Les Vikings arsoudent au Vinland, partie 4 : La dérape meurtrière de Freydis Eriksdottir

Partie 1
Partie 2
Partie 3

Freydis, la fille d’Erik le Rouge : c’te femme-là est une légende. Les artisses la représentent souvent comme une belle grande amazone, ses cheveux roux comme un incendie dans le soleil de minuit, avec une armure pis une épée pis toute la patente. Mais là, faudrait se slaquer l’imaginaire un peu, parce qu’on n’est pas dans les vues, pis c’est plus compliqué que ça. L’affaire, c’est que Freydis, dépendamment d’à qui qu’on demande, c’était une héroïne ou bedon une maudite faisant-mal, à l’argent pis sans scrupules.

Les deux principales sagas qui racontent la découverte du Vinland s’entendent pas pantoute sur le rôle de Freydis. À date, moé, j’me basais sur la Saga des Groenlandais. Mais dans la Saga d’Erik le Rouge, y’a une méchante anecdote trop bonne pour pas être racontée, faique j’vas commencer par ça.

Dans la Saga d’Erik le Rouge, Freydis était allée au Vinland en même temps que Thorfinn pis Gudrid. Pareil comme dans la Saga des Groenlandais, le beu fit peur aux Skrælings, sauf que là, y se sauvèrent, pis quand y’arvinrent quelques semaines après, c’était déjà pour attaquer le village. Entécas, je sais pas ce que le beu leur avait dit pour les crinquer de même, mais ça devait être une méchante vacherie (scusez-la).

Mais là, la puck roulait pas pour Thorfinn pis sa gang; les Skrælings étaient juste trop nombreux, faique les Vikings se mirent à battre en retraite.

C’est là que Freydis, enceinte jusqu’aux yeux, sortit de sa maison :

« Voyons, astie, qu’est-cé ça? Êtes-vous après vous sauver comme des pissous? Crime, si j’avais une arme, j’pourrais faire ben mieux que toute vous autres! »

Personne l’entendit, ou ben personne l’écouta, faique Freydis dut se sauver elle avec, mais ça allait pas vite vite à cause de sa bedaine. Rendue dans le bois, avec les Skrælings qui la rattrapaient, elle vit un Viking mort à terre et ramassa son épée. Elle se retourna vers ses poursuivants et se mit prête à se défendre. C’est là qu’elle se sortit les seins de la robe et lâcha un sacrament de cri de guerre en se crissant un gros coup du plat de l’épée sur la poitrine :

« YAAAAAAAAAAHHHHH!!!! »

Les Skrælings restèrent frettes en simonac devant cette espèce de déesse-mère en feu d’la mort qui tue qui hurlait après eux-autres en se frappant elle-même. Faique ils se dirent que ouin, finalement, ça leur tentait pu tant que ça d’attaquer, y’avaient oublié leur ragoût de phoque sur le rond, merci bonsoir! Ils revirèrent de bord et s’enfuirent tellement vite qu’un peu plus pis leurs canots partaient sur la trace.

Thorfinn pis les autres hommes vinrent la trouver pis la félicitèrent pour son courage. Heille, y devaient-tu filer cheap, un peu?

Faique revenons à la Saga des Groenlandais, qui raconte pas la même affaire pantoute. Dans celle-là, Freydis, était mariée avec un gars qui s’appelait Thorvard. Elle, c’était une germaine qui pétait plus haut que le trou, pis lui, c’était un mou qui faisait toute c’qu’a voulait. Y’avait été choisi pour être son mari juste parce qu’y avait ben de l’argent.  

L’été que Thorfinn pis Gudrid arvinrent du Vinland, deux frères, Helgi pis Finnbogi, arrivèrent de Norvège pour passer l’hiver au Groenland. Freydis alla tusuite les voir :

« Heille, ça vous tenterait-tu d’aller au Vinland? J’ai quequ’chose à vous proposer. Vous prenez votre bateau, moé m’a m’en trouver un de mon bord, on embarque à 30 hommes chaque à part des femmes, pis on se sépare le butin égal entre nous autres. Ça a-tu de l’allure? »

Les frères trouvaient que ça avait ben du bon sens, faique Freydis alla voir Leif :

– Heille e’l frère, j’veux aller au Vinland moé avec, tu me donnes-tu la maison que t’as bâtie là-bas?
– J’veux ben te la prêter, la sœur, mais pas te la donner. D’un coup que j’voudrais y r’tourner, tsé.

Freydis, Helgi et Finnbogi venaient yinque de se lancer dins préparatifs de l’expédition, que déjà là, Freydis commençait à manigancer : elle leur passa en dessous du nez cinq hommes de plus que les 30 qu’elle était supposée avoir.

En mer, les deux bateaux étaient censés rester le plus proche possible, mais comme Helgi pis Finnbogi arrivèrent un peu avant Freydis, y commencèrent à s’installer dans la maison à Leif. Faique quand la fille d’Erik le Rouge vit ça, elle dit :

– Heille? Qu’est-cé que vous crissez dans’ maison à mon frère?
– Ben là, ch’pensais qu’on pouvait rester icitte, comme on avait dit avant de partir, répondit Finnbogi.
– Nanon, fit Freydis. C’t’à moé que Leif a prêté la maison, pas à toé, faique claire ta marde.
– T’es sérieuse, là?
– Heille, dit Helgi en r’gardant par-dessus l’épaule de Freydis, c’tu moé où t’as amené plus de monde que t’étais supposée?
– Ben oui, pis? Qu’est-cé que vous allez faire, les crisser à l’eau pour qui s’en retournent au Groenland à’ nage?
– Astie que t’es croche, Freydis, calvaire, dit Helgi en partant avec ses affaires, suivi du reste de sa gang.

Faique Helgi, Finnbogi et leurs gars se bâtirent une maison à eux-autres pas trop loin, tandis que Freydis et son monde se mirent à couper du bois pour remplir le bateau.

Rendu à l’hiver, les frères proposèrent que les deux gangs jouent à des jeux pour se désennuyer. Au début, ça allait pas pire, pis c’tait ben l’fun, mais après un boutte, la chicane pogna pour une niaiserie, faique finalement tout le monde passa le reste de l’hiver à bouder chacun dans son coin.  

Un matin de bonne heure, Freydis se leva, s’habilla pis partit nu-pieds chez Helgi pis Finnbogi, enveloppée dans la grosse cape en laine de son mari parce qu’y faisait frette pis humide. Quand elle arriva à leur maison, elle entra par la porte laissée à moitié ouverte par Helgi, qui était sorti pas longtemps avant ça, probablement pour tirer une pisse ou quequ’chose de même.

Elle resta longtemps dans le cadre de porte sans rien dire. Un m’ment’né, Finnbogi, écartillé dans son lit, l’aperçut :

– Freydis, c’tu fais-là? Tu m’as fait faire un astie de saut!
– J’aimerais que tu te lèves pis que tu viennes avec moé, j’veux qu’on parle.

Finnbogi était ben, lui, dans ses couvartes toutes chaudes, comme un p’tit écureux enveloppé dans sa queue, mais y s’habilla et suivit Freydis. Ils s’assirent sur une souche pas loin de la maison.

– Pis, comment tu trouves ça, icitte, Finnbogi? demanda Freydis.
– C’est pas pire, j’veux dire, la terre est riche pis toute, mais messemble qu’y’a un frette entre nous autres; je comprends pas pourquoi, pis je trouve ça plate pas mal.
– Ouin, moé’ssi je trouve ça, dit Freydis. Faique si chu v’nue te voir à matin, c’est parce que je voudrais échanger mon bateau contre le vôtre, qui est plusse gros. Ch’tannée d’être icitte. Je veux sacrer mon camp pis m’en retourner au Groenland.
– Ah, ben si c’est yinque ça, pas de trouble, ça va me faire plaisir, répondit Finnbogi.

Faique Freydis s’en alla chez elle, pis Finnbogi retourna en t’sour des couvartes. Rendue à’maison, Freydis alla se recoucher à côté de son mari pis le réveilla en y collant ses pieds frettes dans le dos.

– Aaghhhrrr!! C’tu fais là avec tes torvis de grands pieds frettes, saint simonac?
– Thorvard! J’arviens d’aller voir les frères, pis tu créras pas ce qu’y m’ont fait, s’exclama Freydis. Je voulais acheter leur bateau, parce qu’y est plusse gros que l’nôtre, tsé. Mais là, on dirait qu’y ont mal pris ça, ché pas pourquoi, pis y’ont commencé à me brasser pis à me traiter de noms! Après ça, y m’ont sacré une volée, les écœurants!
– Ben voyons, ma chérie, t’es tu correcte?
– Ah, chu correcte! Tu m’connais, chu toffe! Mais mon honneur, lui, c’t’une autre affaire!
– Euh…
– Ben oui, mon honneur, Thorvard! Pourquoi c’est faire que t’es pas déjà deboutte après réveiller tes gars pour aller me venger, maudit branleux?

Thorvard fit une face comme si a y’avait crissé un coup de pied dins gosses.

– Mais là, Freydis, ch’pas sûr que…
– Ben c’est ça, Thorvard, toé, t’es jamais sûr de rien! Tu restes tout le temps là, la bouche ouvarte comme un gros innocent! En tout cas, c’est d’valeur en maudit qu’on soye pas au Groenland, parce que mon frère, lui, ça f’rait longtemps qu’y aurait r’troussé pour me défendre! Astie, si t’es trop lâche pour aller venger mon honneur pis le tien, va falloir que tu te trouves une autre femme, mon gars!   

La voix de Freydis était comme une égoïne qui zigonnait dans son orgueil. Finalement, Thorvard, pu capable d’en prendre, sortit du litte. Y rassembla son monde pis alla à maison des deux frères. Helgi, Finnbogi pis toutes leurs hommes furent garrochés dehors en bobettes pis massacrés, aucun dialogue, flâwk tusuite.

Quand ils y eurent toute passé, Freydis dit :

– Ouin, pis les femmes, eux autres?
– Ben là, Freydis, elles, y t’ont rien faite!
– Donne-moé ta hache.

Freydis pogna la hache des mains de son mari pis rentra dans la maison. Y’eut des sons de bardassage pis des hurlements, pis pu rien. Freydis ressortit, la face pleine de sang pis l’air de quequ’un de satisfait de son ouvrage.

« Là, si on finit par artourner au Groenland, que j’en voye pas un aller bavasser, parce que je vais m’arranger pour qu’y dise pu jamais un mot… On va dire qu’y’ont tellement aimé ça icitte qu’y’ont décidé de rester, c’tu clair? »

Faique au début du printemps, Freydis pis sa gang remplirent le bateau des deux frères ben plein de bois pis d’autres bonnes affaires du Vinland pis s’en retournèrent chez eux.

Rendue au Groenland, Freydis se fit ben généreuse avec le monde de son expédition – c’tait évident qu’a donnait des cadeaux de tous bords tous côtés pour acheter le silence.

Mais ben crère, vous savez comment c’est, ça prend juste un soir de brosse pour qu’un épais s’ouvre la trappe, pis ça commence à mémérer partout dans’ colonie.

Quand Leif entendit ça, y’était crissement pas de bonne humeur. Y’alla chercher trois compagnons à Freydis par le chignon du cou pis les força à avouer ce qui s’était passé : y dirent tous les trois exactement la même affaire.

« Bon, qu’est-cé m’a faire? se demanda Leif. J’ai pas l’cœur de punir ma sœur comme j’sais qu’à mérite. Mais ch’prédis que ses enfants vont avoir d’la misère dans vie, à c’t’heure que ça se sait partout dans’colonie que leu mère est une croche qui a tué plein de monde. »

Faique a s’en est clairé, la maudite! C’est pratique pareil d’être la sœur du chef.

Après ça, les sagas parlent pu des voyages au Vinland. On s’imagine que les Vikings ont fini par laisser faire, étant donné que les Autochtones étaient déjà là pis qu’y’avaient l’avantage du nombre. Mais même si à c’t’heure, le pays s’appelle le Canada pis pas la République démocratique du Vinland, c’te gang de crinqués-là ont quand même faite un exploit que le monde est pas près d’oublier.

Source principale : HON. RASMUS B. ANDERSON, LL.D. The Norse Discovery of America, 1906. https://www.norron-mytologi.info/diverse/norsediscovery.pdf

Les Vikings arsoudent au Vinland, partie 2 : les voyages à Leif pis Thorvald

Partie 1

Leif, un des garçons à Erik, avait l’œil clair, l’esprit entreprenant pis ben d’la jarnigoine. Faique quand il entendit son père jaser avec Bjarni, les oreilles y retroussèrent tusuite :

« Une nouvelle terre? Faut que j’aille voir ça, moé! C’est ma chance de me faire un nom! »

Y fit pas ni une ni deux pis alla trouver Bjarni pour y poser des questions pis y’acheter son bateau. Après ça, y convainquit 35 gars de partir avec lui pis invita son père à devenir chef de l’expédition. Mais Erik, que les années commençaient à rattraper pas mal, répondit :

– Boaaarff, ch’pus en forme comme j’étais, t’sais! J’ai pu l’âge de m’énarver trop trop.
– Ben voyons, p’pa! Viens donc avec nous autres! T’es le découvreur du Groenland : tu vas être notre porte-bonheur! Enwoye don!

Flatté dans le sens du poil, Erik finit par dire oui. Mais la journée du départ, son cheval se planta comme un cabochon sur le chemin qui menait au quai, pis Erik tomba à terre et se fit mal au pied. Voyant ça comme un signe (ou une excuse), le vieux Viking dit :

– Non, moé, chuis pas dû pour découvrir d’autres places qu’icitte. Vas-y tout seul, mon gars, j’te fais confiance. Moé, j’m’en retourne trouver ta mère en avant du feu. Que le dieu Njord soye avec toé!
– P’pa, j’te l’ai dit que j’étais rendu chrétien!

Faique Leif rassembla sa gang pis mit l’cap sur l’inconnu, comme son père avait fait des années avant ça. Après une secousse à naviguer vers l’ouest, il aperçut une terre de roches plates qui s’étendaient de la mer jusqu’à un massif de montagnes de glace. Y’avait pas grand-chose d’intéressant là, mais Leif descendit pareil.

« Qu’y en ait pas un qui vienne dire que je suis branleux comme Bjarni. J’ai débarqué icitte pis j’vas donner un nom à la place : Helluland. »

Ça voulait dire « terre des roches plates ». C’était un peu facile, mais au moins y’a pas appelé ça « les roches à Leif », toujours ben.

Il poursuivit son chemin vers le sud, pis tomba ensuite sur une terre pleine d’arbres. Leif pis sa gang avaient la gueule à terre : y’avait de quoi en construire en simonac, des bateaux! Faique Leif nomma la place « Markland » ou « terre des forêts », pis repartit, en se promettant ben de faire un croche en revenant pour remplir sa cale de bois au ras-bord.

Ces deux places-là, on pense que c’était l’île de Baffin pis le Labrador, mais c’est après que ça devient moins clair.

Une bonne journée, Tyrker, un esclave allemand d’Erik que Leif aimait ben et considérait comme un deuxième père, revint pas au camp. Comme y’était rendu entre chien et loup, Leif commençait à stresser :

– Ben voyons, où c’qu’il est, Tyrker?
– Euh… On l’sait pas, y’était avec nous-autres, pis un m’ment’né, y’était pu là…
– Ben là! Gang de gnochons! J’vous avais dit de toujours rester ensemble! C’pas dur, messemble!
– Scusez! Y doit pas être loin! Veux-tu qu’on essaye de l’trouver?
– Na-non! Moé m’a y’aller, pis pas avec vous-autres! Ça se peut-tu être cave de même!

Faique Leif, en beau maudit, et 12 de ses compagnons partirent à la recherche de Tyrker. Ça prit pas grand temps pour qu’ils le voient sortir du bois, l’air toute de bonne humeur.

« Hein! T’étais où, son père? Pourquoi c’est faire que tu t’es écarté des autres pis que t’arrives tard de même? »

Tyrker avait pas l’air toute là : y parlait juste en allemand, roulait des yeux pis souriait comme un épais. Finalement, y dit dans la langue du Nord :

– Chus pas allé ben ben plus loin que vous-autres, pis j’ai trouvé quet’chose de pas pire pantoute : des vignes pis des raisins!
– Hein! T’es-tu sûr, son père?
– Ben crère! Là où c’que chus né, y’en avait en masse, d’la vigne, faique cré-moé que j’sais de quoi qu’ça a d’l’air!

Leif capotait. D’la vigne, heille! C’était ben au-dessus de tout ce qu’il aurait pensé trouver là. Le lendemain, il fit une annonce à sa gang :

« Ok les gars, changement de programme. À partir d’à c’t’heure, on explore pu : y’en a une gang qui vont couper des arbres, pis une autre gang qui va cueillir des raisins. On remplit le bateau ben accoté pis on s’en r’tourne au Groenland. Ah, pis icitte, à cause des vignes qu’on a trouvées, j’ai décidé d’appeler ça le Vinland. »

C’était où, exactement, le Vinland? Les savants s’astinent encore là-dessus. Le camp à Leif, c’est-tu celui qu’on a trouvé à L’Anse-aux-Meadows? Pas sûr pantoute. Là-bas, c’est plein de petits fruits nordiques qui font des batèche de bonnes confitures. Mais, des raisins? Ça se peut juste pas. Fait binque trop frette. En plus, dans les sagas, on dit que ça gelait même pas l’hiver. Parlez-en à un Terre-Neuvien – y va être crampé raide.

Faique, le Vinland, à Terre-Neuve? Oubliez ça. Certains disent que c’était au Nouveau-Brunswick. D’autres, au Maine ou au Massachussetts. Mais on le sait juste pas, parce qu’on n’a pas encore trouvé de preuve que les Vikings se sont rendus jusque‑là. P’t’être qu’un jour, quequ’un va tomber sur une épingle en cuivre vieille de 1 000 ans qui va changer toute ça…

Mais en tout cas, Leif, lui, savait c’était où, pis y le dit à d’autres. Son frère Thorvald, en l’entendant raconter toutes les belles affaires qu’il avait vues, devint tout énarvé :

« Ayoye, mon homme! C’est ben malade, ce que t’as découvert! Moéssi j’veux y aller! Tu me prêtes-tu ton bateau? Envoye-doooonc! »

Faique le printemps d’après, Thorvald partit au Vinland sur le bateau de Leif avec 30 de ses chums. Il explora tout le long de l’été, pis passa l’hiver dans le camp que Leif avait bâti. Au deuxième été, il repartit à la découverte.

Un jour, il arriva dans un estuaire, pis vit un cap qui s’avançait dans’mer, couvert de belle forêt. Il décida de débarquer pis d’aller sentir autour. Trouvant la place ben à son goût, il dit :

« Ouan, j’me construirais ben un chalet, icitte, moé! »

En retournant au bateau, Thorvald pis ses gars virent trois bosses bizarres sur la grève. En s’approchant, ils se rendirent compte que c’étaient trois canots en peau, avec trois hommes en dessous de chaque – des Autochtones. Thorvald, pas plus brillant que ça, cria : « POGNEZ-LES! »

Y’était pas le chef de la diplomatie européenne, mettons.

Ils tuèrent tous les hommes, sauf un, qui réussit à se sauver en canot.

Faique Thorvald et sa gang remontèrent sur le dessus du cap et virent plusieurs petites buttes de terre qui semblaient être des maisons. Mais ça les stressa pas plus qu’y faut, parce qu’ils retournèrent au bateau, se cantèrent et s’endormirent ben dur.

Mais là, leur beau dodo fut brutalement interrompu : du fond du bras de mer arrivait une trâlée de canots remplis d’Autochtones, pis ça prenait pas la tête à Papineau pour comprendre qu’y s’en venaient venger leurs compagnons.

Les gars sautèrent de leur litte comme des saumons qui remontent la Restigouche. Dans le bordel des flèches qui sifflaient pis du monde qui criaient, Thorvald dit :

« ‘Tention les gars! Essayez-pas de les attaquer, juste de vous défendre! Y vont peut-être se tanner! »

Pis soudain, les attaquants s’en allèrent, aussi rapidement qu’y étaient venus.

– Êtes-vous corrects, les gars? demanda Thorvald. Y’a-tu des blessés?
– Tout a l’air beau! Mais toé, Thorvald, ça va tu?

Le fils d’Erik le Rouge, ben sur l’adrénaline, prit le temps de se tchéquer, pis dit :

« Ah ben câline! Gorde ça, j’ai mangé une flèche dans le t’sour de bras! »

Il mit un genou à terre, et ses chums se garrochèrent pour le soutenir. Couché sur le pont du bateau de Leif, mourant, il leur dit :

« Bon, ben ça a l’air que je partirai pas d’icitte. Vous-autres, j’vous conseille de décâlisser au plus maudit. Mais avant, j’aimerais que vous me rameniez à la place que j’trouvais ben belle pis que vous m’enterriez là. C’est drôle pareil. J’aurais voulu un chalet, mais finalement, c’est ma tombe qui va être là… »

Et c’est de même que Thorvald Eriksson rendit l’âme, dans un premier rendez-vous botché entre l’Europe et l’Amérique.

Ses compagnons retournèrent au camp à Leif, remplirent le bateau de raisins pis de bois, pis repartirent au Groenland annoncer la nouvelle de la mort de Thorvald.

Une tragédie de même, ça aurait refroidi les ardeurs de pas mal de monde. Mais, heille! C’est des Vikings, qu’on parle, là! C’est pas une p’tite escarmouche qui allait leur faire peur. Faique l’été d’après, y’en avait déjà qui commençaient à jaser d’aller eux-autres avec tenter leur chance dans le Nouveau Monde.

Comment ça allait virer, toute ça? À suivre!

Partie 3


Source principale : HON. RASMUS B. ANDERSON, LL.D. The Norse Discovery of America, 1906. https://www.norron-mytologi.info/diverse/norsediscovery.pdf