Jos Montferrand

Jos Montferrand, vue par ma grande chum Christine Labrecque!

Heille, Jos Montferrand. Pour ceux qui l’connaissent pas, c’est un de nos plus grands hommes forts : un draveur, un batailleur pis un défenseur des faibles, la fierté des Canadiens français.

Quand ch’tais floune, Arrière-Pépère Poêle me contait ses aventures, pis y v’nait les yeux toutes brillants, comme si y’argardait une étoile pis qu’l’étoile y rendait ben :

« Montferrand, y’était fort comme un chêne pis souple comme un roseau! »

À crère Arrière-Pépère Poêle, c’tait un géant qui giguait su’és pitounes dans l’jour pis avec les pitounes par les soirs, la patte légère comme un lieuvre pis la tête tellement haute qu’a s’pardait dins nuages.

Pis justement, pour moé, l’histoire à Montferrand, est un ti peu pardue dins nuages.Jos, c’tait un vrai gars en chair pis en os– y s’est sûrement d’jà pété le p’tit orteil su’l bord du litte comme toé pis moé. Mais on dirait qu’au fur et à mesure que l’monde se contaient ses exploits en en rajoutant toujours un ti peu, y’a fini par se transformer en espèce de superhéros canadien français, un Maurice Richard d’la drave avant l’temps qui portait su son dos les espoirs de toute un peuple.

Mais bon. Moé, m’as vous conter son histoire comme Arrière-Pépère Poêle la contait.Pis au pire, si vous trouvez que j’dis a pas d’allure, vous aurez juste à l’prendre avec un grain d’sel.

À c’t’heure que c’est dit, arculons dans l’temps, en 1802, dans l’faubourg Saint-Laurent à Montréal, où c’qu’est né notre futur géant.

Le port était pas loin, faique les tavarnes d’la place étaient bourrées de marins pis de voyageurs de toutes les formes pis d’toutes les couleurs qui se mélangeaient aux Canadiens français.

Quand y’a trop d’gars à’même place, on dirait qu’y virent toutes comme des bucks à’saison des amours, faique c’tait pas long que ça se mettait à s’crisser ça su’a yeule pour savoir qui qui était l’plus fort.

À même les tavarnes comme s’ua grève au bord du fleuve, les gars qui voulaient s’faire un nom s’pognaient avec ou pas d’gants, en avant du monde ordinaire comme des gentlemen anglais pis des p’tites madames en crinoline qui accouraient à’moindre rumeur d’une joute.

L’quartier était tellement connu pour ses combats d’fiers-à-bras, qu’un coup d’poing donné dans l’faubourg Saint-Laurent résonnait pour ainsi dire dans toute le Canada.

Faique c’est là-dedans que Jos a grandi. Son pére, Joseph, était lui-même une saprée armoire à glace qui avait faite la traite des fourrures avec la Compagnie du Nord-Ouest. Sa mére, Marie-Louise, était une créâture à sa hauteur : on raconte qu’un m’ment’né, voyant un innocent en train de martyriser un flo, a y crissa des claques jusqu’à c’qui parde connaissance.Jos avait de qui t’nir, mettons.

Enfant, y’était déjà fort. Ça s’voyait tu’suite que ça allait faire un bœuf. Mais Jos était un bon p’tit gars, tranquille pis fin, qui profitait jamais d’ses dons pour faire son boss des bécosses; au contraire, y protégeait les plus p’tits contre les bums.

À 16 ans, y’avait déjà sa taille d’homme : 6 pieds 2 ou 6 pieds 4, dépendamment d’à qui tu d’mandes. Pis c’est pas parce qu’y avait la force d’une bête qu’y en avait l’air : en fait, y’était gracieux pis avenant comme un prince. Ch’sais pas si y’avait l’talent, mais entécas, y’avait la face pour jouer dins vues.

Son premier fait d’armes, si on peut dire, c’tait pas mal dans ces bouttes-là. Un m’ment’né, y creusait en avant de chez-eux, avec la tête y’arrivait flush avec el’bord du trou. Y’arriva-tu pas un certain Michel Duranleau, un gars qui était connu pour faire peur au monde pour qu’y votent du bon bord aux élections, avec deux autres bonriens.

Pour faire étriver Jos, Duranleau y mit son pied su’a tête – sauf que Jos s’laissa pas faire. Pareil comme si y’avait eu les pattes montées su des springs, y sauta en dehors du trou, atterrit drette au milieu des trois épais pis leu péta toute la yeule.

Pas longtemps après, y fit son deuxième grand coup. Un beau jour, su l’Champ-de-Mars à Montréal, deux boxeurs anglais – on se les imagine en chest avec la moustache qui r’trousse dins bouttes – s’affrontèrent devant un tapon d’monde pis une bonne partie d’la garnison.

Un des deux gagna, on s’en sacre c’est qui, pis y fut déclaré champion du Canada. C’tait douteux. M’aginez si Lucian Bute pis Jean Pascal étaient allés s’battre en avant d’un Pizza Hut à Plattsburgh, pis que l’gagnant s’tait déclaré champion des États-Unis!

Entécas, là, le nouveau champion, ben crinqué, s’arvira vers la foule pis invita l’meilleur homme du pays à essayer d’y prendre son titre, drette là.

C’était comme si l’orgueil avait piqué Jos d’une fesse avec une broche à tricoter :

« Heille, pour qui qu’y s’prend, lui, à faire son frais-chié en avant de tout l’monde pis à s’penser meilleur que nous-autres? »

Faique y s’avança pis chanta l’coq. Dans l’temps, c’tait le signe que tu relevais l’défi – y v’nait d’arriver un autre coq dans’basse-cour, autrement dit.

Y’eut un frisson dans’foule, pis l’monde se mirent à applaudir : heille, un ti gars d’la place qui défiait un champion, pis un Anglais en plus!

Le match commença sans plus de tétage, pis finit d’même aussi : Montferrand fessa yinque une fois, FLÂWK! Mais tellement fort que l’Anglais s’dit que si y’en mangeait un deuxième, y s’rait pu là pour un troisième.

Après ça, la ville au complet parlait de Montferrand. Tout l’monde voulait y serrer la main pis le féliciter. Y’aurait pu s’partir une carrière de boxeur drette là – mais Jos, c’tait un bon gars simple qui voulait faire un travail honnête pour aider sa famille.

Au début, y travailla comme charretier, une job qui le fit se promener un peu partout.

À la mort de ses parents, Jos s’engagea pour la Compagnie du Nord-Ouest; après, y fit un boutte à travailler pour Joseph Moore, un gars qui exploitait des coupes de bois dans l’nord des Laurentides; ensuite, y fut engagé par Bowman & Gill, des marchands de bois.

Dans c’temps-là, le commerce du bois était parti en peur. Napoléon, ben décidé à faire chier l’Europe au complet, avait imposé un blocus à l’Angleterre, qui pouvait pu s’approvisionner d’son bord de l’océan. Comme un Gino peut pu ben ben faire son frais sans sa Camaro, les Anglos pouvaient pu vraiment jouer les puissances mondiales sans leux bateaux. Pis pour faire des bateaux, fallait du bois.

Pis le Canada, c’tait quasiment yinque ça, du bois. L’Ouatouais, la Mauricie pis le lac Saint-Jean étaient rendus des Klondike d’la pulpe, pis ça arrivait de partout pour s’faire un gagne-pain.

Notre Jos, lui, y’alla dans l’Outaouais. Y fut foreman pis cageux – les cageux, c’taient les gars qui faisaient descendre les billes de bois sués rivières toutes attachées ensemble pour former des « cages » qui pouvaient faire jusqu’à un mille de long, pis les emmenaient jusqu’à Québec, y’où c’qui partaient pour l’Angleterre.

C’tait une vie errante, de chantier en chantier, d’port en port pis d’tavarne en tavarne, pis dangereuse, aussi : c’tait pas rare que des gars glissent entre deux pitounes pis s’neyent.

Jos, lui, était ben à l’aise avec ça. Y’avait l’pied léger comme une ballerine en ch’mise carreautée, pis y s’promenait su’és pitounes roulantes et r’volantes comme si c’tait un plancher d’bois franc. Pis dans un monde où la loi du plus fort régnait, y’avait toute pour devenir une légende.

Un bon soir, à Buckingham, dans l’Gatineau d’à c’t’heure, une gang d’Irlandais – des « Shiners », comme on les appelait, des immigrants qui travaillaient dans l’bois au Canada – logeaient chez un Canadien français qui arcevait l’monde chez eux quand les auberges étaient pleines.

On sortit le violon, les filles du coin arsoudirent, pis l’party pogna. Mais quand l’fils du propriétaire voulut embarquer, y s’fit dire qu’y était de trop. Parce qu’y était un Canadien français.« Ah ben tabarnak! Ça s’passera pas d’même! »

Jos, n’ayant entendu parler, partit avec ses grand’pattes, pis se rendit drette à la maison où y’avait l’party d’Irlandais. Y rentra sans cogner, pogna l’violon du gars pis l’effoira yinque d’une main – SPKRRRATOING!

J’vous dis que ça resta frette en simonac.

« Tout l’monde déhors! »

Mais les problèmes avec les Irlandais, ou Shiners, faisaient juste commencer.Y’arrivaient à la pochetée à Bytown – l’Ottawa d’à c’t’heure –, pis comme de raison, y voulaient des jobs. Y’avait yinque un problème : les jobs, c’tait les Canadiens français qui les avaient.

Faique les Shiners se mirent en gang pour intimider leux rivaux en crissant l’bordel partout : sabotage de chantiers, pétage de yeules, brisage d’affaires, rentrage dins églises en pleine messe catholique pis dérangeage de funérailles pour écœurer l’monde. Pis comme y’avait pas de police en tant que tel à Bytown, y’étaient lâchés lousses, pis l’monde devaient s’faire justice eux-autres mêmes.

Dans c’te gang-là, y’en avait un qui était connu pour être particulièrement violent pis faisant-mal : Martin Hennessy. Y’était foreman pour une compagnie rivale de celle où c’que Montferrand travaillait. Son fun, c’tait de battre des Canadiens français, pis de s’composer une p’tite toune avec chaque couplet qui parlait d’un gars qu’y avait défoncé. Y ’avait entendu parler du géant canadien, faique à la fin, y’avait ajouté ça :

Pis Montferrand, au pied léger,
Y’aura de mes nouvelles.
Y pourra pas s’en sauver :
J’le charche pis j’l’appelle!

Un soir, les deux s’adonnèrent à être dans’même tavarne. Quand Montferrand arriva, Hennessy était déjà là depuis un boutte, pis y commençait à être pas mal chaudaille. Jos en fit pas d’cas au début, mais là, Hennessy se l’va pis y’enfonça son casse de poil s’a tête :

— Quins toé, l’mangeux d’bines! C’t’aussi ben qu’tu voyes pas ta face après que je l’aye arrangée!
—Tu peux ben faire ton fendant, crisse de pissou! Quand ch’t’avec mes chums, tu ramperais à quatre pattes d’une swompe pour pas m’voir, pis là à soir que ch’tu seul, t’essayes de m’faire peur! Tu ris des Canayens? Ben attèle-toé, parce que tu vas t’faire torcher à’canayenne!

Les chums à Hennessy farmèrent la porte d’la tavarne pis la bloquèrent pour pas que Montferrand puisse se sauver.

« Hennessy, mon astie d’faux cul, tu m’as-tu tendu un piège? »

Sauf que l’Irlandais était déjà après fesser. Montferrand avait pas grand place pour esquiver : la menute qui s’tassait trop à droite ou à gauche, les chums à Hennessy lui crissaient des coups d’pied. Ça r’gardait pas ben.

Ça faisait ben des taloches que les deux s’échangeaient, quand quequ’un ouvrit la porte par déhors. Ça fit diversion, faique Hennessy pis Montferrand se séparèrent pis arprirent leur souffle. Mais là, Montferrand s’mit à chanter :

Un Canadien, c’pas léger,
J’vous apprends la nouvelle.
Tu pourras pas t’en sauver :
J’viens quand on m’appelle!

Piqué, Hennessy arvint à’charge. Droite, gauche, crochet, uppercut, Jos esquiva toute, pis soudain, BANG, y descendit son poing s’a face à Hennessy pis l’effoira comme une pomme cuite.

On dit qu’après ça, l’Irlandais fit pu jamais d’trouble aux Canadiens français.

Là, c’est l’temps d’sortir votre gros sel, parce que v’la l’histoire la plus flyée qui s’rait arrivée à Jos Montferrand.Dans son temps, pour aller de Hull à Bytown, fallait passer su un pont en bois à la traverse des Chaudières. C’tait pas rare que l’droit de passage se paye en claques su’a yeule : les Shiners se mettaient souvent en embuscade pour bloquer les Canadiens français.

Un jour que Jos s’en v’nait du bord de Bytown, y vit qu’y avait parsonne su’l pont, pis y trouva ça quasiment louche.Y’alla voir une bonne femme qui avait un magasin à’tête du pont :

— S’cusez Madame, avez-vous vu du monde su l’pont?
— Non, pantoute, mon noir!

Un ti-peu rassuré mais pas tant, Jos partit pour travarser tout seul. Y’avait yinque faite la moitié qu’y surgit une GROSSE gang de Shiners armés d’bâtons – heille, pas moins de 150, selon la légende!

Montferrand était pas fou, faique comme de raison, y’essaya d’arvirer d’bord, mais la maudite bonne femme avait farmé la porte au boutte du pont. Pas l’choix : fallait qu’y s’batte.

Y s’avança vers les Shiners comme un grédeur qui s’apprête à ramasser un banc d’neige. Surpris, y’arculèrent un peu. Sauf qu’y en a un qui fut pas assez rapide, pis Jos le sapa par les pattes. Y le leva dins airs pis le swigna de toutes ses forces, comme une grosse massue qui crie pis qui saigne.

Avec ça, Montferrand ramassa les premières rangées de Shiners. Y garrocha sa massue humaine en bas du pont pis chargea vers les autres. Y’é ramassait toutes comme des catins en guénille pis les pitchait dans les rapides en bas.

C’tait un méchant carnage – mais les Shiners l’avaient ben charché. La gang de woireux qui s’étaient taponnés su l’bord virent le reste des malfrats se sauver à’course pour éviter d’finir neyés dins rapides.

Heille, hein!

Y’a tellement d’histoires à propos de Jos Montferrand, que si j’vous les racontais toutes, on s’rait encore là rendu aux Fêtes.

Montferrand prit sa retraite quand même de bonne heure – toutes c’tes exploits-là, ça avait son prix, pis Jos commençait à être magané. Y s’installa rue Sanguinet, à Montréal, pis se prit une femme. Ses jours de gloire étaient passés, mais tout l’monde dans son quartier savaient y’était qui pis le saluaient toutes avec respect. Y mourut à 62 ans.

Qu’y aille vraiment battu 150 gars en en swignant un autre par les pattes, c’est clair que Montferrand a marqué les esprits, comme y marquait l’plafond des tavarnes avec son talon en steppant dins airs – une carte de visite, à sa façon. Y’a donné aux Canadiens français une raison de bomber l’torse dans des bouttes de leur histoire où y’en avait pas d’faciles. Pis ça, parsonne peut y’enlever ça.


Source : Benjamin Sulte, Histoire de Jos. Montferrand : l’athlète canadien, 1889.

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Léo Major, partie 3 – le libérateur de Zwolle

Partie 1
Partie 2

Si ça avait été dans les vues, c’est là qu’une grosse toune épique serait partie à jouer, avec les tambours pis toute le kit, tandis que Léo Major fonçait vers Zwolle comme une armée d’un seul homme. Y savait que Willy aurait pas voulu qu’y soit pogné pour arvirer d’bord à cause de lui, faique y’allait faire la mission, tout seul, jusqu’au boutte.

Léo suivit le chemin de fer jusqu’à la gare, comme le fils des Van Gerner lui avait expliqué tantôt. Rendu là, il vit un hôtel avec une Kübelwagen, un genre de p’tit char militaire allemand, de parqué en avant. Y’avait un gars à bord, pis y’avait l’air d’attendre après quequ’un.

Léo se faufila, pis arriva drette à côté du gars, qui fit un astie de saut en voyant c’t’espèce de crinqué avec yinque un œil pis une mitraillette dans chaque main. Léo y’enleva son arme – une MP40, une petite mitraillette qui ressemblait pas mal au Sten, mais que Léo trouvait meilleure –, le fit sortir du char pis le força à rentrer en avant de lui dans l’hôtel.

En dedans, y’avait un officier allemand qui jasait avec le propriétaire, assis au bar, ben relax. Y retroussa tellement vite, on aurait dit une toast qui sortait du toaster. Mais à voir la face de Léo – pis surtout, ses trois mitraillettes – y se rendit ben vite compte qu’y avait aucune chance. Léo lui fit signe de s’assire et il lui dit, en allemand :

« Ton pistolet, s’te plaît. »

L’officier lui donna son arme sans s’astiner.

– Parlez-vous anglais? demanda Léo, en anglais.
– Parlez-vous allemand? lui répondit l’officier, en allemand.

C’tait ben maudit.

– Parlez-vous français ? fit Léo – tsé, un gars s’essaye.
– Oui, je parle français.

Ga don ça, toé! Tout un adon! L’officier était alsacien, pis en Alsace, ça parle français.

– Y’a combien de soldats dans la ville? demanda Léo.
– Pas loin de 1 000.
– Bon ben vous pis vos 1 000 soldats, vous feriez mieux de lever les feutres avant 6 h, parce que la ville va être bombardée. J’ai pas besoin de vous dire que ça ferait beaucoup de morts, des soldats pis des civils. À part ça, ça serait plate pas mal de détruire une belle ville de même hein?  

L’officier vint tout la face tout blême – y’avait compris le message. Léo n’eut pitié, faique, en gentleman, y lui r’donna son pistolet pis le laissa partir avec son chauffeur.

Après ça, y r’sortit dehors. Pour lui, c’tait rendu ben clair, c’qui devait faire. Faique, son Sten d’une main, la MP40 de l’autres pis le Sten de Willy accroché dans le dos, y se prépara à foutre la marde solide.

Les soldats ordinaires, y pouvait ben avoir pitié d’eux-autres. Après tout, la plupart étaient pas pires que lui, pognés dans une guerre qu’y avaient pas demandée; à c’t’heure-là, probablement qu’y auraient mieux aimé être collés en cuiller avec leur blonde en-dessous des couvartes plutôt que de se geler le cul en patrouille pour la gloire du Reich. Mais les SS pis les agents de la Gestapo, c’tait pas pantoute la même affaire : c’tait des asties de fanatiques. Faique y rentra dans une maison vide pis regarda ses cartes pour chercher son premier objectif : le QG des SS.

Quand il l’eut spotté, y se faufila jusque-là pis y rentra dans le QG sur la pointe de ses chouclaques, sans se faire voir. Là, y vit huit SS dans une salle. Y’étaient don fins de s’être mis toutes à la même place!

PPRRRRRAAAAK! Quatre SS moururent drette là sous les balles tirées par Léo, pis les autres se sauvèrent comme des chats en entendant la balayeuse. En s’en allant, Léo sacra le feu. Tsé, tant qu’à faire.

Y s’en alla au ralenti, sa silhouette noire qui se découpait devant la bâtisse en flammes.

Non, j’niaise. En fait, y’avait pas le temps pantoute de faire son frais : la nuite était encore jeune, pis la job était loin d’être finie. Y sortit en douce par la porte d’en arrière pis s’en alla dans un autre coin de la ville. Là, y se mit à se promener dans les rues de Zwolle comme un esprit frappeur, pognant par surprise plusieurs patrouilles ennemies. Chaque fois, y faisait la même affaire : y tirait vers les Allemands avec ses deux mitraillettes, yinque pour en blesser deux-trois pis leur montrer qu’y était pas là pour jouer au Parchési. Après, y les envoyait comme prisonniers à son régiment.

Encore là, c’pas clair : Léo allait-tu les porter aller-retour, où ben y se rendaient tout seuls comme des p’tits moutons ben dociles? C’était-tu son pur magnétisme animal, ou ben l’fait que voir un Québécois en crisse, c’tait aussi pire que de voir le yâble? Je l’sais pas, pis personne le sait vraiment.

En tout cas, à c’t’heure que tout c’qu’y avait d’Allemands dans’ville était sur le gros nerf, Léo arriva à son deuxième objectif : le QG de la Gestapo. Là avec, il fit le ménage à la mitraillette pis sacra le feu.

Après ça, y se mit à courir comme un malade dans les rues en lançant des grenades dans les maisons vides pis en tirant des deux mitraillettes en même temps pour mener le plus de train possible, comme si la ville était attaquée de tous bords tous côtés. De temps en temps, y rentrait dans les maisons pour se reposer; des fois, fallait qui défonce la porte, mais le monde en-dedans se calmaient ben vite quand y voyaient que c’était pas un Nazi. Pis y ressortait de plus belle, continuant de faire croire aux Allemands que le Régiment de la Chaudière était débarqué au complet.

Autour de 4 h 30 du matin, Léo était brûlé. Y’aperçut des gars de la résistance qui l’avaient vu faire toute la nuite, probablement la yeule à terre avec un plat de popcorn.

Y parlaient pas anglais ni français, faique y’allèrent chercher une prof d’anglais qui s’adonnait à rester pas loin. Grâce à elle, Léo réussit à faire comprendre aux résistants qu’y avait pu un maudit Allemand à Zwolle, pis qu’y pouvaient annoncer à la radio que la ville était libérée. À l’entendre, on aurait cru qu’y avait rien là; on aurait dit un plombier qui r’ssort de la cave en te disant : « C’est beau, y’est posé, ton chauffe-eau! »

Y demanda aussi un char pour qu’y puisse retourner au plus sacrant à son bataillon pis empêcher le bombardement.

Y partit sur les chapeaux de roues vers où était son unité, mais ses compagnons savaient pas que c’était lui, faique y y tirèrent dessus. Comme l’autre fois avec le blindé allemand, y dut se montrer pour que les gars le reconnaissent. C’tait rendu une habitude.

Après avoir annoncé à ses officiers que la mission était accomplie, y r’tourna porter le corps de Willy à la ferme des Van Gerner en attendant que d’autres viennent le chercher.

Pis là, après un briefing, son épique nuit sur la corde à linge venait enfin de se terminer. Y’alla se coucher dans un camion pis y câilla tusuite.

Dans l’après-midi, y se réveilla parce que les gars de son régiment s’énarvaient autour de lui. 

– Heille, Major, viens-t-en, le party est pogné en ville!
– Allez-y les gars, répondit-il, les yeux dans la graisse de bines. M’a vous r’joindre.

Une demi-heure après, Léo pis ses chums rentrèrent dans Zwolle.

Les habitants chantaient pis dansaient pis trippaient comme des petits veaux du printemps. Léo avançait dans c’te foule joyeuse, quand y se fit spotter par du monde qui savaient que leur libérateur avait un bandeau sur l’œil. Ils le pognèrent sans y demander son avis pis le montèrent sur leurs épaules, en héros. Avec une p’tite pensée pour Willy, y se laissa célébrer pis emporter par la fête.

Pour ses exploits, Léo reçut des médailles, fut reçu par la reine Juliana des Pays-Bas et fut nommé citoyen d’honneur de Zwolle, pis une grosse avenue, la Leo Majorlaan, fut nommée en son honneur. Tou’és ans, les flos de Zwolle chantent des chansons en son honneur! Pis icitte, au Québec? Y’a une p’tite tombe de rien, pis y’est à peine connu. Y mériterait un gros film d’Hollywood avec des explosions pis des chars d’assaut qui r’volent, bâtard! En tout cas, j’espère qu’en vous contant ça, j’aurai fait ma part pour le faire connaître plus, pis le faire connaître mieux. 


Partie 4

L’espion poche de New Carlisle

Un matin de novembre 1942, en Gaspésie, dans les eaux de la baie des Chaleurs pas encore tout à faite réveillée, un sous-marin allemand s’avançait sans faire de bruit comme un brochet en fer de 700 tonnes.

Ça faisait déjà une bonne couple de mois que des U-boat nazis rôdaient dans le coin; rendus fantasses par l’absence du gros de la flotte de la marine canadienne, partie défendre la Méditerrannée pis le golfe du Mexique, ils faisaient la pluie pis le beau temps dans le fleuve Saint-Laurent en coulant des cargos pis des corvettes.

Mais ce sous-marin-là, y’avait une autre mission. Pas loin de New Carlisle, il fit surface, pas pour tirer une torpille, mais pour faire débarquer un espion.

Werner von Janowski, espion poche

Étant donné qu’il avait déjà passé une bonne secousse au Canada dans les années 1930, Werner von Janowski, lieutenant de la flotte allemande, nom de code « Bobbi » (mais on va l’appeler « Ti-Werne »), était drette le bon gars pour entrer en contact avec des organisations nazies clandestines au Canada, apprendre des affaires secrètes pis tout bavasser au Reich. En tout cas, c’est ce que les Nazis pensaient. Ils avaient juste pas idée d’à quel point y se planterait, pis dans un temps record, à part ça.

Faique notre Ti-Werne débarqua sur une plage à quelques milles de New Carlisle, encore habillé en marin allemand. L’idée, c’était que s’il se faisait pogner habillé de même, il se ferait traiter comme un prisonnier de guerre, c’est-à-dire pas trop pire, tandis que s’il était habillé en civil, il risquait la peine de mort.

Quand il fut certain de pas se faire voir, il se changea et enterra son uniforme. Ensuite, il prit la direction du village. Son plan : prendre le prochain train pour Montréal.

À 9 h du matin, Ti-Werne arriva à l’hôtel The Carlisle. Sous le nom de William Brenton, il dit qu’il venait d’arriver sur l’autobus et demanda une chambre avec un bain, car il voulait se décrotter un peu.

Faut dire que la traversée de l’Atlantique avait pris 44 jours; après avoir passé autant de temps enfermé dans une canne de bines sous l’océan avec un tapon d’autres gars, il sentait le swing, l’humidité pis le diésel à plein nez. Et ça, c’est juste un des détails louches que Simonne Loubert, la jeune femme de chambre qui lui répondit, spotta tout de suite.

Tsé, un étrange qui r’soud de nulle part de bonne heure le matin dans un village d’à peu près 1 000 habitants, ça fesse. En plus, Ti-Werne avait l’air sur les nerfs et parlait avec un accent bizarre. Quand il s’acheta un paquet de cigarettes, il paya avec de la vieille argent qui datait de la guerre de ‘14. Mais le plus louche, c’était qu’y disait être arrivé sur l’autobus. Simonne savait ben que l’autobus passait pas c’te journée-là. Pis même à ça, l’autobus aurait débarqué le monsieur drette en avant de l’hôtel, pis y serait pas arrivé à pied.

Simonne était pas folle : a savait que les Allemands se promenaient autour de la Gaspésie en sous‑marin, pis qu’y en avait qui pourraient essayer de débarquer. Faique quand Ti-Werne fut parti dans sa chambre, elle alla voir Earle Annett Jr., le garçon du propriétaire de l’hôtel.

– Ça marche juste pas, son affaire. En plus, tsé, ça m’a l’air d’un gros fumeur, pis y savait même pas comment ça coûte, un paquet de cigarettes! Penses-tu que ça pourrait être un espion?
– Ouin, j’avoue que c’est crissement suspect! M’a voir ce que je peux faire.

Earle Jr., un jeune homme de 20 ans, aurait vraiment voulu partir péter des gueules de Nazis comme beaucoup de ses chums de gars. Ce qui était plate, c’est qu’il s’était irrémédiablement scrappé le genou en prenant une débarque en bécycle quand il était flot, faique l’armée l’avait pas accepté. Tant qu’à rester pogné du mauvais bord de l’Atlantique, il avait ben l’intention de participer à l’effort de guerre pis de démasquer l’espion.

Entre-temps, Ti-Werne s’était installé dans la salle à manger pour déjeuner. Earle Jr. trouva que son linge était bizarre – lui, y venait pas d’icitte, c’était évident. Pis quand il se leva pour partir, Earle Jr. vit qu’il avait échappé une boîte d’allumettes à côté de sa chaise.

Earle Jr. la ramassa et lut « Fait en Belgique » dessus. Ça, c’était suspect en viarge : dans ce temps-là, tous les paquets d’allumettes vendus au Canada portaient le même sceau spécial, qui était pas sur cette boîte-là, pis en plus, la Belgique était occupée par les Nazis depuis trois ans.

Earle Jr. était maintenant sûr de sa shot : c’était ben un espion.

Comme le train pour Montréal partait dans même pas une heure, fallait qu’y se grouille. Il embarqua dans son pickup et partit en direction de la gare. Rendu là-bas, il trouva notre Ti-Werne en train de prendre un café. Faique, ben relax, comme si de rien était, il s’assit à ras lui :

– Fait pas chaud à matin, hein?
Ah, z’est pas zi mal, répondit Ti-Werne, avec son accent bizarre du fond de la gorge.
– Cigarette?
– Oui, merzi.

Earle Jr. lui donna une cigarette, puis attendit qu’il lui offre du feu pour allumer la sienne. Alors, Ti-Werne sortit un autre paquet d’allumettes belges. Bingo!

– Ch’ai fu que le train z’arrêtait à Matapédia, demanda l’Allemand. Z’est quel genre d’endroit? Petit, che zuppose?
– Ouais, c’est grand comme ma yeule. Y’a pas grand-chose à faire là*
– Ah bon.

Y’avait un malaise dans l’air, comme quand quequ’un lâche un gros pet, pis que tout le monde le sent mais personne parle. L’espion soupçonnait-tu qu’on le soupçonnait?

Enfin, le train entra en gare pour 20 minutes. Pas le temps de niaiser – à c’t’heure qu’il avait une preuve, Earle Jr. alla tout de suite avertir le constable Alfonse Duchesneau de la Police provinciale.

Duchesneau était pas trop convaincu, mais il alla quand même à la gare. Il arriva drette comme le train partait et sauta dedans au dernier moment. À bord, il spotta tout de suite Ti-Werne grâce à la description qu’Earle Jr. lui avait donnée. Il alla s’asseoir avec.

– Bonjour Monsieur, constable Duchesneau de la Police provinciale. Ch’peux-tu voir vos papiers siouplaît?
– Bien zûr, répondit Ti-Werne en sortant ses cartes au nom de William Brenton.
– Qu’est-ce qui vous amène par icitte?
– Che zuis représendant de commerce et ch’afais affaire dans la région.
– Ok, pis ch’peux-tu voir votre valise itou, siouplaît?

Rendu là, Ti-Werne devait suer de la raie pas mal, car il dit aussitôt :

« Za zera pas nézessaire. Che zuis un offizier allemand, et che zers mon pays, comme fous. »

Et voilà : grâce à la vigilance de braves Gaspésiens, la carrière d’espion de Werner von Janowski était kaput après même pas 12 heures. Si c’était pas un record, c’était pas loin.

Après ça, Ti-Werne fut emmené à Montréal, où la GRC essaya d’en faire un agent double. Après un an, il avait fourni zéro pis une barre de renseignements, faique les autorités le shippèrent en Angleterre, où il passa le reste de la guerre dans un camp pour prisonniers allemands.

L’histoire dit pas si Ti-Werne voulait la gloire, mais en tout cas, il s’attendait sûrement pas à se retrouver pour l’éternité dans les palmarès des pires espions de tous les temps!


*Ne représente pas l’opinion de l’auteure. C’est un maudit bon spot de plein air! #TourismeGaspésie


Source principale : Dan Beeby, Cargo of Lies: The True Story of a Nazi Double Agent in Canada, 1996. https://utorontopress.com/us/cargo-of-lies-4

Quand ça passe par le mauvais trou : Alexis Saint-Martin, cobaye canayen

« Heille, je peux-tu saucer des affaires dans tes sucs gastriques par le trou dans ton estomac pour voir ce que ça fait? Tu serais logé et nourri, pis t’aurais un petit salaire… »

Alexis Bidagan, dit Saint-Martin, se serait jamais attendu à se faire demander une affaire bizarre de même. Né en 1794 à Berthier, au Québec, dans une famille pauvre, il aurait pas non plus pensé qu’il allait un jour aider à faire avancer la médecine… par accident.

Alexis Saint-Martin dans sa vieillesse (Source : Wikimedia Commons)

Toute a commencé quand Alexis avait 28 ans et travaillait comme trappeur pour l’American Fur Company. Au poste de traite de l’île Mackinac, au Michigan, un cabochon qui faisait pas attention lui tira un coup de fusil drette dans le ventre, sans faire exprès.

Il aurait dû être mort : il avait des côtes de cassées, des muscles déchirés, les poumons lacérés pis brûlés, pis il avait un trou dans l’estomac assez gros pour y rentrer l’index, par où la chevrotine avait ressorti.

Ça regardait mal, mais William Beaumont, médecin de l’armée en poste sur l’île Mackinac, l’opéra quand même en espérant qu’y toffe au moins la nuitte.

William Beaumont (Source : Wikimedia Commons)

Contre toute attente, notre brave Canayen français en réchappa. Y’avait juste une affaire : quand y fut assez en forme pour manger, toute la bouffe ressortit quelques minutes plus tard par le trou dans son estomac. Ouache.

Faique, au début, le Dr Beaumont nourrissait Alexis en lui faisant des lavements (par le péteux, là…). Après un p’tit boutte de même, le trappeur fut bon pour recommencer à manger même si le trou se refermait toujours pas. Un m’m’ent’né, comme Alexis avait pas une cenne pour payer, l’hôpital le crissa dehors.

C’était plutôt poche pour lui. Qu’est-ce qu’il allait faire, amanché de même? Mais le Dr Beaumont, lui, y vit une occasion en or :

« Ça parle au yâb! Je peux y voir dans l’corps! Faut absolument que je l’empêche de repartir – grâce à lui, je pourrais être le premier à percer les mystères de la digestion! »

C’est là qu’il lui fit la fameuse proposition. Dans le contrat qu’Alexis a signé, c’était écrit qu’il allait être employé comme serviteur chez le Dr Beaumont, logé pis nourri, avec un salaire de 150 $ par année – même avec l’inflation, c’était pas à se tirer dans les murs : ça revient à peu près à 2 800 $ aujourd’hui. Surtout qu’en échange, le Dr Beaumont pouvait faire les expériences qu’il voulait sur lui.

L’histoire, c’est que dans ce temps‑là, on parlait pas vraiment de t’ça, des affaires comme le consentement éclairé. Alexis était illettré pis y parlait à peine anglais, faique y devait pas trop savoir dans quoi y s’embarquait…

Le trou de la gloire
Dans ce temps-là, c’était ben mystérieux, la digestion. Pis on avait pas grand moyen de savoir comment ça marchait.
 
Quelques expériences avaient été faites sur des animaux, mais y’a toujours ben des limites à ouvrir bestiau après bestiau en plein lunch pour voir ce qui se passe en dedans. Pis on pouvait pas non plus étudier ça sur des cadavres, parce qu’un cadavre, ben ça digère pu.
 
Le scientifique Charles-Édouard Brown-Séquard, lui, avait une autre idée : il avalait des éponges attachées après une ficelle, pis il les régurgitait pour étudier ce qu’il y avait dessus. (Après ça, il était pu capable de manger normalement sans vomir. Un de ses collègues a dit que c’était un « sacrifice sur l’autel de la science ».)
 
Faique, dans ce contexte-là, le Dr Beaumont considérait le trou d’Alexis comme sa porte d’entrée au panthéon de la médecine. Et il était prêt à tout pour qu’elle reste ouverte…
 
Parce que c’est louche en maudit que le trou soit resté ouvert de même. Dans ses notes, le Dr Beaumont dit qu’il a tout fait pour le fermer, mais que ça a jamais marché, pis même qu’Alexis aurait refusé les points de suture ou une autre opération qui aurait pu régler le problème. C’est quand même dur à croire. Beaumont dit aussi qu’il a accueilli Alexis chez eux « par pure charité ». Prends-nous donc pas pour des valises, Doc.
 
En plus, selon un certain Gordon Hubbard, qui était là le matin de l’accident, le Dr Beaumont aurait mis quelque chose dans le trou pendant qu’il opérait Alexis pour que ça cicatrise autour pis que le trou reste ouvert…

À part saucer des affaires dans ses sucs gastriques par le trou dans son estomac (qu’il goûtait, des fois – selon lui, le poulet à moitié digéré, ça goûte « fade pis sucré »), le Dr Beaumont lui prélevait de l’acide gastrique pour voir si ça digérait pareil en dehors du corps pis pour en envoyer à d’autre monde.

D’autres fois, il prenait l’acide, le mettait dans une fiole avec un morceau de bouffe dedans, pis forçait Alexis à rester planté là comme un codinde avec la fiole accotée dans le t’sour de bras pour simuler la chaleur pis le mouvement de l’estomac :

— Combien de temps va falloir que je reste de même? Je suis pas mal écœuré pis faudrait vraiment que j’aille ch…
— Encore six heures, mon garçon. Lâche pas! C’est pour la science!

Le trou, dessiné par le Dr Beaumont (Source : Wikimedia Commons)

Le Dr Beaumont lui rentrait toutes sortes d’objets dans l’estomac. Mais une fois en particulier, c’était l’boutte du boutte :

— Enlève ta chemise, j’veux faire un autre test.
— Ok.
— À c’t’heure, penche-toi un peu par en arrière.
— Ok boss… Ark! Ben voyons quessé que vous faites là, tabarnak?
— Hm… Je note : «  Quand on liche l’intérieur de la muqueuse et que l’estomac est vide, ça goûte pas l’acide pantoute. »

Faique c’est pas surprenant qu’après un boutte à faire ça, Alexis ait fini par dire :  

« Moé, j’ai mon estie de voyage. Je câlisse mon camp d’icitte. »

Il retourna donc au Québec, où il se maria et eût une couple d’enfants.

Le Dr Beaumont, lui, était ben découragé de t’ça. Il avait perdu son trou pis il avait ben l’intention de le ravoir. Parce que, rendu là, tout le monde voulait le zieuter : une gang de granoles voulaient l’utiliser pour prouver que les plantes se digéraient mieux que la viande, pis la Medical Society of London avait même ramassé des sous pour faire le faire venir en Europe avec le Dr Beaumont. La gloire était à la portée du docteur, mais son cobaye, lui, en avait définitivement son tas.

Beaumont passa le reste de sa vie à essayer de le flatter dans le sens du poil pour le faire revenir, sans succès. Il écrivit quand même une grosse brique sur les résultats de ses expériences, pis on voit encore aujourd’hui sa face dans tous les livres de gastro-entérologie 101. Finalement, il mourut avant le Canayen français, à l’âge de 67 ans, en se pétant la fiole sur des marches pleines de glace noire.

Alexis, lui, mourut de sa belle mort à l’âge de 78 ans. Comme y’avait plein de maudits vautours qui voulaient avoir le corps pour l’exposer dans un musée ou fouiller dedans, la famille le laissa pourrir au soleil pour qu’il reste juste les os, pis l’enterra dans une tombe pas de nom sous un gros tas de roches.

Quand un autre docteur essaya de mettre la patte sur le cadavre, les enfants du trappeur lui répondirent par un télégramme assez raide, merci :

« Venez pas pour l’autopsie; on va vous faire la peau. »

Madeleine de Verchères

Madeleine de Verchères sur une affiche de recrutement en temps de guerre, 1939-1945.

Madeleine de Verchères! Elle, c’est un peu notre Jeanne d’Arc à nous-autres.

En 1692, alors qu’elle était ado et que ses parents étaient pas là, elle défendit quasiment toute seule le fort de son père, le seigneur de Verchères, contre une attaque d’Iroquois.

Ça, personne va vous astiner là-dessus : Madeleine, c’était une vraie.

L’affaire, c’est qu’elle a conté deux fois son aventure. La première fois, c’était court et touchant, pis ben raisonnable. La deuxième, on dirait qu’elle beurrait épais pis charriait même par bouttes.

Là, j’étais ben embêtée. J’étais pas pour vous conter des affaires qui sont peut-être des menteries! Par contre, la deuxième version de Madeleine est ben plus croustillante, pis c’est celle‑là qu’on voit le plus souvent dans les livres d’histoire.

Donc, je vais la laisser parler elle-même. Comme ça, si elle essaye de vous faire des accroires, ben ce sera pas de ma faute. Prenez juste ça avec un grain de sel.

Faique, vas-y, Madeleine! On t’écoute.


« Mesdames et Messieurs, laissez-moi vous raconter l’aventure qui m’arriva en 1692, l’année de mes 14 ans.  

C’te journée-là, mes parents étaient partis – mon père à Québec, ma mère à Montréal.

Le matin, j’étais à peu‑près à cinq arpents du fort de Verchères, quand j’entendis des coups de fusil.

« Sauvez-vous, Mam’zelle Madeleine! me cria un de mes domestiques. Les Iroquois s’en viennent! »

Je me revirai, pis je vis-tu pas quarante-cinq Iroquois qui tiraient sur les habitants pis qui s’en venaient à la course! Décidée à mourir plutôt qu’à me laisser pogner par eux‑autres, je partis vers le fort, les jambes au cou et priant la sainte Vierge, tandis que les balles me sifflaient chaque bord de la tête.

Quand je fus arrivée assez proche du fort pour qu’on m’entende, je criai : « Aux armes, aux armes! » J’espérais que quelqu’un vienne m’aider, mais personne se montra la face; il y avait deux soldats dans le fort, mais ils étaient probablement allés se cacher dans la redoute, les pissous. Je vis juste deux femmes qui se lamentaient parce que leur mari venait de se faire tuer. Elles voulaient pas rentrer, mais elles eurent d’affaire à me suivre : les Iroquois arrivaient, pis fallait fermer la porte au plus maudit.

Ça avait ben d’l’air que je devrais m’occuper toute seule de défendre le fort. Avant ça, les Iroquois avaient tué mon grand‑frère François-Michel pis deux maris à ma sœur Marie‑Jeanne, faique y’était pas question que je me laisse faire. Je me rendis à la redoute, où étaient les munitions et les deux soldats : y’en avait un qui était caché, pis l’autre qui avait une mèche allumée dans les mains.

– Ben voyons, quessé que vous faites avec ça? lui demandai-je.

– C’est pour allumer la poudre pis nous faire sauter, Mam’zelle, répondit-il, les yeux grands comme des trente‑sous. Y nous pogneront pas vivants!

– Êtes-vous après virer fou? Éteignez-moi ça tusuite! lui ordonnai-je, tellement raide qu’il l’éteignit sur un moyen temps, sa mèche.

Là, j’enlevai mon bonnet; je pris un chapeau d’homme, que je m’enfonçai su’a tête, pis un fusil. Et là, je dis aux deux soldats et à mes deux petits frères de 12 et 10 ans – parce que oui, ils étaient là, s’cusez, j’aurais dû vous le dire avant – :

« Bon, là, écoutez-moi ben. On va se battre jusqu’à mort pour notre patrie pis notre religion! Rappelez-vous de ce que mon père dit tout le temps : les gentilshommes viennent au monde juste pour verser leur sang au nom de Dieu et du roi. Il arrête pas de nous r’battre les oreilles avec ça, pis là, c’est le temps d’y montrer qu’on a compris! »

Crinqués par mes paroles, mes frères pis les deux soldats pissous pognèrent aussi des fusils et se mirent à tirer sur l’ennemi. Quant à moi, je demandai qu’on tire un coup de canon pour faire peur aux Iroquois pis pour avertir les autres soldats qui étaient partis à la chasse de se sauver pis de pas rentrer au fort.

Mais là, même au‑dessus des pets de fusils, on entendait quand même les cris des femmes pis des enfants morts de peur qui braillaient à n’en pu finir. Tannée, j’allai les voir et leur dit :

« Heille ça va faire, le braillage! L’ennemi va vous entendre pis penser qu’on a rien pour se défendre. Je comprends que vous avez la chienne, mais là, avec votre chignage, on a l’air d’une gang de désespérés! Arrêtez-moi ça tout de suite! »

Pendant que je leur parlais, je vis un canot sur la rivière : c’était M. Pierre Fontaine avec sa femme pis ses enfants qui s’en venaient débarquer au fort. C’était évident qu’ils allaient se faire tuer si on faisait rien. 

« Vous-autres! dis-je aux deux soldats. Allez au-devant d’eux-autres pis couvrez-les pendant qu’ils se rendent au fort! »

Il y eut un silence malaisant. Un soldat toussa, pis l’autre se regardait les pieds, les orteils par en‑dedans. J’étais pas ben ben surprise.

« Si c’est de même, je vais y aller, moi. Laviolette! dis-je à mon domestique. Pendant que je vais être sortie, tu surveilleras pis tu garderas la porte ouverte. Si on se fait tuer, ferme la porte pis continuez à défendre le fort. C’tu clair? »

Faique je sortis du fort avec mon chapeau pis mon fusil. J’espérais que les Iroquois pensent que c’était un piège, que j’étais un appât et qu’ils allaient se faire pogner s’ils venaient m’attaquer. J’étais pas dans leur tête, mais en tout cas, ils me laissèrent me rendre sans problème à la rivière.

M. Fontaine, sa femme et ses enfants débarquèrent du canot, et je les fis marcher en avant de moi. J’étais tellement droite pis sûre de mon affaire que je fis accroire aux Iroquois qu’ils avaient plus d’affaire à avoir peur que nous‑autres, et ils nous laissèrent rentrer dans le fort sans essayer de nous tuer.  

Après tout ça, y commençait à faire noir. En plus, le nordet se mit à souffler, accompagné de neige pis de grêle; la nuit allait être longue, d’autant plus que j’avais peur que les Iroquois profitent de l’obscurité pour essayer de grimper après la palissade. Faique là, je rassemblai mes troupes : Pierre et Alexandre, mes deux petits frères; Laviolette, notre domestique; La Bonté et Galhet, les deux soldats pissous; un vieux monsieur de 80 ans; et maintenant, M. Fontaine.

« Aujourd’hui, Dieu nous a sauvés de nos ennemis, commençai-je, mais c’te nuite, va pas falloir dormir au gaz. Vous verrez ben que moi, j’ai pas peur : Pierre, Alexandre, monsieur icitte pis moi, on va s’occuper chacun’un d’un bastion. MM. Fontaine, La Bonté et Galhet, allez trouver les femmes et les enfants dans la redoute. Si je me fais pogner par les Iroquois, rendez-vous jamais, quand bien même que je serais brûlée vive pis coupée en bouttes dans votre face. »

Tout le monde joua ben son rôle : toute la nuit, au-dessus du nordet qui soufflait comme un déchaîné, on entendait crier « Bon quart! » toutes les demi‑heures des bastions à la redoute pis de la redoute au bastion, « Bon quart! », comme si le fort était bourré de soldats.

Quand le soleil se leva, le fort était toujours deboutte, pis nous-autres avec. Soulagée, je m’adressai à ma petite troupe avec le sourire :

« Bon, ben ça a d’l’air qu’on a passé la nuite! Pis si on a passé celle‑là, grâce à Dieu, on peut en passer d’autres! Faut juste continuer à surveiller pis à tirer du canon pour avertir Montréal en espérant qu’ils viennent à notre secours.  »

Mes paroles ont eu l’air de faire effet : tout le monde semblait dedans pour continuer à tenir le fort; tout le monde, sauf Marguerite, la femme à M. Fontaine. Ben crère : c’était une Parisienne, une petite nature, peureuse comme toutes les Parisiennes, pis elle capotait ben raide :

– Heille là, là, Pierre, moi, je veux sacrer mon camp. On paqu’te les p’tits pis on s’en va au fort de Contrecœur. On est déjà chanceux de s’être rendus au matin, au travers des sauvages – qu’est-ce qui nous dit qu’on va être aussi chanceux la nuit prochaine? C’est juste un p’tit fort de rien pantoute, avec personne pour le défendre. Si on reste icitte, on va tous se faire tuer, ou devenir des esclaves, ou bedon mourir à petit feu en attendant des secours qui viendront jamais dans c’te crisse de trou perdu!

– Les nerfs, Marguerite! répondit M. Fontaine. Si tu veux, je peux te remettre toi pis les enfants dans le canot avec une voile, pis te donner une bonne poussée. Les enfants savent canoter, faique ça devrait ben aller. Mais moi, j’abandonnerai jamais le fort tant que Mam’zelle Madeleine va être là pour le défendre.

– Pis moi, je reste icitte, rajoutai-je d’un ton ferme. Savez-vous, Madame, ce qui va arriver si les Iroquois rentrent ici-dedans? Y vont connaître nos défenses pis savoir comment nos forts sont faits, pis ça va juste les rendre plus fantasses quand y vont attaquer d’autres forts français!

[Madeleine précise pas ce qui est arrivé à la madame après; j’imagine qu’elle a pris son trou?]

Après ça, j’enfilai les nuits blanches – je passai deux fois 24 heures sans dormir ni manger! J’allais monter la garde sur les bastions, j’allais voir comment ça allait à la redoute; j’avais tout le temps le sourire dans la face pis l’air de bonne humeur, histoire d’encourager pis de réconforter mon monde.

La huitième nuit (parce qu’on a été de même à la merci des Iroquois pendant huit jours, tout le temps sur le gros nerf dans la peur d’une attaque), les secours finirent enfin par arriver : M. de La Monnerie, le lieutenant de M. de Callière, gouverneur de Montréal, s’en venait sur la rivière avec 40 hommes en essayant de pas faire de bruit, sachant pas si le fort était pris ou pas.

Une des sentinelles, qui devait avoir entendu du bruit, cria : « Qui c’est qui est là? »

Endormie tout croche, la face sur la table, le fusil au travers des bras, je me retroussai aussitôt et je montai sur le bastion.

– Y’a du monde qui parle sur la rivière, Mam’zelle Madeleine, écoutez!, me dit la sentinelle.

– Ben ça parle au yâble, t’as ben raison mon homme! J’espère que c’est des Français pis pas des Iroquois! répondis-je. Vous êtes qui, vous autres? m’exclamai-je.

– C’est La Monnerie, on vient vous aider! fut la réponse. 

J’attendis pas le messie, parce que nos sauveurs venaient d’arriver : je me garrochai à la porte du fort, où je plaçai une sentinelle, pis je courus à la rivière pour accueillir M. de la Monnerie. Aussitôt qu’il mit le pied à terre, je lui dis :

– Soyez le bienvenu, Monsieur! Je vous rends les armes.

– Mademoiselle, me répondit-il en faisant son galant, elles sont entre bonnes mains, on dirait ben!

– Pas mal plus que vous pensez, répliquai-je.

Le lieutenant entra dans le fort avec ses hommes pis trouva que, pour un fort assiégé depuis huit jours, il était pas trop magané. Pis là, enfin, ma petite troupe et moi, on put aller se canter. J’avais jamais été aussi brûlée de ma vie, mais j’avais fait mon devoir.


Source principale : Diane Gervais et Serge Lusignan , « De Jeanne d’Arc à Madelaine de Verchères : la femme guerrière dans la société d’ancien régime » https://www.erudit.org/fr/revues/haf/1999-v53-n2-haf216/005446ar.pdf

Les héros de Rivière-Ouelle

Un matin d’octobre 1690, la flotte de Sir William Phips, partie de Boston, remontait le fleuve Saint‑Laurent pour aller attaquer Québec. Écœuré après huit semaines en mer, le vent dans la face, Phips décida de jeter l’ancre devant Rivière-Ouelle pour faire le plein d’eau et de bouffe.  

Ce que les Anglais savaient pas à ce moment-là, c’est qu’ils avaient très mal choisi leur spot. C’est parce qu’ils étaient attendus – avec une brique pis un fanal, à part ça – par une gang de colons canadiens français ben décidés à pas se laisser manger la laine sur le dos.

Dans ce temps-là, Rivière-Ouelle, c’était la seigneurie de la Bouteillerie. Y’avait pas ben ben plus qu’une centaine de personnes qui vivaient là, sur le bord du fleuve pis le long de la rivière, à la dure mais avec la tête haute pis le dos droit, à défricher pis à cultiver la terre.

Mais là, depuis un petit boutte, tout le monde était un peu sur les nerfs : c’était la guerre entre l’Angleterre pis la France, pis c’est dans les colonies que ça se jouait. Le seigneur de la Bouteillerie lui‑même était parti à Québec, demandé par le gouverneur Frontenac pour aider à défendre la ville contre les Anglais.

Faique le seul chef qui restait à nos braves colons, c’était le curé, M. l’abbé de Francheville. Mais là, allez pas vous imaginer un bonhomme qui cale, avec une grosse bedaine pis une tache de vin de messe sur sa soutane, ou bedon un vieux sec qui trippe sur les p’tits gars pis les coups de règle sur les doigts! No-non. Le curé de Francheville, c’était tout un homme, pis y’avait l’étoffe d’un guerrier, à part ça.

La cinquantaine pis la charpente solide, il était habitué au frette pis aux rigueurs du pays, pis il savait se servir d’un fusil. L’abbé Casgrain, dans son livre Une paroisse canadienne au XVIIIe siècle, raconte qu’il avait un « caractère ardent et impétueux, [des] allures martiales [et] un regard de feu ». Câline! C’tu moé, ou y commence à faire chaud, icitte?

Toujours est-il que notre vigoureux curé savait que les bateaux de Phips remontaient le fleuve, faique il réunit ses paroissiens pour leur dire les vraies affaires :

– Bon, là, mes amis, j’ai des nouvelles, pis ça regarde mal, dit-il. Apparence qu’une trentaine de bateaux anglais seraient en route pour Québec. Le gouverneur a envoyé la milice des deux bords du fleuve pour empêcher les Anglais de débarquer, mais pas icitte, ça a ben l’air. Va falloir qu’on s’arrange avec nos troubles. Pis là, je serais ben déçu de vous autres si vous restiez là à vous pogner le beigne pendant qu’ils brûlent notre église pis nos maisons, volent nos affaires pis partent avec les femmes pis les enfants. Faique j’imagine que je peux compter sur vous-autres? Gardez vos fusils proches, pis quand y vont se pointer la face, on va être prêts pis on va les faire revirer de bord sur un moyen temps!

– Ouaaaaaais! s’écrièrent tous les paroissiens ben crinqués par le discours de M. le curé. Les Anglais vont manger leurs bas! Vive la France!

À partir ce moment-là, tout le monde se mit à guetter le fleuve. Finalement, un matin, les bateaux apparurent pis arrêtèrent drette en face de la pointe de Rivière-Ouelle. Pas longtemps après, les Anglais mirent des chaloupes à l’eau pour se rendre à terre.

Alors, les braves Rivelois, à la suite du curé de Francheville qui était le premier en avant, s’en‑allèrent dans le bois, au travers des érables pis des épinettes, pis s’embusquèrent au bord de la grève, raboudinés en arrière des crans de roche pis des arbres, dans le foin pis dans les creux du terrain. Sans un mot pis presque sans un respir, ils attendaient le signal du curé.

Pendant ce temps-là, les chaloupes anglaises approchaient avec plusieurs soldats à bord de chacune, ben relaxes, pensant qu’ils allaient pouvoir se slaquer un peu les bretelles. Au-dessus des vagues, du vent pis du chignage des goélands, on commençait à entendre des voix pis le bruit des rames.

– Pis là, on tire-tu?

– Ta yeule! On attend!

Comme la marée était haute, les Anglais purent accoster assez proche de la ligne des arbres, à portée des fusils de chasse des colons. On donna l’ordre de sauter à terre. Tandis que les soldats débarquaient, occupés à essayer de pas sacrer le camp dans l’eau frette, à ramasser leurs armes pis à tirer les chaloupes sur la grève, le cul face au bois, le fringant curé donna le signal :

« FEU! »

Et là, les Anglais frappèrent un mur – de balles. Ils avaient l’impression que ça tirait de tous les bords pis capotaient, parce qu’ils étaient pas capables de dire combien y’avait de tireurs. Il y en a plusieurs qui tombèrent raide morts, pis pas mal d’autres qui furent blessés. Ça a pas été long qu’ils remontèrent dans les chaloupes pis repartirent vers les bateaux en ramant comme des possédés. Les officiers avaient beau leur dire de rester pis de se battre, rien à faire : le diable était aux vaches. Les soldats dans les chaloupes encore à l’eau, voyant ce qui se passait sur la grève, se dirent : « Euh, d’la marde » et repartirent avant même de toucher terre.

Les Rivelois continuèrent de leur tirer dessus jusqu’à ce qu’ils soient finalement hors de portée. Le fougueux curé et ses paroissiens avaient gagné! Fallait le faire, pareil : une poignée de cultivateurs avec des fusils de chasse avaient fait décrisser une troupe de soldats de l’armée anglaise! Y’avait de quoi être fier. Tout le monde repartit vers le village, le sourire fendu jusqu’aux oreilles.

– On les a eus, astie!

– Heille, leur as-tu vu la face? Y’ont jamais su ce qui leur arrivait!

– Mets-en, c’est comme s’ils avaient vu le yâble en parsonne!

– Entécas, sont pas près de revenir nous écœurer, ces torrieux-là!

Quant à Phips, c’est à lui que le gouverneur Frontenac poussa la célèbre craque : « Je n’ai point de réponse à faire à votre général que par la bouche de mes canons et à coups de fusil! ». Lui et son armée mangèrent effectivement une volée à coups de canon et quittèrent Québec la queue entre les jambes. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la puck roulait pas pour eux autre c’te fois-là! La Nouvelle-France était sauve, du moins pour encore un p’tit boutte.

Pis en passant, parmi ces colons au courage et au sang-froid dignes des meilleurs soldats, y’avait mon ancêtre Mathurin Dubé, le premier du nom venu en Nouvelle-France. Y’a des chances que vous en ayez un là-dedans vous aussi!

(Ça vous tente de vérifier? Cet article donne une liste détaillée et étayée par des recherches poussées :
https://robertberubeblog.wordpress.com/2017/04/06/1690-qui-sont-les-heros-et-les-heroines-de-la-bataille-de-riviere-ouelle-who-are-the-heroes-and-heroines-of-the-battle-of-riviere-ouelle/)