La Légende de sainte Marguerite d’Antioche

Au 4e siècle, dans l’temps que les chrétiens s’faisaient tuer parce qu’y étaient chrétiens, pis ben avant qu’y s’mettent à tuer les autres parce qu’y étaient pas chrétiens (ou pas la bonne sorte de chrétiens), y’avait un beau brin d’fille qui s’appelait Marguerite.

Marguerite était la fille d’un prêtre païen d’Antioche, dans la Turquie d’à c’t’heure, mais a l’avait un secret : a s’tait faite baptiser en cachette.

Un jour qu’a gardait les moutons ben tranquille sans rien d’mander à parsonne, v’là-ti pas qu’artontit l’astie d’Olibrius.

« Capitaine Haddock, sors de ce corps! » vous allez m’dire. 

Ben non. 

Le gars, c’tait le gouverneur d’la province d’Antioche, pis y s’appelait Olibrius. C’tait SON NOM. Pis c’t’à cause de lui que l’mot est une insulte. 

Ça commence ben, hein?

Toujours est-il qu’Olibrius, en passant au bord du champ avec ses hommes pis ses serviteurs, spotta Marguerite pis sentit la sève y monter dans l’érable : 

« Watatow, c’est qui, elle? Amenez-moé ça icitte tu’suite! Si c’t’une femme libre, a va être ma femme; si c’t’une esclave, ben a s’ra ma concubine. »

Ch’précise, juste de même, que Marguerite avait yinque quinze ans. 

Quand a fut en avant de lui, l’gouverneur y demanda : 

« C’est quoi ton nom, ton pays pis ta religion? »

(Pour ceux qui ont connu l’aube des Internets pis les tréfonds obscurs de mIRC, j’imagine que ça devait être l’équivalent de « ASV » au quatrième siècle.)

Marguerite répondit : 

« J’m’appelle Marguerite, chus de race noble, pis chus chrétienne. »

Olibrius fut ben étonné d’entendre ça : 

— Ben voyons, comment’ce qu’une belle pitoune comme toé peut vénérer un dieu de niflette qui a fini broché s’une couple de deux par quatre? 
— Comment tu sais ça? 
— Comment que ch’sais quoi?
— Que Jésus a été crucifié. 
— Ben, j’ai lu les livres des chrétiens. Tsé, pour la science.
— Si t’as lu nos livres pis t’as vu que Notre Sauveur avait été crucifié, t’as aussi vu qu’y avait été ressuscité pis qu’y avait la vie éternelle! T’as vu sa gloire pis sa puissance! Faique pourquoi tu mets ça de côté pis tu gardes juste c’qui fait ton affaire? 

Olibrius, dont l’afflux sanguin était pas tellement à la bonne place pour l’aider à livrer un débat théologique, pogna les nerfs : 

« Ah, tu m’énarves! J’tez-la en prison pis on va voir comment qu’a va filer demain matin! »

Marguerite passa donc la nuite au cachot pis, le lendemain, fut emmenée en avant d’Olibrius. 

— Bon, t’as-tu assez réfléchi? Enwèye don, Marguerite, adore nos dieux! Eux-autres y vont apprécier ta beauté! Pas ton dieu d’braillards!
— Mon dieu fait trembler toutes les créâtures d’la Terre, tu sauras!
— Maudite tête dure! Si tu continues d’même, m’as t’faire torturer pis tu vas te lamenter, ma fille!
— Jésus est mort pour moé, faique moé, ça m’frait plaisir de mourir pour lui! 

C’est là que l’histoire vire pas mal « death metal ». Ça va être intense. Vous êtes avertis.

Olibrius fit attacher Marguerite su’l chevalet. Ça, c’t’une patente qui sert à t’étirer lentement les bras pis les jambes jusqu’à ce que mes muscles pis l’filage autour des os déchirent. 

Après ça, y la fit fesser à coups d’bâtons pis couper avec des ongles en fer, une autre belle patente de torture des siècles anciens. Marguerite pissait l’sang, mais a lâchait pas. Après un boutte, a s’ramassa tellement maganée que même Olibrius se cachait la face avec sa manche de toge pour pas voir ça. 

— Pis, tu vas-tu vénérer nos dieux, là? Ch’pu capable!
— Toé mon maudit chien, tu peux ben avoir mon corps, mais c’est Jésus-Christ qui va avoir mon âme! Plus ch’souffre icitte, plus j’gagne mon salut en haut!

À boutte, Olibrius ordonna qu’on ramène Marguerite dans son cachot. Pis dès qu’la porte fut farmée, une grosse lumière éclata autour d’la fille, tellement brillante qu’on aurait dit qu’l’élément de poêle venait de sauter. 

Pis là, par miracle, Marguerite fut guérie de toutes ses plaies.  

N’importe qui qui aurait eu une grosse journée d’même se s’rait couché dans l’coin pis aurait été dins vapes jusqu’au matin. Mais Marguerite en avait pas eu assez : a pria le Tout-Puissant d’y montrer l’ennemi qu’a l’avait à combattre. Pis tout d’un coup, POUF! Un dragon apparut en avant d’elle pis l’avala d’une bouchée.

Ça aurait pu être la fin de l’histoire. Mais, dans’bedaine du dragon, Marguerite, pas encore digérée, fit le signe de la croix : 

Pis PÂWF! Le dragon péta comme une balloune remplie d’lumière, pis Marguerite en sortit toute propre pis toute d’un morceau comme si de rien n’était! 

Bon, là on va s’arrêter une tite menute. On est-tu rendus dans Donjons et Dragons, coudonc?

L’histoire à Marguerite, on la r’trouve dans La Légende dorée, une espèce de compendium d’la sainteté écrit au 13e siècle par Jacques de Voragine, moine dominicain pis archevêque de Gênes. 

Dans c’te méga best-seller du Moyen Âge, Jacques raconte la vie de 150 saints, pis j’vous dis que par bouttes, ça vient spécial en sivouplaît : y’a des guérisons, des résurrections, des attaques de démons, des cadavres qui suintent le sent-bon, une couple de saints décapités qui se promènent ben relax avec la tête en d’sour du bras…

Toute ça, là, ça passe. 

Mais quand y’arrive au dragon à sainte Marguerite d’Antioche, Jacques écrit : 

« Mais ce récit-là est regardé comme vain et mal fondé. »

Autrement dit :

Pousse, mais pousse égal. Jacques avait pas d’poignée dans l’dos. 

Entécas, les épreuves à Marguerite étaient loin d’être finies : après ça, c’est l’yâble en parsonne qui se pointa dans son cachot! 

Ça aurait mérité des applaudissements pis des rires en canne, comme à’ tévé.

Y’était déguisé en gars ordinaire, mais Marguerite l’arconnut tu’suite; a tomba à genoux pis a s’mit à prier de toutes ses forces. 

Le yâble y prit les mains pis y dit : 

« Ah, mon pauvre p’tit pet de sœur! T’as ben assez souffert, tu peux arrêter, là! » 

Le prince des démons l’savait pas, mais y’avait fait une erreur fatale en s’approchant trop proche de Marguerite : a le pogna par la tête pis le câlissa à terre avec une technique d’amené au sol digne de Georges Saint-Pierre.  

Après ça, a mit son pied su sa tête pis dit : 

— Quins toé! Tu t’sens moins fin, là, hein, en d’sour des pieds d’une créâture?
— Heille, ça se peut-tu? répondit l’yâble, tout débiné. Battu par une floune! 
—Pourquoi t’es venu icitte? Parle! 
— J’voulais t’convaincre d’obéir au gouverneur pour que tu soyes damnée. Moé, tsé, ch’t’un ange déchu pis ça m’écœure TELLEMENT, les p’tits parfaits comme toé qui vont s’en aller au ciel tandis que moé, ch’peux même pu y’aller! 

Quand y’eut fini de s’lamenter Marguerite leva son pied pis dit :

« T’es vraiment une marde. Enweille, décâlisse. » 

Le lendemain matin, Marguerite voulut toujours pas faire de sacrifice aux dieux des païens, faique les tortures arcommencèrent. 

Marguerite fut brûlée avec des torches, encore pis encore pis encore. La foule en revenait juste pas de voir une p’tite jeune fille de même toffer toute ça sans dire un mot. 

Faique le gouverneur la fit jeter dans un bassin d’eau. Mais, tout d’un coup, la terre s’mit à trembler, pis Marguerite sortit de d’là toute guérie. 

En voyant c’te miracle-là, 5 000 hommes – ça fait BEAUCOUP de woireux – se mirent subitement à croire au Tout-Puissant. 

Là, le gouverneur se dit : 

« Heille wô, ça a pas de bon sens, ça là! Si on continue d’même, a va convertir toute la ville! C’t’assez. Qu’on la décapite! »

Marguerite demanda une p’tite menute pour prier avant d’mourir, pis l’gouverneur accepta. A dit : 

« Ch’prie pour toutes mes persécuteurs. J’leu pardonne pis j’leu souhaite de trouver la lumière du Très-Haut. Pis aussi, j’voudrais que les femmes enceintes, si y m’invoquent, y puissent accoucher sans danger. » 

Pis là, toujours selon La Légende dorée, une voix venue du ciel y répondit : 

« Tiguidou, ma brebis! »

Faique Marguerite se tourna vers le bourreau pis dit : 

« Prends ton épée pis vas-y. Fesse. » 

SHLAK. 

C’est d’même que mourut Marguerite d’Antioche, martyre, tête de cochon, championne d’arts martiaux mixtes pis paladin niveau 20 à Donjons et Dragons. 

J’sais pas pour vous autres, mais moé, j’ai une nouvelle sainte préférée. 

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