Jos Montferrand

Jos Montferrand, vue par ma grande chum Christine Labrecque!

Heille, Jos Montferrand. Pour ceux qui l’connaissent pas, c’est un de nos plus grands hommes forts : un draveur, un batailleur pis un défenseur des faibles, la fierté des Canadiens français.

Quand ch’tais floune, Arrière-Pépère Poêle me contait ses aventures, pis y v’nait les yeux toutes brillants, comme si y’argardait une étoile pis qu’l’étoile y rendait ben :

« Montferrand, y’était fort comme un chêne pis souple comme un roseau! »

À crère Arrière-Pépère Poêle, c’tait un géant qui giguait su’és pitounes dans l’jour pis avec les pitounes par les soirs, la patte légère comme un lieuvre pis la tête tellement haute qu’a s’pardait dins nuages.

Pis justement, pour moé, l’histoire à Montferrand, est un ti peu pardue dins nuages.Jos, c’tait un vrai gars en chair pis en os– y s’est sûrement d’jà pété le p’tit orteil su’l bord du litte comme toé pis moé. Mais on dirait qu’au fur et à mesure que l’monde se contaient ses exploits en en rajoutant toujours un ti peu, y’a fini par se transformer en espèce de superhéros canadien français, un Maurice Richard d’la drave avant l’temps qui portait su son dos les espoirs de toute un peuple.

Mais bon. Moé, m’as vous conter son histoire comme Arrière-Pépère Poêle la contait.Pis au pire, si vous trouvez que j’dis a pas d’allure, vous aurez juste à l’prendre avec un grain d’sel.

À c’t’heure que c’est dit, arculons dans l’temps, en 1802, dans l’faubourg Saint-Laurent à Montréal, où c’qu’est né notre futur géant.

Le port était pas loin, faique les tavarnes d’la place étaient bourrées de marins pis de voyageurs de toutes les formes pis d’toutes les couleurs qui se mélangeaient aux Canadiens français.

Quand y’a trop d’gars à’même place, on dirait qu’y virent toutes comme des bucks à’saison des amours, faique c’tait pas long que ça se mettait à s’crisser ça su’a yeule pour savoir qui qui était l’plus fort.

À même les tavarnes comme s’ua grève au bord du fleuve, les gars qui voulaient s’faire un nom s’pognaient avec ou pas d’gants, en avant du monde ordinaire comme des gentlemen anglais pis des p’tites madames en crinoline qui accouraient à’moindre rumeur d’une joute.

L’quartier était tellement connu pour ses combats d’fiers-à-bras, qu’un coup d’poing donné dans l’faubourg Saint-Laurent résonnait pour ainsi dire dans toute le Canada.

Faique c’est là-dedans que Jos a grandi. Son pére, Joseph, était lui-même une saprée armoire à glace qui avait faite la traite des fourrures avec la Compagnie du Nord-Ouest. Sa mére, Marie-Louise, était une créâture à sa hauteur : on raconte qu’un m’ment’né, voyant un innocent en train de martyriser un flo, a y crissa des claques jusqu’à c’qui parde connaissance.Jos avait de qui t’nir, mettons.

Enfant, y’était déjà fort. Ça s’voyait tu’suite que ça allait faire un bœuf. Mais Jos était un bon p’tit gars, tranquille pis fin, qui profitait jamais d’ses dons pour faire son boss des bécosses; au contraire, y protégeait les plus p’tits contre les bums.

À 16 ans, y’avait déjà sa taille d’homme : 6 pieds 2 ou 6 pieds 4, dépendamment d’à qui tu d’mandes. Pis c’est pas parce qu’y avait la force d’une bête qu’y en avait l’air : en fait, y’était gracieux pis avenant comme un prince. Ch’sais pas si y’avait l’talent, mais entécas, y’avait la face pour jouer dins vues.

Son premier fait d’armes, si on peut dire, c’tait pas mal dans ces bouttes-là. Un m’ment’né, y creusait en avant de chez-eux, avec la tête y’arrivait flush avec el’bord du trou. Y’arriva-tu pas un certain Michel Duranleau, un gars qui était connu pour faire peur au monde pour qu’y votent du bon bord aux élections, avec deux autres bonriens.

Pour faire étriver Jos, Duranleau y mit son pied su’a tête – sauf que Jos s’laissa pas faire. Pareil comme si y’avait eu les pattes montées su des springs, y sauta en dehors du trou, atterrit drette au milieu des trois épais pis leu péta toute la yeule.

Pas longtemps après, y fit son deuxième grand coup. Un beau jour, su l’Champ-de-Mars à Montréal, deux boxeurs anglais – on se les imagine en chest avec la moustache qui r’trousse dins bouttes – s’affrontèrent devant un tapon d’monde pis une bonne partie d’la garnison.

Un des deux gagna, on s’en sacre c’est qui, pis y fut déclaré champion du Canada. C’tait douteux. M’aginez si Lucian Bute pis Jean Pascal étaient allés s’battre en avant d’un Pizza Hut à Plattsburgh, pis que l’gagnant s’tait déclaré champion des États-Unis!

Entécas, là, le nouveau champion, ben crinqué, s’arvira vers la foule pis invita l’meilleur homme du pays à essayer d’y prendre son titre, drette là.

C’était comme si l’orgueil avait piqué Jos d’une fesse avec une broche à tricoter :

« Heille, pour qui qu’y s’prend, lui, à faire son frais-chié en avant de tout l’monde pis à s’penser meilleur que nous-autres? »

Faique y s’avança pis chanta l’coq. Dans l’temps, c’tait le signe que tu relevais l’défi – y v’nait d’arriver un autre coq dans’basse-cour, autrement dit.

Y’eut un frisson dans’foule, pis l’monde se mirent à applaudir : heille, un ti gars d’la place qui défiait un champion, pis un Anglais en plus!

Le match commença sans plus de tétage, pis finit d’même aussi : Montferrand fessa yinque une fois, FLÂWK! Mais tellement fort que l’Anglais s’dit que si y’en mangeait un deuxième, y s’rait pu là pour un troisième.

Après ça, la ville au complet parlait de Montferrand. Tout l’monde voulait y serrer la main pis le féliciter. Y’aurait pu s’partir une carrière de boxeur drette là – mais Jos, c’tait un bon gars simple qui voulait faire un travail honnête pour aider sa famille.

Au début, y travailla comme charretier, une job qui le fit se promener un peu partout.

À la mort de ses parents, Jos s’engagea pour la Compagnie du Nord-Ouest; après, y fit un boutte à travailler pour Joseph Moore, un gars qui exploitait des coupes de bois dans l’nord des Laurentides; ensuite, y fut engagé par Bowman & Gill, des marchands de bois.

Dans c’temps-là, le commerce du bois était parti en peur. Napoléon, ben décidé à faire chier l’Europe au complet, avait imposé un blocus à l’Angleterre, qui pouvait pu s’approvisionner d’son bord de l’océan. Comme un Gino peut pu ben ben faire son frais sans sa Camaro, les Anglos pouvaient pu vraiment jouer les puissances mondiales sans leux bateaux. Pis pour faire des bateaux, fallait du bois.

Pis le Canada, c’tait quasiment yinque ça, du bois. L’Ouatouais, la Mauricie pis le lac Saint-Jean étaient rendus des Klondike d’la pulpe, pis ça arrivait de partout pour s’faire un gagne-pain.

Notre Jos, lui, y’alla dans l’Outaouais. Y fut foreman pis cageux – les cageux, c’taient les gars qui faisaient descendre les billes de bois sués rivières toutes attachées ensemble pour former des « cages » qui pouvaient faire jusqu’à un mille de long, pis les emmenaient jusqu’à Québec, y’où c’qui partaient pour l’Angleterre.

C’tait une vie errante, de chantier en chantier, d’port en port pis d’tavarne en tavarne, pis dangereuse, aussi : c’tait pas rare que des gars glissent entre deux pitounes pis s’neyent.

Jos, lui, était ben à l’aise avec ça. Y’avait l’pied léger comme une ballerine en ch’mise carreautée, pis y s’promenait su’és pitounes roulantes et r’volantes comme si c’tait un plancher d’bois franc. Pis dans un monde où la loi du plus fort régnait, y’avait toute pour devenir une légende.

Un bon soir, à Buckingham, dans l’Gatineau d’à c’t’heure, une gang d’Irlandais – des « Shiners », comme on les appelait, des immigrants qui travaillaient dans l’bois au Canada – logeaient chez un Canadien français qui arcevait l’monde chez eux quand les auberges étaient pleines.

On sortit le violon, les filles du coin arsoudirent, pis l’party pogna. Mais quand l’fils du propriétaire voulut embarquer, y s’fit dire qu’y était de trop. Parce qu’y était un Canadien français.« Ah ben tabarnak! Ça s’passera pas d’même! »

Jos, n’ayant entendu parler, partit avec ses grand’pattes, pis se rendit drette à la maison où y’avait l’party d’Irlandais. Y rentra sans cogner, pogna l’violon du gars pis l’effoira yinque d’une main – SPKRRRATOING!

J’vous dis que ça resta frette en simonac.

« Tout l’monde déhors! »

Mais les problèmes avec les Irlandais, ou Shiners, faisaient juste commencer.Y’arrivaient à la pochetée à Bytown – l’Ottawa d’à c’t’heure –, pis comme de raison, y voulaient des jobs. Y’avait yinque un problème : les jobs, c’tait les Canadiens français qui les avaient.

Faique les Shiners se mirent en gang pour intimider leux rivaux en crissant l’bordel partout : sabotage de chantiers, pétage de yeules, brisage d’affaires, rentrage dins églises en pleine messe catholique pis dérangeage de funérailles pour écœurer l’monde. Pis comme y’avait pas de police en tant que tel à Bytown, y’étaient lâchés lousses, pis l’monde devaient s’faire justice eux-autres mêmes.

Dans c’te gang-là, y’en avait un qui était connu pour être particulièrement violent pis faisant-mal : Martin Hennessy. Y’était foreman pour une compagnie rivale de celle où c’que Montferrand travaillait. Son fun, c’tait de battre des Canadiens français, pis de s’composer une p’tite toune avec chaque couplet qui parlait d’un gars qu’y avait défoncé. Y ’avait entendu parler du géant canadien, faique à la fin, y’avait ajouté ça :

Pis Montferrand, au pied léger,
Y’aura de mes nouvelles.
Y pourra pas s’en sauver :
J’le charche pis j’l’appelle!

Un soir, les deux s’adonnèrent à être dans’même tavarne. Quand Montferrand arriva, Hennessy était déjà là depuis un boutte, pis y commençait à être pas mal chaudaille. Jos en fit pas d’cas au début, mais là, Hennessy se l’va pis y’enfonça son casse de poil s’a tête :

— Quins toé, l’mangeux d’bines! C’t’aussi ben qu’tu voyes pas ta face après que je l’aye arrangée!
—Tu peux ben faire ton fendant, crisse de pissou! Quand ch’t’avec mes chums, tu ramperais à quatre pattes d’une swompe pour pas m’voir, pis là à soir que ch’tu seul, t’essayes de m’faire peur! Tu ris des Canayens? Ben attèle-toé, parce que tu vas t’faire torcher à’canayenne!

Les chums à Hennessy farmèrent la porte d’la tavarne pis la bloquèrent pour pas que Montferrand puisse se sauver.

« Hennessy, mon astie d’faux cul, tu m’as-tu tendu un piège? »

Sauf que l’Irlandais était déjà après fesser. Montferrand avait pas grand place pour esquiver : la menute qui s’tassait trop à droite ou à gauche, les chums à Hennessy lui crissaient des coups d’pied. Ça r’gardait pas ben.

Ça faisait ben des taloches que les deux s’échangeaient, quand quequ’un ouvrit la porte par déhors. Ça fit diversion, faique Hennessy pis Montferrand se séparèrent pis arprirent leur souffle. Mais là, Montferrand s’mit à chanter :

Un Canadien, c’pas léger,
J’vous apprends la nouvelle.
Tu pourras pas t’en sauver :
J’viens quand on m’appelle!

Piqué, Hennessy arvint à’charge. Droite, gauche, crochet, uppercut, Jos esquiva toute, pis soudain, BANG, y descendit son poing s’a face à Hennessy pis l’effoira comme une pomme cuite.

On dit qu’après ça, l’Irlandais fit pu jamais d’trouble aux Canadiens français.

Là, c’est l’temps d’sortir votre gros sel, parce que v’la l’histoire la plus flyée qui s’rait arrivée à Jos Montferrand.Dans son temps, pour aller de Hull à Bytown, fallait passer su un pont en bois à la traverse des Chaudières. C’tait pas rare que l’droit de passage se paye en claques su’a yeule : les Shiners se mettaient souvent en embuscade pour bloquer les Canadiens français.

Un jour que Jos s’en v’nait du bord de Bytown, y vit qu’y avait parsonne su’l pont, pis y trouva ça quasiment louche.Y’alla voir une bonne femme qui avait un magasin à’tête du pont :

— S’cusez Madame, avez-vous vu du monde su l’pont?
— Non, pantoute, mon noir!

Un ti-peu rassuré mais pas tant, Jos partit pour travarser tout seul. Y’avait yinque faite la moitié qu’y surgit une GROSSE gang de Shiners armés d’bâtons – heille, pas moins de 150, selon la légende!

Montferrand était pas fou, faique comme de raison, y’essaya d’arvirer d’bord, mais la maudite bonne femme avait farmé la porte au boutte du pont. Pas l’choix : fallait qu’y s’batte.

Y s’avança vers les Shiners comme un grédeur qui s’apprête à ramasser un banc d’neige. Surpris, y’arculèrent un peu. Sauf qu’y en a un qui fut pas assez rapide, pis Jos le sapa par les pattes. Y le leva dins airs pis le swigna de toutes ses forces, comme une grosse massue qui crie pis qui saigne.

Avec ça, Montferrand ramassa les premières rangées de Shiners. Y garrocha sa massue humaine en bas du pont pis chargea vers les autres. Y’é ramassait toutes comme des catins en guénille pis les pitchait dans les rapides en bas.

C’tait un méchant carnage – mais les Shiners l’avaient ben charché. La gang de woireux qui s’étaient taponnés su l’bord virent le reste des malfrats se sauver à’course pour éviter d’finir neyés dins rapides.

Heille, hein!

Y’a tellement d’histoires à propos de Jos Montferrand, que si j’vous les racontais toutes, on s’rait encore là rendu aux Fêtes.

Montferrand prit sa retraite quand même de bonne heure – toutes c’tes exploits-là, ça avait son prix, pis Jos commençait à être magané. Y s’installa rue Sanguinet, à Montréal, pis se prit une femme. Ses jours de gloire étaient passés, mais tout l’monde dans son quartier savaient y’était qui pis le saluaient toutes avec respect. Y mourut à 62 ans.

Qu’y aille vraiment battu 150 gars en en swignant un autre par les pattes, c’est clair que Montferrand a marqué les esprits, comme y marquait l’plafond des tavarnes avec son talon en steppant dins airs – une carte de visite, à sa façon. Y’a donné aux Canadiens français une raison de bomber l’torse dans des bouttes de leur histoire où y’en avait pas d’faciles. Pis ça, parsonne peut y’enlever ça.


Source : Benjamin Sulte, Histoire de Jos. Montferrand : l’athlète canadien, 1889.

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