La Sainte Couronne de Hongrie : quequ’un comme toé pis moé (ou presque) – partie II

Partie I

Bon. J’vous le promets, là : à soir, vous allez savoir pourquoi la croix su’l dessus d’la Sainte Couronne est croche. Ou entécas, comment on pense qu’est v’nue croche.

Faique quand Charles-Robert mourut, son fils Louis y succéda.

Y’avait yinque un problème : Louis avait jusse des filles, pis son frére André, qui aurait pu y succéder, avait été assassiné – étranglé avec un cordon pis crissé par la fenêtre les culottes baissées avec une corde attachée autour des gosses –, supposément sur les ordres de sa femme, Jeanne de Naples.

Bref, ça r’gardait mal pour la succession.

Parce que comme on l’a vu tantôt, en Hongrie, les rois étaient comme semi-élus par les grands seigneurs du royaume, pis eux-autres, y juraient yinque par le zouiz.

Louis fit promettre aux seigneurs d’accepter sa fille Marie comme reine. Mais, ben crère : y’était à peine frette dans sa tombe, pis Marie v’nait à peine de se mettre la Sainte Couronne su’a tête, que déjà, ça se mit à brasser d’la marde pour mettre un homme à sa place.

À ce moment-là, Marie avait yinque 11 ans, pis c’est sa mére qui se battit comme une démone pour défendre son droit. Dans les années de bordel total qui suivirent, les deux se firent pogner par leux ennemis, pis la reine-mére fut étranglée drette en avant de sa fille. Finalement, les nobles battes furent satisfaits quand Marie se maria avec Sigismond de Luxembourg, empereur du Saint-Empire, pis qu’y fut couronné officiellement comme co-souverain.

Malheureusement, queques annéesaprès, Marie, enceinte, eut une bulle au cerveau pis partit tu’seule pour aller chasser. Dans l’fond du bois, son ch’fal s’enfargea, Marie prit l’bord, son ch’fal y tomba d’ssus pis a mourut.

Faique Sigismond, qui arsemble à mon mononcle Jocelyn avec un glorieux casse de poil, resta comme seul roi de Hongrie.

Impossible que ce gars-là ait pas de skidoo ni de terre à bois.

Y s’armaria avec une madame appelée Barbe, pis y’eut yinque une fille, Élizabeth. Toute allait arcommencer.

Sauf qu’Élizabeth réussit à éviter l’pire en se mariant avec Albert du Saint-Empire, alias Tête-de-Gland, pis en le faisant aussi couronner comme co-souverain.

Tête-de-Gland.

Mais là, en 1439, Tête-de-Gland trépassa, laissant dans le deuil sa femme pis deux filles. Pas encore!

Mais pas si vite : Élizabeth était enceinte. D’un coup ça soye un gars?

Comme d’habitude, y’eut une élection. Dans c’temps-là, les Turcs commençaient à faire du trouble aux frontières, faique l’assemblée des nobles battes décida que ça prenait un homme viril qui s’mettrait la flamberge au vent pis qui s’érigerait en défenseur du royaume. Vous voyez ce que je veux dire.

Faique, y’élirent Vladislas III, roi de Pologne – un flo de 16 ans, c’est-tu assez insultant! – comme roi de Hongrie.

Élizabeth fit mine d’être d’adon, mais pas longtemps après, a partit en douce de la capitale avec sa bedaine pis ses partisans. Pis la veille, a l’alla voir Hélène Kottaner, une de ses dames de compagnie :

« Chus sûre que j’vas avoir un gars, pis j’veux l’faire couronner avant que l’autre Polonais s’pointe la face icitte. Tu volerais-tu la Sainte Couronne pour moé? T’es la seule à qui ch’peux faire confiance! »

Heille, c’tait une méchante faveur, ça! C’tait pas comme prêter une perceuse ou aller charcher les p’tits à’garderie : si Hélène se faisait pogner, sa tête risquait de rouler dans’garnotte sur un moyen temps, pis ses flos s’artrouveraient orphelins.

Mais à c’qu’on dit, le vrai courage, c’est de faire c’qui faut même si on shake dans ses pichous. Pis c’est c’qu’Hélène fit. A s’en alla au château de Visegrád, y’où ce qu’y gardaient la Sainte Couronne, sous prétexte qu’a l’allait arjoindre les autres dames de compagnie d’Élizabeth.

Quand tout l’monde fut ben canté, Hélène se l’va pis, avec deux gars qui s’taient offerts pour l’aider, rentra dans l’corridor qui m’nait à’salle des joyaux d’la couronne. Pis là, dans un suspense digne des meilleures vues d’bandits, Hélène guetta l’boutte du passage pendant que ses deux complices limaient les serrures des autres portes.

Par deux fois, Hélène eut l’impression que ça menait du train l’autre bord du mur, comme si une gang de gars armés s’en venaient les pogner. Finalement, parsonne se montra la face, pis Hélène était tellement contente qu’a promit au Seigneur de faire un pèlerinage nu-pieds au sanctuaire d’la Sainte Vierge.

Les gars finirent par arsortir avec la Sainte Couronne. Y remplacèrent les serrures qu’y avaient limées pis arbarrèrent toute comme avant. Hélène cacha la couronne dans un coussin, au travers d’la bourrure.

Le lendemain matin, sûrement ben maganée de sa nuite, Hélène embarqua dans son traîneau (c’tait l’hiver) avec le coussin pis partit trouver sa maîtresse avec les autres dames de compagnie. Su’l gros nerf, a l’arrêtait pas d’argarder en arrière pour voir si a l’était suivie.

Y’eut ben un ti moment de terreur quand un des traîneaux rempli de madames passa au travers des glaces du fleuve Danube, mais heureusement, parsonne tomba à l’eau. Autrement, Hélène réussit à s’rendre sans problème jusqu’à Élizabeth pour y donner la Sainte Couronnne queques heures à peine avant qu’a l’accouche d’un p’tit gars.

C’tu là que la croix aurait été crochie? Y’en a qui pensent que oui. Mais Hélène, ça m’a l’air de quequ’un d’fiable, pis a dit dans ses mémoires qu’elle a fait hyper attention de pas s’asseoir su’l mauvais coussin pis d’effoirer la couronne avec son popotin.

Y’a une autre affaire, aussi : là, on est au 15e siècle, pis la croix commence à être croche su les dessins à partir du 17e. Y’a une autre théorie – on en reparle dans deux siècles.

Entécas, Élizabeth fit couronner son fils, qu’a l’avait appelé Ladislas. La Sainte Couronne était tellement grosse que le p’tit aurait pu s’assire dedans, faique pendant la cérémonie, un cousin à Élizabeth fut obligé de la tenir au-dessus du p’tit qui braillait toutes les larmes de son ti corps. Y dut trouver l’temps long en maudit.

Quand Vlad III de Pologne se pointa en Hongrie, y se fit couronner lui avec, mais avec une couronne pognée dans la tombe de saint Étienne.

Élizabeth était ben décidée à tasser Vlad pour mettre son p’tit Ladislas su’l trône, mais a mourut deux ans après, probablement assassinée. Faique Ladislas alla rester chez Frédérick III, empereur du Saint-Empire, un cousin à son pére.

Deux ans plus tard, arbondissement : Vlad III de Pologne mourut décapité par les Turcs à la bataille de Varna, pis son corps fut jamais artrouvé. Les Turcs, ben contents d’leu coup, immortalisèrent l’étêtage dans c’te peinture-là :

Faique le temps qu’y soye déclaré mort pis que les seigneurs finissent de se chicaner, c’est yinque en 1452 que Ladislas put s’assire sur le trône qui y’arvenait de droit.

Rendu là, y’avait l’air d’une annonce de Pantene avec un pinch mou :

Pis ça a l’air qu’y trippait ben gros sur Harmonium.

Malheureusement, après toute c’te trouble-là, prince Boucle-d’or mourut à 17 ans – y’en a qui disent de la peste, d’autres de la leucémie.

Faique après une autre guerre civile – parce que ça en prenait absolument une – c’est Matthias Corvinus, un jeune noble hongrois, qui fut élu roi.

À c’te moment-là, c’tait encore Frédérick III, le tuteur à Ladislas, qui avait la Sainte Couronne. Faique en échange, y d’manda 80 000 florins d’or, ou 14,5 M$ d’à c’t’heure. Se sachant tenu par les gosses, Matthias accepta de payer, pis la Sainte Couronne artourna enfin chez elle en 1464, après 24 ans au yâble au vert.

Là, on saute jusqu’au 16e siècle. Les Turcs se faisaient de plus en plus dangereux, pis c’est un homme, Louis II, qui était roi. Mais son hommitude y sarvit pas à grand-chose à la bataille de Mohács : toute son armée fut effoirée en deux heures, pis lui, y se sauva la queue entre les jambes. En essayant de monter une côte trop à pic su son ch’fal, y tomba su’l dos dans un ruisseau pis mourut nèyé parce que son armure était tellement pesante qu’y a pu été capable de s’arlever.

Ça, c’est quand y’a été artrouvé :

À partir de là, les Turcs se mirent à gruger de plus en plus le territoire hongrois. D’leu bord, les nobles battes élirent DEUX rois différents en dedans d’un an, pis les deux furent couronnés avec la Sainte Couronne. C’tait une période mêlante.

Entécas, au 17e siècle, même si les Turcs occupaient la capitale, c’tait Ferdinand III de Habsbourg qui régnait su la Hongrie, quand y’avait le temps au travers de ses 15 000 autres jobs, comme roi d’Allemagne, archiduc d’Autriche, empereur du Saint-Empire, roi de Bohême – la liste est tellement longue que même Wikipédia s’écœure avant la fin pis écrit « etc. etc. »

Sa première femme était sa cousine, Marie-Anne d’Espagne.

(Marier sa cousine : mal vu quand t’es un Tremblay du Lac-Saint-Jean, pis parfaitement correct quand t’es un roi avec plus de titres qu’un catalogue de maison d’édition.)

Entécas, quand Marie-Anne se maria avec Ferdinand, y fallut qu’a fasse la run de lait, c’est-à-dire être couronnée reine de toutes les affaires que son mari était roi de. Faique on la comprend d’avoir l’air légèrement à boutte :

Le 14 février 1638, c’tait le jour de son couronnement comme reine de Hongrie. Les reines étaient couronnées avec la première couronne du bord, mais ça prenait la Sainte Couronne quand même : la coutume, c’tait de donner une tite bine su l’épaule d’la reine, comme pour dire, heille, toé’ssi t’as d’affaire dans l’régnage!

Dans ces temps-là, la Sainte Couronne était gardée à Vienne, la ville principale des Habsbourg, pis le couronnement avait lieu à Bratislava, vu que la capitale hongroise était occupée.

Faique toute était prêt : l’archevêque était là, la reine était là, la noblesse était là, les enfants d’chœur chantaient pis toute le kit. Y manquait yinque une affaire : la Sainte Couronne.

M’aginez-vous que le noble viennois qui s’en occupait avait apporté l’coffre avec la couronne dedans, mais qu’y’avait pas apporté la bonne clé! Le palatin (j’vous rappelle, ça c’est le plus haut fonctionnaire du royaume) était en tabarnak :

— Maudit gnochon, c’pas vrai, là?
— Ben, j’m’excuse! Y’a tellement de clés après c’te trousseau-là, ch’tais sûr que j’avais la bonne!
— Astie, qu’est-cé qu’on fait? On est pas pour dire à tout l’monde d’arvenir demain!

Faique y’appelèrent un serrurier.

— Heh boy! Y’a combien de straps en fer après c’te coffre-là?
— Quatorze.
— Simonac! C’est ben d’valeur, Vos Altitudes, mais si ça presse tant qu’ça, moé là, j’ai pas l’temps d’mettre des gants blancs. Va falloir que ch’fesse.
— N’importe quoi, tant que tu nous sors la couronne de d’là au plus crisse.
— Bon ben, advienne que pourra, d’abord!
*PONG*
*PING*
*PING*
Mon torrieux, veux-tu ben ouvrir!
*PROK*
*KROK*
Heille, mon astie d’enfant d’ch…
*SPLONK*
Bon!

Le serrurier ardonna l’coffre au palatin. En dedans, y’avait un autre coffre plus p’tit en cuivre, pis y’était bossé comme une aile de char après un accrochage. Ça r’gardait mal, mais le fonctionnaire se laissa pas décourager :

« Donnez-moé un couteau, m’as la sortir par en d’sour. »

Y découpa l’fond d’la boîte en cuivre, pis ploc, la Sainte Couronne y tomba dins mains, fort probablement avec son air d’à c’t’heure, avec la croix cantée pis les deux arches tout teur. 

Après… y’essayèrent-tu d’la réparer? Mystère. C’qu’on sait, c’est que la Sainte Couronne resta sortie pas mal plus longtemps que d’habitude avant d’artourner à Vienne, au moins parce qu’y fallut y’argosser un autre coffre. C’qui est sûr, c’est qu’après, tout l’monde fit comme si la croix avait toujours été d’même.

Dins siècles qui suivirent, la Sainte Couronne resta tout l’temps dans la famille des Habsbourg, en passant entre autres par – Jésus Marie Joseph! – une créâture, l’impératrice Marie-Thérèse. Les nobles battes durent s’étouffer su leu chique.

Son successeur, Joseph II, voulut rien savoir de se faire couronner, faique les Hongrois le surnommèrent « le roi au chapeau » pis, essentiellement, se torchèrent avec ses édits pis ses décrets. Quand même, c’est à la fin de son règne, en 1790, que la Sainte Couronne arvint enfin en terre hongroise. Les Hongrois étaient tellement contents qu’y firent le party dins rues, accrochèrent des guirlandes partout pis composèrent des tounes en son honneur.

La couronne était quand même pas au boutte de ses aventures.

En 1848, y’eut la Révolution hongroise.

L’empereur Ferdinand 1eravait adopté des lois pour transformer la Hongrie en monarchie constitutionnelle, avec un parlement pis toute; mais son successeur, François Joseph (le beau Franz à Sissi avec le cou raide, dans les films) avait décidé de mettre la hache là-dedans sans raison.

En crisse, les Hongrois se révoltèrent. Y’eut une guerre. Les Hongrois pardirent.

Pour échapper à l’empereur, le premier ministre se poussa en Turquie, non sans faire une dernière vacherie : y pogna la Sainte Couronne pis le reste des cossins sacrés du couronnement pis enterra toute ça dans une swompe à la frontière. Les autorités impériales durent charcher dans’bouette pendant quatre ans avant des artrouver.

Charles, le successeur à François Joseph, fut le darnier à porter la Sainte Couronne. C’tait comme écrit dans l’ciel — argardez comme y’avait l’air tata avec sa couronne trop grande :

Charles à son couronnement avec sa femme, Zita de Bourbon-Parme, pis son garçon, Otto.

Après la Première Guerre mondiale, la monarchie fut abolie. Pis à mesure qu’on s’approchait du monde d’à c’t’heure, la Sainte Couronne devint plusse un symbole qu’autre chose, mais quand même un symbole national super important pour les Hongrois.

La Sainte Couronne s’épivarda une darnière fois pendant la Deuxième Guerre mondiale, pis c’te fois-là, a l’alla pas mal loin.

Le gars qui dirigeait la Hongrie, l’amiral Miklós Horthy, avait tellement la chienne du communisme qu’y préféra s’allier avec Hitler plutôt que de risquer une invasion par les Russes.

Mais quand l’Armée rouge commença à avancer sans que parsonne puisse l’arrêter, Horthy enterra la Sainte Couronne et ses cossins queque’part en Allemagne.

C’est les Américains qui la ramassèrent, pis a passa un bon boutte d’la guerre froide dans un coffre-fort à Fort Knox , aux États-Unis.

Finalement, en 1978, le secrétaire d’État des États-Unis ardonna la Sainte Couronne à la Hongrie, pis a bougea pu jamais du Parlement hongrois après ça.

Faique c’est ça! Un casse en or qui a eu une vie plus excitante et arbondissante que la majorité de nous-autres.

Quand l’astie d’pandémie va être finie, on s’organise-tu un voyage en gang pour aller la voir… en parsonne?


Source : László Péter, « The Holy Crown of Hungary, Visible and Invisible », The Slavonic and East European Review, 2003.
Hélène Kottaner, Les mémoires d’Hélène Kottaner, 1440.
Géza Pálffy, A Szent Korona és a koronaláda balesete 1638-ban, 2007.

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La Sainte Couronne de Hongrie : quequ’un comme toé pis moé (ou presque) — partie I

Mettons moé, là, j’rentre dans’tour de Londres, j’me faufile dans’salle des joyaux d’la couronne, j’pète une vitre, ch’pogne la grosse maudite couronne à Grand-M’man Lilibeth pis j’me la crisse su’a tête, j’deviens-tu automatiquement reine d’Angleterre?

Non. Ishh non.

M’as plutôt me faire ramasser, la face à terre pis le ti-bras dans l’dos, pis sacrer cul par-dessus tête aux oubliettes.

Mais, on jase, là : mettons, dans l’temps où la Hongrie était encore une monarchie, que j’avais mis la main su la couronne royale pis mettons que j’me l’étais mis su’l chef?

J’me serais probablement faite ramasser quand même, mais théoriquement, oui, j’aurais été reine!

Parce que les Hongrois, eux-autres, y font rien comme tout l’monde. Leur langue a rapport avec aucune langue des autres pays autour, y trippent sur le paprika comme parsonne, pis leu couronne royale – la Sainte Couronne ou Couronne de saint Étienne – c’est quequ’un.

Vous avez ben compris.

La Sainte Couronne, c’t’une parsonne au sens d’la loi. C’est elle le vrai souverain de la Hongrie, pis quiconque la porte devient roi ou reine.

Ça a l’air bizarre de même, mais j’vas toute vous expliquer ça. Avant d’continuer, par’zempe, ch’pourrais ben vous la montrer, hein, la fameuse couronne?

Quins, c’est elle.

Est cute, hein, avec ses pendrioches pis sa tite croix croche?

Elle est pleine de belles grosses garnottes précieuses. Ses faces de saints apôtres en émail y donnent un p’tit charme grec, pis y’a assez d’or là-dedans pour t’acheter un chalet pis une terre à bois; mais, vous trouvez pas qu’elle a un p’tit quequ’chose de… gossé su’l fly?

De quoi qu’a l’a d’l’air pis pourquoi, on va en r’jaser tantôt.

Mais pour commencer, m’as vous expliquer pourquoi la couronne, c’est « quequ’un ».

Dans toutes les monarchies, le principe, c’est que toute l’autorité part du Bon’Yeu.

Normalement, comment ça marche, c’est que Dieu tire son laser d’autorité divine drette su le roi ou la reine, pis c’est lui ou elle, en tant que parsonne faite en viande, qui fait le relais entre le Seigneur pis les sujets du royaume. Le couronnement, c’est yinque une signature de contrat : pas besoin d’une couronne en particulier pour que ça marche – les rois de France, eux autres, y se faisaient tout l’temps faire des nouvelles couronnes quand y s’tannaient des vieilles.

Mais en Hongrie, c’tait pas d’même que ça marchait pantoute. Pour devenir roi, ça te PRENAIT la Sainte Couronne. Cette couronne-LÀ. Parce que le laser de pouvoir divin, au lieu de passer par la viande du souverain, y passait par la couronne. C’tait la couronne elle-même qui avait l’autorité pour régner, qui avait toute les pouvoirs, qui était propriétaire des terres du royaume, pis qui faisait le lien entre les cieux des anges pis l’plancher des vaches.

Pis le roi ou la reine, essentiellement, c’tait yinque un rack qui la porte pis qui parle en son nom.

Vous m’creyez pas? Tchéquez ça : en 1480, le palatin de Hongrie (ça c’est genre, le plus haut fonctionnaire du royaume) a dit :

Si le gars qui a comme job de protéger la couronne le dit, c’est que ça doit être vrai.

À c’t’heure, vous d’vez ben vous d’mander : « C’est ben beau, mais pourquoi c’est d’même? Pis POURQUOI la tite croix su’l dessus d’la couronne est croche pis que personne l’a arrangée? Ça me GOSSE! »

Les nerfs, gang. Les réponses s’en viennent. Mais pour ça, va falloir artourner 1 000 ans en arrière. Pis vous allez voir, avec une histoire de même, c’est surprenant que la Sainte Couronne soit pas plus teur que ça.

Faique! Si on s’fie à la version officielle, la Sainte Couronne aurait été donnée par le pape au premier « vrai » roi de Hongrie, Étienne 1er (István en Hongrois), au début de l’an 1000.

C’tait dans une période où les différentes gangs de «païens» se mettaient à s’unifier, en général sous la gouverne d’un gars un peu plus brillant pis un peu plus visionnaire que les autres (par exemple, Clovis pour la France, au 5e siècle), pour ensuite former des royaumes chrétiens.

Parce qu’on était aussi à une époque où les seigneurs païens se convertissaient, soit parce que leu femme arrêtait pas de les gosser avec ça (encore comme Clovis, qui se faisait rabattre les oreilles avec Jésus par sa femme Clotilde) ou bedon parce qu’y trouvaient qu’y l’avaient-tu l’affaire, les rois chrétiens, avec leu couronne pis leu sceptre en or pis leu pape pis leu couronnement pis leu belle cape en velours :

« Heille! J’veux ça, moé’ssi! »

Entécas bref, après avoir effoiré les chefs de clans rivaux, Étienne, grand prince des Hongrois, aurait demandé au pape d’y donner sa bénédiction comme souverain pis d’y envoyer une couronne pour rendre ça officiel. Y voulait que ça soit comme un symbole du fait qu’y avait des comptes à rendre juste à Dieu, pis pas à l’Empire byzantin ni à l’Empire romain germanique, les deux mégapuissances du temps.

Après ça, pour en rajouter une couche, y’aurait consacré son royaume à la Vierge, pis la Sainte Couronne s’rait devenue le symbole de ça.

Étienne est mort en 1038 pis y’a été canonisé en 1078, faique c’est pour ça que la Sainte Couronne s’appelle aussi couronne de saint Étienne.

C’est ben beau comme histoire, mais la plupart du monde s’entend pour dire que c’te couronne-là a jamais touché à un ch’feu à Étienne – a daterait d’un ti-peu plus tard, du règne du roi Géza 1er, une quarantaine d’années après.

Pis à part de t’ça, ça s’rait une couronne de femme! Argardez icitte. Ça, c’est un portrait de l’impératrice byzantine Irène, qui s’adonnait justement à être une princesse hongroise :

Vous trouvez pas que sa couronne arsemble au bas d’la Sainte Couronne, mais avec un étage de plus?

Justement. Pourquoi le pape aurait envoyé une couronne de femme à Étienne 1er?

En fait, la partie du bas d’la de la Sainte Couronne s’appelle la « couronne grecque », pis on pense que ça aurait été un cadeau de l’empereur byzantin Michel VII Doukas au roi Géza, un p’tit extra qui v’nait avec la femme byzantine qu’y lui donnait en mariage.

D’ailleurs, on voit la face de l’empereur sur un des portraits en émail d’la couronne :

Faique déjà, on voit que c’t’un peu l’bordel dans l’histoire d’la Sainte Couronne. Ch’parle yinque au conditionnel, parce c’est toute c’qu’on a, des hypothèses, pis rien d’sûr parce que les chercheurs ont même pas l’droit d’examiner la couronne de proche : vu qu’a l’est considérée comme une parsonne, ça s’rait comme taponner la reine d’Angleterre.

Su l’boutte du haut, la « couronne latine », on en sait encore moins. C’est la partie qui a vraiment l’air gossée su’l fly.

Tsé, tchéquez l’dessus. Jésus a la croix plantée drette au milieu du bide. Ça peut pas avoir été pensé d’même exprès.

Les bandes en or sont censées représenter les 12 apôtres, mais y’en manque 4. Sont où?

Y’a une théorie qui dit que la couronne qu’on connaît à c’t’heure, c’tait pas la couronne originale; a l’aurait été assemblée vers 1270, dans l’boutte d’la mort du roi Béla IV.

Y’avait d’la chicane dans’famille, pis la princesse Anna, la fille à Béla, se s’rait sauvée à Prague avec l’ancienne couronne pour faire chier Étienne V, son frére pis l’héritier du trône. Étienne était un peu dans’marde : ça y prenait une couronne, faique y décida de s’en gosser une.

Là, vous vous dites, « ouais mais ça marche pas, Matante Poêle, t’avais dit que fallait absolument avoir la couronne pour être un vrai roi ». Mais en 1270, c’tait pas encore tout à faite commencé, c’t’affaire-là. Par exemple, en 1078, le roi Ladislas Ier avait refusé de s’mettre une couronne su’a tête, parce qu’y « préférait une couronne divine plutôt qu’une couronne terrestre de roi mortel ». Tu parles d’un péteux.

Pis quand même, quand la princesse Anna a volé la couronne, c’tait pas la première fois que ça arrivait. En 1162, Ladislas II avait usurpé le trône se son n’veu de 15 ans pis était parti avec la couronne comme un méchant dins bonshommes à’tévé.

Faique entécas, là Étienne V avait besoin d’une nouvelle couronne au plus crisse :

— Shitshitshitshit qu’est-cé qu’on fait? J’ai l’air d’un beau cave, moé-là!
— Calmez-vous, Votre Hautitude. On va aller voir c’que vous avez dans la trésorerie, pis on va vous patenter d’quoi. Quins, c’te couronne-là, est-tu pas pire?
— Mais c’t’une couronne de femme!
— Parsonne va allumer, Votre Énormité. Faut juste y rajouter d’quoi, quins… Ça, avec les apôtres? Y’a des faces dessus aussi, ça va fitter avec l’autre boutte.

Le « ça », c’tait un astérisque liturgique, une affaire qui sarvait à couvrir le pain consacré dans l’Église orthodoxe. Genre de même :

Astérisque, de « aster » — étoile en grec. Pis comme la patente en forme d’étoile dans les textes*. On va s’coucher moins niaiseux à soir!

— Mais c’est ben que trop grand pour une tête, voyons don.
— On va yinque couper les quatre apôtres du bas, Votre Proéminence.
— Mais…
*SCRITCH SCRITCH*
— Quins, vous voyez? Pas pire, hein? Y manque juste une tite croix su’l dessus, pis ça va être tiguidou.
— Heille, c’tu fais-là! Attention au Chriiiiiiiii—
*KROK*
— Tadam! La v’là, vot’couronne!
— Euh…

Faique ça s’rait comme ça que s’rait née la Sainte Couronne. Mais j’vous rappelle, c’est yinque une hypothèse, pis parsonne le sait vraiment.

Ça s’rait pas mal à partir de là que la Sainte Couronne est devenue obligatoire pour régner.

En 1301, roi André III mourut sans successeur doué de zouiz. Y’avait juste une fille, Élizabeth.

Ailleurs, genre, en Angleterre, la couronne allait obligatoirement du souverain à son plus proche parent, quitte à mettre un ti-coune faible, ou, cachez ce sein que je ne saurais voir, une FEMME sur le trône. Mais, en Hongrie, c’tait pas mal les grands seigneurs qui décidaient qui allait monter sur le trône. C’tait le fils du roi précédent qui avait la priorité; une fille avait pratiquement aucune chance de régner. Mais si le successeur héréditaire s’montrait mou ou faisait pas l’affaire des grands seigneurs, y pouvait se faire tasser par un frère, un n’veu, un oncle, le mari de sa sœur, alouette.

À la mort d’André III, chaque p’tit groupe de seigneurs se choisit un prétendant au trône. Y’eut donc une lutte à trois entre Venceslas, prince héritier de Bohême pis fiancé d’la princesse Élizabeth, Othon III de Bavière pis Charles-Robert d’Anjou-Sicile, qui étaient respectivement fils et p’tit-fils de princesses hongroises.

Dans le bordel de la guerre civile, le prince Venceslas se poussa avec la Sainte Couronne. Finalement, quand y devint roi de Bohême à’mort de son père, y se dit qu’y n’avait ben assez d’un royaume pis renonça au trône de Hongrie. Y donna la couronne à Othon, qui se fit couronner; mais pas longtemps après, Othon fut capturé par Ladislas Kán, seigneur de Transylvanie.

Faique quand Charles-Robert finit par gagner le trône pour de bon, y s’fit couronner, mais avec une autre couronne, parce que la Sainte Couronne était entre les mains de Ladislas Kán. Ça passa pas. Le pape, qui était de son bord, y’envoya une couronne qu’y avait bénite lui-même à’mitaine, se disant que ça f’rait la job, mais les Hongrois arfusèrent d’arconnaître Charles-Robert comme roi tant qu’y était pas couronné avec la vraie affaire.

Tanné de toute c’te tétage-là, le pape envoya son légat, Gentil de Montefiore, essayer de convaincre Ladislas Kan d’y ardonner la Sainte Couronne.

Y’essaya d’abord d’être gentil (badoum tish), mais c’est yinque quand y menaça Ladislas de l’excommunier que la Sainte Couronne s’artrouva enfin su’a tête à Charles-Robert.

Avec ça, la nouvelle dynastie des Anjou était ben installée su’l trône après 8 ans de chicane sanglante. Charles-Robert eut un beau règne pis une descendance nombreuse. Tchéquez ça : elle, c’est sa femme Élizabeth de Pologne pis ses trois gars pis deux filles.

Pis son fils Louis était pour devenir un des plus grands rois de Hongrie. Faique pour un boutte, la Sainte Couronne pouvait être sûre de pas être volée, cachée, gossée, taponnée, transformée, maganée ou prise en otage.

Sauf que là, on a juste couvert 300 ans d’histoire, y’en reste 700, pis y commence à être tard.

Allez-vous être capables d’attendre une semaine pour savoir comment ça se fait que la tite croix su’l dessus d’la Sainte Couronne est croche?

Partie II


Source : László Péter, « The Holy Crown of Hungary, Visible and Invisible », The Slavonic and East European Review, 2003.

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