Avant la Guerre des Deux-Roses, partie II – La bataille d’Azincourt

Sir John Gilbert, Le matin précédant le bataille d’Azincourt

Partie I

Ok! Wé toutes là? 

Toé le grand slaque, tasse-toé don un ti peu pour que la pauvre chatte en arrière puisse voir de quoi. 

C’est beau, merci, mon pit!

Donc, l’ex-roi Ritch se faisait emmener en prison en braillant sa vie, pis Henri IV commençait son règne. 

Henri, ça y’avait pas trop tenté de devenir roi. Son cousin y’avait quasiment tordu le bras pour l’obliger à usurper la couronne, pis ça le faisait limite chier de se retrouver sur le trône. Ça questionnait sa légitimité de tou’és bords, pis lui-même y crèyait pas trop, dans l’fond. Mais pareil. Tant qu’à être là, y’allait s’accrocher.

Comme Ritch était encore vivant, ça arrêtait pas de grenouiller pour le remettre sur le trône, entre autres en assassinant Henri. Un m’ment’né, dans son litte, un serviteur trouva même une chausse-trappe – tsé une espèce de patente épouvantable avec des bouttes pointus qui sert à estropier les chevaux pis l’monde quand y marchent dessus? 

Henri avait pas pantoute envie de tuer son cousin non plus, mais comme y’allait jamais avoir la paix tant qu’y allait être en vie, y s’organisa pour « l’oublier », pis Ritch finit par mourir de faim. Quand même ironique pour un gars qui avait 300 employés dans sa cuisine. 

Mais on y sacra pas la paix à Henri pour autant. Le roi d’Écosse y lâcha une craque dans une lettre en l’appelant « duc de Lancaster » plutôt que roi, faique y partit lui crisser une volée. 

Pis quand c’tait pas les Écossais, c’tait les Gallois qui faisaient d’la marde. Leu rébellion, backée par la France, dura une grosse partie de son règne.

Le Parlement faisait exprès pour l’écœurer; chaque fois qu’y demandait d’l’argent, y se faisait répondre :

« Z’avez yinque à piger dins joyaux à Richard, hein? Où c’qui sont passés, dites-nous don ça? » 

Pis en plus, Henri était souvent malade. Bref, y’eut pas trop de fun pendant ses 13 ans de règne. Quand y passa l’arme à gauche, c’est son fils aîné, un autre Henri, qui devint roi. 

Rendu là, ça faisait déjà 70 ans qu’Anglais et Français se tapaient su’a yeule, même si ça avait quelque peu slaqué pendant les règnes de Richard pis d’Henri IV. Aussitôt qu’il eut la couronne su’a tête, le nouveau roi se dit : 

« Bon. P’pa avait yinque une fesse sur le trône, pis tout le monde arrêtait pas de le traiter d’usurpateur. Pis moé, ben j’ai une trâlée de p’tits cousins qui pourraient aussi ben revendiquer ma couronne. Là, qu’est-cé qui pourrait m’rendre plus solide? L’monde aiment ben ça, les victoires militaires. Faique ch’pourrais, genre, arpartir la guerre contre la France? Heille, c’est bon, ça. Si j’gagne, y’aura pu personne pour venir m’écœurer! »

Faique y commença drette là à accumuler de l’argent, des munitions pis à se monter une armée. Deux ans après, au mois d’août, y partit en campagne. 

Y commença par attaquer le port de Harfleur; le siège dura six semaines dans la grosse chaleur épouvantable. La ville finit par se rendre, mais la dysenterie pis la malaria pogna dans les rangs anglais : 2 000 hommes moururent drette là, pis 2 000 autres durent artourner en Angleterre pour se faire soigner. 

En partant, Henri avait l’intention de s’rendre jusqu’à Paris. Mais comme y’avait pardu pas mal de monde pis qu’y était rendu tard dans l’année, à’place, y décida de marcher jusqu’à Calais, une ville qui appartenait aux Anglais à c’te moment-là. Ça faisait une trotte de 250 km à ch’fal, en plein bois, dans’pluie, pis en terrain ennemi : 

« M’as leu marcher ça dans’face, les Français! Dieu est d’mon bord pis m’as leu montrer qu’y peuvent rien faire contre moé! »

Mais là, les Français furent informés de t’ça, faique y clanchèrent pour pogner les Anglais en chemin. 

Henri pis sa gang avaient vraiment pas de fun. Les ponts sur la Somme avaient été démolis, faique ça les força à faire un détour; y mouillait à siaux; y manquait de provisions, tellement que les soldats devaient survivre su des noix pis des p’tits bouttes de viande séchée; pis la dysenterie continuait de faire des ravages, tellement que les hommes gardaient leux culottes baissées, pis le flux coulait le long des flancs de leux ch’faux. Bref, c’tait la grosse misére nouère. 

Le 20 octobre, un émissaire français arriva pis dit à Henri que l’armée française s’en venait pis qu’y était aussi ben d’attacher son casse avec d’la broche. Henri lui répondit yinque de décrisser pis de pas se mettre dans ses jambes. 

Henri pensait encore être bon pour se rendre à Calais, mais, 4 jours plus tard pas loin de la ville d’Azincourt, un éclaireur arvint au camp anglais en capotant ben raide : 

« Votre Altesse, sont deux fois plusse que nous-autres, sacrament! »

Shit. Henri sut à ce moment-là qu’y avait pu moyen d’éviter une bataille, pis que la puck roulait crissement pas pour lui. 

C’te soir-là, y’eut une file de 200 pieds d’long en avant d’la tente du curé : tout l’monde voulaient s’confesser, d’un coup qu’y meurent le lendemain. Les faces étaient longues, les assiettes étaient vides, ça sentait la marde, pis y mouillait, crisse qu’y mouillait! 

De l’autre bord, c’tait pas mal plus jojo : le maréchal Boucicaut, qui était à la tête de l’armée française, était hyper sûr de sa shot, pis c’tait semi l’party dans l’camp. 

Tsé, on peut les comprendre d’être au-dessus d’leux affaires. L’armée anglaise, c’tait aux trois quarts une gang d’archers crottés, du monde ordinaire payés par le roi pour s’engager dans l’armée. L’armée française, c’tait en grande partie des chevaliers avec la grosse armure pis toute le kit, comme dins romans courtois, des gars qui passaient toute leur temps pis leur argent dans l’combat – autrement dit, l’équivalent médiéval de des chars d’assaut. Y’allaient passer su’és Anglais comme un tracteur s’un siffleux. 

Le lendemain, y mouillait encore, viarge. 

Les Anglais se placèrent dans un grand champ où les semailles venaient d’être faites, en haut d’une p’tite côte, avec un bois de chaque bord. Les fantassins étaient au milieu, pis les archers étaient chaque bord. 

Pis là, Henri arriva devant son armée, à cheval, avec un casse plaqué or pis un diadème de perles, de rubis pis de saphirs. Ça flashait en astie : 

« Chus v’nu icitte pour ravoir l’héritage qui m’arvient de droit : le trône de France! Oubliez pas qu’les Français ont juré de couper les doigts de la main droite de tou’és archers qui captur’raient! Faique faites-vous pas pogner! Mais vu qu’Jésus est mort su’a croix pour nos péchés, ben qu’chaque homme trace une croix à terre pis l’embrasse, pour se rappeler que c’est mieux d’mourir su’a terre icitte là que d’se sauver comme des pissous! » 

Les Français, eux-autres, attendaient en bas d’la côte. Le maréchal voulait que les Anglais les attaquent en premier, mais après trois heures à rester plantés là comme des codindes, les fantassins pis les chevaliers commençaient à faire la queue d’veau. 

Finalement, Henri fit avancer son monde juste assez proche pour que les archers puissent tirer.

Quand les Français reçurent les premières flèches par la tête, y’avait pu moyen d’les arrêter de foncer comme des malades, un peu tout croche. Pis à part ça, c’est pas tout le monde qui partit en même temps, parce qu’y avait des chevaliers qui s’étaient tannés d’attendre pis qui étaient partis nourrir leu ch’fal ou tirer une pisse. 

Entécas, ce fut une astie de catastrophe. 

Le maréchal Boucicaut avait prévu pogner les archers par le flanc pis les massacrer, mais à cause du bois de chaque bord, ses hommes durent laisser faire pis y’aller tête première en montant la côte.

Les ch’faux se faisaient blesser par les flèches pis se mirent à paniquer; après avoir crissé leu cavalier à terre, y’arpartirent à courir dans l’autre sens pis piétinèrent des fantassins en arrière. 

Faique les chevaliers continuèrent tous seuls. Les grosses armures, ça faisait en masse la job contre les flèches; c’tait comme avancer en char s’un chemin d’terre avec les taons à chevreuil qui pètent dans l’winshire. Le problème, c’est que les casses avaient yinque une fente pour voir, faique les chevaliers devaient avancer tête baissée pour pas manger de flèche dans l’œil. 

Mettons que c’tait pas vargeux. 

Les Français avaient aussi des arbalétriers, mais y’avaient pas assez de place pour tirer sans pogner leux alliés. Comme j’ai dit, y’étaient deux fois plus nombreux que les Anglais, mais là, ça leu servait pas à grand-chose, parce que le terrain entre les deux bois était pas assez large. Y se pilaient su’é pieds pis se nuisaient les uns aux autres : 

« Voyons, crisse! Tassez-vous! Chus même pas capable de m’sarvir de ma lance! »

Au fur et à mesure que ça mourait en avant, ceux qui suivaient devait passer par-dessus les cadavres. 

Pis comme ça allait pas assez mal de même, le champ avait viré à la grosse bouette qui colle. Les Français calaient aux genoux pis ça leu prenait toute pour avancer. Pis quand y tombaient, leu chien était pas mal mort : leur armure était trop pésante pour qu’y se relèvent, les autres leu pilaient dessus, pis y’en a plein qui finirent noyés dans leu casse. 

Une autre vague de Français se lâcha à l’assaut, mais y firent juste embarrasser encore plus le champ de bataille, poussant dans l’cul des premiers en avant pis finissant pareil comme eux-autres, effoirés dans la bouette. 

Les « crottés » de monde ordinaire, eux-autres, y’avaient pas de grosse armure, faique la bouette les faisait pas mal moins chier. Quand les archers finirent par manquer de flèches, y’embarquèrent dans l’tas avec des haches, des épées pis même des marteaux. 

Le roi Henri, lui, y’était pas assis su son steak en arrière avec son beau casse plaqué or; y’était drette dans la mêlée. En fait, en défendant son p’tit frère le duc de Gloucester qui s’tait faite blesser à la fourche, y mangea un coup de hache su’a tête qui fit décoller une partie de son diadème. Mais là, y s’artrouva avec un tapon de prisonniers. Y’en avait tellement qu’y étaient plus nombreux que l’armée anglaise au complet : 

« Crisse, d’un coup qu’y s’en rendent compte pis qu’y en profitent pour nous massacrer par en arrière? Ch’peux pas laisser faire ça… Calvaire, j’aime pas ça, mais j’ai comme pas l’choix… » 

Faique, contrairement aux règles de chevalerie du temps, y’ordonna qu’on tue toutes les prisonniers, sauf ceux qui pourraient donner une bonne rançon, genre, les nobles. Ça resta une grosse tache sale sur son règne, pis si y’avait faite de quoi d’même aujourd’hui, le Tribunal pénal international y’aurait claqué un procès pour crime de guerre assez sec. 

Pis là, finalement, après même pas 4 heures de bataille, les Français étaient toutes soit morts, soit prisonniers, soit en train de se sauver la queue entre les jambes. Quand Henri s’en aperçut, y’arrêta direct l’exécution des prisonniers. Les Anglais avaient perdu quelques centaines d’hommes, pis les Français, des milliers, dont une trâlée de monde important – des ducs pis des chevaliers pis plein de haut gradés. 

C’tait une sacrament d’volée historique. 

Après ça, y retourna en Angleterre sous les confettis pis de ding dong des clochers d’église. Y réussit pas à conquérir le trône de France à ce moment-là, mais y réussit à rendre le sien crissement plus solide. Même les épais qui avaient encore le piton collé sur Richard prirent leur trou pour de bon. 

Mais là, c’tait pas comme si l’royaume s’en allait vers des horizons meilleurs avec des p’tits anges pis des arcs-en-ciel, le sourire fendu jusqu’aux oreilles, avec son beau roi neuf pis victorieux. 

Pour savoir comment ça a viré, ben allez vous dégourdir les jambes pis r’venez dans 15 minutes. Moi-même, ch’commence à avoir la fesse engourdie!  


La suite ici!


Source : Desmond Seward, The Demon’s Brood : The Plantagenêt Dynasty that Forged the English Nation, 2014.


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Quand les belles-soeurs s’haïssent la face : Frédégonde contre Brunehaut – partie 3

Partie 1
Partie 2

Fallait que Brunehaut pense vite en christie : de un, son mari venait de se faire assassiner sous les ordres de sa belle-sœur Frédégonde; de deux, son beau-frère Chilpéric pis ses hommes s’en venaient la chercher, elle pis ses trois flos, dans le palais de Paris où y’étaient rendus plus prisonniers qu’autre chose. 

« Jamais que je pourrais me sauver avec les flos pis les waguines de bagage : j’me f’rais pogner avant d’avoir avancé de deux pouces. Faique on va y’aller au plus pressant : sortir Childebert d’icitte. » 

Brunehaut avait raison de capoter pour son fils : le tuage de neveux, chez les Francs, ça faisait quasiment partie de la constitution. Dans l’temps, le grand-père Clotaire avait égorgé ses neveux de dix pis sept ans, Thibault pis Gonthaire, pour récupérer le royaume de son frère Clodomir, pis Brunehaut craignait que Chilpéric fasse la même affaire à son ti-bonhomme de cinq ans pour récupérer le royaume de Sigebert, qu’on appelait à c’t’heure l’Austrasie.  

Faique bref, fallait que Childebert soye mis en sécurité au plus crisse.

« Mon fils, écoute-moi ben. Je vais t’envoyer avec monsieur Gondobald, pis tu vas retourner chez nous, à Metz. Maman peut pas venir avec toi tusuite, mais je vais venir te trouver dans pas long, c’est promis. Faut que tu soyes fort, mon lapin. À c’t’heure que ton père est mort, c’est toi le roi d’Austrasie! » 

Faique, au beau milieu de la nuite, Brunehaut mit Childebert dans un gros panier attaché après une corde pis le fit descendre par la fenêtre, en prenant ben garde de pas y péter la tête sur le mur de la tour, jusqu’en bas où attendait le duc Gondobald, qui le mit su son ch’fal et l’emporta en dehors de Paris.

Quand Childebert arriva à Metz, heille, là le monde étaient contents! La gang de seigneurs pis de guerriers qui s’en allaient rejoindre l’armée à Chilpéric revirèrent de bord drette là. Y formèrent une assemblée qui proclama officiellement le p’tit gars roi d’Austrasie, pis un conseil fut formé pour diriger le royaume en son nom.

« Astie de saint ciboire de crisse de maudit sacrament! Le p’tit tabarnak m’a passé en dessous du nez! »

C’est à peu près de même que réagit Chilpéric quand y’apprit que Childebert était en sécurité à Metz pis qu’y était backé par les seigneurs austrasiens. Si y voulait récupérer le royaume à son frère sans trop se forcer, son chien était mort. 

Quand même, toute t’tait pas pardu : y’avait encore Brunehaut, ses filles, pis toute le tas de richesses qu’a l’avait apportées avec elle. Faique sans téter une seconde, y’alla à Paris compter son motton dans la face de sa belle-sœur.

Mais là, trop aveuglé par les signes de piasses, Chilpéric remarqua pas ce qui se passait dans son dos. Mérovée, un des gars qu’il avait eus avec sa première femme Audovère – celle qu’il avait envoyée sécher au monastère, là – avait spotté de quoi de ben plus beau que des pierreries : Brunehaut. 

Ben oui, toé! Quand y vit la veuve de son oncle, qui était pas ben ben plus vieille que lui pis encore crissement pétard, y tomba cul par-dessus tête. 

On sait pas si Brunehaut trouvait Mérovée de son goût aussi, mais en tout cas, a l’était pas folle : s’il avait le kick sur elle, aussi ben en profiter. Elle déploya ses plus beaux yeux de biche pis toute le reste son arsenal de viens-icitte-mon-minou, de sorte que ben vite, Mérovée tomba en amour ben raide.   

Frédégonde, elle, voyait toute ça aller – pis ça faisait son affaire. J’vous avais pas dit ça encore, mais depuis le début, a grenouillait pour éliminer les fils d’Audovère pour que ce soit un des siens qui succède à Chilpéric. Pis si c’te grand niaiseux de Mérovée pouvait se mettre dans marde tu seul en fricotant avec sa propre tante, tant qu’à elle, c’était ben tant mieux.

Finalement, Chilpéric, ramolli par sa nouvelle fortune, décida d’être fin : au lieu de les faire tuer, y’envoya Brunehaut en exil à Rouen, pis ses deux filles à Meaux.  

Là, Mérovée était ben en peine. Sa belle était partie, pis y’était toujours ben pas pour aller la trouver direct – ça serait ben que trop suspect. Faique y soupira pendant des semaines jusqu’à ce que son père y donne, sans le savoir, une occasion en or. 

Quand Chilpéric avait une idée dans tête, y l’avait pas dans l’c… ailleurs. C’était pas tant parce que c’était un gars déterminé qui lâchait jamais le morceau; c’était plus parce qu’une fois qu’y était pointé dans une direction, y’était pas assez brillant pour regarder à d’autres places, pis y continuait à avancer tant qu’y frappait pas de mur. 

Faique à c’t’heure que le cas à Sigebert était réglé, Chilpéric repensa à, tsé les villes pour lesquelles y s’était chicané avec lui? Depuis le temps, y’avaient reconnu Childebert comme roi. 

— Mérovée? Viens don icitte deux menutes.  
— Oui, p’pa? 
— Mettons que je te montais une p’tite armée pis que je t’envoyais prendre Poitiers, là, qu’est-cé tu dirais de t’ça? 
— Ch’pourrais-tu en profiter pour aller voir m’man dans son couvent au Mans?
— Cré p’tit gars à sa mère! Vas-y, si ça te tente! Mais dis-lé pas à Frédégonde, tu sais comment qu’a l’est! 
— Ah certain! Merci p’pa! M’a te prendre ça, moé, c’te ville-là, ça va être un pet, tu vas voir! Attache ta tuque avec d’la broche, Poitiers! 

Le Mans, c’était pas trop loin de Rouen. Suffisait d’un p’tit détour… N’importe qui avec au moins deux neurones et quart aurait pu se douter que ça allait mal finir, mais au yâble les risques : Mérovée prit la route avec ses hommes pis s’en alla direct trouver Brunehaut sans même faire semblant d’aller voir sa mère. 

Brunehaut en revenait juste pas de l’voir retontir. Pis entre les deux, les affaires décollèrent sur un moyen temps : après yinque trois-quatre jours, le neveu par alliance demanda la veuve de son oncle en mariage, pis a dit oui. 

Y’avait juste un problème : selon l’Église, y’étaient considérés comme consanguins. D’habitude, les rois se bâdraient pas trop avec ça : y’avaient yinque à demander une dispense, pis ça se mariait cousin avec cousine, nièce avec oncle, pis aweille. Mais Mérovée pis Brunehaut avaient pas le temps de niaiser. Ça adonnait ben : l’évêque de Rouen, Prætextat, était le parrain de Mérovée, pis y l’aimait comme son fils. Faique les amoureux arsoudirent drette chez eux pour y demander de les marier :  

— T’es-tu tombé sua tête, mon garçon? Ton père va être fâché noir! Pis en plus, ch’peux pas! C’est ta tante par alliance! 
— Envoye donc, Prætextat! P’pa va finir par avaler son étron, pis à part de t’ça, c’est même pas si grave que ça! Si c’était la sœur à mon père ou à ma mère, j’dis pas, mais c’est la veuve à mon oncle! C’est de l’enculage de mouches, tant qu’à moé. 
— Ben voyons, surveille ton langage! On est dans une église, icitte! 
— Scuse-moé, Prætextat. Mais c’qui compte, c’est que je l’aime! De toute mon cœur. J’ai su drette la première fois que je l’ai vue que j’en voudrais pas d’autres, pis j’me torche du reste. S’il te plaît, parrain! 

À voir les grand yeux de veau de son filleul, Prætextat se sentit mollir : 

« Ok, ben v’nez-vous en, m’a vous marier, d’abord! »

Quand il apprit la nouvelle, loin d’avaler son étron, Chilpéric vint bleu : 

 « L’astie de sorcière! A l’a séduit! Pis lui, le p’tit crisse de traître, y’est tombé drette dans le piège! M’a aller le chercher par le chignon du cou! » 

Les nouveaux mariés, tout occupés qu’y étaient à se rouler dans leu bonheur, se firent pogner les culottes à terre, carrément. Chilpéric les captura; Brunehaut redevint prisonnière, mais avec des gardes plus à leur affaire, pis Mérovée fut ramené dans sa famille, la queue entre les jambes. Pis Prætextat, lui, fut condamné à l’exil.

Comme Mérovée avait l’air de juste babouner dans son coin, Chilpéric était prêt à oublier toute l’affaire, mais Frédégonde savait qu’a tenait le moyen de se débarrasser de son beau-fils : 

« J’te l’dis, moé, ton gars, y’a l’air de filer doux, de même, mais tu peux être sûr que la Brunehaut y’a monté la tête. J’te gage qu’y te joue déjà dans l’dos, pis y’attend yinque sa chance pour te planter un couteau entre les côtes! » 

Elle était tout le temps après le bombarder d’images de fin du monde : Mérovée veut prendre ton trône, Mérovée veut massacrer nos enfants, Mérovée veut régner sur toutes les Francs avec Brunehaut, Mérovée veut brûler des chatons, un coup parti – plein d’affaires auxquelles le principal intéressé avait même pas pensé. Si bien qu’après un boutte, Chilpéric, complètement parano, enleva ses armes à Mérovée et le fit mettre en garde à vue.

Son sort fut mis entre les mains d’un petit tribunal maison, dirigé par nulle autre que sa marâtre Frédégonde. La décision se fit pas attendre : Mérovée fut condamné à… se faire raser la tête. 

Là, vous devez vous dire : ben voyons. Y’a rien là. C’est quoi l’affaire? 

C’est que la famille des Mérovingiens (c’est-à-dire « les descendants de Mérovée », mais un autre Mérovée de v’la ben longtemps) avait une obsession malsaine pour les cheveux, un peu comme les ours qui trippent sur le papier de toilette dans les annonces. Leur crigne, c’était le symbole de leur royauté, pis y’a coupaient jamais, de la naissance au trépas. En enlever ne serait-ce qu’un pouce, c’était un crime de lèse-majesté – on se doute qu’après un boutte, y devaient avoir les pointes fourchues en simonac –, pis se la faire raser, c’était l’équivalent d’être déshérité pis crissé dehors de la famille.

Faique Mérovée fut rasé, ordonné prêtre pis envoyé sécher dans un monastère, pareil comme sa mère. 

Là, je vais sauter des bouttes, parce qu’on serait encore là au Mercredi des Cendres, mais quelques mois plus tard, le grand chum de Mérovée, Gaïlen, vint le libérer. Pis avec d’autres seigneurs, dont le comte Gaukil pis un dénommé Grind, y’essaya d’organiser une rébellion contre Chilpéric. 

Y’alla même voir Brunehaut, qui avait été libérée depuis le temps pis qui était retournée trouver son fils, mais y’eut comme un malaise : à c’t’heure qu’elle l’avait pu besoin de lui, y’était plus comme l’ex gênant que t’aimerais mieux cacher en t’sour du tapis, faique elle l’envoya promener.

Un jour, des émissaires vinrent trouver Mérovée pour dire que la ville de Thérouanne s’était ralliée à lui. Tout content, y se rendit tusuite là-bas avec ses plus proches compagnons, mais ah! Bazouelle de saint chrême! C’était Frédégonde qui avait envoyé les émissaires, faique Mérovée fut fait prisonnier tandis que Chilpéric s’en venait avec une brique pis un fanal. 

Se sachant faite comme un rat, pis étant beeeen au courant des affaires horribles qui sont faites aux traîtres, y se tourna vers Gaïlen, pis y dit : 

« Mon homme, toé pis moé, on est de même, comme les deux doigts d’la main, depuis qu’on est flos. T’es mon meilleur chum, pis tu t’es toujours fendu en quatre pour moé. Ch’t’aime, mon homme. Pis là, j’ai une dernière affaire à te demander : prends ton épée, pis tue-moé! »

Pis Gaïlen, fidèle jusqu’au boutte, fit ce qu’on y demandait pis poignarda son ami à mort. 

Faique quand Chilpéric arriva, y trouva yinque un cadavre.  

Donnant raison à son fils, y fit subir des affaires horribles à ses compagnons : Gaïlen se fit couper les pieds, les mains, le nez pis les oreilles avant de se faire achever; Grind se fit attacher sur une roue, péter toutes les membres pis tourner jusqu’à ce que mort s’ensuive, pis Gaukil, le chanceux, fut yinque décapité. 

Pis au travers des cris d’agonie, Frédégonde se frottait les mains : y restait pu yinque le dernier fils d’Audovère à éliminer…  


Partie 4


Source : Source : Augustin THIERRY, Récit des temps mérovingiens, 1842. https://play.google.com/books/reader?id=1i2Y7dHy-VgC&hl=fr&pg=GBS.PP1

Quand les belles-sœurs s’haïssent la face : Frédégonde contre Brunehaut, partie 2

Partie 1

Faique ouais. C’te maudit courailleux de Chilpéric, roi de Soissons, avait fait étrangler sa femme Galswinthe pour épouser Frédégonde, sa grenouilleuse concubine équipée pour veiller tard. 

Pis Brunehaut, la sœur de Galswinthe pis aussi la belle-sœur à Chilpéric parce qu’elle était mariée avec son frère Sigebert, avait crié vengeance. 

Faique Sigebert alla voir Gontran, son autre frère, pour qu’y vienne avec lui fesser sur Chilpéric. 

(Aux p’tits smattes qui voudraient me demander y’est où le quatrième frère, parce que j’ai dit qu’y en avait quatre la semaine passée, ben y’était déjà mort rendu là.) 

Gontran, c’tait un peu le bonnasse de la gang. Ça y tentait pas trop, lui, de jouer la game. Y’était ben content avec c’qu’y avait pis ça le décourageait ben gros de voir les chicanes à ses frères. 

Ben crère, au début, y prit le bord de Sigebert. Y’était pas pour défendre un assassin, pis ça aurait fait un frette si y’avait décidé de pas s’en mêler. Faique y’embarqua dans’bataille, mais on voyait ben que le cœur y’était pas. 

Après un boutte, y finit par dire : 

« Bon, les gars, là, ch’file pas pour me battre. Au lieu de se taper su’à yeule, on peut-tu jaser à’place? »

Faique Chilpéric et Sigebert acceptèrent d’aller en médiation familiale, où y jasèrent de leurs émotions…

Non, j’niaise : Gontran assembla comme jury toutes les seigneurs du coin – ça avait l’air d’un show de Metallica tellement y’avait du poilu dans’place – pis s’improvisa juge.  

Après les délibérations, Gontran annonça sa décision : 

« Bon. Tchéquez-ben c’qu’on va faire. Toé, Chilpéric, tu vas t’excuser pis r’donner à Brunehaut les quatre villes que Galswinthe avait eues comme dot pis cadeau du matin, pis toé, Sigebert, tu vas y pardonner pis pu jamais r’venir là-dessus. Ça a-tu de l’allure, les gars? »

En passant, faut que j’vous dise : un cadeau du matin, chez les peuples germaniques, c’était quet’chose qu’un homme donnait à sa nouvelle femme le lendemain des noces, drette quand a se réveillait, en échange de sa virginité : 

– Heille! Plectrude! Réveille-toé! 
– Hrgmmhh? 
– Engorde! J’ai douze moutons pis une chaise berçante pour toé! C’est ton cadeau du matin! 

C’était douteux pour au moins 275 raisons, mais bon, ça s’passait d’même dans le bon vieux temps.

Pis entécas, Chilpéric, Sigebert pis Brunehaut acceptèrent le jugement à Gontran, et la paix revint dans l’royaume…

Mais c’tait pas pour durer. 

Pendant les quelques années qui suivirent, Frédégonde s’attela à faire le plus de bébés possible – tsé, une femme a besoin d’un fonds de pension – tandis que Chilpéric, lui, chiquait d’la guénille en cherchant une occasion de reprendre les villes qu’il avait été obligé de donner à Brunehaut. Pis y’oubliait pas non plus que, si y se débarrassait de Sigebert, ben y’aurait pu yinque Gontran à éliminer pour devenir le roi de tous les Francs. 

Faique, en 573, Chilpéric rassembla une armée pis y donna le commandement à Thibert, un des fils qu’il avait eus avec sa première femme :

« Vas-y, mon gars! Pis fais-moé pas honte! »

Thibert partit su’és chapeaux de roues : il fonça sur Poitiers pis la conquit facilement. Après ça, y se dirigea vers Tours en saccageant toute sur son passage. Y’avait pu rien de sacré, même les places saintes pis les couvents – les hommes de Thibert massacraient les prêtres pis violaient les bonnes sœurs, partaient avec les trésors pis crissaient toute à terre. La campagne au complet était en feu.

En voyant l’armée de Thibert arriver dans un gros nuage de fumée noire, les habitants de Tours ouvrirent les portes de la ville sans s’astiner. Thibert continua de même jusqu’à Limoges, puis Cahors; y’avait rien pour l’arrêter.

Mais, de son bord, Sigebert était loin d’être assis sur ses mains : y’était après rassembler autant d’hommes qu’y pouvait parmi le peuple pour aller sacrer une volée à son neveu pis à son frère.

Bon, là, vous devez vous attendre à une grosse bataille épique pis à un duel entre frères su’l top d’une colline avec du tonnerre pis des éclairs, pis Sigebert victorieux qui rentre chez eux, frenche Brunehaut à pleine bouche pis déclare : « Ch’t’ai vengée, bebé ». 

Mais… pantoute. Voyant que Chilpéric n’avait une plus grosse que la sienne – une armée, je veux dire –, y se rendit et promit de filer doux à partir de maintenant. Sigebert crut en la bonne foi de son frère pis s’en alla. Mais dès qu’il eut le dos tourné, Chilpéric recommença à faire d’la marde. 

Là, Brunehaut en eut son tas et alla parler dans le casse à Sigebert :

« Heille là, veux-tu ben arrêter de faire ton branleux? Tu y donnes plein de chances, à ton frère, pis à chaque fois y t’donne un coup d’pognard dans le dos! T’es trop mou avec, Sigebert! As-tu déjà oublié qu’y a tué ma sœur? L’astie d’écœurant, y’est v’nu la chercher yinque pour faire comme toé, tandis qu’a voulait rien savoir de lui, pis après y s’en est débarrassé pour marier sa maudite charrue! Pis tu le laisses s’en clairer avec une tape su’és doigts? C’est ton devoir de venger ma Galswinthe, pis j’te sacrerai jamais patience tant que ton frère sera pas mort à mes pieds! »

Faique Sigebert, ben crinqué par sa femme, rassembla encore une autre armée – sérieux, le peuple lui avec devait commencer à être à boutte de son niaisage – et partit régler son compte à Chilpéric une bonne fois pour toutes. 

C’te fois-là, pas de pitié : l’armée de Sigebert ramassa celle à Chilpéric comme une gratte qui passe dans l’banc de neige. Neveu Thibert fut tué pendant une bataille, pis Chilpéric dut battre en retraite et se réfugier avec Frédégonde pis ses flos dans la ville de Tournai. 

Brunehaut, qui voulait s’assurer que son mari finisse la job, paqueta ses petits – littéralement, parce qu’a l’emmenait ses filles Ingonde et Clodoswinthe pis son p’tit gars de quatre ans, Childebert – pis toute un tapon de richesses qu’elle mit dans des waguines pour aller trouver Sigebert, qui était à Paris. A l’était même pas encore débarquée qu’elle commença déjà à tanner son mari pour qu’il aille assiéger Tournai.

Elle eut pas à l’achaler longtemps. Ben vite, y prit la route de Tournai, avec ses meilleurs cavaliers toutes fiers-pet avec leux  beaux boucliers peinturés pis leux lances à banderoles. Mais là, un vieux pépère malade se garrocha devant lui. C’était Germain, évêque de Paris, pis ça y’avait pris toute son p’tit change pour sortir de son litte dans une ultime tentative d’empêcher Sigebert de tuer Chilpéric :  

« R’virez d’bord, Vot’Majesté! Rappelez-vous c’que l’Seigneur a dit par la bouche de Salomon : que la tombe que tu creuses pour ton frère, ben c’est toé qui va tomber d’dans! »

Sigebert prit même pas la peine d’y répondre pis poursuivit son chemin. 

Pendant ce temps-là, à Tournai, Chilpéric pis Frédégonde se savaient faites comme des rats. C’tait pas jojo : tandis que Chilpéric restait assis là à se pogner le beigne, comme résigné, Frédégonde, qui venait d’accoucher d’un p’tit gars, capotait ben raide :

« Y vont toutes nous tuer, Chilpéric! Toé pis moé pis les enfants! Y vont égorger notre p’tit gars, tu comprends-tu? Pis toé, tu câlisses rien! »

Faique a prit les choses en main. A se mit à inventer des plans pas d’allure pour s’échapper, à chercher la moindre grenaille d’espoir dans les racoins les plus improbables.  

Un jour, au travers des hommes de Chilpéric, elle vit deux jeunesses qui avaient l’air particulièrement fidèles à leur roi, voire quasiment fanatiques. Elle les fit venir dans ses appartements, leur donna d’la boisson pis leur raconta ses malheurs à grands renforts de sparages. Quand y furent complètement fascinés, les yeux grands comme des trente sous pis ben embarqués dans son numéro de reine martyre, elle leur dit :

– Ah! Si seulement y’avait quequ’un pour m’aider! De braves guerriers prêts à tout pour leur reine, mettons… 
– Nous-autres, M’dame, on ferait n’importe quoi pour vous! 
– Ah, mais c’est pas mal dangereux…. J’sais pas si j’ai le droit d’vous demander ça…
– On est pas des pissous, M’dame! Vous avez yinque à dire qu’est-cé vous voulez, pis on va l’faire! 
– Ah, vous êtes tellement courageux! Ben d’abord, m’a vous dire à quoi j’ai pensé…

Sigebert, lui, était à Vitry-en-Artois, une ville pas loin de Tournai, un peu au-dessus de ses affaires. Y s’était fait acclamer comme nouveau roi à la place de Chilpéric, pis depuis une couple de jours, y faisait la grosse vie sale, entre festins, brosses épiques et démonstrations de combat. 

Avec toute le monde qui allaient pis qui venaient du matin au soir pour lui jurer fidélité pis lui dire comment y’était beau pis bon pis fort, y se méfia pas pantoute quand deux gars qui avaient déserté l’armée de Chilpéric demandèrent une audience avec lui, tout seul. 

Y les écouta parler, ben relax, le menton accoté sur son poing : « Votre Majesté… blabla… On sait que c’est vous le vrai roi… On veut vous servir… » La poutine habituelle, quoi. 

Pis là, les deux jeunesses dégainèrent leur scramasaxe, une espèce de long couteau aiguisé yinque d’un bord, lui sautèrent dessus et FLÂWK!! Ils le poignardèrent les deux en même temps. 

Sigebert eut même pas le temps de réagir : y hurla pis tomba raide mort à terre. 

Pis drette de même, la situation r’vira d’bord complètement. 

Quand elle apprit la nouvelle, Frédégonde était morte de rire : elle avait été faite comme une rate, pis là elle était libre pis toute puissante. 

Pis Brunehaut, tout d’un coup, était rendue mère célibataire dans un pays en guerre, pis a savait qu’à c’t’heure, son petit Childebert, unique héritier de Sigebert, avait une cible grosse de même su’l dos…

Partie 3


Source : Augustin THIERRY, Récit des temps mérovingiens, tome 2, 1842.
https://play.google.com/books/reader?id=id3mt9lGw58C&pg=GBS.PP1

Quand les belles-sœurs s’haïssent la face : Frédégonde contre Brunehaut – partie 1

Ça se peut de pas aimer sa belle-sœur. Tsé, on est toutes humains. Pis ça arrive des fois que les couteaux volent bas : 

« Ouin, ma Jocelyne, pour quequ’un qui a yinque apporté un Caballero, tu te gênes pas pour vider les bouteilles des autres! »

« Heille, Denise? Les r’volures de pâte à dents dans le miroir de la toilette, c’tu un p’tit concept cute de temps des Fêtes pour faire comme un paysage enneigé, ou bedon c’est yinque un oubli? »

Mais mettons que ce crêpage de chignon-là virait au MEURTRE? 

Les téléromans à TVA pis les vues ont rien inventé. Déjà au sixième siècle, les reines Frédégonde et Brunehaut étaient prêtes à se sauter dans’face… Pis y’allait avoir du sang. 

Comme j’vous l’expliquais dans l’histoire à Radegonde, dans ce temps-là, les peuples germaniques comme les Francs régnaient sur l’Europe. Pis eux-autres, y’avaient des règles de succession qui avaient l’air d’être faites pour que la marde pogne : chaque fois qu’un roi mourait, son royaume était séparé entre toutes ses fils, qui ensuite se tapaient su’a gueule jusqu’à ce qu’y en reste juste un qui ramasse toute. C’tait simple, dans le fond!

C’était arrivé après la mort de Clovis, premier roi de toutes les Francs. Son royaume avait été séparé entre ses fils Thierry, Clotaire, Clodomir pis Childebert. 

À la fin, y restait pu yinque Clotaire qui, après des années de guerre pis de coups de poignard dans l’dos, devint roi de tous les Francs comme son père. Pis là, y mourut. Comme lui aussi y’avait quatre fils – Caribert, Chilpéric, Sigebert pis Gontran –, c’tait reparti pour un autre rigodon! 

J’vous ferai pas tomber en bas de votre chaise en vous disant que la job principale des seigneurs francs, dans ce temps-là, c’était de guerroyer. Pis, justement, autour de 560, Chilpéric, roi de Soissons, était parti taper du Saxon avec son frère Sigebert, laissant sa femme Audovère enceinte jusqu’aux yeux. 

Or, Audovère avait comme servante Frédégonde, une femme du peuple qui s’adonnait aussi à être un astie de pétard. La belle Frédégonde, a l’avait des ambitions. Pis comme vous allez voir, y’avait aucune crosse trop basse pour elle. 

Quand Audovère accoucha d’une fille, Childesinde, y fallut ben baptiser la p’tite. Mais là, la marraine arrivait pas. Tout le monde commençait à être écœuré d’attendre pis à avoir hâte de sauter dans l’buffet.   

Faique c’est là que Frédégonde fit son move : 

– Madame, pas besoin d’attendre la marraine; j’vois pas mieux que vous pour tenir la p’tite pendant que l’évêque la baptise. Envoyez-donc! 
– Ah, ben pourquoi pas, hein? Merci Frédégonde! 

Pis l’évêque, qui avait probablement un ti rond de bave sur sa soutane à regarder Frédégonde, dit rien pour empêcher ça et baptisa Childesinde avec sa propre mère comme marraine. 

Pauvre Audovère : a l’était ben belle pis ben fine, mais c’était pas le crayon le plus aiguisé de la boîte, pis sa naïveté l’avait fait tomber drette dans le piège de sa ratoureuse servante. 

Vous devez vous demander si vous venez d’en manquer un boutte : hein? De quel piège on parle, là? J’vous explique. 

Dans ce temps-là, t’avais pas le droit d’être la marraine de ton propre enfant, parce si tu mourais, y’aurait pu personne pour s’occuper de lui. De un. De deux, un père avait pas le droit de coucher avec la marraine de sa fille. Voyez-vous la crosse, là? 

Quand Chilpéric revint chez eux, toute fringant, y fut accueilli par une trâlée de belles pitounes couvertes de guirlandes de fleurs. La première en avant? J’vous laisse deviner. 

Frédégonde. Ben oui. 

Elle arriva en avant de Chilpéric et lui dit, drette de même : 

– Ah, merci Mon Dieu, le roi not’seigneur est r’venu, pis ya sacré une volée à ses ennemis! En plus, y vient d’avoir une belle p’tite fille! Mais là, avec qui not’seigneur coucherait ben à soir? Parce que la reine ma maîtresse est rendue la marraine de sa fille!
– Ah ben, si ch’peux pas coucher avec elle, m’a coucher a’c toé d’abord! 

Chilpéric, y’était pas du genre à s’enfarger dins fleurs du tapis. 

À la porte du château, Audovère l’attendait, toute fière d’y montrer Childesinde. Mais Chilpéric avait des p’tites nouvelles pour elle : 

« Ah, bonyenne, sa mère, qu’est-cé t’as faite-là? À c’t’heure que t’es la marraine d’la p’tite, tu peux pu être ma femme! »

Faique il fit exiler le gnochon d’évêque qui avait célébré le baptême et y’envoya Audovère sécher dans un couvent, non sans y avoir donné des terres qui valaient quand même cher pour pas qu’à crève de faim. 

Audovère venait yinque de prendre la porte que Chilpéric avait déjà marié Frédégonde. 

Maudit écœurant.

De son bord, le frère de Chilpéric, Sigebert, roi de Reims, était un peu fier-pet pis y trouvait don que ses frères avaient marié des femmes indignes d’eux-autres. Lui, y’allait accepter rien d’autre qu’une princesse. 

Faique y’alla se dénicher Brunehaut, fille d’Athanagilde, roi des Goths d’Espagne. Pis Brunehaut, c’tait loin d’être une gueuse : elle était belle, bien arrangée, charmante, avec ben d’la jarnigoine.  

Sigebert tomba en amour par-dessus la tête. 

Les noces eurent lieu en 566, pis ce fut toute un party. Les seigneurs des quatre coins de l’Europe se pointèrent : y’avait des poilus pis des propres, des polis pis des fendants, des fous pis des fins, pis toute ce monde-là buvait de la bière pis du vin dans l’plaisir pis l’agrément, avec des cornes de beu évidées comme des coupes en or fancées (fancys?).  

Mais là, Chilpéric, y regardait ça aller, pis y trouvait qu’y faisait dur à côté de son frère : 

– Heille, moé’ssi, j’veux marier une princesse! Pis j’en veux un, un gros party de même! On jase, là, mais la p’tite Brunehaut, a l’a-tu une sœur?
– Oui, Vot’Majesté! Elle a une sœur qui s’appelle Galswinthe. Mais elle est, euh, comment ch’pourrais dire… 
– Accouche! 
– Euh, ben, est pas aussi gâtée par la nature, mettons. 
– C’tu une princesse ou ben c’est pas une princesse?
– Wôwoui, Sire! Une vraie de vraie!
– Bon ben ça va faire la job. Tu pars drette demain pour l’Espagne pis tu vas m’la chercher. 

Sauf que pour Chilpéric, la demande en mariage passa pas comme du beurre dans’poêle : le roi Athanagilde avait des gros doutes sur lui, parce qu’y’avait entendu dire que c’était un gros débauché qui couchaillait à droite pis à gauche. Pis la pauvre Galswinthe, qui était une bonne fille tranquille au cœur tendre, capotait à l’idée de partir loin de sa famille pis de se retrouver dans les bras de pareil porc. 

En fin de compte, Athanagilde avait juste trop à gagner d’une alliance avec les Francs, faique il accepta de donner la main de Galswinthe à Chilpéric, à condition qu’il s’engage à pu prendre d’autres femmes pis à être fidèle. 

Chilpéric dit oui – d’ailleurs, c’est peut-être pour ça qu’il a répudié Audovère, pis que ça avait pas rapport pantoute avec l’affaire du baptême.

Pis quand Galswinthe apprit qu’était faite à l’os, a passa une heure à brailler comme une Madeleine dans les bras de sa mère, tellement que même les gros toffes barbus que Chilpéric avait envoyés pour la chercher furent virés à l’envers.  

Malgré tout, les noces eurent lieu, pis ce fut un aussi gros party que les noces à Sigebert pis Brunehaut. 

Au château de Chilpéric, même Frédégonde avait été tassée pour faire de la place à Galswinthe. Fini les privilèges d’épouse pis toute. Mais elle allait tu lâcher le morceau si facilement, vous pensez?

Jamais d’la vie.

Elle réussit à convaincre Chilpéric de la garder comme servante pour sa nouvelle femme, se disant que de même, quand y’allait inévitablement se tanner de Galswinthe, elle allait être drette à la bonne place pour en profiter. 

Au début, Chilpéric était ben content de sa nouvelle femme, comme on peut être content de sa nouvelle Mustang avec des sièges Racing comme celle du voisin, sauf rouge au lieu de bleue. Après un boutte, y finit par devenir blasé de ça, mais y’était encore ben heureux de toutes les richesses que Galswinthe lui avait apportées en dot. 

Finalement, même les bidous pis les pierreries arrêtèrent d’y faire de l’effet. Pis rendu là, y’avait pu rien pour y faire aimer Galswinthe. C’était ben beau être fine pis patiente pis généreuse, mais pour lui, ça valait pas une belle face, un beau p’tit cul, une taille fine pis des grosses boules. Pis vous savez qui avait ça? 

Frédégonde.

Flairant le sang, elle passa tusuite à l’action. Elle eut juste à se montrer, oh Votre Majesté vous parlez d’un adon, j’m’en allais tout bonnement chez le maréchal-ferrant, et hop! Chilpéric sentit la sève lui r’monter dans l’érable après l’hiver du désir. 

Ça prit pas plus que ça pour que Frédégonde revienne dins couvartes du roi. Y restait juste un problème : Galswinthe était encore là. 

Mais tsé, un meuble, ça se tasse. 

Frédégonde ambitionnait : a faisait sa fraîche partout dans le château pis a l’allait même jusqu’à péter de la broue en avant de Galswinthe. 

D’ailleurs, la pauvre chouette avait beaucoup de peine de se voir trompée pis humiliée de même. Ça se comprend. Au début, elle endurait en silence, mais un m’m’ent’né, elle fut pu capable et alla se plaindre à son mari : 

« Pourquoi tu m’as fait venir icitte si c’est pour m’abandonner pis faire comme si j’existais pas? T’es rendu bête pis distant avec moi, ma propre servante me regarde de haut, pis tout le monde rit dans mon dos! J’aime pas ça, icitte. J’veux m’en aller. J’m’ennuie de mon pays pis de ma mère. Chilpéric, ch’peux-tu rentrer chez nous? Au moins, là-bas, on me traite comme du monde, pas comme une vache ou bedon une plante verte! »

Les émotions à Galswinthe, Chilpéric s’en torchait pas mal. Mais ses bidous, par exemple! Faique il essaya de la retenir : 

– Ben voyons, mon amour, tu paranoyes! Toute va ben, pis ch’t’aime, pis y’a personne qui rit de toé icitte! 
– Essaye pas. Penses-tu que chus sourde pis aveugle? J’le vois ben, c’qui s’passe. Si tu me laisses m’en aller, chuis prête à te laisser toutes les richesses que t’as eues avec ma dot. Garde toute. J’m’en fous, j’veux juste m’en r’tourner chez mes parents! 

Pour Chilpéric, qui était crissement à l’argent, c’était pas croyable qu’on puisse renoncer volontairement à autant d’affaires. Ça y rentrait juste pas dans’tête. Faique y’était sûr que Galswinthe essayait de le fourrer d’une manière ou d’une autre. 

Y fit semblant de s’excuser, promit de pu recommencer, la flatta dans le sens du poil, tellement que Galswinthe, rassurée, arrêta de parler de départ. 

Pis là, un matin, elle fut retrouvée morte dans son lit, étranglée. 

Chilpéric fit ben des sparages pour faire croire qu’il avait de la peine, mais personne avait de pognée dans le dos : c’était clairement lui ou Frédégonde qui était en arrière de ça. 

Surtout que deux trois jours après, il fit de Frédégonde sa vraie de vraie épouse officielle – sa reine. 

Quand Brunehaut apprit que sa sœur était morte assassinée… Heh, bout d’viarge qu’a l’était fâchée : 

– L’astie d’écœurant! Le tabarnak de chien sale! Y’a tué ma sœur! Ma pauvre sœur toute fine qui demandait yinque à être laissée tranquille! 
– Ben voyons mon amour, qui ça? 
– Ton frère! Y’a fait étrangler Galswinthe, pis drette après, y’est allé marier sa guédaille, là, Frédégonde! Sigebert, tu sais ce qui te reste à faire, j’espère? 
– Ch’prépare les gars, les ch’vaux pis les armes : m’en va chercher Gontran, on va crisser une volée à Chilpéric, pis on va la venger, ta sœur! 

Pis c’est de même que commença la « faide royale », une guerre qui dura plus de 40 ans entre les familles de Frédégonde et Brunehaut. Attachez votre tuque avec de la broche, parce que ça va jouer dur en simonac! 


Source : Augustin THIERRY, Récit des temps mérovingiens, tome 1, 1842.
https://play.google.com/books/reader?id=h2UOAAAAQAAJ&pg=GBS.PR4


Le vase de Soissons

Clovis, premier roi de tous les Francs, n’a pas toujours été un rongeux de balustre; avant cela, il était un « barbare païen ».

Dans ce temps-là, en 486, Soissons était la dernière place où il y avait encore des Romains au pouvoir en terre franque. Son chef était un dénommé Syagrius. Faique, Clovis attaqua la ville et crissa une volée à l’armée du Romain, qui se sauva chez les Wisigoths, la queue entre les jambes (ce n’était pas fort fort, son idée : les Wisigoths le vendirent plus tard à Clovis, qui le fit égorger en douce une fois que les choses se furent tassées).

Quoi qu’il en soit, après avoir pillé et décalissé la ville, Clovis et ses guerriers se réunirent autour du butin pour se le séparer égal entre eux-autres, comme on faisait dans ces temps-là.

Or, dans le tas figurait un fichu de gros vase qui avait été pris dans une église. L’évêque, la falle basse, avait ainsi plaidé auprès de Clovis : «Regarde, à défaut de me redonner le reste, tu peux tu au moins me rapporter le vase? Il est pas mal beau pis j’y tiens beaucoup. »

Le roi, qui filait plutôt d’adon ce jour-là, avait accepté. Il demanda donc à ses guerriers de lui laisser le vase en plus de sa part pour le remettre à l’évêque.

Les guerriers, qui savaient qu’y valait mieux ne pas faire chier leur roi, répondirent : « Tout ce qu’il y a là est à toé, glorieux roi, pis c’est toé qui décide. Fais comme tu veux, yen a pas un de nous-autres qui va s’astiner. »

C’est alors qu’un grand fendant se leva devant l’assemblée et s’écria « T’as beau être le chef, t’auras juste ce qui te revient à toé, pis c’est toute » et, pas plus fin que ça, fessa le vase avec sa hache.

Clovis, sur le coup, resta bête et ne répliqua pas; toutefois, il garda une crotte sur le cœur. L’évêque put quand même ravoir son vase, quoique celui-ci fût tout poqué.

Un an plus tard, Clovis calla de nouveau son armée. Pendant qu’il passait les guerriers en revue, il reconnut le sans-dessein qui l’avait humilié à Soissons. « Franchement, l’apostropha t il en arrivant devant lui. Y’a personne icitte qui fait aussi dur que toé. Ton javelot, ton épée, ta hache, ça vaut pas de la marde.» À ces mots, il lui prit la hache des mains et la crissa à terre.

Quand le grand fendant se pencha pour la ramasser, Clovis lui fendit le crâne drette là avec sa propre hache, déclarant : «Quins! Tu t’en rappelles-tu, du vase de Soissons? »

Puis, aux autres guerriers qui le regardaient, la gueule à terre, il dit simplement : « C’est beau, les gars, vous pouvez y aller.»