonac! V’nez-vous en, vous autres, on s’en va les sauver! »
Faique Nic clancha, les trois princes qui suivaient en arrière comme des bébés canards, jusque où les trois soldats étaient censés se faire décapiter. Comme y’arrivait, y’étaient enchaînés, à genoux à terre, pis le bourreau avait l’épée dins airs, prêt à fesser.
« Heille! Arrête-moé ça tusuite! »
Pis Nic, full au bouchon de l’amour de Dieu, se garrocha sur le bourreau, pogna son épée par la lame pis la pitcha au bout de ses bras. Y détacha les prisonniers pis les emmena avec lui :
« Maudit cave de préfet, m’a y dire ma façon d’penser, moé! V’nez-vous en! »
Faique y se rendit chez le préfet. La porte était fermée, mais Nic se bâdra de t’ça pas pis rentra de force. Comme de raison, le préfet, attiré par le bruit, arriva pour voir ce qui se passait :
– Ah ben quins, si c’est pas Nicolas! Qu’est-ce que le me vaut l’honneur de… euh… qu’est-cé tu fais icitte?
– Toé là, espèce d’Hérode de crosseur du maudit! Sans-dessein! Qu’est-cé qui t’as passé par la tête, de faire une affaire de même? J’espère que tu files cheap!
Pis y continua de l’engueuler jusqu’à ce qu’y se roule en boule à terre et implore le pardon du Tout-Puissant.
Après ça, les trois princes purent repartir, aller faire leur affaire en Phrygie pis r’tourner à Constantinople. En récompense d’avoir effoiré les rebelles, l’empereur Constantin les couvrit d’honneurs : des banquets pis d’l’or pis d’la boisson pis des fesses, toute le kit.
Mais là, toute c’t’es patentes-là, ça rendit les autres princes jaloux. Faique y grenouillèrent pour faire croire que Népotien, Orsin pis Apolin avaient conspiré contre l’empereur.
Quand Constantin sut ça par un de ses magistrats, y se posa même pas de questions, fit pas d’enquête et pogna tusuite les nerfs :
« Qu’on les câlisse en prison pis qu’on leu coupe la tête drette demain matin! »
Nos trois majestés étaient ben découragées. Mais là, y se rappelèrent ce que Nic avait fait avec les trois soldats innocents, faique ils pensèrent ben fort à lui en espérant qu’y vienne les sauver.
Ben creyez-moé, creyez-moé pas, mais Nic apparut direct dans la chambre à Constantin pis commença à l’engueuler :
– Pourquoi c’est faire que t’es monté drette su tes grands ch’faux pis que t’as condamné les princes à mort sans essayer de savoir si c’tait vrai ou si c’tait des menteries? Sors de ton litte, pis ordonne qu’y soyent libérés, parce que sinon m’a prier Dieu pour que tu te fasses tuer par tes ennemis pis que tu finisses en charogne tout éjarrée dans l’désert!
– T’es qui, toé, pour rentrer dans mon palais en pleine nuite pis me parler dans l’casse de même?
– Chus Nicolas, évêque de Myre!
Nic avait pas fini – y’apparut au magistrat aussi :
– T’es-tu tombé su’à tête, toé? Voyons donc, conseiller à l’empereur d’exécuter trois innocents? Enweille, déguédine pis va les faire libérer, sinon toute ton corps va pourrir, tu vas te faire bouffer par les vers, pis toute ta descendance va être maudite!
– T’es qui, toé, pour v’nir me menacer d’même?
– Chus Nicolas, évêque de Myre!
L’empereur et le magistrat se levèrent pis allèrent se raconter leux aventures :
– Heille, y vient-tu de t’apparaître un vieux crisse d’enragé noir qui te faisait des menaces?
– Han! Ben oui, toé’ssi?
– Ouin. On f’rait mieux d’aller libérer les princes! Y’avait pas l’air de niaiser, l’pére!
Faique y’allèrent libérer les princes, pis l’empereur leur dit :
« Vous pouvez y’aller! Vous êtes aussi ben de rendre grâce à Dieu, parce vous y d’vez vos fesses! Pendant qu’j’vous ai, j’vous demanderais une p’tite faveur : allez don à Myre dire merci à Nicolas, pis apportez-y une couple de cadeaux de ma part! Demandez-y ben gentiment d’arrêter d’me menacer, pis dites-y que si y pouvait parler de moi en bien au Seigneur, ça serait pas pire pantoute. »
Pis après ça, Nic mourut. Mais là, allez pas penser que la mort allait l’arrêter d’apparaître au diâble au vert pour sauver tout le monde! Ni que j’vous ai conté toute c’que Nic a faite dans sa vie! Là, faut j’vous laisse, mon chat est après grimper dans mon sapin pis toute sacrer à terre. Mais on se r’trouve entre Noël pis l’jour de l’An, m’as vous conter toute c’que j’ai pas eu l’temps d’vous dire aujourd’hui!
Joyeuses Fêtes, là!
Partie II
Source : Jacques de Voragine, La Légende dorée. https://play.google.com/books/reader?id=vuliAAAAcAAJ&pg=GBS.PP1