Mon os est plus gros que l’tien : le duel des chercheux de dinosaures

Illustration originale : Christine Labrecque; couleurs: André St-Laurent

Par chez nous, quand ch’tais jeune, y’avait le Bonhomme Perreault pis Piton Dufour – que j’ai jamais su pourquoi qu’on l’appelait de même – qui restaient un à côté de l’autre pis qui étaient pas capables de se sentir. Ça aurait commencé parce que la clôture de Piton débordait un peu su’l terrain du Bonhomme, ça a dégénéré en chicane qui a duré 30 ans, pis ça a fini quand le Bonhomme Perreault a pété du cœur en apprenant que sa chambre allait être juste à côté de celle à Piton Dufour au foyer d’accueil. 

Nos deux zozos d’aujourd’hui, eux-autres, y se chicanaient pas pour des poteaux de clôture, mais pour des os de dinosaures. Pis pour la gloire, à une époque où c’que la paléontologie, la science qui étudie les restants d’être vivants de v’la ben longtemps, était encore toute neuve pis que toute était encore à découvrir.

En 1859, Darwin était arrivé avec sa théorie de l’évolution. À partir de ce moment-là, les paléontologues s’étaient pu sentis obligés de faire comme si les os et les fossiles qu’y trouvaient dans le sol avaient été mis là par le yâble pour nous faire douter de la création du monde en six jours par le Bon Dieu. Faique y couraient partout comme des p’tits veaux du printemps, pis c’tait à celui qui ferait le plus de découvertes. 

Dans c’te gang-là, y’avait justement Othniel Marsh et Edward Cope, deux paléontologues américains. 

Un jour, Cope, tout fier, montra à Marsh un beau squelette d’élasmosaure qu’y avait déterré pis reconstitué. Sauf qu’au lieu d’être épaté, Marsh partit à rire : 

« Heille, c’tu moé, ou ton élasmosaure a la tête su l’cul? Tsé, là, comme le ch’fal à PT Barnum qui était censé avoir la tête à l’envers, sauf que c’tait yinque un ch’fal viré de bord dans son box? » 

C’te jour-là, Marsh aurait vraiment dû farmer sa grand yeule. Mais tsé, c’tait un téteux : y’avait vu que les vertèbres de la bête étaient pas du bon bord, faique y’avait pas pu s’empêcher de l’dire. Pis Cope, lui, y’était susceptible pas à peu près. Faique comme la clôture à Piton Dufour, l’élasmosaure allait devenir le point de départ d’une chicane à pu finir.

Dans le coin gauche, Marsh : né dans une famille pauvre, y’avait pu faire des belles études grâce à son oncle millionnaire. Y’était sérieux, brillant, pis y’avait une maudite tête de cochon. Y’était resté vieux garçon, parce que les femmes le trouvaient « trop intense ». Faut dire que son habitude de les traiter « d’adorables petits vertébrés », c’tait pas trop séduisant pour ses prospects. 

Dans le coin droit, Cope, un flot de riche. Y’avait pas de diplômes, mais c’était pas parce qu’y manquait de jarnigoine : c’est juste qu’y avait tellement un maudit caractère de cul qu’y finissait tout le temps par se faire des ennemis pis sacrer son camp de l’école. Un jour, y s’était pogné avec son ami Persifor Frazer dans le lobby de la Société philosophique. Le lendemain, un autre chum vit son œil au beurre noir :

– Cibole, Cope, veux-tu ben me dire comment t’a fait ton compte? 
– Si tu me trouves magané, attends de voir Frazer à matin! 

Ça vous donne une idée. 

Les deux s’étaient rencontrés en Allemagne en 1863, pendant que Marsh, 32 ans, étudiait à l’Université de Berlin, pis que Cope, 23 ans, se pétait des belles vacances dans les Europes pour éviter d’être conscrit dans la guerre civile américaine. Au début, les deux s’entendaient pas trop mal; y passèrent plusieurs jours toué deux à Berlin, pis, plus tard, Marsh nomma une nouvelle espèce de dinosaure en l’honneur de Cope, pis vice-versa. 

Mais là, quand Marsh dit à Cope que son élasmosaure était sans devant derrière, Cope fut indigné ben raide :

– Ben non! C’pas vrai! J’ai trouvé les vertèbres dans ce sens-là! 
– Ben, je l’sais-tu, moé! Chus sûr que t’as pas mis la tête du bon bord! Le grand boutte, c’est le cou, pis le p’tit boutte, c’est la queue! 

Pour trancher l’affaire, y’allèrent chercher Leidy, un autre paléontologue – un bon gars que tout le monde aimait pis respectait. Y se planta en avant du squelette pis, sans dire un mot, y prit la vertèbre du boutte de la queue pis alla la mettre à la base du crâne : ça fittait parfaitement. 

Malaise. 

Pis ça allait pas en rester là. 

Les années passèrent, pis, en 1873, backé par l’armée pis l’Université Yale, Marsh se lança dans une grosse expédition au Nebraska pis au Colorado. Y ramena des waguines entières bourrées d’os pis de fossiles. 

Y’était gras dur. 

Cope, pendant ce temps-là, avait réussi à se faire engager par le Service géologique des États-Unis, ce qui lui donnait un bon moyen de publier ses découvertes. Y’avait juste un problème : c’était une job qui payait pas une cenne. Y dut donc téter des bidous à son paternel pour financer sa propre expédition au Colorado pis en Utah. 

Y trouva ben des fossiles, mais un m’ent’né, à force de travailler dans le frette, Cope pogna une grosse grippe d’homme pis se retrouva cloué à son litte à moitié mort. 

Sa femme Annie, une fille de bonne famille élevée dans la ouate pis dans les bondieuseries, eut comme un choc culturel quand a se retrouva pognée, avec pu une cenne, pour soigner son mari, chercher de l’argent au plus maudit pis dealer avec la propriétaire de la maison qu’y louaient, une pure créâture de l’Ouest au répertoire de sacres plusse garni que celui d’un bûcheux d’l’Abitibi. 

Pendant ce temps-là, Cope pis Marsh s’étaient pas oubliés : y se surveillaient pis se comparaient sans arrêt. Marsh avait plus de fossiles, mais, comme je l’ai dit, y’était ben téteux pis y prenait son temps avant de publier ses découvertes. Cope, lui, faisait complètement le contraire : y publiait le plus d’articles possible, le plus rapidement possible, quitte à faire des erreurs.

Ça gossait ben gros Marsh. Mais, un jour, y reçut une lettre intrigante :

Bonjour,
On a trouvé des fossiles que vous pourriez trouver pas pires? – ça a l’air d’être des os de grosses bebittes. On aimerait ça les déterrer pour vous, mais l’argent pousse pas dins arbres, faique ça serait pas pire si on était payés, tsé veut dire. Pour vous prouver que c’est pas des menteries, on va vous en envoyer une couple avant. On a pas parlé de t’ça à d’autres à part vous.  

En espérant que vous nous répondiez avant qu’l’hiver pogne,

Vos serviteurs ben d’adon,

Harlow et Edwards

Marsh se demandait ben qu’est-cé c’tait ça, mais d’un coup que c’tait la découverte du siècle pis que Cope finissait par mettre la main dessus parce qu’y avait pas été assez vite su’l piton? 

Drette tusuite, y’envoya un chèque aux deux gars, qu’y purent pas encaisser parce que Harlow pis Edwards, c’tait des faux noms : en fait, y s’appelaient Reed pis Carlin, pis y travaillaient pour le chemin de fer au Wyoming. 

Malgré ça, Marsh finit par s’entendre avec eux-autres, pis y se mit à recevoir un tapon d’os de dinosaures, dont les premiers spécimens de grands classiques comme le diplodocus, l’allosaure pis le stégosaure. 

Marsh avait beau essayer de garder son nouveau spot secret, mais ben vite, la nouvelle se répandit. En fait, c’tait Reed pis Carlin eux-autres mêmes qui s’étaient ouvert la trappe : y trouvaient que Marsh payait pas assez cher, pis y voulaient créer de la concurrence. 

Y’écrirent même à Cope, mais y demandaient tellement cher qu’y les envoya promener. Mais là, y’avait la puce à l’oreille. Ben vite, les hommes à Marsh remarquèrent qu’y avait un gars bizarre qui rôdait autour des carrières. Pas Cope en personne, mais clairement un espion qu’y avait envoyé. 

Malgré ça, Marsh était au-dessus de ses affaires : y payait en retard, pis Carlin trouvait que c’tait un maudit air bête, faique y décida de se lancer à son compte. Son premier client? Nul autre que Cope. 

Un m’ment’né, y restait pu grand-chose dans les carrières à Marsh, faique c’tait le temps d’arrêter les fouilles. Pis Marsh envoya une dernière directive à Reed : 

« Détruis toute c’qui reste pis remplis les trous. Pas question que c’te maudit amateur de Cope ramasse quoi que ce soit. »

Faique ouin. Espionnage, trahison pis destruction : pour eux-autres, y’avait rien de trop bas.  

La rivalité continua de même pendant des années. Pis tout ce temps-là, chaque fois que Cope publiait un de ses nombreux articles écrits à la va-vite, Marsh prenait plaisir à en écrire un autre pour montrer toutes les erreurs qu’y avait trouvées dedans. 

En 1889, Marsh travaillait pour le Service géologique des États-Unis pis était rendu un grand chum de John Wesley Powell, le directeur. Les deux ensemble, y’étaient déterminés à effoirer Cope pour de bon. Vous vous rappelez que Cope avait accepté une job au Service parce que ça y permettrait de publier un livre avec toutes ses découvertes? Ben là Powell avait changé d’idée pis refusait de publier son manuscrit sous prétexte que ça coûtait trop cher. 

Pis y’avait pas fini! Même si Cope avait pas reçu une cenne du Service géologique, là Powell disait que sa collection de fossiles appartenait au gouvernement pis qu’y devait la rendre drette là.

Cope capota ben raide : sa collection de fossiles, c’tait quasiment tout ce qu’y lui restait – y’avait d’la misère à payer son hypothèque, bazouelle! Si Marsh pis Powell voulaient la guerre, y’allaient l’awouère! 

Dans le fond d’un tiroir, Cope avait un petit cahier où c’qu’y’avait noté toutes les erreurs pis les passes croches que Marsh avait faites. Avec ça, y’alla voir William Hosea Ballou, journaliste indépendant. Pis là, ça péta solide : 

LA MARDE EST POGNÉE CHEZ LES SCIENTIFIQUES!
LE PROFESSEUR COPE ACCUSE LE DIRECTEUR POWELL ET LE PROFESSEUR MARSH DU SERVICE GÉOLOGIQUE D’AFFAIRES PAS CATHOLIQUES!
POWELL ET MARSH NIENT TOUTE! 

Dans l’article de Ballou paru dans le New York Herald, Cope accusait Marsh et Powell de passes croches, de favoritisme, de plagiat, de vol, de pigeage dans les fonds publics, alouette. Si Powell voulait y’enlever sa collection de fossiles, c’tait parce qu’y faisait de l’ombrage à Marsh. 

Marsh pis Powell y répondirent dans le Herald avec leur propre article, pis ça continua de même pendant que’ques semaines, les accusations qui r’volaient d’un bord pis de l’autre. 

Après c’t’épisode-là, leur lavage de linge sale en public était rendu aussi malaisant qu’une chicane de couple pendant un souper entre amis; pu personne voulait être associé avec eux-autres. Marsh dut démissionner du Service géologique, mais Cope put garder sa collection de fossiles. Pis après, leur rivalité tomba un peu dans l’oubli.

C’est Cope qui mourut en premier, même si y’était plus jeune que Marsh; y’avait la santé fragile. Mais y voulut avoir le dernier mot jusqu’à la fin. 

L’affaire, c’est que dans ce temps-là, on pensait que plus t’avais un gros cerveau, plus t’étais intelligent. Faique, dans son testament, y légua son corps à la science pis demanda que son cerveau soit prélevé, mesuré pis comparé à celui-là à Marsh. Marsh, lui, refusa de participer à un concours de pissettes entre intellectuels. 

À fin, y restait pu yinque lui. Pour ça, y’avait gagné, entécas. J’me d’mande si, comme Piton Dufour au foyer d’accueil, Marsh se sentait pas un peu tuseul à c’t’heure qu’y avait pu personne à haïr… 


Source : Mark Jaffe, The Gilded Dinosaur: the fossil war between E.D. Cope and O.C. Marsh and the rise of American science. https://archive.org/details/gildeddinosaur00mark

Quand ça passe par le mauvais trou : Alexis Saint-Martin, cobaye canayen

« Heille, je peux-tu saucer des affaires dans tes sucs gastriques par le trou dans ton estomac pour voir ce que ça fait? Tu serais logé et nourri, pis t’aurais un petit salaire… »

Alexis Bidagan, dit Saint-Martin, se serait jamais attendu à se faire demander une affaire bizarre de même. Né en 1794 à Berthier, au Québec, dans une famille pauvre, il aurait pas non plus pensé qu’il allait un jour aider à faire avancer la médecine… par accident.

Alexis Saint-Martin dans sa vieillesse (Source : Wikimedia Commons)

Toute a commencé quand Alexis avait 28 ans et travaillait comme trappeur pour l’American Fur Company. Au poste de traite de l’île Mackinac, au Michigan, un cabochon qui faisait pas attention lui tira un coup de fusil drette dans le ventre, sans faire exprès.

Il aurait dû être mort : il avait des côtes de cassées, des muscles déchirés, les poumons lacérés pis brûlés, pis il avait un trou dans l’estomac assez gros pour y rentrer l’index, par où la chevrotine avait ressorti.

Ça regardait mal, mais William Beaumont, médecin de l’armée en poste sur l’île Mackinac, l’opéra quand même en espérant qu’y toffe au moins la nuitte.

William Beaumont (Source : Wikimedia Commons)

Contre toute attente, notre brave Canayen français en réchappa. Y’avait juste une affaire : quand y fut assez en forme pour manger, toute la bouffe ressortit quelques minutes plus tard par le trou dans son estomac. Ouache.

Faique, au début, le Dr Beaumont nourrissait Alexis en lui faisant des lavements (par le péteux, là…). Après un p’tit boutte de même, le trappeur fut bon pour recommencer à manger même si le trou se refermait toujours pas. Un m’m’ent’né, comme Alexis avait pas une cenne pour payer, l’hôpital le crissa dehors.

C’était plutôt poche pour lui. Qu’est-ce qu’il allait faire, amanché de même? Mais le Dr Beaumont, lui, y vit une occasion en or :

« Ça parle au yâb! Je peux y voir dans l’corps! Faut absolument que je l’empêche de repartir – grâce à lui, je pourrais être le premier à percer les mystères de la digestion! »

C’est là qu’il lui fit la fameuse proposition. Dans le contrat qu’Alexis a signé, c’était écrit qu’il allait être employé comme serviteur chez le Dr Beaumont, logé pis nourri, avec un salaire de 150 $ par année – même avec l’inflation, c’était pas à se tirer dans les murs : ça revient à peu près à 2 800 $ aujourd’hui. Surtout qu’en échange, le Dr Beaumont pouvait faire les expériences qu’il voulait sur lui.

L’histoire, c’est que dans ce temps‑là, on parlait pas vraiment de t’ça, des affaires comme le consentement éclairé. Alexis était illettré pis y parlait à peine anglais, faique y devait pas trop savoir dans quoi y s’embarquait…

Le trou de la gloire
Dans ce temps-là, c’était ben mystérieux, la digestion. Pis on avait pas grand moyen de savoir comment ça marchait.
 
Quelques expériences avaient été faites sur des animaux, mais y’a toujours ben des limites à ouvrir bestiau après bestiau en plein lunch pour voir ce qui se passe en dedans. Pis on pouvait pas non plus étudier ça sur des cadavres, parce qu’un cadavre, ben ça digère pu.
 
Le scientifique Charles-Édouard Brown-Séquard, lui, avait une autre idée : il avalait des éponges attachées après une ficelle, pis il les régurgitait pour étudier ce qu’il y avait dessus. (Après ça, il était pu capable de manger normalement sans vomir. Un de ses collègues a dit que c’était un « sacrifice sur l’autel de la science ».)
 
Faique, dans ce contexte-là, le Dr Beaumont considérait le trou d’Alexis comme sa porte d’entrée au panthéon de la médecine. Et il était prêt à tout pour qu’elle reste ouverte…
 
Parce que c’est louche en maudit que le trou soit resté ouvert de même. Dans ses notes, le Dr Beaumont dit qu’il a tout fait pour le fermer, mais que ça a jamais marché, pis même qu’Alexis aurait refusé les points de suture ou une autre opération qui aurait pu régler le problème. C’est quand même dur à croire. Beaumont dit aussi qu’il a accueilli Alexis chez eux « par pure charité ». Prends-nous donc pas pour des valises, Doc.
 
En plus, selon un certain Gordon Hubbard, qui était là le matin de l’accident, le Dr Beaumont aurait mis quelque chose dans le trou pendant qu’il opérait Alexis pour que ça cicatrise autour pis que le trou reste ouvert…

À part saucer des affaires dans ses sucs gastriques par le trou dans son estomac (qu’il goûtait, des fois – selon lui, le poulet à moitié digéré, ça goûte « fade pis sucré »), le Dr Beaumont lui prélevait de l’acide gastrique pour voir si ça digérait pareil en dehors du corps pis pour en envoyer à d’autre monde.

D’autres fois, il prenait l’acide, le mettait dans une fiole avec un morceau de bouffe dedans, pis forçait Alexis à rester planté là comme un codinde avec la fiole accotée dans le t’sour de bras pour simuler la chaleur pis le mouvement de l’estomac :

— Combien de temps va falloir que je reste de même? Je suis pas mal écœuré pis faudrait vraiment que j’aille ch…
— Encore six heures, mon garçon. Lâche pas! C’est pour la science!

Le trou, dessiné par le Dr Beaumont (Source : Wikimedia Commons)

Le Dr Beaumont lui rentrait toutes sortes d’objets dans l’estomac. Mais une fois en particulier, c’était l’boutte du boutte :

— Enlève ta chemise, j’veux faire un autre test.
— Ok.
— À c’t’heure, penche-toi un peu par en arrière.
— Ok boss… Ark! Ben voyons quessé que vous faites là, tabarnak?
— Hm… Je note : «  Quand on liche l’intérieur de la muqueuse et que l’estomac est vide, ça goûte pas l’acide pantoute. »

Faique c’est pas surprenant qu’après un boutte à faire ça, Alexis ait fini par dire :  

« Moé, j’ai mon estie de voyage. Je câlisse mon camp d’icitte. »

Il retourna donc au Québec, où il se maria et eût une couple d’enfants.

Le Dr Beaumont, lui, était ben découragé de t’ça. Il avait perdu son trou pis il avait ben l’intention de le ravoir. Parce que, rendu là, tout le monde voulait le zieuter : une gang de granoles voulaient l’utiliser pour prouver que les plantes se digéraient mieux que la viande, pis la Medical Society of London avait même ramassé des sous pour faire le faire venir en Europe avec le Dr Beaumont. La gloire était à la portée du docteur, mais son cobaye, lui, en avait définitivement son tas.

Beaumont passa le reste de sa vie à essayer de le flatter dans le sens du poil pour le faire revenir, sans succès. Il écrivit quand même une grosse brique sur les résultats de ses expériences, pis on voit encore aujourd’hui sa face dans tous les livres de gastro-entérologie 101. Finalement, il mourut avant le Canayen français, à l’âge de 67 ans, en se pétant la fiole sur des marches pleines de glace noire.

Alexis, lui, mourut de sa belle mort à l’âge de 78 ans. Comme y’avait plein de maudits vautours qui voulaient avoir le corps pour l’exposer dans un musée ou fouiller dedans, la famille le laissa pourrir au soleil pour qu’il reste juste les os, pis l’enterra dans une tombe pas de nom sous un gros tas de roches.

Quand un autre docteur essaya de mettre la patte sur le cadavre, les enfants du trappeur lui répondirent par un télégramme assez raide, merci :

« Venez pas pour l’autopsie; on va vous faire la peau. »