La consanguinité chez les Habsbourg : de quessé, pourquoi, comment?

Les Habsbourg, ça vous dit-tu d’quoi, ça?

Si vous v’nez souvent écouter mes histoires, y’a des grosses chances que oui.

Pour les autres, m’as vous l’dire tu’suite, « Habsbourg » c’est pas un village thématique des Canadiens d’Montréal avec le resto à Mario Tremblay pis des marigorondes genre « Les Montagnes russes à Kovalev » pis « Le Slapshot à Boum-Boum Geoffrion ».

Les Habsbourg, c’t’une famille de monarques européens qui étaient tellement consanguins qu’y ont passé proche de s’auto-faire disparaître.

Là, vous vous dites peut-être : « Consanguins? Dans l’sens qu’y mariaient leux cousines? Comme Ti-Clin Dufour du rang 12? Tu parles de des colons! »

On l’sait, c’te genre d’union-là passe assez mal dans’société, que tu soyes un big shot ou pas.

Mais quand même, entre Ti-Clin Dufour pis les Habsbourg, y’a une bazouelle de grosse différence.

Ti-Clin, lui, ça se peut que l’choix d’femmes à marier était pas vargeux dans son rang 12 – y voyait sa cousine Floridâ à tou’és jours su’l lot d’à côté, pis y’a fini par se dire ouin, a s’en vient pas pire la p’tite, j’irai pas charcher plus loin!

Mais les Habsbourg, eux-autres, y’étaient riches et puissants, pis l’Europe au complet était leu buffet quand v’nait l’temps de s’marier.

Faique pourquoi, d’abord, toujours piger dans le même plat d’bonbons?

Justement parce qu’y étaient riches et puissants, pis qu’y voulaient l’rester.

Toute ça, on va dire que ça a commencé – parce qu’y faut ben commencer queque part! – par le gars qu’on appelait Charles Quint.

Avant lui, les Habsbourg étaient quand même pas des tout nus : c’taient des archiducs d’Autriche pis des empereurs du Saint-Empire.

Mais Charles, y’a amené ça à un autre niveau en devenant le souverain d’une quantité de territoires qu’on avait rarement vue mise toute ensemble depuis l’empire romain!

Comment c’t’arrivé, don? Charles était-tu un méga conquérant?

Pantoute!

C’est que, grâce à des mariages ben stratégiques arrangés par son grand-père pis son arrière-grand-père, pis une bonne dose de chance, Charles Quint a hérité des titres de ses QUATRE grands-parents – d’habitude, tsé, yinque un, c’est ben en masse!

C’qui était excessivement rare, c’est que Charles avait deux grands-mères régnantes, c’t’à dire qu’y régnaient de leu propre droit, comme feu Élizabeth, au lieu d’être juste « la femme de », ou « consort », comme Camilla.

Sa grand-mère paternelle, c’tait Marie, duchesse régnante de Bourgogne. Dans c’te temps-là, le duché de Bourgogne était un grand territoire qui comprenait, en plus d’la Bourgogne en tant que telle (en France), une partie d’la Belgique pis des Pays-Bas.

Son grand-père paternel, c’tait Maximilien Ier, archiduc d’Autriche pis empereur du Saint-Empire.

Par son père Philippe, qu’on appelait « le Beau », Charles a hérité de toutes leux titres, sauf celui d’empereur du Saint-Empire – fallait être élu pour ça, mais, souvent, les princes-électeurs se cassaient pas trop l’bécique pis élisaient le fils ou le frère de l’ancien. Faique, à’mort de son grand-père Maximilien, Charles a été élu à sa place, vu que son père avait déjà passé l’arme à gauche.

(Là, faites-vous en pas si je vous garroche plein de noms d’même – vous êtes pas obligés de vous souvenir de toute, c’pas grave.)

L’empereur Maximilien, sa femme Marie, son fils Philippe, ses petits-fils Charles pis Ferdinand, pis Louis, roi de Hongrie, le mari d’la fille à Philippe – c’qui fout là, lui, on s’en reparle plus tard. On voit que les titres pis les territoires, c’tait pas la seule affaire qui se transmettait de génération en génération.

Sa grand-mère maternelle, c’tait Isabelle Ière, reine régnante de Castille. Son grand-père maternel, c’tait Ferdinand II, roi d’Aragon.

Donc, par sa mère, Jeanne Ière, qu’on appelait « la Folle » (pourquoi, je rentrerai pas là-dedans, c’t’une histoire en soi), Charles a hérité de la Castille pis de l’Aragon.

Mais, quand ses parents se sont mariés, c’tait loin d’être évident que Charles allait hériter de toute.

D’abord, Jean, le frère à Jeanne pis le prince héritier, est mort jeune, supposément parce qu’y avait trop baratté l’beurre avec sa nouvelle femme, mais y’a plus de chances que c’tait la tuberculose. Après ça, Isabelle, sa sœur plus vieille, est morte elle avec, pis son bébé garçon aussi.

Faique quand la reine Isabelle est partie arjoindre le p’tit Jésus, c’est Jeanne qui est devenue reine de Castille, pis Charles a co-régné avec elle jusqu’à sa mort.

Ferdinand d’Aragon, dans l’espoir de se fricoter un nouvel héritier doué de zouiz pour son royaume à lui, s’est armarié avec Germaine de Foix. Sauf que, à 63 ans, y’avait l’manche un peu mou, faique sa femme y’a fait faire une p’tite potion à base de gosses de taureau pis d’extrait de coléoptère. Malheureusement, l’apothicaire aurait raté le dosage, pis Ferdinand est mort empoisonné.

Et pouf! Charles s’est artrouvé roi d’Aragon.

Les grands-parents maternels à Charles Quint. Isabelle de Castille a l’air d’une maman dévouée mais au bord du burn-out; Ferdinand d’Aragon a l’air de ton chummy poteux qui squatte ton divan depuis 3 semaines « le temps de s’arvirer d’bord ». 

Bref, une fois toutes ses aïeux éteints, Charles V du Saint-Empire, ou Charles Quint, s’est ramassé avec un astie de tapon de territoires, y compris les colonies espagnoles en Amérique.

À c’t’heure, fallait qu’y s’arrange pour garder ça, pis les mariages allaient être au cœur de sa stratégie.

Pour mieux comprendre pourquoi, faut se d’mander à quoi ça sert, un mariage royal.

Premièrement – on peut pas passer à côté – ça sert à produire des héritiers, de préférence doués de zouiz. Dans un système héréditaire de même, y’avait rien de plus important.

Des fois, ça pouvait influer su’és décisions. Au départ, Charles Quint était censé marier sa cousine Marie Tudor, la fille à sa matante Catherine pis la future reine d’Angleterre, mais y’a changé d’idée parce qu’y voulait des d’héritiers au plus maudit, pis Marie, a l’avait juste cinq ans.

Deuxièmement, un mariage royal, ça sert à créer des alliances ou à les rendre plus fortes. Quand Charles Quint a fini par marier une autre cousine, Isabelle du Portugal, c’tait pas parce qu’y l’avait croisée une couple de fois dins partys d’famille pis qu’y’a trouvait cute, mais parce qu’une alliance avec le Portugal était ben d’adon pour l’Espagne. Vu que, dans c’tes années-là, les deux royaumes étaient après explorer pis coloniser à tour de bras, c’tait important qu’y s’accordent pis qu’y s’pilent pas su’és pieds. À part de ça, l’Portugal était riche en simonac; bref, c’tait mieux pour l’Espagne qu’y soye allié avec elle plutôt qu’avec, genre, la France.

Tin-Clin Dufour et sa cousine Floridâ, un portrait du bonheur conjugal.
(Charles Quint pis Isabelle de Portugal)

Avançons un ti-peu dans l’temps. À 55 ans, Charles Quint, malade pis tanné de courir partout, a abdiqué. Son frère Ferdinand Ier a ramassé les terres ancestrales des Habsbourg en Autriche pis a été élu empereur du Saint-Empire. Son fils Philippe II est devenu roi d’Espagne pis a ramassé toute le reste. À partir de c’te moment-là, les Habsbourg ont été séparés en deux branches : la branche espagnole pis la branche autrichienne.

C’est là qu’on voit que renforcer des alliances, c’est pas yinque avec les étranges. Ça peut être en dedans d’une même famille. Icitte, fallait éviter que les deux branches s’écartillent complètement pis aient pu les mêmes intérêts, pis la stratégie avait commencé ben avant l’abdication à Charles : Maximilien II, le garçon à Ferdinand, avait marié Marie, la fille à Charles.

Phillipe II, le fils à Charles, s’est marié quatre fois :

  1. avec Marie-Manuelle, sa double cousine portugaise (son père à lui pis sa mère à elle étaient frères et sœurs, pis sa mère à lui pis son père à elle aussi);
  2. avec Marie Tudor (la même que son père avait failli marier);
  3. avec Élizabeth de Valois, une princesse française;
  4. avec Anne d’Autriche – nulle autre que sa nièce, la fille à sa sœur Marie pis à son cousin Maximilien II. C’est avec elle qu’y a fini par produire son héritier doué de zouiz, le futur Philippe III.
Beau comme un prince : Philippe II d’Espagne

Quand sa quatrième femme est morte, Philippe a voulu s’armarier avec sa sœur à elle, qui avait yinque 14 ans. Su’l ch’min de l’Espagne pour ses noces, la p’tite a faite « fuck non » pis est entrée en religion.

Bravo, ma belle. J’aurais faite pareil.

Là, si l’cœur vous lève un peu, vous êtes pas tu’seuls. Mais, ça fait yinque commencer.

Troisièmement, un mariage royal, ça sert à garder la richesse dins mains d’la même p’tite gang de privilégiés.

Quand des monarques négociaient un mariage entre leux arjetons, c’tait pas yinque, ma fille marie ton gars, une poignée de main, c’est ça qu’y est ça. Nenon. C’tait un échange à pu finir de propositions pis de contre-propositions :

« Faique toé tu m’donnes un boutte du Tyrol pis moé ch’te donne un coin de Sicile, avec tel motton d’argent, tu donnes deux-trois fiefs à ma fille pour ses p’tites dépenses, pis moé ch’t’aide à taper su’és Ottomans aux frontières… »

Des fois, ça servait à régler des conflits, mais en temps de paix, les deux parties finissaient souvent ni plus riches ni moins riches qu’avant. Ça montre que c’tes tractations-là étaient pas tant un moyen de s’enrichir, mais plus du WD-40 pour alliances diplomatiques.

L’affaire, c’est que ça marchait yinque quand les mariés avaient l’même rang social. Fallait pas – horreur – qu’un mariage inégal fasse passer d’la richesse dins mains de des ROTURIERS.

Ark!

Y’a juste à voir la réaction à Ferdinand Ier quand son p’tit darnier, Ferdinand Junior, est tombé en amour avec une femme d’la bourgeoisie, l’a mariée en secret pis a eu deux p’tits gars avec :

« Voir si j’vas laisser le moindre ti-boutte du motton des Habsbourg aller à des pas propres! Heille, des affaires pour qu’y s’enflent la tête pis s’prennent pour des princes! Ça commence par une, pis dans pas long toute la racaille va nous garrocher ses filles à marier! L’ordre social au complet va crisser l’camp! »

Faique Ferdinand Junior a dû garder son mariage secret, arnoncer à toute succession pour ses gars pis faire semblant de les « trouver » en avant d’la porte d’entrée comme deux chatons abandonnés, en échange de quoi son père s’est engagé à y verser une rente pour pas qu’y crèvent de faim.

Le genre d’affaire qui a aucun sens dans notre logique d’à c’t’heure.

Le meilleur moyen de garder la richesse toute à’même place, ça reste de s’marier le moins possible avec du monde d’en dehors, c’que les Habsbourg ont faite à la perfection.

À’génération suivante, Philippe III d’Espagne s’est marié avec Marguerite d’Autriche-Styrie, sa petite-cousine ET cousine germaine éloignée au premier degré. Dans l’doute, argardez l’arbre, c’est ben plus clair de même.

Ensemble, y’ont eu huit enfants, dont l’héritier Philippe IV pis l’infante Marie-Anne.

Marie-Anne, a s’est mariée avec Ferdinand III du Saint-Empire, son cousin, lui-même fils de l’empereur Ferdinand II pis de Marie-Anne de Bavière, sa cousine ET cousine germaine éloignée au premier degré.

Après ça, sa fille à elle, aussi appelée Marie-Anne, s’est mariée avec Philippe IV d’Espagne, son cousin PIS son mononcle en MÊME TEMPS.

Simonac, gang. Le ciboulot m’chauffe.

Finalement, quand on conclut un mariage royal, faut pas yinque penser à c’qui s’passe dans l’moment; faut aussi voir loin dans l’avenir. J’vous donne un exemple.

Tsé, le gars qui avait pas rapport dans l’portrait tantôt, pis j’ai dit que j’vous en reparlerais?

Menute.

J’vous rappelle, Louis II de Hongrie, y’était marié avec Marie, la petite-fille à Maximilien Ier. Y’était aussi le beau-frère à Ferdinand Ier, qui lui était marié avec sa sœur Anne. En gros, si y’a été mis dans l’portrait d’la belle-famille, c’tait pour la propagande, du genre :

« Ah ouais, le p’tit Louis, on l’aime assez! Y’é d’la famille! Ses affaires, c’est nos affaires! »

Mais, pourquoi beurrer aussi épais?

Quand Louis II de Hongrie est mort nèyé en prenant une fouille dans sa grosse armure pesante tandis qui s’sauvait des Ottomans à la bataille de Mohács, comme y’avait ni enfants ni frères, Maximilien Ier a r’vendiqué la couronne de Hongrie au nom de sa p’tite fille Marie, la veuve à Louis, PIS au nom d’Anne Jagellon, sa bru pis la sœur à Louis.

Voyez-vous l’coup double, là? Maximilien Ier avait commencé à préparer ça avant même que Louis vienne au monde! Ben sûr qu’y pouvait pas savoir si Louis allait mourir jeune, mais c’tait un coup de dés qui a payé : au boutte de pas mal de crêpage de chignon, le royaume de Hongrie est allé aux Habsbourg, qui l’ont gardée pendant des siècles après ça.

C’qu’on comprend de ça, c’est que mettons que t’étais un monarque, tu pouvais arvendiquer la succession à ton gendre si sa lignée était éteinte.

L’inverse était aussi vrai : si TA lignée à TOÉ s’éteignait, ben là c’est la belle-famille qui pouvait arvendiquer ta succession au nom à ta fille, pis là t’avais des étranges su ton trône.

C’est l’genre de passe que tu veux pas te faire faire.

Alors, encore une fois, le meilleur moyen d’éviter ça, c’est de s’marier en famille, hein?

Sauf que là, la Stratégie Habsbourg contre l’ingérence étrangère allait carrément s’arvirer contre eux autres.

Là où on a laissé la branche espagnole, Philippe IV d’Espagne avait marié sa cousine ET nièce Marie-Anne d’Autriche.

Ça pouvait juste pas faire des enfants forts : y’en ont eu 5, pis y’en a trois qui sont morts au berceau.

Leu plus vieille, Marguerite-Thérèse, s’est rendue à l’âge adulte pis a marié – icitte, m’as faire une p’tite pause avec un gros soupir – Léopold Ier du Saint-Empire, son oncle PIS son cousin EN MÊME TEMPS.

Y’ont eu quatre enfants, pis y’en a trois qui sont morts au berceau. Marguerite-Thérèse elle-même est morte à 21 ans.

L’autre enfant survivant à Philippe IV d’Espagne pis à Marie-Anne d’Autriche, c’tait Charles II d’Espagne.

Mettons que tu voulais faire une affiche du ministère d’la Santé pis des Services sociaux pour avertir le monde des dangers de la consanguinité, ben c’est sa face que tu mettrais dessus.

Y’avait d’la misère à marcher. Y’avait d’la misère à parler. Y’avait d’la misère à manger. Y bavait partout. Y saignait du nez. Y faisait des crises d’épilepsie. Y’avait des hallucinations pis des migraines. Y’a jamais eu sa puberté, faique y’était stérile.

Y’était tellement magané qu’on l’appelait « l’Ensorcelé ». Parce que son état avait AUCUNE autre explication que la sorcellerie pis la possession démoniaque. Voyons don!

Quand y’ont faite des tests d’ADN su lui des siècles plus tard, y’ont découvert qu’y était aussi consanguin que si ses parents avaient été frère et sœur.

Y’était littéralement un cul-de-sac génétique.

Y’é mort à 37 ans, pas d’héritier, pas de frères ni de sœurs, ni mononcle du bord à son père. La branche espagnole des Habsbourg était officiellement éteinte.

Les vautours avaient commencé à virer autour de lui pis d’l’Espagne ben avant ça, par’zempe : y’était même pas encore mort que la France, l’Angleterre pis les Pays-Bas étaient déjà après décider entre eux autres qui allait prendre quel boutte de ses territoires. Pis ça, c’tait sans compter Léopold Ier du Saint-Empire, qui était sûr de toute ramasser vu qu’y était le mononcle ET le beau-frère à Charles.

Entécas, à c’t’heure que Charles II était parti trouver ses ancêtres, le free-for-all allait éclater pour de vrai : c’tait le début de la guerre de succession d’Espagne.

D’un bord t’avais, ben sûr, Léopold, qui arvendiquait au nom à sa femme Marguerite-Thérèse, morte depuis 27 ans, avec dans l’idée de donner l’trône espagnol à son fils qu’y avait eu avec sa troisième femme.

De l’autre, t’avais nul autre que Louis XIV de France, qui arvendiquait au nom à sa femme Marie-Thérèse, la demi-sœur à Charles II, pour donner le trône à son p’tit-fils le duc d’Anjou.

Après 13 ans de guerre, c’est la France qui a gagné, le duc d’Anjou est devenu le nouveau roi d’Espagne, pis ses descendants règnent encore aujourd’hui.

Faique voilà : après avoir passé deux cents ans à essayer de toute garder dans’famille, les Habsbourg se sont ramassés drette dans la situation qu’y voulaient éviter : avec un étrange su leu trône.

À force de trop vouloir toute contrôler, y se sont auto-empissettés; là où y’ont voulu imposer leu volonté, la nature a fini par les rattraper.

N’empêche que Ti-Clin Dufour, lui, y’aurait pu s’forcer pour aller s’charcher une femme une couple de rangs plus loin. 


Source : Paula Sutter Fichtner, « Dynastic Marriage in Sixteenth-Century Habsburg Diplomacy and Statecraft: An Interdisciplinary Approach », The American Historical Review vol. 81, No. 2 (Apr., 1976), pp. 243-265.

Wikipédia pour les p’tits détails (ben oui, Wikipédia ça s’utilise, faut juste se sarvir de sa jugeotte pis pas toute prendre pour du cash)

Opération minou acoustique

Un chat, c’pas comme un chien, tsé, C’est fin pis c’est doux pis c’t’affectueux, un chat – j’adore c’tes p’tites bêtes-là! Mais au final, ça f’ra pas du rouli-roulant d’boutte su’é pattes d’en arrière en jonglant avec des ballounes pour te faire plaisir. Un chat, ça fait c’que ça veut, quand ça veut.

C’t’évident pour n’importe qui qui a passé plus que cinq menutes avec un minou. Mais pas pour les agents d’la CIA dins années 1960, ça d’l’air.

Faut dire que dans c’temps-là, c’tait pas mal wild. On était en pleine guerre froide, pis pour les États-uniens, y’avait rien de trop broche à foin ou de trop tiré par les ch’feux pour prendre le dessus su’é communisses.

L’nerf d’la guerre, ben sûr, c’tait le renseignement. Tout l’monde était toujours après écouter tout l’monde.

L’écoute téléphonique, ça marchait pas pire. Mais comme y’a pas yinque c’qui s’disait su’é lignes qui était intéressant, les agents d’la CIA ont commencé à s’essayer avec des micros cachés.

Le problème, c’est que les micros de l’époque étaient pas vargeux : y pognaient toutes les sons dans une pièce. Mettons que t’en plaçais un d’une salle à manger pis que l’monde que t’espionnais s’faisaient une bonne bouffe, t’entendais quasiment plus les bruits d’vaisselle que c’qui se disait autour d’la table.

Une fois, la CIA a caché un micro dans une craque de divan dans l’appart d’un diplomate chinois en France. Sauf que dès que quequ’un s’assisait, les agents d’surveillance dans leu panel l’autre bord du ch’min entendaient pu yinque des grincements d’arssorts. Pire encore, le diplomate en question aimait ben s’ramener des p’tites pitounes françaises chez eux pis, de toute évidence, trouvait que l’divan faisait mieux qu’le litte pour ses activités de… « sensibilisation culturelle ».

Ouin. Pis vous-autres, votre job?

Fallait donc améliorer les micros pour qu’y soyent capables de mieux filtrer les sons. Mais tandis que les ingénieurs s’creusaient le ciboulot, fallait ben que les agents d’surveillance fassent de quoi.

Un jour, pendant qu’un gars qu’y surveillaient jasait stratégie avec ses adjoints, les agents armarquèrent que des chats rentraient pis sortaient d’la place sans que parsonne s’en occupe vraiment.

Faique y’a un agent qui eut une idée :

« Mettons qu’on mettait un micro DANS un chat pis qu’on le dressait pour qu’y écoute la voix du monde? »

C’est d’même qu’est née « l’Opération minou acoustique »!

En gros, le plan, c’tait de dresser l’chat, de l’ouvrir, d’y mettre une batterie dans l’chest, un implant dans l’oreille pis un émetteur dans l’chignon du cou, d’y passer un fil dans l’poil pis une antenne dans’queue, pis voilà! Un minou cyborg espion à’fine pointe d’la technologie.

Incroyablement, l’idée passa au conseil – comme j’vous ai dit, c’tait wild, dans c’tes années-là.

Faique aussitôt, y s’ramassèrent un matou qui, sans l’savoir, allait devenir « Le chat de 6 millions », comme à’tévé.

Y dressèrent donc le chat pour qu’y s’assise tranquillement pis écoute le monde jaser. Après, y l’endormirent pour y poser toutes les gréements électroniques pis commencèrent à faire des tests.

Mais c’qui d’vait arriver arriva : minou était ben entraîné, mais dès qu’y spottait un moineau, de quoi qui avait une senteur intéressante ou bedon une minoune qu’y trouvait de son goût, toute prenait l’bord pis les agents pardaient l’contrôle. 

Tsé, c’t’un CHAT. Entre vous-autres pis moé, y s’attendaient à quoi?

Faique y l’rouvrirent pis y lui posèrent d’autres fils qui étaient censés y couper les envies pis l’empêcher de lâcher la job. Comment ça marchait, fouillez-moé.

Là, vous d’vez vous dire que c’est cruel, c’t’affaire-là, pis vous avez ben raison. Si PETA avait existé dans c’temps-là, y se s’raient ben toutes mis tout nus en avant d’la bâtisse d’la CIA. Mais ça a d’l’air qu’à part le faite de, tsé, avoir été opéré, le chat avait pas mal pis était pas dérangé par toute son bataclan. Les agents avaient faite ben attention, mais pas tant pour le bien-être du chat que pour s’assurer qu’y s’mettrait pas à s’griffer pis à s’mordre pour s’enlever ça pis qu’y endommagerait pas le matériel.

C’est don fin.

Toujours est-il qu’après des mois de dressage pis de tests, les agents d’surveillance décidèrent que c’tait l’temps pour la première mission du chat. Faique y l’embarquèrent dans leu panel avec toute le matériel pis s’en allèrent à côté d’un parc, où des espions soviétiques étaient après s’passer des valises.

Y parquèrent le panel, ouvrirent la porte, lâchèrent le chat, pis…

SPLAT. Effoiré par un taxi drette en débarquant.

Notre matou cyborg fut l’seul de sa sorte, parce que la CIA décida de farmer le projet en 1967. Toute ça pour ça.

Si on est au courant de c’t’histoire-là, c’est qu’en 2001, une trâlée de documents d’la CIA ont été déclassifiés, dont une note de service intitulée « Opinions sur les chats dressés ».

Y’a des gros bouttes de textes qui avaient été enlevés, mais à la fin, ça dit en gros que « c’est possible d’entraîner un chat à aller à des places à courte distance, mais à cause de l’environnement pis des conditions de sécurité dans une situation réelle à l’étranger, ça serait juste pas pratique ».

BEN QUINS!

Avant de s’mettre en frais pis de martyriser un pauvre matou qui avait rien faite au Bon Dieu, y’auraient pu d’mander à moé, à elle, à la Mère Michel : yinque à voir, on voit ben qu’un chat, ça f’ra toujours yinque à sa tête.


Sources :
Jeffrey T. Richelson, The Wizards of Langley : Inside the CIA’s Directorate of Science and Technology, 2008.
Tom Vanderbilt, « The CIA’s Most Highly-Trained Spies Weren’t Even Human », Smithsonian Magazine, octobre 2013.


Un GROS merci à ceux qui m’encouragent sur Patreon : Christine L., David P., Chrestien L., Herve L., Valérie C., Eve Lyne M., Serge O., Alice et Tomasz, et Mélanie L.

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Une chaise roulante su l’autoroute pis un empereur s’un chevreuil

Heille, aujourd’hui j’ai un p’tit 2 pour 1 à vous conter. Une première affaire, pis une autre affaire à laquelle la première affaire m’a faite penser.

J’ai vu ça l’autre jour : c’est l’histoire d’un gars qui s’appelait Ben Carpenter. Un m’ment’né, y traversait la rue en chaise roulante. En même temps, y’a une grosse van qui est sortie d’la cour d’un poste de gaz. Quand la lumière est virée verte, Ben avait pas fini de traverser l’chemin. Sauf que l’chauffeur d’la van savait pas qu’y était là parce qu’y était trop proche pis trop bas pour qu’y l’voye. Faique, comme on fait d’habitude quand la lumière est verte, y’a pesé su’a pédale à gaz. 

Ben aurait pu finir effoiré drette là! Mais la van est partie lentement, pis au lieu de passer su’a chaise, a l’a juste poussée pis faite tourner jusqu’à c’que Ben soye complètement dos à la van. Là, les poignées d’la chaise sont restées prises dans’grille d’la van… Pis c’tait le début d’une cristie d’raille. 

Tu’suite après avoir passé la lumière, la van est embarquée su l’autoroute. 

Ben, lui, était encore en avant d’la van comme une figure de proue après un bateau! Y flyait à 60 milles à l’heure, lui-là, pas d’winshire, sûrement une couple de mouches entre les dents, à capoter sa vie. Une chance qu’y avait une ceinture de sécurité! 

L’monde dins chars ont vu ça aller, faique y’ont appelé la police. Au début, au 911, y pensaient que c’tait une joke, mais quand ça a faite 38 appels qui disaient la même affaire, y’ont décidé de prendre ça au sérieux. 

Finalement, deux polices ont réussi à rattraper le chauffeur d’la van pis y’ont dit : 

« Heille! Arrête! Y’a un gars en chaise roulante pogné dans’grille de ta van! »

Le chauffeur creyait pas à ça pantoute, mais quand y’est allé voir, ben ça parle au maudit, y’avait vraiment un gars en chaise roulante pogné dans’grille de sa van!

La preuve que j’vous conte pas de menteries!

Ben était en un seul boutte – un vrai miracle. Les tires de sa chaise roulante était finis raides, par’zempe. Pis quand les polices y’ont d’mandé si y’était correct, y’a yinque répondu, avec un ti filet d’voix : 

« J’ai renvarsé ma liqueur. » 

Toute est bien qui finit bien. Mais c’t’affaire-là, ça m’a faite penser à une autre raille d’enfer qui a pas eu une aussi bonne fin : celle à Basile 1er, empereur byzantin. 

Lui, c’tait un paysan né en Macédoine pis, à ce qu’on dit, une belle pièce d’homme aussi. Ça a d’l’air qu’y était grand pis large de poitrine pis d’épaules, avec des grands yeux, un monosourcil pis « un air un peu débiné ». Messemble d’y voir la face. 

Entécas, Basile avait l’tour de s’mettre chummy avec du monde de plus en plus puissant, pis c’est d’même qu’y a fini par se ramasser su’l trône de l’empire byzantin en l’an 867. En assassinant Michel, l’empereur qui était là avant. Qui était aussi son ami. Pis p’t’être son amant, on n’est pas sûrs. Pis fort probablement l’pére de ses garçons Léon pis Étienne, parce que la femme à Basile, Eudocie, était la maîtresse à Michel depuis des années, pis quand est tombée enceinte, Michel voulait pas que le flo soye un bâtard, faique y’a marié Eudocie à Basile en tassant la femme que Basile avait déjà. 

(Pis après, Michel a continué à coucher avec Eudocie, pis y’a dit à Basile : « Quins mon homme, pour ton p’tit service, v’là ma sœur, je l’ai sortie drette du monastère pour qu’a t’serve de maîtresse. »)

Ouf. 

Les Feux de l’amour pis l’Trône de fer ont rien inventé.

Entécas, peu importe comment Basile avait abouti avec la couronne impériale su’a tête, y paraît qu’y’a faite un bon empereur, pis y’a régné pendant 20 ans. 

Une bonne fois, quand y’était rendu vieux, Basile est allé chasser l’chevreuil pour se changer les idées. 

Un m’ment’né, y’a cru n’avoir tué un, faique y’est allé voir de proche. Sauf que là, la bête a r’troussé comme un yâble! Fouillez-moé comment, mais les bois du chevreuil ont pogné dans la ceinture à Basile, pis l’chevreuil est parti à’course en l’traînant comme une catin en guénille. SU 20 KILOMÈTRES.

J’vous fais des beaux ti dessins, hein?

Hier, j’ai conté ça à Mononc’Poêle, pis y cré pas à ça, lui, un chevreuil qui traîne un gars loin d’même. Un buck argnal peut-être; pas un chevreuil. Mais tsé, c’t’une histoire de chasse, pis quand on y pense, c’tes affaires-là ont tendance à enfler au fur à mesure qu’on les conte pis qu’on les arconte. 

Toujours est-il que l’pauvre Basile battait encore après l’flanc du chevreuil comme une vieille sacoche accrochée par la ganse quand un de ses serviteurs est arrivé pis a réussi à couper sa ceinture.  

L’empereur était sauvé – poqué, mais vivant. 

Faut savoir que vers la fin de sa vie, Basile était rendu pas mal parano : y’était sûr que son fils-pas-fils Léon voulait l’assassiner pour venger son pére-pas-pére Michel. Faique au lieu de couvrir son sauveur de pièces d’or, y l’a faite exécuter pour tentative de meurtre su sa personne. Quins! Ça y’apprendra, au serviteur, à être loyal pis courageux. 

L’empereur a été ramené au palais pis là, ses blessures ont commencé à s’infecter. Y’est mort de fièvre queques jours après – une fin flyée pour une vie complètement pétée. 

Le Balloonfest’86 : quand l’enfer est pavé… de ballounes

Y’a-tu quequ’un qui aime pas les ballounes? C’est comme des belles cerises en plastique de toutes sortes de couleurs, toutes rondes pis toutes joyeuses; y peuvent exploser, pis quand y dessoufflent vite, y font des sons de pet pis y volent tout croche dins airs comme un papillon avec une fusée dans l’derrière. Heille, j’ai déjà gardé une gang de flos occupés pendant un après-midi de temps yinque en jouant avec ça. C’est l’fun de même, des ballounes.

Y’a rien d’méchant dans une balloune. Ça peut pas faire de mal. Mais si vous pensez ça, c’est clair que vous avez jamais entendu parler du Balloonfest’86 à Cleveland, en Ohio.

C’tait parti d’une bonne intention : pour se faire de la publicité pis ramasser de l’argent, Centraide du Grand Cleveland voulait battre le record du monde du plus grand nombre de ballounes gonflées à l’hélium pis r’lâchées en même temps.

En plus, dans c’te temps-là, Cleveland avait la réputation d’être un trou. Tsé : dins années 1970, ça allait tellement mal financièrement que la Ville avait fait défaut su ses paiements, la rivière Cuyahoga qui la traversait était tellement polluée qu’a l’avait pogné en feu, pis ses équipes de sport arrêtaient pas de perdre comme des pas bonnes – quoique, du côté d’la NFL, ch’pas sûre que ça c’est tant ramieuté. C’tait rendu au point où c’que Cleveland avait été surnommée « Mistake on the Lake » – l’erreur su l’lac, en français, parce qu’a l’était située su’l bord du lac Érié.

Bref, Cleveland avait d’quoi à prouver  :

« On est pas des jambons pis des ti-clins! Nous-autres aussi on peut faire des belles pis des grandes affaires, bon! »

Faique tout l’monde était hyper motivé. Ça a pris six mois pour organiser la patente; les flos d’école vendaient les ballounes à deux pour une piasse, pis une armée de bénévoles ont aidé à toute préparer. La veille, y se sont occupés de gonfler les ballounes, travaillant quasiment toute la nuite avec des bouttes de tape collés autour des doigts pour pas se faire des ampoules.

Le jour du lancement, y’avait 1,4 million de ballounes dans une espèce de filet au beau milieu de la ville, soit ben en masse pour battre le record; on aurait dit qu’une piscine à boules pour enfants s’tait mise à fortiller tout d’un coup comme un gros blob monstrueux pis allait bouffer Cleveland.

Comme y’arrivait de l’orage, les organisateurs ont décidé de lancer les ballounes plus vite que prévu. Faique le 27 septembre à 1 h 50 de l’après-midi, le filet a été détaché pis les ballounes se sont envolées.

C’tait ben impressionnant. Selon le point de vue, ça avait l’air d’une envolée de bonbons, de youptidou pis d’amour universel… Ou bedon d’la 11e plaie d’Égypte. Argardez ça :

Tout l’monde étaient fous comme des balais, pis ça criait :

« GO CLEVELAND! RECORD DU MONDE! WOUHOUUUU! »

Sauf que l’bonheur était pas pour durer.

Normalement, les ballounes gonflées à l’hélium montent pis montent pis montent, des fois jusqu’à 10 000 pieds d’altitude, où l’atmosphère est pas mal moins dense. Comme l’air du dehors pèse moins s’a balloune, tandis que la pression en-dedans de la balloune reste la même, la balloune gonfle. En plus, haut de même, y fait vraiment frette, faique la balloune gèle pis devient fragile. Résultat : la balloune pète en plein de tis bouttes qui ardescendent lentement su’a terre.

Entécas, c’est ça que les organisateurs pensaient qu’y allait se passer.

Mais là, avec l’orage qui s’en venait, les ballounes ont pas eu le temps de se rendre assez haut. En s’en allant vers le nord, par-dessus le lac Érié, y’ont frappé un front froid qui les a r’poussées vers la ville, pis la grosse pluie les a fait artomber pendant qu’y étaient encore gonflées.

Pis là, le bordel a pogné.

D’abord, plein de ballounes se sont ramassées au beau milieu d’la piste de décollage de l’aéroport Cleveland Burke Lakefront, qui a dû arrêter toute le trafic aérien pendant une grosse demi-heure.

À part de t’ça, les ballounes ont envahi les rues pis les autoroutes. Le monde qui chauffaient leu char voyaient c’te nuée psychédélique aux allures de mousse trois couleurs du lave-auto pis se disaient « Qu’est-cé ça câlisse? ». Soit y donnaient des coups d’volant pour éviter les ballounes dans l’chemin, soit y’étaient juste distraits par le spectacle, pis y’accrochaient les garde-fous ou les autres chars. Les accidents sont multipliés partout dans’ville.

Les ballons aboutirent à plein de places : su l’lac Érié, dins rivières, dins forêts, en Ontario, pis ailleurs en Ohio.

Y’a une madame qui élevait des chevaux arabes pur-sang qui coûtaient les yeux d’la tête su sa ferme au sud de Cleveland. A l’a poursuivi Centraide pour 100 000 piasses parce que des ballounes avaient atterri dans son champ pis avaient faite tellement peur à ses chevaux qu’y en a un qui avait pogné le mors aux dents, était parti à courir, avait foncé drette dans une clôture pis s’tait pété la fiole tellement fort qu’y avait pu rien à faire avec.

Pis pire encore, les ambitions ballouniennes de Cleveland ont p’t-être coûté la vie à deux gars.

L’affaire, c’est que quand les ballounes ont été lâchées, la garde côtière charchait déjà deux pêcheurs, Raymond pis Bernard. La veille, y’avaient été portés disparus su l’lac Érié, pis leu bateau avait été artrouvé vide le matin du 27.

Mais là, essaye, toé, d’artrouver deux gars au beau milieu d’une orgie de ballounes! À voir la surface du lac, on aurait dit que quequ’un avait échappé une chaudière complète de tites billes en sucre qui vont su’é gâteaux d’fête.

En entrevue à’tévé, un gars qui participait aux recherches en bateau a dit :

« C’est comme essayer d’trouver une aiguille d’une botte de foin! Tsé, on charche une tête ou bedon un gilet de sauvetage orange, mais là avec toutes c’te marde-là pleine de couleurs qui grouille su’l lac, comment c’tu veux qu’on les voye, les deux gars? »

C’tait pas plus vargeux du côté des recherches en hélicoptère :

« Ben là, on peut même pu décoller. Dins airs, c’est comme un champ d’astéroïdes en plein trip d’acide, viarge! »

Finalement, la garde côtière a dû abandonner les recherches, pis Raymond pis Bernard ont été artrouvés morts deux jours plus tard. Y’auraient-tu pu être sauvés si Centraide du Grand Cleveland avait pas répandu du vomi d’licorne partout su l’lac Érié? On l’saura jamais.

Quand même, Centraide pis la Ville de Cleveland avaient gagné leu pari : leu record s’est artrouvé dans l’édition 1988 du livre Guinness. Mais la catégorie du plus grand nombre de ballons r’lâchés en même temps a été abolie pas longtemps après parce que tsé… C’tait cave pis dangereux, pis polluant à part de t’ça.

Une chose est sûre, c’est que c’tait pas c’te fois-là que Cleveland allait ardorer son image. C’est ça qui arrive quand on part s’une balloune…


Un GROS merci à ceux qui m’encouragent sur Patreon : Christine L., David P., Chrestien L., Herve L., Valérie C., Eve Lyne M., Serge O., Audrey A. et Mélanie L.

Pour faire comme eux-autres et lire les articles avant tout le monde pis même profiter de contenu extra rempli de détails croustillants, c’est par ici!

Le Vasa : Chronique d’un flop annoncé

Merci Christine Labrecque pour le dessin 😀 ❤

Le dimanche 10 août 1628 à Stockholm, en Suède, des centaines de woireux s’étaient ramassés su’l quai pas loin du palais royal pour assister à d’quoi de ben spécial : le premier voyage du Vasa, le nouveau vaisseau amiral d’la flotte suédoise.

Trois mâts, dix voiles, deux rangs d’canons – le darnier cri dans c’temps-là – des sculptures, des dorures, des couleurs à pu finir : c’tait une vraie forteresse flottante pensée exprès pour gonfler d’fierté le ti cœur des Suédois pis foutre la chienne aux voisins. 

En l’voyant virer l’coin d’la pointe de terre qui l’cachait à’vue, le monde se mirent à pousser des cris d’joie. Sans doute qu’y avait aussi un orchestre qui jouait une tite toune de guerre de circonstance. Après toute, un bateau d’même, ça méritait une chanson thème, comme les lutteurs à’TV.

À bord, c’tait toute autant l’party. Pour l’occasion, l’équipage avait eu l’droit d’emmener femmes pis enfants pour un p’tit tour avant que le Vasa s’en aille à’guerre. Partout autour, y’avait plein de monde dans des chaloupes qui leux faisaient des tatas.

Le Vasa longea l’quai bondé d’monde. Jusque-là, y’avait été tiré avec des cordes à partir d’la terre ferme, mais c’tait l’temps pour lui de larguer les amarres.

« Aweillez les gars, ouvrez les voiles! » 

Le Vasa sortit d’la baie qui l’gardait à l’abri du vent pis ouvrit ses sabords – tsé les tites portes par où on fait sortir les canons? Vous allez vous coucher moins niaiseux à soir! Pis y tira une salve avant de s’en aller. 

« BA-BA-BA-BABANG! »

Sauf que là, y’eut un p’tit coup d’vent. Pas grand-chose – à peine assez pour artrousser le toupette à Ti-Poil. Mais le Vasa, y réagit comme si y’avait mangé une claque d’ouragan :

Le navire pencha su’l côté, l’eau rentra dans ses sabords grand ouverts, pis en queques menutes, la fierté d’la Suède coula au fond du havre sous l’argard horrifié des Stockholmois. 

Mais qu’est-cé qui avait ben pu se passer? Un navire qui était censé être le joyau d’la flotte, une commande spéciale du roi par-dessus l’marché, qui varse pis qui coule en 20 minutes comme la vieille chaloupe poquée à Mononc’Georges au fond du lac Long! Coudonc, c’tait-tu la STQ qui avait faite le cahier des charges?

Pour mieux comprendre, on va faire un p’tit post-mortem.

En 1626, le roi Gustave II Adolphe de Suède était en guerre contre son cousin, Sigismond III, roi de Pologne, pis sa flotte v’nait de manger une christie d’volée : 10 de ses navires s’taient faite ramasser par une tempête, le navire amiral avait été capturé par l’ennemi, pis un autre navire s’tait faite sauter pour pas subir le même sort. Ben, son équipage l’avait faite sauter. On s’comprend.  

Bref, Gustave Adolphe avait besoin de nouveaux bateaux au plus crisse, pis y passa sa commande au chantier naval de Stockholm. 

L’affaire, c’est qu’y arrêtait pas de changer ses instructions comme un gars mêlé en avant de la fenêtre d’la cabane à patates frites :

« J’veux un gros bateau pis deux p’tits. Non – deux gros. Trois moyens! Une grosse molle marbrée? Une douze pouces all dressed pis six egg rolls! »

Pis quand finalement les ouvriers du chantier eurent achevé de bâtir la quille du navire qui allait dev’nir le Vasa, là Gustave Adolphe entendit dire que son voisin Christian, roi du Danemark, avait faite construire un navire de guerre avec pas un, mais DEUX ponts de canons couverts.

« Heille LÀ! Voir si j’vas laisser Christian faire son frais-chié dans toute la Baltique avec ses deux ponts d’canons! »

Donc, y’ordonna qu’on mette la même affaire sur le Vasa.

Heille, si d’quoi d’même arrivait aujourd’hui, ça s’rait comme crisser une roche s’un nique de guêpes : tout l’monde serait en tabarnak, pis ça se mettrait à bourdonner dans tou’és sens pour arfaire les dessins, les calculs, les budgets…

Mais dans c’temps-là, la construction de bateaux, c’tait pas la même affaire pantoute. Y’avait pas de plans, pas de modèles 3D, a’rien à part la connaissance pis l’savoir-faire des gars qui travaillaient su’l chantier. Du genre :

« Mes ancêtres faisaient des chaloupes, pis après y’ont faite des drakkars, pis moé j’fais des trois-mâts de 1 400 tonnes de tonnage, pis parsonne a jamais eu besoin de ti dessins! »

Sauf que quand on construisait un voilier d’même, fallait faire ben attention au centre de gravité, parce que des fois, y’avait pas grand différence entre un bateau qui s’tenait d’boutte pis un bateau qui varsait au premier coup d’vent. Rajouter un étage su’l fly de même, c’tait pas l’idée du siècle.

Pis tant qu’à faire, le roi fit faire un tapon de boiseries en gros chêne pesant, toutes sculptées pis dorées pis peinturées à’grandeur, pleines de lions pis d’anges tout nus – de quoi flabbergaster toutes les voisins autour d’la mer du Nord.  

En plus, au beau milieu du projet, Henrik Hybertson, le chef constructeur, tomba malade pis trépassa. Y fut remplacé par son second, Hein Jacobsson, un gars qui avait ben d’l’expérience en construction navale, mais pas pantoute en supervision. 

Su’l chantier, y’avait autant d’écoute pis d’communication que dins commentaires en d’sour d’un article de TVA Nouvelles. Un m’ment’né, y’avait pas moins que 400 gars séparés en cinq groupes qui travaillaient su la coque, les sculptures, le gréement, l’armement pis toute le kit sans jamais se dire un maudit mot. 

L’crémage su’l gâteau, c’est que le roi était hyper pressé d’avoir sa belle bébelle toute neuve, pis j’le cite :

« Yé aussi ben d’être prêt pour le 25 juillet, parce que sinon, y’a quequ’un qui va goûter à ma royale disgrâce! »

Pis parsonne, j’dis ben parsonne, avait envie d’goûter à ça; ça avait d’l’air que c’tait ben méchant.

Pas longtemps avant le premier voyage du Vasa, Söfring Hansson, le capitaine qui supervisait la construction, organisa un test de stabilité pour Klas Fleming, le vice-amiral qui s’occupait des achats pour la marine. Jacobsson, le chef constructeur, était même pas là. 

Comment le test marchait, c’est qu’une trentaine de marins montaient à bord pis couraient toutes ensemble d’un bord pis d’l’autre du pont, pour faire rouler le bateau. 

« WÔ! WÔ! STOP! »

Y durent arrêter quasiment tu’suite, parce que le Vasa tanguait tellement qu’y était su’l bord de varser. 

Y avait d’quoi qui marchait pas, c’tait clair comme de l’eau d’roche. Mais parsonne dit un mot. Faique le maître d’équipage, hyper mal à l’aise, ramassa toute son p’tit change pis alla voir le vice-amiral :

— Monsieur, ch’pense que l’navire est trop pesant du top pis pas assez large du fond. Y’est pas stable.
—C’est pas l’premier navire que c’tes gars-là bâtissent », répondit l’vice-amiral sur un ton bête. Chus sûr que ça va être correct. 

Probablement que l’vice-amiral était pas si cave que ça. Yinque à voir, y voyait ben que ça avait pas d’allure. En vrai, y’avait la chienne : 

« Un fou d’une poche, moé-là! Voir si j’vas aller dire au roi qu’y a un problème avec sa bébelle! »

C’est ça, l’affaire, avec les climats de terreur. Ça a l’air le fun de même : tout l’monde obéit pis ça y va aux toasts! Mais quand y’a d’quoi qui va mal pis faut vraiment que tu l’saches, ben parsonne te dit rien.

Faique toute continua comme si de rien n’était, pis l’reste, vous l’savez : yinque 20 menutes après avoir quitté l’chantier naval où y’avait été bâti, le Vasa coula, entraînant avec lui une trentaine de personnes qui étaient resté pognées dans l’pont inférieur. 

Y’eut une commission d’enquête, où tout l’monde trouva ben pratique de dire que c’tait d’la faute du premier chef constructeur qui, lui, avait l’avantage d’être mort. Parsonne fut puni. 

Mais c’tait pas la fin d’l’histoire. 

Trois siècles plus tard, le Vasa fut sorti d’l’eau par une gang d’archéologues, pis y’était quasiment intact, avec les voiles, les canons, la vaisselle, jusqu’aux bobettes d’archange que les marins avaient apportées pour leu voyage. Un vrai trésor! Pis on peut le voir au complet, toute d’un boutte pis ben nettoyé, dans un musée bâti exprès pour lui à Stockholm. 

La Vasa d’nos jours.

Ça f’rait une belle jambe à Gustave II Adolphe, mais au moins, toute ça aura pas sarvi à rien!

Adolf Munck, coach de fesses de Sa Majesté

Un bon soir de juillet 1775, le roi Gustave III de Suède, 29 ans, décida que c’tait l’temps qu’y s’déniaise.

Ça faisait neuf ans qu’y était marié avec sa reine, Sophie-Madeleine du Danemark, pis y’avait pas encore d’héritier doué de zouiz. En faite, y’avait pas d’héritier pantoute. Parce qu’y avait jamais couché avec la reine. Même, y’avait jamais couché avec parsonne, tout court.

Gustave III

Mais, pourquoi, don? Y’en a qui disent qu’y était gai. Aujourd’hui, on dirait p’t-être qu’y était asexuel. Une chose est sûre, c’est qu’y’était pas vraiment porté sur la chose. Ça fait bizarre, pareil, quand on pense à toutes les princes pis les rois de c’t’époque-là qui faisaient des bâtards à tour de bras comme Tim Hortons fait des beignes à l’érable, tandis que lui, y’était même pas capable de faire son d’dvouère.

Pis c’tait pas non plus qu’la reine était laitte. A l’était plutôt jolie. Mais, a l’était assez gênée comme fille, tellement qu’a paraissait snob, pis a l’avait arçu aucune éducation sur la chose. Faique, si Gustave allait pas la trouver pour tsé-veut-dire, c’est pas elle qui allait cogner à sa porte en jaquette à une heure du matin.

Sophie-Madeleine

Toujours est-il que là, Gustave en avait son tas. Y’allait pogner l’taureau par les cornes. Pour ça, y d’manda l’aide d’Adolf Frédérick Munck, son homme de confiance pis un gars qui pognait pas mal chez les créâtures d’la cour :

          « Lui y va savoir quoi faire, c’est sûr! »

Adolf Frédérick Munck. Argardez-y la face. C’est clair qu’y sait comment mettre les points sur les i pis les barres sur les t.

Munck se mis aussitôt à l’ouvrage : y’organisa pour le roi pis la reine des p’tites vacances romantiques au château d’Ekolsund, le chalet royal. Une fois rendu là-bas, y mit un portrait sexy de Sophie-Madeleine su’l litte du roi avec une lettre, clairement pas écrite pas la reine mais signée par elle, qui disait :

          « Niaise pas, pis fais d’moé la plus heureuse des femmes. »

Quand Gustave vit ça, y dut être inspiré, parce qu’y appela Munck :

            « Ok. Chus prêt. C’est l’heure. »

Faique Munck pis un autre domestique emmenèrent le roi en jaquette pis en pieds d’bas jusqu’à la chambre de Sophie-Madeleine.

Là, y l’aidèrent à se dégreyer, pis y s’en allèrent dans une chambre à côté.

Quinze menutes après, y’entendirent une clochette sonner : c’tait le roi qui appelait. Le domestique y alla, mais y’arvint tu’suite pis dit à Munck :

          « Le roi veut t’voir. Ça a ben d’l’air que ça marche pas. »

Le pauvre Gustave était toute rouge pis avait les yeux ronds comme des deux piasses :

         — Adolf! J’sais pas c’qui s’passe! Ch’trouve pas l’trou! Aide-moé!
        — J’sais pas quoi vous dire, Vot’Majesté… Avez-vous pensé de d’mander à la reine de vous montrer c’est où?
        — T’es-tu malade? C’est ben que trop gênant! A va penser que ch’t’un épais!
        — Sauf vot’respect, j’irai pas dans’chambre avec la reine pour vous

montrer c’est où. Va falloir que vous trouviez tout seul.

Notre Pee-Wee des fesses artourna donc, toute tremblant, auprès d’sa femme. Une heure plus tard, y’arsonna la cloche pis y’ordonna à Munck de l’aider à s’habiller. À y voir la face, y’avait clairement pas scoré.

Mais bon. Sa nuitte l’avait pas trop découragé, parce que, dès le lendemain matin, y se sentit game de réessayer. Comme la veille, Munck attendit dans’chambre à côté. Pis comme la veille, la clochette sonna après quinze menutes.

Quand y rentra dans’chambre, y vit Gustave effoiré de toute son poids su la pauvre Sophie-Madeleine comme un béluga mort s’une plage du bas du fleuve.

          « Ça marche paaaaaaaas! » se lamenta le roi comme un p’tit poute qui essaye de rentrer le bloc rond dans l’trou en étoile.

C’est là que Munck comprit que si y voulait que ça se règle, y’allait d’voir… prendre les choses en main. Littéralement.

          « Bon. Vot’Majesté, premièrement, tenez-vous su vos bras… »

Y dut guider le roi pis la reine, une étape à’fois : « Ça, ça va là, pis ça, ça va là… »

Dans ses mémoires, Munck mentionne que le roi avait l’capuchon serré pis que la reine avait les voies aussi impénétrables que celles du Seigneur. Ça faisait mal, c’tait gênant pis c’tait vraiment pas drôle pour parsonne. Imaginez le malaise!

En fin de compte, ça marcha pas plus c’te soir-là, mais Gustave pis Sophie-Madeleine étaient ben décidés à réussir. Quand on veut, on peut! Faique les soirs d’après, y réessayèrent pis réessayèrent pis réessayèrent.

Pis, un jour, on annonça que la reine était enceinte. Celle que tout l’monde trouvaient bête pis plate était maintenant toute contente pis jasante, le sourire fendu jusqu’aux oreilles. Finalement, elle pis Gustave eurent deux p’tits gars, Gustave pis Charles.

Mais là, y’eut des langues sales pour dire que Munck avait, disons, mis pas mal plus que son grain de sel dans la conception des p’tits princes.

Ça donna des caricatures comme celle-là  :

Si vous voulez voir la version non censurée, c’est ici. ATTENTION : Très très gros zouiz.

Le pire là-dedans, c’est que les rumeurs venaient directement de la mére à Gustave elle-même, Louise-Ulrique de Prusse, une espèce de germaine folle contrôlante qui haïssait Sophie-Madeleine pis qui voulait abolir le Parlement pour pouvoir toute décider tu’seule.

Après avoir travaillé aussi fort, le roi pis la reine étaient vraiment choqués d’entendre ces cochonneries-là. Gustave prit son courage à deux mains pis alla voir sa mére :

« M’man, si t’arrêtes pas de dire des affaires de même su moé pis ma femme, j’vas t’exiler en Poméranie! »

Finalement, comme a voulait rien entendre, y’arrêta d’y parler pis y’alla juste la voir su son lit d’mort. Pis même là, Sophie-Madeleine arfusa d’arvoir sa belle-mére.

Peu importe le rôle que Munck avait joué dans toute ça, le roi pis la reine étaient ben contents de lui pis y donnèrent plein de titres pis de domaines. Moé, entécas, j’salue son dévouement. Qu’est-ce qu’on ferait pas pour aider un chum, hein?

La Sainte Couronne de Hongrie : quequ’un comme toé pis moé (ou presque) – partie II

Partie I

Bon. J’vous le promets, là : à soir, vous allez savoir pourquoi la croix su’l dessus d’la Sainte Couronne est croche. Ou entécas, comment on pense qu’est v’nue croche.

Faique quand Charles-Robert mourut, son fils Louis y succéda.

Y’avait yinque un problème : Louis avait jusse des filles, pis son frére André, qui aurait pu y succéder, avait été assassiné – étranglé avec un cordon pis crissé par la fenêtre les culottes baissées avec une corde attachée autour des gosses –, supposément sur les ordres de sa femme, Jeanne de Naples.

Bref, ça r’gardait mal pour la succession.

Parce que comme on l’a vu tantôt, en Hongrie, les rois étaient comme semi-élus par les grands seigneurs du royaume, pis eux-autres, y juraient yinque par le zouiz.

Louis fit promettre aux seigneurs d’accepter sa fille Marie comme reine. Mais, ben crère : y’était à peine frette dans sa tombe, pis Marie v’nait à peine de se mettre la Sainte Couronne su’a tête, que déjà, ça se mit à brasser d’la marde pour mettre un homme à sa place.

À ce moment-là, Marie avait yinque 11 ans, pis c’est sa mére qui se battit comme une démone pour défendre son droit. Dans les années de bordel total qui suivirent, les deux se firent pogner par leux ennemis, pis la reine-mére fut étranglée drette en avant de sa fille. Finalement, les nobles battes furent satisfaits quand Marie se maria avec Sigismond de Luxembourg, empereur du Saint-Empire, pis qu’y fut couronné officiellement comme co-souverain.

Malheureusement, queques annéesaprès, Marie, enceinte, eut une bulle au cerveau pis partit tu’seule pour aller chasser. Dans l’fond du bois, son ch’fal s’enfargea, Marie prit l’bord, son ch’fal y tomba d’ssus pis a mourut.

Faique Sigismond, qui arsemble à mon mononcle Jocelyn avec un glorieux casse de poil, resta comme seul roi de Hongrie.

Impossible que ce gars-là ait pas de skidoo ni de terre à bois.

Y s’armaria avec une madame appelée Barbe, pis y’eut yinque une fille, Élizabeth. Toute allait arcommencer.

Sauf qu’Élizabeth réussit à éviter l’pire en se mariant avec Albert du Saint-Empire, alias Tête-de-Gland, pis en le faisant aussi couronner comme co-souverain.

Tête-de-Gland.

Mais là, en 1439, Tête-de-Gland trépassa, laissant dans le deuil sa femme pis deux filles. Pas encore!

Mais pas si vite : Élizabeth était enceinte. D’un coup ça soye un gars?

Comme d’habitude, y’eut une élection. Dans c’temps-là, les Turcs commençaient à faire du trouble aux frontières, faique l’assemblée des nobles battes décida que ça prenait un homme viril qui s’mettrait la flamberge au vent pis qui s’érigerait en défenseur du royaume. Vous voyez ce que je veux dire.

Faique, y’élirent Vladislas III, roi de Pologne – un flo de 16 ans, c’est-tu assez insultant! – comme roi de Hongrie.

Élizabeth fit mine d’être d’adon, mais pas longtemps après, a partit en douce de la capitale avec sa bedaine pis ses partisans. Pis la veille, a l’alla voir Hélène Kottaner, une de ses dames de compagnie :

« Chus sûre que j’vas avoir un gars, pis j’veux l’faire couronner avant que l’autre Polonais s’pointe la face icitte. Tu volerais-tu la Sainte Couronne pour moé? T’es la seule à qui ch’peux faire confiance! »

Heille, c’tait une méchante faveur, ça! C’tait pas comme prêter une perceuse ou aller charcher les p’tits à’garderie : si Hélène se faisait pogner, sa tête risquait de rouler dans’garnotte sur un moyen temps, pis ses flos s’artrouveraient orphelins.

Mais à c’qu’on dit, le vrai courage, c’est de faire c’qui faut même si on shake dans ses pichous. Pis c’est c’qu’Hélène fit. A s’en alla au château de Visegrád, y’où ce qu’y gardaient la Sainte Couronne, sous prétexte qu’a l’allait arjoindre les autres dames de compagnie d’Élizabeth.

Quand tout l’monde fut ben canté, Hélène se l’va pis, avec deux gars qui s’taient offerts pour l’aider, rentra dans l’corridor qui m’nait à’salle des joyaux d’la couronne. Pis là, dans un suspense digne des meilleures vues d’bandits, Hélène guetta l’boutte du passage pendant que ses deux complices limaient les serrures des autres portes.

Par deux fois, Hélène eut l’impression que ça menait du train l’autre bord du mur, comme si une gang de gars armés s’en venaient les pogner. Finalement, parsonne se montra la face, pis Hélène était tellement contente qu’a promit au Seigneur de faire un pèlerinage nu-pieds au sanctuaire d’la Sainte Vierge.

Les gars finirent par arsortir avec la Sainte Couronne. Y remplacèrent les serrures qu’y avaient limées pis arbarrèrent toute comme avant. Hélène cacha la couronne dans un coussin, au travers d’la bourrure.

Le lendemain matin, sûrement ben maganée de sa nuite, Hélène embarqua dans son traîneau (c’tait l’hiver) avec le coussin pis partit trouver sa maîtresse avec les autres dames de compagnie. Su’l gros nerf, a l’arrêtait pas d’argarder en arrière pour voir si a l’était suivie.

Y’eut ben un ti moment de terreur quand un des traîneaux rempli de madames passa au travers des glaces du fleuve Danube, mais heureusement, parsonne tomba à l’eau. Autrement, Hélène réussit à s’rendre sans problème jusqu’à Élizabeth pour y donner la Sainte Couronnne queques heures à peine avant qu’a l’accouche d’un p’tit gars.

C’tu là que la croix aurait été crochie? Y’en a qui pensent que oui. Mais Hélène, ça m’a l’air de quequ’un d’fiable, pis a dit dans ses mémoires qu’elle a fait hyper attention de pas s’asseoir su’l mauvais coussin pis d’effoirer la couronne avec son popotin.

Y’a une autre affaire, aussi : là, on est au 15e siècle, pis la croix commence à être croche su les dessins à partir du 17e. Y’a une autre théorie – on en reparle dans deux siècles.

Entécas, Élizabeth fit couronner son fils, qu’a l’avait appelé Ladislas. La Sainte Couronne était tellement grosse que le p’tit aurait pu s’assire dedans, faique pendant la cérémonie, un cousin à Élizabeth fut obligé de la tenir au-dessus du p’tit qui braillait toutes les larmes de son ti corps. Y dut trouver l’temps long en maudit.

Quand Vlad III de Pologne se pointa en Hongrie, y se fit couronner lui avec, mais avec une couronne pognée dans la tombe de saint Étienne.

Élizabeth était ben décidée à tasser Vlad pour mettre son p’tit Ladislas su’l trône, mais a mourut deux ans après, probablement assassinée. Faique Ladislas alla rester chez Frédérick III, empereur du Saint-Empire, un cousin à son pére.

Deux ans plus tard, arbondissement : Vlad III de Pologne mourut décapité par les Turcs à la bataille de Varna, pis son corps fut jamais artrouvé. Les Turcs, ben contents d’leu coup, immortalisèrent l’étêtage dans c’te peinture-là :

Faique le temps qu’y soye déclaré mort pis que les seigneurs finissent de se chicaner, c’est yinque en 1452 que Ladislas put s’assire sur le trône qui y’arvenait de droit.

Rendu là, y’avait l’air d’une annonce de Pantene avec un pinch mou :

Pis ça a l’air qu’y trippait ben gros sur Harmonium.

Malheureusement, après toute c’te trouble-là, prince Boucle-d’or mourut à 17 ans – y’en a qui disent de la peste, d’autres de la leucémie.

Faique après une autre guerre civile – parce que ça en prenait absolument une – c’est Matthias Corvinus, un jeune noble hongrois, qui fut élu roi.

À c’te moment-là, c’tait encore Frédérick III, le tuteur à Ladislas, qui avait la Sainte Couronne. Faique en échange, y d’manda 80 000 florins d’or, ou 14,5 M$ d’à c’t’heure. Se sachant tenu par les gosses, Matthias accepta de payer, pis la Sainte Couronne artourna enfin chez elle en 1464, après 24 ans au yâble au vert.

Là, on saute jusqu’au 16e siècle. Les Turcs se faisaient de plus en plus dangereux, pis c’est un homme, Louis II, qui était roi. Mais son hommitude y sarvit pas à grand-chose à la bataille de Mohács : toute son armée fut effoirée en deux heures, pis lui, y se sauva la queue entre les jambes. En essayant de monter une côte trop à pic su son ch’fal, y tomba su’l dos dans un ruisseau pis mourut nèyé parce que son armure était tellement pesante qu’y a pu été capable de s’arlever.

Ça, c’est quand y’a été artrouvé :

À partir de là, les Turcs se mirent à gruger de plus en plus le territoire hongrois. D’leu bord, les nobles battes élirent DEUX rois différents en dedans d’un an, pis les deux furent couronnés avec la Sainte Couronne. C’tait une période mêlante.

Entécas, au 17e siècle, même si les Turcs occupaient la capitale, c’tait Ferdinand III de Habsbourg qui régnait su la Hongrie, quand y’avait le temps au travers de ses 15 000 autres jobs, comme roi d’Allemagne, archiduc d’Autriche, empereur du Saint-Empire, roi de Bohême – la liste est tellement longue que même Wikipédia s’écœure avant la fin pis écrit « etc. etc. »

Sa première femme était sa cousine, Marie-Anne d’Espagne.

(Marier sa cousine : mal vu quand t’es un Tremblay du Lac-Saint-Jean, pis parfaitement correct quand t’es un roi avec plus de titres qu’un catalogue de maison d’édition.)

Entécas, quand Marie-Anne se maria avec Ferdinand, y fallut qu’a fasse la run de lait, c’est-à-dire être couronnée reine de toutes les affaires que son mari était roi de. Faique on la comprend d’avoir l’air légèrement à boutte :

Le 14 février 1638, c’tait le jour de son couronnement comme reine de Hongrie. Les reines étaient couronnées avec la première couronne du bord, mais ça prenait la Sainte Couronne quand même : la coutume, c’tait de donner une tite bine su l’épaule d’la reine, comme pour dire, heille, toé’ssi t’as d’affaire dans l’régnage!

Dans ces temps-là, la Sainte Couronne était gardée à Vienne, la ville principale des Habsbourg, pis le couronnement avait lieu à Bratislava, vu que la capitale hongroise était occupée.

Faique toute était prêt : l’archevêque était là, la reine était là, la noblesse était là, les enfants d’chœur chantaient pis toute le kit. Y manquait yinque une affaire : la Sainte Couronne.

M’aginez-vous que le noble viennois qui s’en occupait avait apporté l’coffre avec la couronne dedans, mais qu’y’avait pas apporté la bonne clé! Le palatin (j’vous rappelle, ça c’est le plus haut fonctionnaire du royaume) était en tabarnak :

— Maudit gnochon, c’pas vrai, là?
— Ben, j’m’excuse! Y’a tellement de clés après c’te trousseau-là, ch’tais sûr que j’avais la bonne!
— Astie, qu’est-cé qu’on fait? On est pas pour dire à tout l’monde d’arvenir demain!

Faique y’appelèrent un serrurier.

— Heh boy! Y’a combien de straps en fer après c’te coffre-là?
— Quatorze.
— Simonac! C’est ben d’valeur, Vos Altitudes, mais si ça presse tant qu’ça, moé là, j’ai pas l’temps d’mettre des gants blancs. Va falloir que ch’fesse.
— N’importe quoi, tant que tu nous sors la couronne de d’là au plus crisse.
— Bon ben, advienne que pourra, d’abord!
*PONG*
*PING*
*PING*
Mon torrieux, veux-tu ben ouvrir!
*PROK*
*KROK*
Heille, mon astie d’enfant d’ch…
*SPLONK*
Bon!

Le serrurier ardonna l’coffre au palatin. En dedans, y’avait un autre coffre plus p’tit en cuivre, pis y’était bossé comme une aile de char après un accrochage. Ça r’gardait mal, mais le fonctionnaire se laissa pas décourager :

« Donnez-moé un couteau, m’as la sortir par en d’sour. »

Y découpa l’fond d’la boîte en cuivre, pis ploc, la Sainte Couronne y tomba dins mains, fort probablement avec son air d’à c’t’heure, avec la croix cantée pis les deux arches tout teur. 

Après… y’essayèrent-tu d’la réparer? Mystère. C’qu’on sait, c’est que la Sainte Couronne resta sortie pas mal plus longtemps que d’habitude avant d’artourner à Vienne, au moins parce qu’y fallut y’argosser un autre coffre. C’qui est sûr, c’est qu’après, tout l’monde fit comme si la croix avait toujours été d’même.

Dins siècles qui suivirent, la Sainte Couronne resta tout l’temps dans la famille des Habsbourg, en passant entre autres par – Jésus Marie Joseph! – une créâture, l’impératrice Marie-Thérèse. Les nobles battes durent s’étouffer su leu chique.

Son successeur, Joseph II, voulut rien savoir de se faire couronner, faique les Hongrois le surnommèrent « le roi au chapeau » pis, essentiellement, se torchèrent avec ses édits pis ses décrets. Quand même, c’est à la fin de son règne, en 1790, que la Sainte Couronne arvint enfin en terre hongroise. Les Hongrois étaient tellement contents qu’y firent le party dins rues, accrochèrent des guirlandes partout pis composèrent des tounes en son honneur.

La couronne était quand même pas au boutte de ses aventures.

En 1848, y’eut la Révolution hongroise.

L’empereur Ferdinand 1eravait adopté des lois pour transformer la Hongrie en monarchie constitutionnelle, avec un parlement pis toute; mais son successeur, François Joseph (le beau Franz à Sissi avec le cou raide, dans les films) avait décidé de mettre la hache là-dedans sans raison.

En crisse, les Hongrois se révoltèrent. Y’eut une guerre. Les Hongrois pardirent.

Pour échapper à l’empereur, le premier ministre se poussa en Turquie, non sans faire une dernière vacherie : y pogna la Sainte Couronne pis le reste des cossins sacrés du couronnement pis enterra toute ça dans une swompe à la frontière. Les autorités impériales durent charcher dans’bouette pendant quatre ans avant des artrouver.

Charles, le successeur à François Joseph, fut le darnier à porter la Sainte Couronne. C’tait comme écrit dans l’ciel — argardez comme y’avait l’air tata avec sa couronne trop grande :

Charles à son couronnement avec sa femme, Zita de Bourbon-Parme, pis son garçon, Otto.

Après la Première Guerre mondiale, la monarchie fut abolie. Pis à mesure qu’on s’approchait du monde d’à c’t’heure, la Sainte Couronne devint plusse un symbole qu’autre chose, mais quand même un symbole national super important pour les Hongrois.

La Sainte Couronne s’épivarda une darnière fois pendant la Deuxième Guerre mondiale, pis c’te fois-là, a l’alla pas mal loin.

Le gars qui dirigeait la Hongrie, l’amiral Miklós Horthy, avait tellement la chienne du communisme qu’y préféra s’allier avec Hitler plutôt que de risquer une invasion par les Russes.

Mais quand l’Armée rouge commença à avancer sans que parsonne puisse l’arrêter, Horthy enterra la Sainte Couronne et ses cossins queque’part en Allemagne.

C’est les Américains qui la ramassèrent, pis a passa un bon boutte d’la guerre froide dans un coffre-fort à Fort Knox , aux États-Unis.

Finalement, en 1978, le secrétaire d’État des États-Unis ardonna la Sainte Couronne à la Hongrie, pis a bougea pu jamais du Parlement hongrois après ça.

Faique c’est ça! Un casse en or qui a eu une vie plus excitante et arbondissante que la majorité de nous-autres.

Quand l’astie d’pandémie va être finie, on s’organise-tu un voyage en gang pour aller la voir… en parsonne?


Source : László Péter, « The Holy Crown of Hungary, Visible and Invisible », The Slavonic and East European Review, 2003.
Hélène Kottaner, Les mémoires d’Hélène Kottaner, 1440.
Géza Pálffy, A Szent Korona és a koronaláda balesete 1638-ban, 2007.

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La bataille de Caransebeş

Pas la bataille en question, mais fallait ben mettre une image.

Mettons que Ti-Paul est dans le poulailler avec son fanal, pis qu’y est un peu sur les nerfs parce qu’il a entendu des bruits bizarres. Y se r’vire un peu vite, voit son ombre, pense que c’est le yâble, capote, part à courir et s’assomme sur le cadre de porte. Vous diriez quoi? Que c’t’un cabochon pis qu’y a toute fait ça tout seul?

Pis si je vous disais qu’y’était arrivé pas mal la même affaire à l’armée autrichienne pendant la Guerre austro-turque de 1788-1791? 

(En tout cas, c’est ce qu’on dit. Y’a du monde sérieux qui en ont parlé, de c’t’affaire-là, sauf que c’était pas moins de 50 ans après. Ça veut pas dire que c’est pas arrivé. C’est juste qu’on est pas sûrs que ça se soit vraiment passé de même. Mais pour à soir, on va dire que c’est vrai.)

Dans ce temps-là, l’Autriche était un grand empire, avec à sa tête l’empereur Joseph II (si vous aimez les potins, c’était le frère de la fameuse Marie-Antoinette, reine de France). Pis Joseph II, y’avait conclu une alliance avec la Russie, faique quand l’impératrice russe Catherine II commença à se colletailler avec les Turcs, y’eut pas le choix d’embarquer avec elle.

Mais, comme Joseph II était un peu complexé par son manque de victoires militaires comparé à ses voisins, comme Frédéric II de Prusse, y’était quand même content d’avoir un prétexte pour aller faire son défenseur de la chrétienté face aux « barbares » musulmans. Faique y rassembla une armée de 200 000 hommes qui venaient de partout dans l’empire : y’en avait qui parlaient allemand; d’autres, français, polonais, serbe, croate, pis j’en passe. Pour la communication, c’était pas ben ben vargeux. Pourquoi je vous dis ça? Tendez menute, ça va devenir important.

L’armée impériale s’installa près de Belgrade, dans ce qui s’appelle la Serbie à c’t’heure, pour attendre les Turcs avec une brique pis un fanal. Mais Joseph II se retrouva à se pogner le beigne pendant six mois, sans aucun ennemi à l’horizon, tandis que ses hommes mouraient par milliers de la malaria. C’était le gros fun noir.

Or, le 20 septembre 1788, Joseph II, qui lui-même filait pas fort fort, apprit que les Turcs s’en venaient enfin vers lui pis son armée. Son heure de gloire était arrivée! Faique il monta de peine et de misère sur son cheval, prit la moitié de son armée et marcha en direction de la ville de Caransebeş, dans ce qui s’appelle la Roumanie à c’t’heure.

Dans la nuit, on envoya des hussards – ça, c’est une sorte de cavalier – en éclaireurs pour voir si les Turcs étaient rendus ben proches. Y virent pas un chat enturbanné, mais y tombèrent sur une gang de gitans prêts à faire la piasse.

« Salut les gars! Fait beau, hein? La lune pis toute… Vous devez avoir soif? Parce qu’on a de l’eau‑de‑vie, pis on serait prêts à vous en vendre… Ça vous tente-tu? »

Mets-en que ça leur tentait. Y’a rien comme une p’tite brosse pour se détendre avant le carnage.

Entre-temps, y’a une gang de soldats d’infanterie qui r’soudirent. Ça fit pas l’affaire des hussards, qui se pensaient bons avec leurs chevaux pis qui prenaient les soldats de haut.

– Heille! C’est quoi, ça?
– De l’eau de vie, t’es-tu aveugle?
– On peut-tu en avoir?
– Non.
– Ben là, pourquoi?
– Décrissez, les pouilleux. C’t’un party de hussards, icitte.
– Mange donc de la marde, astie de frais-chié!

Les hussards chassèrent les soldats, ou les soldats s’en allèrent, on sait pas trop, mais ça allait pas en rester là. 

– Les crisses de péteux de broue! Y nous traitent tout le temps comme des chiens! 
– Ouin, mais tchècke-ben ça. J’ai une idée. Ça va être drôle. 

Faique les soldats d’infanterie se cachèrent pis commencèrent à tirer du fusil en l’air en criant : « Les Turcs! Les Turcs! » 

Pensant que c’était une vraie alerte, les hussards partirent en peur. Ils abandonnèrent leur eau-de-vie, montèrent sur leur cheval et foncèrent vers le reste de l’armée en criant « Les Turcs! Les Turcs! » eux-autres avec. 

C’est là que le problème de communication de l’armée allait transformer une situation niaiseuse en un chiard total. 

Les divisions de hussards et les colonnes d’infanterie restées en arrière, en entendant le criage pis les coups de fusils, pensèrent qu’y tombaient dans une embuscade. En voyant les silhouettes de leurs propres camarades qui s’en venaient vers eux dans le noir, les hommes crurent voir l’ennemi arriver se mirent à tirer sur eux-autres. 

Les officiers, voyant ce qui arrivait, essayèrent de calmer le jeu en criant : « Halte! Halte! » 

Ayoye. Au lieu d’entendre « Halte », les soldats entendirent « Allah! », le cri de guerre des Turcs. Pour eux-autres, c’était la preuve que les « barbares » venaient d’arriver, pis le bordel pogna pour de bon. 

La colonne de ravitaillement aurait pas dû se trouver au travers des lignes d’infanterie, mais elle avait pas suivi les ordres. Quand les coups de fusils commencèrent à péter, les hommes pognèrent le mors aux dents et essayèrent de se sauver, défaisant les rangs d’infanterie et crissant du monde dans la rivière juste à côté en les bousculant avec leurs gros wagons pis leurs chevaux de trait. 

Plus en arrière, y’avait des soldats brûlés raide qui venaient juste de s’endormir, la tête sur leur pack-sac, après une longue journée de marche. Mais là, avec toute le train que ça menait en avant, ils se réveillèrent, les yeux dans la graisse de bines, au son des détonations pis du monde qui criaient : « Les Turcs arrivent! On va toute mouuurriiiir! »

Mettons que, dans une situation de même, t’as pas vraiment le temps de t’asseoir tranquillement pour analyser la situation en buvant ta tasse de Postum : tu décrisses. Faique c’est drette ça que firent les soldats, piquant une course à travers les champs pour échapper à un ennemi qui était même pas là. 

Joseph II, averti de t’ça, décida d’aller lui-même dire à ses hommes de respirer par le nez : 

« Messieurs, diantre, reprenez-vous! Votre empereur vous ordonne de vous calmer! »

Personne l’écouta, pis dans le chaos des balles qui sifflaient, des chariots renversés pis des canons abandonnés, il se retrouva avec quasiment pu personne pour le protéger.  

Heureusement, y réussit à se mettre en sécurité. Le lendemain, au lever du soleil, y put se rendre compte de ce qui était vraiment arrivé : son armée s’était sacré une volée à elle-même. Pendant la dérape, 1 200 hommes avaient été tués. Si ça s’est vraiment passé de même, on comprend pourquoi les Autrichiens auraient voulu tenir ça mort. 

Entécas, les Turcs restèrent frettes quand ils arrivèrent à Caransebeş pis virent les restants du carnage : 

– Ben voyons, Mehmed, c’tu toé qui a faite ça sans me le dire?
– Vrai comme chus là, j’ai rien à voir là-dedans, Moustafa! 
– Ben coudonc. On aura pas de misère à prendre la ville! 

Quant à Joseph II, ben s’était pas pour se renmieuter, son affaire. Deux mois après, y retourna à Vienne, la capitale de l’Autriche, malade comme un chien. Il voulut poursuivre ses réformes pour moderniser l’empire qu’il avait commencées avant la guerre, mais ça dérangeait trop de monde, pis comme y’était pogné dans son litte, pus personne se donna la peine d’y obéir, pis tous ses beaux plans virèrent à rien. 

Quand y mourut, en janvier 1790, y demanda que faire écrire ça sur sa tombe : « Ici repose un prince qui avait des ben bonnes intentions, mais qui s’est planté dans toute ce qu’il a essayé de faire. »

Pauvre ti-loup, pareil…