Le Noël ukrainien

C’est quoi le lien entre Noël, le Carnegie Hall, une hirondelle, une séduisante créâture slave aux sourcils noirs, François Pérusse pis l’combat des Ukrainiens pour leu z’identité nationale pis leu liberté?

Une toune : Carol of the Bells, que queques’uns appellent « Le chant des cloches » en français.

Bon. Si ch’tais en face de vous autres, j’vous régalerais les oreilles en vous chantant un ti-boutte d’la mélodie, pour être sûre que tout l’monde sache de quoi ch’parle.

Mais, ch’pas là, faique m’a d’mander à YouTube à’place. Allez écouter ça icitte, m’as vous attendre.

Ché pas pour vous autres, mais c’te toune-là me fait brailler. A l’a quelque chose de touchant. Pas les paroles en tant que tel – les cloches sonnent, youhou c’est Noël on a du fun, c’est rien de ben spécial.

C’est la mélodie qui vient me chercher. A l’a queque’chose… d’ancien? Comme si les quatre notes qui s’répètent tout le long d’la toune, ding dong ding dong, c’tait comme un restant d’un passé tellement vieux, tellement loin, qui s’perd dins limbes fatiquées d’notre mémoire collective.

Entécas, j’avais jamais réussi à mettre le doigt su pourquoi c’te musique-là me faisait filer d’même; après toute, c’tait yinque une autre toune de Noël américaine qu’on entend dans Maman, j’ai raté l’avion.

Jusqu’au jour où j’ai parlé de t’ça avec une de mes grandes chums qui est dans une chorale depuis des années. J’y ai fredonné les fameuses quatre notes, pis a l’a dit :

« Ah, le Noël ukrainien? »

Heille, là, ça m’a mis s’une piste! Pis les affaires que j’ai découvertes, vous avez pas idée.

Y s’avère que Carol of the Bells, c’pas une toune américaine pantoute!

Son vrai nom, c’est Chtchedryk.

Le compositeur Mykola Leontovych a dû l’entendre quand y’était p’tit dins années 1880, en Podolie, une région de l’Ukraine. À c’t’époque-là, l’pays faisait partie de l’empire russe.

Mykola Leontovych

Leontovych, son père était curé pis sa mère était chanteuse. Y’avait commencé par étudier pour faire comme son père, mais finalement, faut crère qu’y artenait plus de sa mère, parce qu’y est devenu prof de musique, compositeur pis chef d’orchestre.

Une affaire qui l’intéressait ben gros, c’tait de prendre des vieilles chansons folkloriques que tout l’monde connaissait pis d’les arranger pour qu’y puissent être chantées par une chorale. Pour vous situer, si y’avait été Québécois, y’aurait travaillé su des tounes comme À la claire fontaine ou bedon V’là l’bon vent, v’là l’joli vent.

Une des chansons qu’y a arrangées d’même, c’tait justement Chtchedryk.

Pis Chtchedryk, c’pas n’importe quelle p’tite ritournelle : c’t’une chanson hyper ancienne – vous voyez, ch’pas si folle! – qui date d’avant même que l’Europe, de gré par bouttes pis d’force par d’autres, pogne la fièvre du Bébé Jésus.

Faique, vous d’vez vous en douter, c’est même pas une chanson d’Noël : c’t’une chanson rituelle qu’on chantait au Nouvel An, c’t-à-dire au printemps, pour attirer l’abondance pis la prospérité.

V’là les paroles – entécas, celles dans la version à Leontovych :  

Chtchedryk chtchedryk, chtchedrivotchka,
Prýletila lástivotchka,
Stála sobí chtchébetaty,
Hóspodarya výklykaty:
«Vyïdy, vyïdy, hospodaryou,
Podyvysya na kocharou,
Tam ovetchky pokotylysʹ,
A yahnytchky narodylysʹ.
V tebe tovar vesʹ khorochyï,
Boudechʹ maty mirku hrocheï,
Khotch ne hrochy, to polova,
V tebe jinka tchornobrova.»
Chtchedryk chtchedryk, chtchedrivotchka,
Pryletila lastivotchka.
Chtchedryk chtchedryk, chtchedrivotchka Une petite hirondelle s’est posée sur le toit
Elle s’est mise à gazouiller
À appeler le maître de la maison :
« Sors, maître, sors,
Va voir dans l’étable :
Les brebis ont mis bas des agneaux,
Ton bétail est très beau.
Tu vas avoir beaucoup d’argent
Mais l’argent n’est rien
Tu as une belle femme
Aux sourcils noirs. »
Chtchedryk chtchedryk, chtchedrivotchka
Il est arrivé une petite hirondelle.

Pis avant l’époque chrétienne, on la chantait pas yinque pour le fun : on t’nait pas nécessairement pour acquis que l’printemps allait r’venir, faique on prenait pas d’chances. C’tait vraiment une question de demander – aux dieux, aux esprits – d’apporter l’beau temps, une belle récolte, des beaux agneaux, pis euh… une belle créâture aux sourcils noirs, ça a d’l’air.

Dessin de ma chum Christine Labrecque. Quand j’y ai demandé de faire ça, a vachait su son divan. Une heure après, c’tait faite.
(L’affaire des sourcils, j’ai fouillé, pis on dirait que c’tait vraiment un critère de beauté slave à un moment donné – y’a une chanson d’amour traditionnelle ukrainienne qui s’appelle carrément Sourcils noirs et yeux bruns, où-ce que les sourcils sont comparés à des rubans d’soie! Si y’a des lecteurs qui pouvaient m’éclairer là-dessus, ch’rais ben contente!)

Entécas, Léontovych était un méchant perfectionniste. Maginez vous donc qu’après qu’un de ses recueils de chansons a été publié, y’a décidé tout d’un coup que c’tait d’la marde, faique y’a acheté les 300 copies pis y les a crissées dans l’feu.

Faique vous devriez pas tomber en bas de votre chaise en apprenant qu’y a travaillé des années de temps su sa version de Chtchedryk, que vous pouvez écouter icitte, même si a dure même pas une menute et d’mie.

Mais, toute c’te travail-là a valu la peine : quand la chanson a finalement été chantée en public, en 1916, ça a été un hit.

Pis c’est là que l’Histoire avec un grand H a ramassé Chtchedryk à bras-le-corps pis est partie à’course avec.

C’est qu’en 1918, dans toute le brassage qui a entouré la révolution russe, l’Ukraine a déclaré son indépendance.

J’rentrerai pas dins détails, mais pendant le p’tit boutte chaotique où-ce que la République populaire d’Ukraine a existé avant d’être écrasée par les bolchéviks – ceux qui sont devenus boss d’la Russie après avoir faite la passe au tsar pis à sa famille –, ses dirigeants ont essayé ben ben fort d’la faire arconnaître par les autres pays.

Une des façons de faire ça, c’tait de montrer que l’Ukraine avait sa culture à elle, différente de celle d’la Russie. Faique quand Symon Petlioura, chef du nouvel État ukrainien, a entendu les arrangements choraux à Léontovych, y’a eu une illumination :

« ASTIE JE L’AI : la diplomatie par l’art! M’as former une chorale qui chante nos chansons traditionnelles pis m’as l’envoyer partout dans l’monde! »

C’est d’même que 30 des meilleurs choristes ukrainiens sont partis en tournée, mais su’a peau des dents : y’ont quitté Kiev le 4 février 1919, jusse une journée avant que les bolchéviks prennent la ville de Kyïv.

La chorale.

Après avoir mis la patte su l’Ukraine, les bolchéviks se sont mis à éliminer systématiquement toutes les intellectuels qui pourraient leu faire du trouble ou titiller l’moindrement le sentiment nationaliste des ukrainiens.

Sentant la soupe chaude dans’capitale, Leontovych s’était sauvé chez sa famille à’campagne. Dans’nuite du 22 au 23 janvier 1921, tandis qu’y était en visite chez ses parents, y’a été assassiné par un agent secret des bolchéviks à l’âge de seulement 44 ans.

Mais, grâce à la chorale, telle la p’tite hirondelle dans Chtchedryk, l’œuvre à Leontovych s’tait déjà envolée pis était après prendre des proportions auxquelles y’aurait jamais osé penser.

Les choristes du Chœur national ukrainien ont commencé leu tournée en Tchécoslovaquie (un pays qui existe pu), pis sont allés en Autriche, pis en Suisse par après. Partout où c’qu’y passaient, l’monde grimpaient quasiment un par-dessus l’autre pour les voir, pis Chtchedryk était LE gros succès du spectacle. Y finissaient pu d’le chanter en rappel.

Quand y’ont fini par arriver en France, y’ont passé par Nice, Toulouse, Bordeaux, Marseille, Lyon pis Paris. Leu but ultime, c’tait que Georges Clémenceau, le top ministre de France, aille les voir pis trippe assez pour décider d’arconnaître l’État ukrainien. Malheureusement, y s’est jamais dérangé pour ça.

En 1922, après avoir faite la Belgique, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, la Pologne, l’Allemagne pis l’Espagne sans réussir grand-chose à part brûler les planches pis faire salle comble soir après soir, les choristes se sont ben rendus compte que parsonne mordait à leu z’hameçon diplomatique. En plus, rendu là, le rêve d’un État ukrainien était pu yinque un tas d’cendres avec d’la tite fumée.

Mais, un coup parti, aussi ben continuer. La chorale s’est pogné un impresario professionnel, Max Rabinof, pis est partie à’conquête des États-Unis.

Le 5 octobre, le Chœur national ukrainien a faite son premier spectacle en sol américain au super prestigieux Carnegie Hall. Encore c’te fois-là, Chtchedryk a faite un tabac pis les choristes l’on r’chantée pendant le rappel.

D’ailleurs, j’ai artrouvé des coupures de journaux du temps pis laissez-moé vous dire, ça fait dur pas mal :

Ch’traduis :

« 50 hommes et femmes habillés comme la chienne à Jacques chantent des airs paysans primitifs. »

Cré z’Amaricains.

(Bon. Ça se peut que « motley » veuille juste dire « ben coloré ». Mais comme ce mot-là sert aussi à décrire les costumes de bouffons, pis que l’reste du texte est hyper condescendant, ch’pense pas que mon interprétation est abusive.)

En plus, les journalistes arrêtaient pas de mélanger l’Ukraine pis la Russie, pis les choristes passaient leu temps à essayer d’leu faire comprendre que c’tait pas pareil pantoute. Vu la raison pour laquelle y’étaient partis en tournée au départ, ça d’vait être enrageant en sivouplaît.

Malgré les bitcheries pis la cabochonnerie d’la presse, la chorale a eu un succès bœuf. Pendant les deux premiers mois de tournée, a l’a faite plus de 60 concerts dans 40 villes. Après ça, est’allée en Amérique du Sud pis au Canada, pis a l’a même endisqué ses chansons!

Mais là, qu’vous vous dites, comment est devenue une toune de Noël en anglais?

Vous pouvez arrêter d’artenir vot’souffle, parce que j’y arrive, là.

Un bon soir pendant la tournée aux États-Unis, Peter Wilhousky, un chef d’orchestre d’origine ukrainienne, était dans’salle, pis y’a ca-po-té su Chtchedryk.

Y dirigeait une chorale dans une école à New York, pis y cherchait d’quoi de nouveau pis d’excitant pour passer à l’émission « Music Appreciation Hour » à’radio d’la NBC.

Comme y’était pas question que ses flos d’école chantent en Ukrainien, y’a décidé de composer des nouvelles paroles. M’as le laisser expliquer lui-même son processus créatif :

« J’ai flushé les paroles ukrainiennes qui parlaient d’volaille de basse-cour, pis j’me suis concentré su le ding-dong joyeux des cloches que j’entendais dans’musique. »

Ouin.

Toujours est-il que sa nouvelle version, avec son nouveau nom pis ses nouvelles paroles su’a joie du temps des Fêtes, a pogné sans bon sens.

Dès l’début des années 1940, Carol of the Bells était devenue un classique des concerts de Noël. Ben vite, les orchestres de jazz pis les orchestres symphoniques faisaient leu propres versions, pis ça a pas été long non plus qu’on s’est mis à l’entendre dins annonces, dins émissions pis dins vues.

Faique c’est d’même que la p’tite chanson rituelle d’une religion de cultivateurs des steppes d’avant l’an 1 000 est devenue un produit 100 % américain.

Pareil, Chtchedryk telle que Leontovych l’a arrangée reste ben chère aux Ukrainiens. C’est ben pour dire, hein, mais sont tellement fiers de leu toune que le ministère des Affaires étrangères de l’Ukraine s’est même donné la peine de faire un beau site Internet super fancy exprès pour raconter son histoire!

Pis doutez pas que c’t’année, dans le p’tit peu de Noël qu’y vont réussir à s’rapailler tandis que Poutine leu garroche des bombes par la tête, les Ukrainiens vont chanter Chtchedryk, pis ça va leu donner l’goût de se battre encore plus fort.

Joyeuses Fêtes, là!

Ouin, pis c’tait quoi le rapport avec François Pérusse?

Si vous êtes un fan, vous l’savez déjà. Mais pour les autres, sachez que notre trésor national du fatalatapouète a faite une version ben à lui de Chtchedryk :

On est allés au centre d’achats
Pour acheter des tortues ninjas
Y’en restait pu faique on est r’venus
Avec une couple de vraies tortues
Quand notre ti gars ya ouvert ça
Y’a vu qu’y a pas d’bandeau ces tortues-là
Où est-qué le bandeau de ces tortues
Sont pas pareilles que celles que j’avais vues
Faique découpe découpe un petit bandeau
Essaye essaye d’leu mettre comme il faut
Les tortues sont ben restées bêtes
Quand on essayait d’leu mettre un bandeau s’a tête
Y’ont fermé les yeux y bougeaient pu
Ch’pense qu’y sont fenies nos tites tortues

Opération minou acoustique

Un chat, c’pas comme un chien, tsé, C’est fin pis c’est doux pis c’t’affectueux, un chat – j’adore c’tes p’tites bêtes-là! Mais au final, ça f’ra pas du rouli-roulant d’boutte su’é pattes d’en arrière en jonglant avec des ballounes pour te faire plaisir. Un chat, ça fait c’que ça veut, quand ça veut.

C’t’évident pour n’importe qui qui a passé plus que cinq menutes avec un minou. Mais pas pour les agents d’la CIA dins années 1960, ça d’l’air.

Faut dire que dans c’temps-là, c’tait pas mal wild. On était en pleine guerre froide, pis pour les États-uniens, y’avait rien de trop broche à foin ou de trop tiré par les ch’feux pour prendre le dessus su’é communisses.

L’nerf d’la guerre, ben sûr, c’tait le renseignement. Tout l’monde était toujours après écouter tout l’monde.

L’écoute téléphonique, ça marchait pas pire. Mais comme y’a pas yinque c’qui s’disait su’é lignes qui était intéressant, les agents d’la CIA ont commencé à s’essayer avec des micros cachés.

Le problème, c’est que les micros de l’époque étaient pas vargeux : y pognaient toutes les sons dans une pièce. Mettons que t’en plaçais un d’une salle à manger pis que l’monde que t’espionnais s’faisaient une bonne bouffe, t’entendais quasiment plus les bruits d’vaisselle que c’qui se disait autour d’la table.

Une fois, la CIA a caché un micro dans une craque de divan dans l’appart d’un diplomate chinois en France. Sauf que dès que quequ’un s’assisait, les agents d’surveillance dans leu panel l’autre bord du ch’min entendaient pu yinque des grincements d’arssorts. Pire encore, le diplomate en question aimait ben s’ramener des p’tites pitounes françaises chez eux pis, de toute évidence, trouvait que l’divan faisait mieux qu’le litte pour ses activités de… « sensibilisation culturelle ».

Ouin. Pis vous-autres, votre job?

Fallait donc améliorer les micros pour qu’y soyent capables de mieux filtrer les sons. Mais tandis que les ingénieurs s’creusaient le ciboulot, fallait ben que les agents d’surveillance fassent de quoi.

Un jour, pendant qu’un gars qu’y surveillaient jasait stratégie avec ses adjoints, les agents armarquèrent que des chats rentraient pis sortaient d’la place sans que parsonne s’en occupe vraiment.

Faique y’a un agent qui eut une idée :

« Mettons qu’on mettait un micro DANS un chat pis qu’on le dressait pour qu’y écoute la voix du monde? »

C’est d’même qu’est née « l’Opération minou acoustique »!

En gros, le plan, c’tait de dresser l’chat, de l’ouvrir, d’y mettre une batterie dans l’chest, un implant dans l’oreille pis un émetteur dans l’chignon du cou, d’y passer un fil dans l’poil pis une antenne dans’queue, pis voilà! Un minou cyborg espion à’fine pointe d’la technologie.

Incroyablement, l’idée passa au conseil – comme j’vous ai dit, c’tait wild, dans c’tes années-là.

Faique aussitôt, y s’ramassèrent un matou qui, sans l’savoir, allait devenir « Le chat de 6 millions », comme à’tévé.

Y dressèrent donc le chat pour qu’y s’assise tranquillement pis écoute le monde jaser. Après, y l’endormirent pour y poser toutes les gréements électroniques pis commencèrent à faire des tests.

Mais c’qui d’vait arriver arriva : minou était ben entraîné, mais dès qu’y spottait un moineau, de quoi qui avait une senteur intéressante ou bedon une minoune qu’y trouvait de son goût, toute prenait l’bord pis les agents pardaient l’contrôle. 

Tsé, c’t’un CHAT. Entre vous-autres pis moé, y s’attendaient à quoi?

Faique y l’rouvrirent pis y lui posèrent d’autres fils qui étaient censés y couper les envies pis l’empêcher de lâcher la job. Comment ça marchait, fouillez-moé.

Là, vous d’vez vous dire que c’est cruel, c’t’affaire-là, pis vous avez ben raison. Si PETA avait existé dans c’temps-là, y se s’raient ben toutes mis tout nus en avant d’la bâtisse d’la CIA. Mais ça a d’l’air qu’à part le faite de, tsé, avoir été opéré, le chat avait pas mal pis était pas dérangé par toute son bataclan. Les agents avaient faite ben attention, mais pas tant pour le bien-être du chat que pour s’assurer qu’y s’mettrait pas à s’griffer pis à s’mordre pour s’enlever ça pis qu’y endommagerait pas le matériel.

C’est don fin.

Toujours est-il qu’après des mois de dressage pis de tests, les agents d’surveillance décidèrent que c’tait l’temps pour la première mission du chat. Faique y l’embarquèrent dans leu panel avec toute le matériel pis s’en allèrent à côté d’un parc, où des espions soviétiques étaient après s’passer des valises.

Y parquèrent le panel, ouvrirent la porte, lâchèrent le chat, pis…

SPLAT. Effoiré par un taxi drette en débarquant.

Notre matou cyborg fut l’seul de sa sorte, parce que la CIA décida de farmer le projet en 1967. Toute ça pour ça.

Si on est au courant de c’t’histoire-là, c’est qu’en 2001, une trâlée de documents d’la CIA ont été déclassifiés, dont une note de service intitulée « Opinions sur les chats dressés ».

Y’a des gros bouttes de textes qui avaient été enlevés, mais à la fin, ça dit en gros que « c’est possible d’entraîner un chat à aller à des places à courte distance, mais à cause de l’environnement pis des conditions de sécurité dans une situation réelle à l’étranger, ça serait juste pas pratique ».

BEN QUINS!

Avant de s’mettre en frais pis de martyriser un pauvre matou qui avait rien faite au Bon Dieu, y’auraient pu d’mander à moé, à elle, à la Mère Michel : yinque à voir, on voit ben qu’un chat, ça f’ra toujours yinque à sa tête.


Sources :
Jeffrey T. Richelson, The Wizards of Langley : Inside the CIA’s Directorate of Science and Technology, 2008.
Tom Vanderbilt, « The CIA’s Most Highly-Trained Spies Weren’t Even Human », Smithsonian Magazine, octobre 2013.


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Une chaise roulante su l’autoroute pis un empereur s’un chevreuil

Heille, aujourd’hui j’ai un p’tit 2 pour 1 à vous conter. Une première affaire, pis une autre affaire à laquelle la première affaire m’a faite penser.

J’ai vu ça l’autre jour : c’est l’histoire d’un gars qui s’appelait Ben Carpenter. Un m’ment’né, y traversait la rue en chaise roulante. En même temps, y’a une grosse van qui est sortie d’la cour d’un poste de gaz. Quand la lumière est virée verte, Ben avait pas fini de traverser l’chemin. Sauf que l’chauffeur d’la van savait pas qu’y était là parce qu’y était trop proche pis trop bas pour qu’y l’voye. Faique, comme on fait d’habitude quand la lumière est verte, y’a pesé su’a pédale à gaz. 

Ben aurait pu finir effoiré drette là! Mais la van est partie lentement, pis au lieu de passer su’a chaise, a l’a juste poussée pis faite tourner jusqu’à c’que Ben soye complètement dos à la van. Là, les poignées d’la chaise sont restées prises dans’grille d’la van… Pis c’tait le début d’une cristie d’raille. 

Tu’suite après avoir passé la lumière, la van est embarquée su l’autoroute. 

Ben, lui, était encore en avant d’la van comme une figure de proue après un bateau! Y flyait à 60 milles à l’heure, lui-là, pas d’winshire, sûrement une couple de mouches entre les dents, à capoter sa vie. Une chance qu’y avait une ceinture de sécurité! 

L’monde dins chars ont vu ça aller, faique y’ont appelé la police. Au début, au 911, y pensaient que c’tait une joke, mais quand ça a faite 38 appels qui disaient la même affaire, y’ont décidé de prendre ça au sérieux. 

Finalement, deux polices ont réussi à rattraper le chauffeur d’la van pis y’ont dit : 

« Heille! Arrête! Y’a un gars en chaise roulante pogné dans’grille de ta van! »

Le chauffeur creyait pas à ça pantoute, mais quand y’est allé voir, ben ça parle au maudit, y’avait vraiment un gars en chaise roulante pogné dans’grille de sa van!

La preuve que j’vous conte pas de menteries!

Ben était en un seul boutte – un vrai miracle. Les tires de sa chaise roulante était finis raides, par’zempe. Pis quand les polices y’ont d’mandé si y’était correct, y’a yinque répondu, avec un ti filet d’voix : 

« J’ai renvarsé ma liqueur. » 

Toute est bien qui finit bien. Mais c’t’affaire-là, ça m’a faite penser à une autre raille d’enfer qui a pas eu une aussi bonne fin : celle à Basile 1er, empereur byzantin. 

Lui, c’tait un paysan né en Macédoine pis, à ce qu’on dit, une belle pièce d’homme aussi. Ça a d’l’air qu’y était grand pis large de poitrine pis d’épaules, avec des grands yeux, un monosourcil pis « un air un peu débiné ». Messemble d’y voir la face. 

Entécas, Basile avait l’tour de s’mettre chummy avec du monde de plus en plus puissant, pis c’est d’même qu’y a fini par se ramasser su’l trône de l’empire byzantin en l’an 867. En assassinant Michel, l’empereur qui était là avant. Qui était aussi son ami. Pis p’t’être son amant, on n’est pas sûrs. Pis fort probablement l’pére de ses garçons Léon pis Étienne, parce que la femme à Basile, Eudocie, était la maîtresse à Michel depuis des années, pis quand est tombée enceinte, Michel voulait pas que le flo soye un bâtard, faique y’a marié Eudocie à Basile en tassant la femme que Basile avait déjà. 

(Pis après, Michel a continué à coucher avec Eudocie, pis y’a dit à Basile : « Quins mon homme, pour ton p’tit service, v’là ma sœur, je l’ai sortie drette du monastère pour qu’a t’serve de maîtresse. »)

Ouf. 

Les Feux de l’amour pis l’Trône de fer ont rien inventé.

Entécas, peu importe comment Basile avait abouti avec la couronne impériale su’a tête, y paraît qu’y’a faite un bon empereur, pis y’a régné pendant 20 ans. 

Une bonne fois, quand y’était rendu vieux, Basile est allé chasser l’chevreuil pour se changer les idées. 

Un m’ment’né, y’a cru n’avoir tué un, faique y’est allé voir de proche. Sauf que là, la bête a r’troussé comme un yâble! Fouillez-moé comment, mais les bois du chevreuil ont pogné dans la ceinture à Basile, pis l’chevreuil est parti à’course en l’traînant comme une catin en guénille. SU 20 KILOMÈTRES.

J’vous fais des beaux ti dessins, hein?

Hier, j’ai conté ça à Mononc’Poêle, pis y cré pas à ça, lui, un chevreuil qui traîne un gars loin d’même. Un buck argnal peut-être; pas un chevreuil. Mais tsé, c’t’une histoire de chasse, pis quand on y pense, c’tes affaires-là ont tendance à enfler au fur à mesure qu’on les conte pis qu’on les arconte. 

Toujours est-il que l’pauvre Basile battait encore après l’flanc du chevreuil comme une vieille sacoche accrochée par la ganse quand un de ses serviteurs est arrivé pis a réussi à couper sa ceinture.  

L’empereur était sauvé – poqué, mais vivant. 

Faut savoir que vers la fin de sa vie, Basile était rendu pas mal parano : y’était sûr que son fils-pas-fils Léon voulait l’assassiner pour venger son pére-pas-pére Michel. Faique au lieu de couvrir son sauveur de pièces d’or, y l’a faite exécuter pour tentative de meurtre su sa personne. Quins! Ça y’apprendra, au serviteur, à être loyal pis courageux. 

L’empereur a été ramené au palais pis là, ses blessures ont commencé à s’infecter. Y’est mort de fièvre queques jours après – une fin flyée pour une vie complètement pétée. 

Le Balloonfest’86 : quand l’enfer est pavé… de ballounes

Y’a-tu quequ’un qui aime pas les ballounes? C’est comme des belles cerises en plastique de toutes sortes de couleurs, toutes rondes pis toutes joyeuses; y peuvent exploser, pis quand y dessoufflent vite, y font des sons de pet pis y volent tout croche dins airs comme un papillon avec une fusée dans l’derrière. Heille, j’ai déjà gardé une gang de flos occupés pendant un après-midi de temps yinque en jouant avec ça. C’est l’fun de même, des ballounes.

Y’a rien d’méchant dans une balloune. Ça peut pas faire de mal. Mais si vous pensez ça, c’est clair que vous avez jamais entendu parler du Balloonfest’86 à Cleveland, en Ohio.

C’tait parti d’une bonne intention : pour se faire de la publicité pis ramasser de l’argent, Centraide du Grand Cleveland voulait battre le record du monde du plus grand nombre de ballounes gonflées à l’hélium pis r’lâchées en même temps.

En plus, dans c’te temps-là, Cleveland avait la réputation d’être un trou. Tsé : dins années 1970, ça allait tellement mal financièrement que la Ville avait fait défaut su ses paiements, la rivière Cuyahoga qui la traversait était tellement polluée qu’a l’avait pogné en feu, pis ses équipes de sport arrêtaient pas de perdre comme des pas bonnes – quoique, du côté d’la NFL, ch’pas sûre que ça c’est tant ramieuté. C’tait rendu au point où c’que Cleveland avait été surnommée « Mistake on the Lake » – l’erreur su l’lac, en français, parce qu’a l’était située su’l bord du lac Érié.

Bref, Cleveland avait d’quoi à prouver  :

« On est pas des jambons pis des ti-clins! Nous-autres aussi on peut faire des belles pis des grandes affaires, bon! »

Faique tout l’monde était hyper motivé. Ça a pris six mois pour organiser la patente; les flos d’école vendaient les ballounes à deux pour une piasse, pis une armée de bénévoles ont aidé à toute préparer. La veille, y se sont occupés de gonfler les ballounes, travaillant quasiment toute la nuite avec des bouttes de tape collés autour des doigts pour pas se faire des ampoules.

Le jour du lancement, y’avait 1,4 million de ballounes dans une espèce de filet au beau milieu de la ville, soit ben en masse pour battre le record; on aurait dit qu’une piscine à boules pour enfants s’tait mise à fortiller tout d’un coup comme un gros blob monstrueux pis allait bouffer Cleveland.

Comme y’arrivait de l’orage, les organisateurs ont décidé de lancer les ballounes plus vite que prévu. Faique le 27 septembre à 1 h 50 de l’après-midi, le filet a été détaché pis les ballounes se sont envolées.

C’tait ben impressionnant. Selon le point de vue, ça avait l’air d’une envolée de bonbons, de youptidou pis d’amour universel… Ou bedon d’la 11e plaie d’Égypte. Argardez ça :

Tout l’monde étaient fous comme des balais, pis ça criait :

« GO CLEVELAND! RECORD DU MONDE! WOUHOUUUU! »

Sauf que l’bonheur était pas pour durer.

Normalement, les ballounes gonflées à l’hélium montent pis montent pis montent, des fois jusqu’à 10 000 pieds d’altitude, où l’atmosphère est pas mal moins dense. Comme l’air du dehors pèse moins s’a balloune, tandis que la pression en-dedans de la balloune reste la même, la balloune gonfle. En plus, haut de même, y fait vraiment frette, faique la balloune gèle pis devient fragile. Résultat : la balloune pète en plein de tis bouttes qui ardescendent lentement su’a terre.

Entécas, c’est ça que les organisateurs pensaient qu’y allait se passer.

Mais là, avec l’orage qui s’en venait, les ballounes ont pas eu le temps de se rendre assez haut. En s’en allant vers le nord, par-dessus le lac Érié, y’ont frappé un front froid qui les a r’poussées vers la ville, pis la grosse pluie les a fait artomber pendant qu’y étaient encore gonflées.

Pis là, le bordel a pogné.

D’abord, plein de ballounes se sont ramassées au beau milieu d’la piste de décollage de l’aéroport Cleveland Burke Lakefront, qui a dû arrêter toute le trafic aérien pendant une grosse demi-heure.

À part de t’ça, les ballounes ont envahi les rues pis les autoroutes. Le monde qui chauffaient leu char voyaient c’te nuée psychédélique aux allures de mousse trois couleurs du lave-auto pis se disaient « Qu’est-cé ça câlisse? ». Soit y donnaient des coups d’volant pour éviter les ballounes dans l’chemin, soit y’étaient juste distraits par le spectacle, pis y’accrochaient les garde-fous ou les autres chars. Les accidents sont multipliés partout dans’ville.

Les ballons aboutirent à plein de places : su l’lac Érié, dins rivières, dins forêts, en Ontario, pis ailleurs en Ohio.

Y’a une madame qui élevait des chevaux arabes pur-sang qui coûtaient les yeux d’la tête su sa ferme au sud de Cleveland. A l’a poursuivi Centraide pour 100 000 piasses parce que des ballounes avaient atterri dans son champ pis avaient faite tellement peur à ses chevaux qu’y en a un qui avait pogné le mors aux dents, était parti à courir, avait foncé drette dans une clôture pis s’tait pété la fiole tellement fort qu’y avait pu rien à faire avec.

Pis pire encore, les ambitions ballouniennes de Cleveland ont p’t-être coûté la vie à deux gars.

L’affaire, c’est que quand les ballounes ont été lâchées, la garde côtière charchait déjà deux pêcheurs, Raymond pis Bernard. La veille, y’avaient été portés disparus su l’lac Érié, pis leu bateau avait été artrouvé vide le matin du 27.

Mais là, essaye, toé, d’artrouver deux gars au beau milieu d’une orgie de ballounes! À voir la surface du lac, on aurait dit que quequ’un avait échappé une chaudière complète de tites billes en sucre qui vont su’é gâteaux d’fête.

En entrevue à’tévé, un gars qui participait aux recherches en bateau a dit :

« C’est comme essayer d’trouver une aiguille d’une botte de foin! Tsé, on charche une tête ou bedon un gilet de sauvetage orange, mais là avec toutes c’te marde-là pleine de couleurs qui grouille su’l lac, comment c’tu veux qu’on les voye, les deux gars? »

C’tait pas plus vargeux du côté des recherches en hélicoptère :

« Ben là, on peut même pu décoller. Dins airs, c’est comme un champ d’astéroïdes en plein trip d’acide, viarge! »

Finalement, la garde côtière a dû abandonner les recherches, pis Raymond pis Bernard ont été artrouvés morts deux jours plus tard. Y’auraient-tu pu être sauvés si Centraide du Grand Cleveland avait pas répandu du vomi d’licorne partout su l’lac Érié? On l’saura jamais.

Quand même, Centraide pis la Ville de Cleveland avaient gagné leu pari : leu record s’est artrouvé dans l’édition 1988 du livre Guinness. Mais la catégorie du plus grand nombre de ballons r’lâchés en même temps a été abolie pas longtemps après parce que tsé… C’tait cave pis dangereux, pis polluant à part de t’ça.

Une chose est sûre, c’est que c’tait pas c’te fois-là que Cleveland allait ardorer son image. C’est ça qui arrive quand on part s’une balloune…


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La Sainte Couronne de Hongrie : quequ’un comme toé pis moé (ou presque) – partie II

Partie I

Bon. J’vous le promets, là : à soir, vous allez savoir pourquoi la croix su’l dessus d’la Sainte Couronne est croche. Ou entécas, comment on pense qu’est v’nue croche.

Faique quand Charles-Robert mourut, son fils Louis y succéda.

Y’avait yinque un problème : Louis avait jusse des filles, pis son frére André, qui aurait pu y succéder, avait été assassiné – étranglé avec un cordon pis crissé par la fenêtre les culottes baissées avec une corde attachée autour des gosses –, supposément sur les ordres de sa femme, Jeanne de Naples.

Bref, ça r’gardait mal pour la succession.

Parce que comme on l’a vu tantôt, en Hongrie, les rois étaient comme semi-élus par les grands seigneurs du royaume, pis eux-autres, y juraient yinque par le zouiz.

Louis fit promettre aux seigneurs d’accepter sa fille Marie comme reine. Mais, ben crère : y’était à peine frette dans sa tombe, pis Marie v’nait à peine de se mettre la Sainte Couronne su’a tête, que déjà, ça se mit à brasser d’la marde pour mettre un homme à sa place.

À ce moment-là, Marie avait yinque 11 ans, pis c’est sa mére qui se battit comme une démone pour défendre son droit. Dans les années de bordel total qui suivirent, les deux se firent pogner par leux ennemis, pis la reine-mére fut étranglée drette en avant de sa fille. Finalement, les nobles battes furent satisfaits quand Marie se maria avec Sigismond de Luxembourg, empereur du Saint-Empire, pis qu’y fut couronné officiellement comme co-souverain.

Malheureusement, queques annéesaprès, Marie, enceinte, eut une bulle au cerveau pis partit tu’seule pour aller chasser. Dans l’fond du bois, son ch’fal s’enfargea, Marie prit l’bord, son ch’fal y tomba d’ssus pis a mourut.

Faique Sigismond, qui arsemble à mon mononcle Jocelyn avec un glorieux casse de poil, resta comme seul roi de Hongrie.

Impossible que ce gars-là ait pas de skidoo ni de terre à bois.

Y s’armaria avec une madame appelée Barbe, pis y’eut yinque une fille, Élizabeth. Toute allait arcommencer.

Sauf qu’Élizabeth réussit à éviter l’pire en se mariant avec Albert du Saint-Empire, alias Tête-de-Gland, pis en le faisant aussi couronner comme co-souverain.

Tête-de-Gland.

Mais là, en 1439, Tête-de-Gland trépassa, laissant dans le deuil sa femme pis deux filles. Pas encore!

Mais pas si vite : Élizabeth était enceinte. D’un coup ça soye un gars?

Comme d’habitude, y’eut une élection. Dans c’temps-là, les Turcs commençaient à faire du trouble aux frontières, faique l’assemblée des nobles battes décida que ça prenait un homme viril qui s’mettrait la flamberge au vent pis qui s’érigerait en défenseur du royaume. Vous voyez ce que je veux dire.

Faique, y’élirent Vladislas III, roi de Pologne – un flo de 16 ans, c’est-tu assez insultant! – comme roi de Hongrie.

Élizabeth fit mine d’être d’adon, mais pas longtemps après, a partit en douce de la capitale avec sa bedaine pis ses partisans. Pis la veille, a l’alla voir Hélène Kottaner, une de ses dames de compagnie :

« Chus sûre que j’vas avoir un gars, pis j’veux l’faire couronner avant que l’autre Polonais s’pointe la face icitte. Tu volerais-tu la Sainte Couronne pour moé? T’es la seule à qui ch’peux faire confiance! »

Heille, c’tait une méchante faveur, ça! C’tait pas comme prêter une perceuse ou aller charcher les p’tits à’garderie : si Hélène se faisait pogner, sa tête risquait de rouler dans’garnotte sur un moyen temps, pis ses flos s’artrouveraient orphelins.

Mais à c’qu’on dit, le vrai courage, c’est de faire c’qui faut même si on shake dans ses pichous. Pis c’est c’qu’Hélène fit. A s’en alla au château de Visegrád, y’où ce qu’y gardaient la Sainte Couronne, sous prétexte qu’a l’allait arjoindre les autres dames de compagnie d’Élizabeth.

Quand tout l’monde fut ben canté, Hélène se l’va pis, avec deux gars qui s’taient offerts pour l’aider, rentra dans l’corridor qui m’nait à’salle des joyaux d’la couronne. Pis là, dans un suspense digne des meilleures vues d’bandits, Hélène guetta l’boutte du passage pendant que ses deux complices limaient les serrures des autres portes.

Par deux fois, Hélène eut l’impression que ça menait du train l’autre bord du mur, comme si une gang de gars armés s’en venaient les pogner. Finalement, parsonne se montra la face, pis Hélène était tellement contente qu’a promit au Seigneur de faire un pèlerinage nu-pieds au sanctuaire d’la Sainte Vierge.

Les gars finirent par arsortir avec la Sainte Couronne. Y remplacèrent les serrures qu’y avaient limées pis arbarrèrent toute comme avant. Hélène cacha la couronne dans un coussin, au travers d’la bourrure.

Le lendemain matin, sûrement ben maganée de sa nuite, Hélène embarqua dans son traîneau (c’tait l’hiver) avec le coussin pis partit trouver sa maîtresse avec les autres dames de compagnie. Su’l gros nerf, a l’arrêtait pas d’argarder en arrière pour voir si a l’était suivie.

Y’eut ben un ti moment de terreur quand un des traîneaux rempli de madames passa au travers des glaces du fleuve Danube, mais heureusement, parsonne tomba à l’eau. Autrement, Hélène réussit à s’rendre sans problème jusqu’à Élizabeth pour y donner la Sainte Couronnne queques heures à peine avant qu’a l’accouche d’un p’tit gars.

C’tu là que la croix aurait été crochie? Y’en a qui pensent que oui. Mais Hélène, ça m’a l’air de quequ’un d’fiable, pis a dit dans ses mémoires qu’elle a fait hyper attention de pas s’asseoir su’l mauvais coussin pis d’effoirer la couronne avec son popotin.

Y’a une autre affaire, aussi : là, on est au 15e siècle, pis la croix commence à être croche su les dessins à partir du 17e. Y’a une autre théorie – on en reparle dans deux siècles.

Entécas, Élizabeth fit couronner son fils, qu’a l’avait appelé Ladislas. La Sainte Couronne était tellement grosse que le p’tit aurait pu s’assire dedans, faique pendant la cérémonie, un cousin à Élizabeth fut obligé de la tenir au-dessus du p’tit qui braillait toutes les larmes de son ti corps. Y dut trouver l’temps long en maudit.

Quand Vlad III de Pologne se pointa en Hongrie, y se fit couronner lui avec, mais avec une couronne pognée dans la tombe de saint Étienne.

Élizabeth était ben décidée à tasser Vlad pour mettre son p’tit Ladislas su’l trône, mais a mourut deux ans après, probablement assassinée. Faique Ladislas alla rester chez Frédérick III, empereur du Saint-Empire, un cousin à son pére.

Deux ans plus tard, arbondissement : Vlad III de Pologne mourut décapité par les Turcs à la bataille de Varna, pis son corps fut jamais artrouvé. Les Turcs, ben contents d’leu coup, immortalisèrent l’étêtage dans c’te peinture-là :

Faique le temps qu’y soye déclaré mort pis que les seigneurs finissent de se chicaner, c’est yinque en 1452 que Ladislas put s’assire sur le trône qui y’arvenait de droit.

Rendu là, y’avait l’air d’une annonce de Pantene avec un pinch mou :

Pis ça a l’air qu’y trippait ben gros sur Harmonium.

Malheureusement, après toute c’te trouble-là, prince Boucle-d’or mourut à 17 ans – y’en a qui disent de la peste, d’autres de la leucémie.

Faique après une autre guerre civile – parce que ça en prenait absolument une – c’est Matthias Corvinus, un jeune noble hongrois, qui fut élu roi.

À c’te moment-là, c’tait encore Frédérick III, le tuteur à Ladislas, qui avait la Sainte Couronne. Faique en échange, y d’manda 80 000 florins d’or, ou 14,5 M$ d’à c’t’heure. Se sachant tenu par les gosses, Matthias accepta de payer, pis la Sainte Couronne artourna enfin chez elle en 1464, après 24 ans au yâble au vert.

Là, on saute jusqu’au 16e siècle. Les Turcs se faisaient de plus en plus dangereux, pis c’est un homme, Louis II, qui était roi. Mais son hommitude y sarvit pas à grand-chose à la bataille de Mohács : toute son armée fut effoirée en deux heures, pis lui, y se sauva la queue entre les jambes. En essayant de monter une côte trop à pic su son ch’fal, y tomba su’l dos dans un ruisseau pis mourut nèyé parce que son armure était tellement pesante qu’y a pu été capable de s’arlever.

Ça, c’est quand y’a été artrouvé :

À partir de là, les Turcs se mirent à gruger de plus en plus le territoire hongrois. D’leu bord, les nobles battes élirent DEUX rois différents en dedans d’un an, pis les deux furent couronnés avec la Sainte Couronne. C’tait une période mêlante.

Entécas, au 17e siècle, même si les Turcs occupaient la capitale, c’tait Ferdinand III de Habsbourg qui régnait su la Hongrie, quand y’avait le temps au travers de ses 15 000 autres jobs, comme roi d’Allemagne, archiduc d’Autriche, empereur du Saint-Empire, roi de Bohême – la liste est tellement longue que même Wikipédia s’écœure avant la fin pis écrit « etc. etc. »

Sa première femme était sa cousine, Marie-Anne d’Espagne.

(Marier sa cousine : mal vu quand t’es un Tremblay du Lac-Saint-Jean, pis parfaitement correct quand t’es un roi avec plus de titres qu’un catalogue de maison d’édition.)

Entécas, quand Marie-Anne se maria avec Ferdinand, y fallut qu’a fasse la run de lait, c’est-à-dire être couronnée reine de toutes les affaires que son mari était roi de. Faique on la comprend d’avoir l’air légèrement à boutte :

Le 14 février 1638, c’tait le jour de son couronnement comme reine de Hongrie. Les reines étaient couronnées avec la première couronne du bord, mais ça prenait la Sainte Couronne quand même : la coutume, c’tait de donner une tite bine su l’épaule d’la reine, comme pour dire, heille, toé’ssi t’as d’affaire dans l’régnage!

Dans ces temps-là, la Sainte Couronne était gardée à Vienne, la ville principale des Habsbourg, pis le couronnement avait lieu à Bratislava, vu que la capitale hongroise était occupée.

Faique toute était prêt : l’archevêque était là, la reine était là, la noblesse était là, les enfants d’chœur chantaient pis toute le kit. Y manquait yinque une affaire : la Sainte Couronne.

M’aginez-vous que le noble viennois qui s’en occupait avait apporté l’coffre avec la couronne dedans, mais qu’y’avait pas apporté la bonne clé! Le palatin (j’vous rappelle, ça c’est le plus haut fonctionnaire du royaume) était en tabarnak :

— Maudit gnochon, c’pas vrai, là?
— Ben, j’m’excuse! Y’a tellement de clés après c’te trousseau-là, ch’tais sûr que j’avais la bonne!
— Astie, qu’est-cé qu’on fait? On est pas pour dire à tout l’monde d’arvenir demain!

Faique y’appelèrent un serrurier.

— Heh boy! Y’a combien de straps en fer après c’te coffre-là?
— Quatorze.
— Simonac! C’est ben d’valeur, Vos Altitudes, mais si ça presse tant qu’ça, moé là, j’ai pas l’temps d’mettre des gants blancs. Va falloir que ch’fesse.
— N’importe quoi, tant que tu nous sors la couronne de d’là au plus crisse.
— Bon ben, advienne que pourra, d’abord!
*PONG*
*PING*
*PING*
Mon torrieux, veux-tu ben ouvrir!
*PROK*
*KROK*
Heille, mon astie d’enfant d’ch…
*SPLONK*
Bon!

Le serrurier ardonna l’coffre au palatin. En dedans, y’avait un autre coffre plus p’tit en cuivre, pis y’était bossé comme une aile de char après un accrochage. Ça r’gardait mal, mais le fonctionnaire se laissa pas décourager :

« Donnez-moé un couteau, m’as la sortir par en d’sour. »

Y découpa l’fond d’la boîte en cuivre, pis ploc, la Sainte Couronne y tomba dins mains, fort probablement avec son air d’à c’t’heure, avec la croix cantée pis les deux arches tout teur. 

Après… y’essayèrent-tu d’la réparer? Mystère. C’qu’on sait, c’est que la Sainte Couronne resta sortie pas mal plus longtemps que d’habitude avant d’artourner à Vienne, au moins parce qu’y fallut y’argosser un autre coffre. C’qui est sûr, c’est qu’après, tout l’monde fit comme si la croix avait toujours été d’même.

Dins siècles qui suivirent, la Sainte Couronne resta tout l’temps dans la famille des Habsbourg, en passant entre autres par – Jésus Marie Joseph! – une créâture, l’impératrice Marie-Thérèse. Les nobles battes durent s’étouffer su leu chique.

Son successeur, Joseph II, voulut rien savoir de se faire couronner, faique les Hongrois le surnommèrent « le roi au chapeau » pis, essentiellement, se torchèrent avec ses édits pis ses décrets. Quand même, c’est à la fin de son règne, en 1790, que la Sainte Couronne arvint enfin en terre hongroise. Les Hongrois étaient tellement contents qu’y firent le party dins rues, accrochèrent des guirlandes partout pis composèrent des tounes en son honneur.

La couronne était quand même pas au boutte de ses aventures.

En 1848, y’eut la Révolution hongroise.

L’empereur Ferdinand 1eravait adopté des lois pour transformer la Hongrie en monarchie constitutionnelle, avec un parlement pis toute; mais son successeur, François Joseph (le beau Franz à Sissi avec le cou raide, dans les films) avait décidé de mettre la hache là-dedans sans raison.

En crisse, les Hongrois se révoltèrent. Y’eut une guerre. Les Hongrois pardirent.

Pour échapper à l’empereur, le premier ministre se poussa en Turquie, non sans faire une dernière vacherie : y pogna la Sainte Couronne pis le reste des cossins sacrés du couronnement pis enterra toute ça dans une swompe à la frontière. Les autorités impériales durent charcher dans’bouette pendant quatre ans avant des artrouver.

Charles, le successeur à François Joseph, fut le darnier à porter la Sainte Couronne. C’tait comme écrit dans l’ciel — argardez comme y’avait l’air tata avec sa couronne trop grande :

Charles à son couronnement avec sa femme, Zita de Bourbon-Parme, pis son garçon, Otto.

Après la Première Guerre mondiale, la monarchie fut abolie. Pis à mesure qu’on s’approchait du monde d’à c’t’heure, la Sainte Couronne devint plusse un symbole qu’autre chose, mais quand même un symbole national super important pour les Hongrois.

La Sainte Couronne s’épivarda une darnière fois pendant la Deuxième Guerre mondiale, pis c’te fois-là, a l’alla pas mal loin.

Le gars qui dirigeait la Hongrie, l’amiral Miklós Horthy, avait tellement la chienne du communisme qu’y préféra s’allier avec Hitler plutôt que de risquer une invasion par les Russes.

Mais quand l’Armée rouge commença à avancer sans que parsonne puisse l’arrêter, Horthy enterra la Sainte Couronne et ses cossins queque’part en Allemagne.

C’est les Américains qui la ramassèrent, pis a passa un bon boutte d’la guerre froide dans un coffre-fort à Fort Knox , aux États-Unis.

Finalement, en 1978, le secrétaire d’État des États-Unis ardonna la Sainte Couronne à la Hongrie, pis a bougea pu jamais du Parlement hongrois après ça.

Faique c’est ça! Un casse en or qui a eu une vie plus excitante et arbondissante que la majorité de nous-autres.

Quand l’astie d’pandémie va être finie, on s’organise-tu un voyage en gang pour aller la voir… en parsonne?


Source : László Péter, « The Holy Crown of Hungary, Visible and Invisible », The Slavonic and East European Review, 2003.
Hélène Kottaner, Les mémoires d’Hélène Kottaner, 1440.
Géza Pálffy, A Szent Korona és a koronaláda balesete 1638-ban, 2007.

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« Tassez-vous que ch’passe! » — L’histoire du RMS Olympic, la grande sœur du Titanic, dans ses propres mots

  Heille salut! Moé c’est Olympic, pis j’étais un navire. Pis toute un, à part de t’ça. 

Bon, ok. Ça se peut que vous ayez jamais entendu parler d’moé. J’vous en veux pas pour ça. Tout l’monde en a yinque pour ma p’tite sœur, Titanic. 

Quand même, ça m’écoeure un peu, tsé : moé, j’ai eu une longue et ÉPIQUE carrière, pis elle, a s’crisse d’un iceberg comme une épaisse à son premier voyage, pis a l’a droit à toutes les honneurs, avec un film, Céline Dion, tou-dou-dou-douuuu, ti-delou-dou-dou-dwiiiiiii pis toute le kit. 

(Ch’t’aime pareil, la sœur.)

Mais là, à soir, c’est moé qui raconte. Pis vous allez capoter. 

Quand chus née, le 20 octobre 1910, au chantier maritime Harland & Wolff de Belfast, j’étais le plusse gros pis le plusse luxueux paquebot océanique au monde. Côté grandeur, je torchais complètement ma plus proche rivale, le Mauretania, pis je bouffais quasiment la moitié moins de charbon. J’étais bourrée d’installations super fancys : en plus des restaurants, des salons pis des salles de lecture, j’avais un gym, une piscine, un terrain de squash, pis même des bains turcs! La grosse vie sale. Checkez-moé l’escalier!  

Contrairement à quequ’un qu’on connaît, j’ai faite mes quatre premiers voyages à New York sans problème. Partout où c’que j’passais, les quais étaient paquetés d’monde qui étaient là pour me voir!  

Mais là, à mon cinquième voyage… Quand chus partie, faisait beau, toute allait ben, pis là, y’a un épais qui m’a foncé dedans. 

J’essayais de sortir du Solent, un passage pas super large entre l’Angleterre pis l’île de Wight. C’est du trouble, passer là : y’a un maudit banc d’sable qui bloque le ch’min, pis faut virailler pour pas s’échouer dessus. 

C’est là qu’est arrivé le HMS Hawke, un croiseur d’l’armée britannique. Y s’en allait dans’même direction qu’moé, mais pour moé y’a pas allumé que j’virais pas s’un dix cennes. Ch’tais l’plus gros navire du monde, tsé! 

Pour faire une histoire courte, y s’est pas assez tassé pis BANG! Y m’a rentré dans l’côté à tribord. 

J’vous rassure tu’suite : parsonne a coulé pis parsonne est mort. 

Mais quand j’ai été armorquée au port, les autres bateaux étaient là : « Cibole, Olympic, qu’est-cé qui t’est arrivé là? »

Pis moé j’répondais : « Ha! Attends de voir l’autre gars! »

Ça, c’est des images de moé pis du Hawke après l’accident.   

Comme vous voyez, moé ch’tais pas si pire. Mais astie, le Hawke, y’avez-vous vu la face? Y’avait l’nez toute effoiré! Ch’tais crampée. 

Ouin, je l’sais que c’est pas fin d’rire du malheur des autres, mais tsé! C’tait un croiseur faite pour détruire les autres bateaux en leux fonçant d’dans! Y m’a yinque faite un p’tit trou pis lui y’était rendu tout plate! 

J’ai passé un p’tit boutte en cale sèche, mais deux mois plus tard, ch’tais arpartie. Pour me réparer, y’ont dû prendre des matériaux pis du monde qui devaient aller au Titanic, faique ça l’a artardé son premier voyage de trois semaines.

Vous connaissez l’histoire : le 15 avril 1912, ma p’tite soeur a coulé comme une roche dans l’océan Atlantique en emmenant 1 500 passagers avec elle par le fond. Ça s’rait-tu arrivé quand même si le Hawke m’avait jamais rentré d’dans? On l’saura jamais. 

Entécas, moé, ch’t’étais pas super loin de d’là, pis mon capitaine – le capitaine Haddock, sans joke – m’a proposée pour embarquer des rescapés, mais y m’ont dit non : ça a d’l’air que ça les aurait traumatisés de s’faire ramasser par un navire pareil comme lui qui v’nait juste de couler. Franchement. Quand tu viens d’avoir la chienne de ta vie dans l’eau frette, tu te sacres ben de quel bateau qui te ramasse. Messemble, entécas. 

Faique j’ai continué tout drette. 

Après la tragédie, mes propriétaires m’ont toute arrangée pour pas que la même affaire m’arrive – y m’ont ajouté des canots de sauvetage, entre autres. Y’ont aussi changé les plans de mon autre p’tite sœur, le Britannic, qui était après être bâtie.

Là, j’ai arpris la mer pis j’ai faite ma job ben peinarde pendant un boutte, mais ça a pas duré longtemps – la Première Guerre mondiale a commencé.  

Y m’ont peinturée en gris laitte pour que ch’soye plus dure à voir, pis pendant une couple de mois, j’ai surtout sarvi à faire travarser des Américains pognés en Europe.

Mais là, les asties d’sous-marins U-Boots allemands ont commencé à faire pas mal de marde. Les bateaux coulaient de tous bords tous côtés. C’tait rendu ben que trop dangereux pour les voyages commerciaux, faique mon boss m’a dit de faire un darnier aller-retour – j’allais être au chômage pour le temps d’la guerre. 

Donc ch’tais là, au quai, à m’pogner les bouées depuis au moins six mois quand j’me suis faite câller par l’armée britannique. Ouais monsieur! Y’avaient besoin d’moé pour transporter des soldats. 

Y’ont défaite mes beaux salons pour péteux d’broue pis y’ont toute changé ça en dortoirs pour les soldats pis en cabines pour les officiers. Avec ça, ch’tais bonne pour transporter 6 000 hommes! Ma bibliothèque est devenue un hôpital de 100 littes. Pis y m’ont mis des CANONS! Yaaaahhh! Heille là on jasait! 

Comme ma p’tite soeur, Britannic, était pas encore finie de construire, ben elle, y l’ont changée en navire-hôpital. A l’était-tu belle, un peu, dans son beau kit blanc de docteur! Ch’tais ben fière d’elle. 

Elle pis moé, on a été envoyées en Méditerranée. Mais là, c’est pas parce que ch’faisais yinque transporter des troupes que ça allait être pépère! 

Drette à mon premier voyage, dans’mer Égée, mon capitaine pis moé on a spotté des survivants d’un bateau français qui v’nait d’être coulé par un U-Boot. On s’est argardés, pis ça a été clair tu’suite : pas question d’passer tout drette sans les ramasser. 

Faique on s’est arrêtés. D’une zone bourrée d’sous-marins allemands. Pis tsé, à ma grosseur, on va l’dire, ch’tais pas toute à faite discrète. Mais au yâble le danger. 

Yinque comme on v’nait d’embarquer toutes les survivants à bord pis d’ardécoller full pine, j’ai vu un astie d’périscope. Mon capitaine m’a dit d’virer ben sec. L’sous-marin m’a tiré une torpille, pis a l’est passée dans l’beurre. Après ça, c’est moé qui a tiré du canon d’ssus; ch’sais pas si je l’ai pogné, mais entécas, on l’a pu arvu du voyage. 

Quand on est arvenus en Angleterre, l’Amirauté était pas contente, pis mon capitaine s’est faite chicaner. C’est clair que si l’sous-marin s’tait pointé juste un ti peu plusse de bonne heure pis m’avait pognée pendant que ch’tais arrêtée, y’aurait pu m’couler avec 6 000 hommes à bord. C’te coup-là, j’ai été pas mal mardeuse.  

Pis la France a donné la médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement à mon capitaine. Faique, dans leux dents. 

Ch’t’artournée plusieurs fois dans’Méditerranée, jusqu’à ce que les Alliés se rendent compte que le front des Dardanelles contre les Turcs était un astie d’chiard qui m’nait nulle part pis évacuent tout l’monde. 

Mais ça m’a pas pris grand temps pour me trouver une autre job. 

À ce moment-là, le Canada a embarqué dans’guerre. Faique, de 1916 à 1919, j’ai charroyé des soldats canadiens jusqu’en Europe, pis à partir de 1917, des soldats américains aussi.

Là, heille, ch’trippais : y m’ont mis encore plusse de canons, pis y m’ont donné une belle nouvelle couche de peinture super fâsheune. Checkez ça!   

Y’appelaient ça le « dazzle » – ça veut dire « éblouissant » en français. Pis ben quins, que ch’tais éblouissante! Astie, si ça avait été yinque de moé, ch’rais restée d’même toute le long de ma carrière. Les lignes pis les couleurs bizarres, c’était pour fourrer les sous-marins ennemis, pour qu’y sachent pas exactement où c’que chus pis où c’que j’m’en vas. 

Au début, l’Canada voulait absolument que ch’soye escortée par un convoi militaire. Mais moé, ch’tais là : Ben voyons donc! J’vas à 22 nœuds, pis leux bateaux vont juste à 12 nœuds. Ma meilleure chance pour éviter les U-Boots, c’tait de clancher le plus vite que ch’pouvais pis au yâble l’escorte. Finalement, j’ai pu faire mes voyages tu’seule. Pas l’temps d’niaiser!

Ch’faisais une travarsée aux trois s’maines, ch’tais toujours en temps, pis j’ai jamais eu d’avarie. Tellement qu’y ont fini par m’appeler « Old Reliable » – autrement dit, l’bon vieux bateau fiab’. Mais ma p’tite sœur, Britannic, a pas été aussi luckée que moé : le 2 novembre 1916, la pauvre chouette a passé s’une mine dans’mer Égée pis a l’a coulé. Des trois sœurs, y restait pu yinque moé.

Le matin du 12 mai 1918, ch’tais dans’Manche – pas la manche de ch’mise, là, mais l’bras d’mer entre la France pis l’Angleterre – quand j’ai spotté d’quoi quand même assez proche à ma proue tribord. Câlisse : c’tait un U-Boot, pis y’était assez proche pour me tirer une torpille!

Mon capitaine a pas pogné les nerfs pantoute. Ben calme, y m’a juste dit : « Olympic! Tourne… C’est beau… »

Là, le p’tit crisse de vlimeux d’sous-marin a essayé de m’passer en d’sour du nez en s’en allant en dedans d’mon virage! Faique mon captaine a dit : « BÂBORD TOUTE! »

J’ai tu’suite compris c’qu’y avait en arrière d’la tête. Faique j’ai viré comme j’ai jamais viré, mis l’gaz au boutte, pis BANG! J’y ai crissé ça dedans! 

Quins mon estie! Y’a même pas eu l’temps d’plonger : j’l’ai harponné, y’a glissé en d’sour de moé, pis mon hélice l’a ouvert comme une canne de bines Clark à midi tapant.  

Pis c’te fois-là, j’me suis pas arrêtée pour ramasser des survivants. 

(Faites-vous en pas, quand même : y’a un destroyer américain qui a r’pêché 31 Allemands qui avaient réussi à sortir d’leu maudit suppositoire des mers.)

Pas longtemps après, la guerre a fini. Après ça, ma job, ça a été de ramener les soldats chez eux. 

Heille, si vous aviez vu l’accueil, vous-autres! Toutes les autres bateaux dans l’port d’Halifax avaient leux drapeaux dins airs pis faisaient crier leu criard, les quais étaient paquetés d’monde qui criaient eux-autres avec; y’avait des orchestres qui jouaient, pis y’avait une grosse bannière écrit : « Bienvenue, Old Reliable ». 

Astie, scusez, là, j’viens les hublots trempes yinque de m’en rappeler! 

Faique là, j’allais être artransformée en paquebot pour péteux d’broue. Comme la guerre m’avais pas mal maganée, ça allait prendre pas mal d’huile de coude. 

Ah heille, pis vous savez pas quoi? Quand y m’ont mis en cale sèche, y se sont rendu compte que j’avais un trou dans mes bas – autrement dit, j’avais mangé une torpille sans m’en aparcevoir. Elle avait pas explosé pis j’l’avais même pas sentie! Allez savoir depuis combien de temps que j’me promenais d’même. 

J’vous l’avais-tu dit que ch’tais mardeuse?

Pour la décennie d’après, ch’t’artournée à mes moutons.  Ça a été des belles années. Ch’tais pas mal populaire : vu que j’étais pareille comme le Titanic – sauf que tsé, c’tait plutôt elle qui était pareille comme moé – l’monde étaient là : « Wouhou, c’est comme être su’l Titanic, mais sans l’mourrage! » 

Heille, pis ch’t’ai eu toutes que des passagers : Marie Curie, Charlie Chaplin, les acteurs Marie Pickford pis Douglas Fairbanks, pis même l’prince de Galles, tsé lui qui a abdiqué pour marier une Américaine divorcée à l’air bête pis qui a fricoté avec Hitler?

Y’a juste en 1924, là, j’arculais en sortant du port de New York pis y’a le Fort St. George, un autre navire de passagers pas mal plus p’tit qu’moé, qui s’en v’nait en malade sans r’garder, pis y m’a foncé dedans, BONG! Y’était tout scrap, pis moé j’ai pu faire ma travarsée comme si de rien n’était. Stie d’sans-génie! 

Après ça, y’a eu la Grande Dépression, pis l’monde se sont mis à voyager pas mal moins. J’avais la moitié d’mes passagers d’avant. En plus, ma compagnie, la White Star, a fusionné avec sa grosse rivale, la Cunard. La Cunard était ben pressée de lancer son nouveau paquebot, le Queen Mary. Faique y m’ont tassée. J’vois pas d’autre raison.

Je v’nais yinque d’être rénovée pis mes moteurs viraient mieux qu’jamais. Pourtant, après un dernier aller-r’tour en avril 1935, y m’ont mis à’retraite, pis y m’ont vendue pour le fer au premier du bord. Mon beau foyer en marbre pis mes meubles, mes portes pis mes boiseries ont été mis aux enchères. 

Juste de même, j’existais pu. 

Dans ma carrière, j’avais fait 257 aller-retours su l’Atlantique, transporté 430 000 passagers, voyagé 1,8 millions d’milles, faite la guerre pis foncé dans plein d’affaires, itou. J’argrette arien. Pis là, j’espère qu’après aujourd’hui, m’as être jusse un ti peu moins oubliée. 


Source : Mark Chirnside, RMS Olympic, Titanic’s Sister, 2nd Edition, 2015.

Un GROS merci à ceux qui m’encouragent sur Patreon : Christine L., David P., Chrestien L., Daphné B., Herve L., Valérie C., Eve Lyne M., Serge O., Audrey A. et Mélanie L.

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Lave-toé don les mains, maudite tête dure! L’histoire de Mary Typhoïde

Dessin : Ma grande chum Christine Labrecque! Couleurs : André St-Laurent

Bon. Comme vous savez, j’ai pogné la maudite COVID-19, pis Mononc’Poêle aussi. Mais stie qu’a s’est pas attaquée au bon monde! On y’a crissé une volée, pis là on est corrects.

Mon frère, qui reste avec nous-autres, lui, y’a rien eu! Y’a probablement pogné le virus, mais ça y’a glissé dessus comme de l’eau su’l dos d’un canard.

Pour Mary Mallon, une Irlandaise qui avait immigré aux États-Unis dins années 1880, c’tait un peu la même affaire : a l’avait pas de symptômes pantoute, mais a l’était porteuse des bactéries qui donnent la fièvre typhoïde, m’aginez-vous don. Sans faire exprès, elle a contaminé un astie de tapon de monde avant que les autorités finissent par allumer. Pis c’tait une astie de tête de cochon.

Au début du 20e siècle, la fièvre typhoïde était une maudite plaie. Arrière-pépère Poêle — mon grand-père, ça — l’a même pognée quand y’était jeune homme. Ça donnait des maux de tête, la diarrhée, une grosse fièvre pis une fatigue épouvantable. Un malade sur 10 en mourait. 

C’t’une bactérie au nom à coucher dehors, Salmonella typhi, qui causait ça. Mettons qu’une crotte de personne contaminée se ramassait dans l’eau : par après, la bactérie se pétait une belle p’tite croisière jusqu’à ce que quelqu’un puise l’eau pis la boive. Ou mettons qu’une personne contaminée se lavait pas les mains comme faut après avoir fait son tour aux bécosses, pis taponnait ensuite d’la bouffe, ben hop! Tout le monde autour d’la table se retrouvait contaminé aussi.

À l’été 1906, une épidémie de fièvre typhoïde se déclara d’un gros chalet de luxe loué par un riche banquier de New York. 

D’habitude, c’tait les pauvres avec pas d’eau potable qui pognaient ça! Y’avait de quoi de pas normal! Les propriétaires du chalet eurent peur de pu pouvoir le louer à d’autres pis voulurent aller au fond des choses.

Une première enquête donna rien, faique à l’hiver, y’engagèrent George Soper, un ingénieur sanitaire, qui se mit tu’suite au travail :

— Bon. C’est pas le puits, c’est pas l’hygiène dans’maison, c’est pas la bouffe, pis c’est pas le fumier pour engraisser la pelouse; faique c’est quoi, d’abord? Y’a-tu quequ’un d’infecté qui est arrivé dans’maison un peu avant l’épidémie?
— Ben, y’a la cuisinière, là – Mary Quet’chose, là. Mallon!
— C’tu vrai? Est arrivée quand?
— Le 4 août, pis est partie un mois après, pas longtemps après que le monde ont commencé à être malades.

Soper trouva ça louche en sivouplaît, faique y’interrogea toutes les domestiques : qu’est-ce qu’y avait ben pu s’passer? 

Y savait que, normalement, quand le manger est cuit, y’a pas de danger, parce que les bactéries chauffent assez pour mourir. Tsé, si on entend pas leurs cris d’agonie, c’parce qu’y sont masqués par le doux p’tit bruit du gigot d’agneau qui braise lentement au four…

Scusez. J’viens un peu sadique quand la faim m’pogne.

Entécas, Soper finit par savoir qu’un dimanche, Mary avait préparé un dessert avec d’la crème glacée pis des tranches de pêches crues. Bingo!

Convaincu d’avoir mis l’doigt su’l’bobo, Soper voulut retrouver Mary Mallon.

Ça allait pas être évident : Mary changeait de job souvent, pis a l’avait pas de domicile fixe ni de famille dans l’boutte. Mais, en la suivant à la trace, y découvrit de quoi de pas pire en simonac : dans TOUTES les maisons où c’qu’a l’avait travaillé depuis 1900, y’avait eu des épidémies de fièvre typhoïde inexpliquées.

À c’t’heure, y’avait pu de doute : c’tait elle qui rendait l’monde malade.

Quand y finit par la r’trouver, a travaillait dans une maison de riches sur Park Avenue, à New York. A l’était, comme de faite, dans’cuisine. C’tait une grande femme d’une quarantaine d’années, blonde aux yeux bleus, ben plantée, avec la face de quequ’un qui se laissait pas piler su’é pieds.

Y’enleva son chapeau, se présenta, pis finit par cracher l’morceau :

« Toute ça pour dire que j’ai des raisons de penser que c’est vous qui donnez la fièvre typhoïde au monde, faique, euh… Si ça vous dérange pas trop, j’aurais besoin d’échantillons de vos selles, de votre urine pis de votre sang, sivouplaît… »

Les yeux à Mary foncirent comme la mer quand l’vent vire de bord. A pogna une fourchette à découper, tsé avec les deux grands dents longues, la pointa dans’face à Soper pis avança vers lui :

« T’es-tu après me traiter d’astie de crottée, toé là? Décâlisse avant que ch’te pique comme un rôti d’porc! »

Soper sortit de la cuisine, descendit l’passage à la course, traversa l’terrain pis la barrière en fer forgé, pis c’est yinque rendu su l’trottoir qu’y s’arrêta pour arprendre son souffle.

« Ouin… C’tait pas ma meilleure. Pour moé a’pas compris que j’voulais l’aider. Va falloir que ch’trouve autre chose. »

Faique, dans les jours qui suivirent, Soper se mit à espionner Mary. Y finit par se rendre compte que souvent, après la job, a se rendait chez un bonhomme louche qui passait la journée à la taverne pis restait d’une maison de chambres.

Y se mit donc chum avec le bonhomme – ce fut pas trop dur, hein, une couple de pintes pis tiguidou – pis réussit à se faire inviter chez-eux. 

— Ouin, j’aurais besoin de parler à Mary. Mettons qu’un soir, je v’nais l’attendre icitte, ça vous dérangerait-tu?
— Ah, pas de trouble, mon homme, viens quand tu veux!

Faique un m’ment’né dans la semaine, y’alla attendre Mary en haut des marches de la maison de chambres. Quand a se pointa la face, tu’suite y partit la cassette qu’y avait pratiquée : bonjour Madame, m’esscuse de la façon dont j’vous ai parlé la fois d’avant, j’vous accuse de rien, j’veux yinque vous aider, si vous avez besoin d’vous faire soigner ça vous coûtera rien, blablabla, mais Mary était déjà boquée ben dur :

« Ah, non, pas encore toé, tabarnak! Veux-tu ben me crisser la paix avec la fièvre typhoïde? Y’avait pas plus de malades dins places où j’ai travaillé qu’ailleurs; y’en a partout, de c’te maladie-là! Pis je l’ai jamais pognée d’ma vie! À part de ça, m’avez-vous vue? J’ai tu l’air malade? Hein? J’ai tu l’air malade? Ben non, astie, ch’t’en pleine forme! Je laisserai personne m’accuser d’affaires de même! Pis toé, mon astie de sans dessein, t’es aussi ben de pu jamais te pointer la face icitte! »

Encore une fois, Soper dut partir la queue entre les jambes, les insultes qui y r’volaient dans l’derrière d’la tête comme si c’tait des roches.

Comme y’avait rien à faire avec Mary, y prit les grands moyens – y’alla voir le commissaire à la santé de la Ville de New York :

« En gros, Monsieur, c’te femme-là est un vrai tube de culture bactérienne su deux pattes. A l’arrête pas de rendre le monde malade sans le savoir, pis c’t’une maudite tête de cochon qui veut rien entendre. Va falloir des polices pour l’arrêter, pis sont aussi ben de s’atteler, parce que c’est clair qu’a se laissera pas faire. »

Un peu mal à l’aise à l’idée d’y aller tu’suite avec le bâton, le commissaire commença par envoyer la Dre S. Josephine Baker, en se disant que la touche féminine rendrait peut-être Mary plus parlable. Mais non. Mary y ferma la porte au nez.

Faique le lendemain matin, une ambulance se parqua pas loin de la maison où Mary travaillait. Y’en sortit la Dre Baker pis trois polices. Deux polices allèrent se placer stratégiquement pour empêcher Mary de se sauver, pis la troisième alla sonner à la porte d’la cave avec la docteure.

Mary ouvrit, mais dès qu’a se rendit compte de c’tait qui, a l’essaya de la r’farmer. La police mit son pied dans’porte pour la bloquer. 

Mary se sauva dans’cuisine. La docteure pis la police partirent après elle, mais a l’avait déjà disparu. Y s’informèrent aux autres domestiques, mais personne l’avait vue passer. Y fouillèrent toutes les racoins de la maison d’la cave au grenier, mais Mary était nulle part.

Un m’ment’né, la Dre Baker spotta de quoi de suspect :

« Heille, tchéquez ça! Y’a une chaise d’accotée après la clôture! »

Faique la docteure pis les polices allèrent fouiller la maison du voisin, mais Mary était pas là non plus. Rendu là, ça faisait une bonne secousse qui charchaient.

La docteure était su’l bord de laisser faire, quand a vit un boutte de tissu à p’tits carreaux pogné dans’porte d’une remise en arrière de la maison des voisins. Une des polices ouvrit la porte, pis qu’est-cé qu’a trouva-ti pas? Mary, qui partit tu’suite pour se sauver.

La docteure eut beau y dire qu’a voulait yinque des échantillons pis qu’a la laisserait partir, Mary voulut encore rien savoir. Faique les polices la pognèrent pis la mirent dans l’ambulance.

« Lâchez-moé, mes asties de cochons sales! Tabarnak! J’ai rien faite! »

A se débattit comme une diablesse dans l’eau bénite. Pendant la raille d’ambulance jusqu’à l’hôpital, ça brassa tellement qu’on aurait cru qu’y avait un carcajou à bord.

Quèques jours après, Soper reçut un téléphone du Dr Park, de l’hôpital Willard Parker. Y’avait examiné les selles de Mary, pis comme de faite, y’étaient bourrées de bactéries qui donnent la fièvre typhoïde.

Ça confirmait toute. 

Queques s’maines après, y’alla voir Mary à l’hôpital. Tsé, c’tait pas une criminelle, mais comme c’tait une maudite tête de cochon qui avait mangé d’la vache enragée, y’a gardaient enfermée.

Quand Soper arriva, Mary était en robe de chambre blanche entre quatre murs blancs, assise tu’seule sur son litte blanc. Pis le r’gard qu’a y fit aurait pu l’couper en bouttes.  

Malgré ça, l’ingénieur sanitaire se racla la gorge pis commença à y’expliquer comment a faisait pour contaminer le monde sans faire exprès : 

« Pis quand le monde mangent c’que vous avez préparé, y mangent les bactéries pis y tombent malades. Tsé, si vous preniez le temps de vous laver les mains comme du monde, y’aurait probablement même pas de trouble. » 

Mary dit pas un mot, mais ses yeux continuaient de lancer des couteaux. 

« Pour moé, les bactéries vivent dans votre vésicule biliaire. Ch’pourrais vous l’enlever. Y’a plein de monde qui n’ont pu, pis sont ben corrects pareil. »

Le silence était tellement épais qu’une grosse cuiller aurait pu tenir deboutte dedans. 

« J’veux juste que vous répondiez à mes questions. J’voudrais écrire un livre sur vot’cas, mais j’dirai pas votre nom, pis j’vas vous donner toute l’argent qu’m’as faire avec ça. Ch’pourrais vous aider à sortir d’icitte. »

Mary se leva de son litte pis, sans jamais quitter Soper des yeux, alla s’enfarmer dans la toilette de la chambre. Faut croire que c’tait sa façon de l’envoyer chier, parce qu’a ressortit pas, pis Soper dut se résoudre à s’en aller.  

Finalement, Mary fut emmenée sur l’île de North Brother, sur l’East River, où y’avait un hôpital de quarantaine. Là-bas, a vivait dans une belle p’tite maison avec l’eau pis l’courant. Mais comme c’tait l’genre de femme à bouffer un oignon pour te prouver que c’t’une pomme, a se battit pour sortir pendant trois ans, jusqu’à ce qu’on la laisse partir sur promesse de pu travailler comme cuisinière pis de se déclarer aux autorités sanitaires à toutes les trois mois. 

Est bonne. 

Mary disparut drette après être sortie. A se déclara jamais aux autorités. A changea de nom. A l’essaya ben de faire autre chose de d’la cuisine, mais comme a trouvait rien qui payait assez, a r’tourna ben vite à son ancienne job, pis toute arcommença comme avant. 

Ça prit cinq ans avant qu’on la r’trouve, pis rendu là, y’avait rien d’autre à faire que de la renvoyer à North Brother. Sauf que c’te fois-là, a se débattit pas. Faut dire qu’a l’avait mangé pas mal de misère dins dernières années – a s’tait blessée à une main, entre autres – pis a devait s’dire que tant qu’à faire, aussi ben être logée, nourrie pis ben traitée, même si a perdait sa liberté. 

Elle resta à North Brother pendant 23 ans, jusqu’à sa mort à l’âge de 69 ans.  

Même après toute c’qui lui était arrivé, Mary refusa toujours d’accepter son état. Si quequ’un avait l’malheur d’y parler d’la fièvre typhoïde, a y faisait une face à y faire armonter les gosses. En tout cas, elle, si le docteur Arruda y’avait dit de rester chez eux pis de se laver les mains, ben vous pouvez être sûrs qu’a l’aurait envoyé chier.


Source : George A. Soper, The Curious Career of Typhoïd Mary. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1911442/pdf/bullnyacadmed00595-0063.pdf

Laissez-le don tranquille, pauvre ti pit : quand mini prince Charles fit scandale

(J’avais commencé quelque chose de plus épique, mais voici un p’tit sujet relax en attendant que je finisse de relever d’la COVID-19)

Veux, veux pas, à force d’être pogné en dedans de même, on finit par se souvenir des fois où on était ailleurs, ben loin d’icitte.

Pis à matin, j’me suis rappelé quand j’étais à Stornoway avec Mononc’Poêle. Mais pas Stornoway, PQ, là! Stornoway sur l’île de Lewis, dans les Hébrides extérieures, en Écosse. Maudit que c’est beau, là-bas! Fait frette comme su’l bord du fleuve, le gros vent dans’face, mais y’a des plages de sable blanc avec des eaux turquoises, des montagnes bourrées de cerfs avec des panaches comme dins contes de fées, pis des constructions tellement anciennes et mystérieuses qu’on sait même pas à quoi ça servait, comme les pierres de Callanish pis le broch de Dun Carloway.

Mais bon. J’vas arrêter ça là, parce que l’Office du tourisme de l’île de Lewis me paye pas une cenne. Ce dont je voulais vous parler, c’est la fois où le prince Charles, encore mineur, s’est fait pogner en flagrant délit de boisson à Stornoway.

L’héritier du trône qui se saoule au tendre âge de 14 ans! Le monde entier était scandalisé.

Mais c’tait plusse compliqué que ça. R’tournons en arrière un peu.

Vous avez p’têtre vu la série The Crown? On voit mini Charles pogné pour aller à Gordonstoun, un pensionnat frette et glauque en Écosse, parce que son père pensait que ça allait y forger le caractère.

Pauvre p’tit pit, y’était toute maigre pis toute doux. Y’était pas faite pour vivre à la dure! Été comme hiver, y’était obligé de dormir les fenêtres ouvertes, pis le matin, y se faisait réveiller à 7 heures moins quart pour aller courir dehors en shorts pas de t‑shirt pis prendre une douche frette avant déjeuner. Des affaires pour attraper la mort.

Les autres flos riaient de ses oreilles en porte de grange. Dès que quequ’un commençait à se mettre ami avec, y se faisait traiter de téteux pis de licheux. Pis comme si c’était pas assez pénible de même, le surveillant de dortoir, lui, se pétait un petit power trip : y’avait mis Charles pis le prince Alexandre de Yougoslavie en charge des vidanges, parce que ça l’amusait de rabaisser les p’tits gars royaux.

Mettons que ça ramène sur terre.

Entécas, à sa deuxième session d’école, Charles réussit à se tailler une place sur le voilier Pinta, un des deux qui appartenaient à Gordonstoun, et partit naviguer le long de la côte Nord de l’Écosse. Ça faisait partie du programme scolaire, parce que tsé, quel prince digne de ce nom sait pas faire de la voile?

Pis un jour, le voilier arriva au port de Stornoway. Charles pis quatre autres flos eurent la permission d’aller à terre pour luncher pis voir une vue au cinéma (It Happened in Athens avec la plantureuse Jayne Mansfield). Donald Green, le garde du corps de Charles qui le suivait partout pis qui était probablement son seul confident, descendit avec eux-autres.

Mais là, le monde de Stornoway étaient pas fous : y reconnurent tu’suite le voilier, pis y commencèrent à se taponner sur le quai pour voir si Charles était à bord. Le temps que Green amène les flos à l’hôtel Crown, y’avait déjà une gang de woireux qui se collaient le nez dins fenêtres.

« Attendez-moé là, j’vas aller nous pogner des billets pour le film tantôt, pis j’vous r’joins pour dîner, ok? » dit Donald Green avant de ressortir.

Faique là, Charles pis ses tizamis se retrouvèrent tous seuls dans le lounge de l’hôtel.

Dehors, les woireux s’étaient multipliés. Ça sentait dins vitres, ça placotait pis ça grouillait; un peu plus pis y r’soudait un vendeux de popcorn pis un joueux de ruine-babines, pour l’ambiance.

« Aaaahh, non! J’haïs ça quand ça fait ça! J’me sens comme une girafe à deux têtes ou bedon un ours qui danse la claquette! Qu’est-cé m’as faire? »,  se demanda le pauvre Charles, rouge jusqu’aux oreilles.

Gêné pis à boutte, le prince se chercha une échappatoire : n’importe y’où c’qu’y avait pas de fenêtres – même une armoire à balai allait faire la job. Faique y prit la première porte du bord.

Pas de fenêtres, pu de woireux : yes! Mais y v’nait yinque de régler un problème qu’y tomba face à face avec un autre :

« Oh non! C’est un bar, icitte! »

Dans la tête de Charles, le p’tit hamster se mit à pédaler sur un moyen temps. La première affaire qui lui vint à l’idée, c’est que dans un bar, la règle, c’est commande de quoi ou décrisse. Y savait ben qu’il était trop jeune pour boire; premièrement, c’était illégal, pis deuxièmement, si le directeur de Gordonstoun l’apprenait, y risquait de manger une couple de coups de canne.

Mais, dans l’moment, l’important, c’était de pouvoir rester dans le bar. Faique y s’avança, toute timide, vers la barmaid.

—     Salut! Qu’est-cé ch’te sers? demanda-t-elle, sans le carter ni se douter une seconde qu’a parlait à l’héritier du trône britannique.  
—     Euhhh…

Charles fit une face de chevreuil en avant d’une van sur la 132 à 11 heures du soir. Y’était pas un expert en boisson, lui! Y’avait aucune idée de quoi commander!

« Woyons, pense vite, Charles! Un drink, un drink, pense à un drink! »

Y pensa au seul alcool qu’il avait déjà goûté, jusse une tite gorgée, quand y faisait frette à la chasse avec sa mère :

—     Euh, un brandy aux cerises!
— Ok mon pit, ch’t’apporte ça!  

Y paya pis s’éloigna du bar avec son p’tit verre, tout innocemment.

L’affaire, c’est que le pauvre prince pouvait même pas lâcher un pet sans que ça sorte dans les journaux. L’automne d’avant, la Ligue contre les sports cruels avait pogné les nerfs quand Charles avait tué son premier cerf à Balmoral. Pis un pasteur de l’Église libre d’Écosse l’avait accusé « d’envahir le jour du Seigneur » parce qu’y était allé faire du ski dans les monts Cairngorms un dimanche.

On dira c’qu’on voudra sur la monarchie, mais dans c’temps-là, Charles était juste un p’tit gars qui essayait de vivre sa vie de p’tit gars, mais avec un millénaire de traditions, d’obligations pis de conventions qui y pesaient su’l dos.

Faique là, pendant qu’y sirotait son p’tit drink sucré, y se doutait pas qu’une quelqu’une le checkait au travers des tables pis des chaises comme un jaguar dins buissons… Une journaliste qui savait qu’a venait de pogner un super scoop.

Drette le lendemain, la nouvelle faisait le tour du monde. Tsé, une tempête d’un verre de brandy, là.

La pauvre barmaid, attaquée de tous bords tous côtés pour avoir SERVI DE LA BOISSON À UN ENFAaAaAaANT, dût aller se cacher au fin fond de l’île pour avoir la paix. Donald Green, le garde du corps, fut crissé dehors, au grand désespoir de Charles qui eut l’impression de perdre son seul ami. Quant à Charles lui-même, y mangea pas de coups de canne de la part du directeur, mais y perdit beaucoup de privilèges à l’école.

Mais avant toute ça, juste comme la Pinta repartait de Stornoway, une bonne femme qui se promenait sur le quai pointa le nom du voilier et cria :

« C’tu l’bateau de l’Office du lait, ça? »

À cause de l’annonce qui disait « Drinka Pinta Milka Day », l’équivalent de « Got Milk? » ou de « Jamais sans mon lait ».

Gneuh.

Charles la trouva pas drôle pantoute.

Mais au moins, y’allait apprendre à la dure que dans peu importe c’qui faisait, jusqu’à la moindre niaiserie, fallait jamais qu’y oublie qu’il était le prince de Galles. Pis c’tait pesant en maudit.