Les héros de Rivière-Ouelle

Un matin d’octobre 1690, la flotte de Sir William Phips, partie de Boston, remontait le fleuve Saint‑Laurent pour aller attaquer Québec. Écœuré après huit semaines en mer, le vent dans la face, Phips décida de jeter l’ancre devant Rivière-Ouelle pour faire le plein d’eau et de bouffe.  

Ce que les Anglais savaient pas à ce moment-là, c’est qu’ils avaient très mal choisi leur spot. C’est parce qu’ils étaient attendus – avec une brique pis un fanal, à part ça – par une gang de colons canadiens français ben décidés à pas se laisser manger la laine sur le dos.

Dans ce temps-là, Rivière-Ouelle, c’était la seigneurie de la Bouteillerie. Y’avait pas ben ben plus qu’une centaine de personnes qui vivaient là, sur le bord du fleuve pis le long de la rivière, à la dure mais avec la tête haute pis le dos droit, à défricher pis à cultiver la terre.

Mais là, depuis un petit boutte, tout le monde était un peu sur les nerfs : c’était la guerre entre l’Angleterre pis la France, pis c’est dans les colonies que ça se jouait. Le seigneur de la Bouteillerie lui‑même était parti à Québec, demandé par le gouverneur Frontenac pour aider à défendre la ville contre les Anglais.

Faique le seul chef qui restait à nos braves colons, c’était le curé, M. l’abbé de Francheville. Mais là, allez pas vous imaginer un bonhomme qui cale, avec une grosse bedaine pis une tache de vin de messe sur sa soutane, ou bedon un vieux sec qui trippe sur les p’tits gars pis les coups de règle sur les doigts! No-non. Le curé de Francheville, c’était tout un homme, pis y’avait l’étoffe d’un guerrier, à part ça.

La cinquantaine pis la charpente solide, il était habitué au frette pis aux rigueurs du pays, pis il savait se servir d’un fusil. L’abbé Casgrain, dans son livre Une paroisse canadienne au XVIIIe siècle, raconte qu’il avait un « caractère ardent et impétueux, [des] allures martiales [et] un regard de feu ». Câline! C’tu moé, ou y commence à faire chaud, icitte?

Toujours est-il que notre vigoureux curé savait que les bateaux de Phips remontaient le fleuve, faique il réunit ses paroissiens pour leur dire les vraies affaires :

– Bon, là, mes amis, j’ai des nouvelles, pis ça regarde mal, dit-il. Apparence qu’une trentaine de bateaux anglais seraient en route pour Québec. Le gouverneur a envoyé la milice des deux bords du fleuve pour empêcher les Anglais de débarquer, mais pas icitte, ça a ben l’air. Va falloir qu’on s’arrange avec nos troubles. Pis là, je serais ben déçu de vous autres si vous restiez là à vous pogner le beigne pendant qu’ils brûlent notre église pis nos maisons, volent nos affaires pis partent avec les femmes pis les enfants. Faique j’imagine que je peux compter sur vous-autres? Gardez vos fusils proches, pis quand y vont se pointer la face, on va être prêts pis on va les faire revirer de bord sur un moyen temps!

– Ouaaaaaais! s’écrièrent tous les paroissiens ben crinqués par le discours de M. le curé. Les Anglais vont manger leurs bas! Vive la France!

À partir ce moment-là, tout le monde se mit à guetter le fleuve. Finalement, un matin, les bateaux apparurent pis arrêtèrent drette en face de la pointe de Rivière-Ouelle. Pas longtemps après, les Anglais mirent des chaloupes à l’eau pour se rendre à terre.

Alors, les braves Rivelois, à la suite du curé de Francheville qui était le premier en avant, s’en‑allèrent dans le bois, au travers des érables pis des épinettes, pis s’embusquèrent au bord de la grève, raboudinés en arrière des crans de roche pis des arbres, dans le foin pis dans les creux du terrain. Sans un mot pis presque sans un respir, ils attendaient le signal du curé.

Pendant ce temps-là, les chaloupes anglaises approchaient avec plusieurs soldats à bord de chacune, ben relaxes, pensant qu’ils allaient pouvoir se slaquer un peu les bretelles. Au-dessus des vagues, du vent pis du chignage des goélands, on commençait à entendre des voix pis le bruit des rames.

– Pis là, on tire-tu?

– Ta yeule! On attend!

Comme la marée était haute, les Anglais purent accoster assez proche de la ligne des arbres, à portée des fusils de chasse des colons. On donna l’ordre de sauter à terre. Tandis que les soldats débarquaient, occupés à essayer de pas sacrer le camp dans l’eau frette, à ramasser leurs armes pis à tirer les chaloupes sur la grève, le cul face au bois, le fringant curé donna le signal :

« FEU! »

Et là, les Anglais frappèrent un mur – de balles. Ils avaient l’impression que ça tirait de tous les bords pis capotaient, parce qu’ils étaient pas capables de dire combien y’avait de tireurs. Il y en a plusieurs qui tombèrent raide morts, pis pas mal d’autres qui furent blessés. Ça a pas été long qu’ils remontèrent dans les chaloupes pis repartirent vers les bateaux en ramant comme des possédés. Les officiers avaient beau leur dire de rester pis de se battre, rien à faire : le diable était aux vaches. Les soldats dans les chaloupes encore à l’eau, voyant ce qui se passait sur la grève, se dirent : « Euh, d’la marde » et repartirent avant même de toucher terre.

Les Rivelois continuèrent de leur tirer dessus jusqu’à ce qu’ils soient finalement hors de portée. Le fougueux curé et ses paroissiens avaient gagné! Fallait le faire, pareil : une poignée de cultivateurs avec des fusils de chasse avaient fait décrisser une troupe de soldats de l’armée anglaise! Y’avait de quoi être fier. Tout le monde repartit vers le village, le sourire fendu jusqu’aux oreilles.

– On les a eus, astie!

– Heille, leur as-tu vu la face? Y’ont jamais su ce qui leur arrivait!

– Mets-en, c’est comme s’ils avaient vu le yâble en parsonne!

– Entécas, sont pas près de revenir nous écœurer, ces torrieux-là!

Quant à Phips, c’est à lui que le gouverneur Frontenac poussa la célèbre craque : « Je n’ai point de réponse à faire à votre général que par la bouche de mes canons et à coups de fusil! ». Lui et son armée mangèrent effectivement une volée à coups de canon et quittèrent Québec la queue entre les jambes. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la puck roulait pas pour eux autre c’te fois-là! La Nouvelle-France était sauve, du moins pour encore un p’tit boutte.

Pis en passant, parmi ces colons au courage et au sang-froid dignes des meilleurs soldats, y’avait mon ancêtre Mathurin Dubé, le premier du nom venu en Nouvelle-France. Y’a des chances que vous en ayez un là-dedans vous aussi!

(Ça vous tente de vérifier? Cet article donne une liste détaillée et étayée par des recherches poussées :
https://robertberubeblog.wordpress.com/2017/04/06/1690-qui-sont-les-heros-et-les-heroines-de-la-bataille-de-riviere-ouelle-who-are-the-heroes-and-heroines-of-the-battle-of-riviere-ouelle/)

La « grande affaire » du roi Henry VIII

Henry VIII et Anne Boleyn.

N’écoutant que sa brimballe, Henry, dès lors, eut juste une idée en tête : se débarrasser de sa femme Catherine. Y’avait juste un tout petit problème : le pape.

En 1525, le roi Henry VIII d’Angleterre commençait à capoter : avec sa femme, la reine Catherine d’Aragon, il avait eu une fille, Mary, mais aucun gars. Et comme la reine rajeunissait pas (à 40 ans, elle avait cinq ans de plus que son mari), ça commençait à presser pour avoir un héritier mâle.

(En fait, c’est Henry qui avait le piton collé sur un gars. En Angleterre, les femmes avaient le droit d’hériter de la couronne. Mais comme la dernière fois, 400 ans avant, ça avait fait une guerre civile, ça lui tentait pas trop que ça arrive.)

« Quessé je pourrais ben faire? se demandait le roi. Hm. Je pourrais reconnaître un de mes bâtards comme fils légitime. Ou, je pourrais marier ma fille Mary au plus crisse, pour qu’a me fasse un petit‑fils. Ou bedon… Je pourrais flusher Catherine pis en marier une plus jeune? »

Pour Henry, qui était encore tout fringant, rougeaud et dans la fleur de l’âge, c’était de loin la solution la plus tentante. Surtout que, depuis une secousse, il y avait une petite brune qui lui faisait un gros effet : Anne Boleyn, une belle fille sophistiquée, éduquée en France, avec ben des talents pis de la jarnigoine.

Henry s’était déjà tapé plusieurs fois sa sœur, Mary Boleyn. Mais Anne, elle, voyait plus grand qu’être juste la maîtresse du roi. Quand Henry commença à lui faire des avances, Anne répondit :

« Ah, Votre Majesté, vous êtes ben fin pis je suis ben flattée, mais si vous voulez du nanane, va falloir m’épouser. »

N’écoutant que sa brimballe, Henry, dès lors, eut juste une idée en tête : se débarrasser de sa femme Catherine. Y’avait juste un tout petit problème : le pape.

Parce que, ouais, dans ce temps-là, le pape avait toujours le nez fourré dans les affaires des familles royales, jusque dans leur chambre à coucher. S’il décidait de pas t’accorder une dispense pour marier ta cousine, ben tu mariais pas ta cousine. Pis s’il décidait qu’il te laissait pas divorcer, ben tu divorçais pas.

Au début, Henry essaya de jouer dans les règles. Il demanda au pape Clément VII d’annuler son mariage avec Catherine. Son prétexte? C’était la femme de son frère – elle avait d’abord marié le frère aîné d’Henry, Arthur, mais il était mort même pas six mois après.

« Monsieur le Pape, là, vous rendez-vous compte? chigna le roi. Le Lévitique* dit que c’est pas correct de marier la femme de son frère!  Ça fait 14 ans que je vis dans le péché pis je me sens tout sale! Ark! L’ancien pape aurait jamais dû laisser faire ça! Annulez-moi ça tusuite, ce mariage‑là! »

Clément VII fut pas convaincu :

« Ben essayé, mon grand, mais fais pas ton hypocrite : la femme de ton frère, elle a fait ben ton affaire pendant tout ce temps‑là, pis là, ça serait pu correct? Je le sais ben que tu veux juste t’enfiler une petite jeune, faique sèche. »

Henry convainquit quand même le pape de lui envoyer un représentant et d’établir un tribunal ecclésiastique en Angleterre, où la pauvre Catherine d’Aragon, pour se défendre, dut dire devant tout le monde qu’elle avait jamais couché avec son premier mari, qu’elle était la femme légitime d’Henry, pis que personne allait la tasser pour la mettre dans un couvent.

Après, le représentant du pape repartit à Rome, en disant :

« Bon, ben j’ai tout ce qui me faut! Je vous rappelle quand j’ai du nouveau. »

Mais, il n’y eut jamais de nouveau. L’affaire tomba dans les limbes, pis le pape rappela jamais.

Rendu là, Henry attendait depuis sept ans et était sur le bord d’exploser. Il prit alors une décision qui allait changer la face de l’Angleterre pour toujours :

« Ah, pis, le pape peut ben manger de la marde : je pars une nouvelle religion, ça va être moi le grand boss, pis personne va m’empêcher de divorcer de ma femme pis de marier Anne. »

C’était le début de la religion anglicane.

L’anglicanisme pour les nuls

L’anglicanisme est une religion protestante dont le chef est pas le pape, mais le souverain d’Angleterre (faique de nos jours, c’est Elizabeth II).

Si c’est Henry VIII qui a coupé les ponts avec l’Église catholique (à coups de hache forgée dans
le feu de sa libido infernale), c’est sa fille Élizabeth qui a fondé la religion anglicane pour de bon.

Entre autres, dans l’anglicanisme, il y a juste deux sacrements (le baptême et la cène), les pasteurs peuvent se marier, on croit pas que les hosties, c’est vraiment des bouttes de Jésus, pis ya juste la foi, et non les bonnes œuvres, qui fait mériter le ciel.

Drette là, Henry crissa la pauvre Catherine dehors et donna ses appartements à sa nouvelle flamme. Le couple se maria en douce, et Anne tomba vite enceinte. Le p’tit gars tant attendu?

C’est ben de valeur, mais : non. Le 7 septembre 1533, c’est une petite fille qui est née. Henry était loin de giguer de bonheur, mais quand même, il nomma la petite Elizabeth en l’honneur de sa mère et se dit qu’Anne était encore jeune pis qu’elle pourrait se reprendre.

Or, Henry commençait déjà à déchanter. Pour lui, la jarnigoine chez une femme, c’était ben l’fun dans le temps des chuchotements pis des frissons dans les coins sombres, mais là, les opinions de sa nouvelle femme sur à peu-près toute, de la politique à la religion, commençaient à lui taper sur les nerfs. Anne avait la mèche courte en plus, faique ils passaient leur temps à s’astiner.

À boutte de voir Henry courailler partout, Anne piquait une crise épouvantable à chaque nouvelle maîtresse (crache en l’air, r’tombe su’l nez?). Pis elle était baveuse : un m’ment’nné, elle alla même jusqu’à insinuer que, si elle avait pas encore eu de fils, c’est parce qu’Henry manquait de vigueur en dessous des couvertes. À part de ça, avec sa tendance à péter plus haut que le trou et son influence de plus en plus grande à la cour, elle avait commencé à se faire des ennemis, qui auraient préféré une reine potiche.

Comme si ça allait pas assez mal de même, Anne fit deux fausses couches. Là, Henry en eut son tas; pour lui, c’était comme une trahison. Il commença même à s’informer auprès de ses plus proches conseillers, voir si c’était possible de domper Anne sans être obligé de revenir avec Catherine.

Le dernier clou dans le cercueil arriva sous la forme d’une jolie blonde appelée Jane Seymour. Nunuche et inoffensive, elle était beaucoup plus facile à vivre qu’Anne. Astheure qu’Henry avait un plan B, c’était juste une question de temps avant qu’Anne prenne le bord. Pas longtemps après, on commença à s’organiser pour la faire disparaître (qui était vraiment en arrière de tout ça? On le saura jamais).

À la fin d’avril 1536, cinq hommes, dont Georges, le frère d’Anne, furent arrêtés et accusés d’avoir couché avec la reine. Le 2 mai, Anne fut arrêtée à son tour et accusée d’adultère, d’inceste, de haute trahison, de sorcellerie, extra bacon, un chausson avec ça?   

Même si les preuves contre eux-autres étaient minces comme de la peau de pet, Anne et les cinq hommes furent condamnés à mort. La sentence pour les femmes déclarées coupables de trahison était le bûcher, mais on fit une exception pour Anne : elle allait être SEULEMENT décapitée, pis pas par n’importe quel gros bourreau poilu avec une hache, mais par un expert français réputé pour faire des belles coupures propres avec une épée (y’a pas de sot métier, hein). Anne aurait d’ailleurs déclaré :

« J’ai entendu dire que le bourreau était ben bon, pis j’ai un p’tit cou de poulet, haha. »

Anne fut exécutée le 15 mai 1536. Drette le lendemain, Henry se fiançait à Jane Seymour. Pis dix jours après, ils étaient mariés. 

Maudit écœurant.
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*C’est un livre de la Bible.

La vengeance de sainte Olga de Kyïv

Chère Madame,

J’ai fendu ton mari en deux su l’sens de la longueur.

Faique là, tes veuve, mais ch’peux t’arranger ça : on se marie-tu?

Soye assurée, Madame, que j’me fendrais en quatre pour toé. 

Avec tendresse, 

Ton Malichou

Tu fais quoi, toé, quand t’arçois un message de même?

Tu brailles? Tu fais l’bacon? Tu crisses toute à terre? 

Si t’es la grande duchesse Olga de Kyïv, toute ça, c’t’indigne de toé. Nonon. C’que tu fais, c’est v’nir ben, ben frette en d’dans, comme un Monsieur Freeze bleu, pis tu concentres toute ta rage dans une seule affaire : la destruction totale de tes ennemis.

Le mari d’Olga, c’tait Igor, l’grand-duc de la Rus’ de Kyïv (un État qui a existé du IXe au XIIIe siècle, dans l’Ukraine d’à c’t’heure). Pis en tant que grand-duc, Igor allait de temps en temps faire un tour chez les tribus voisines pis faisait un peu comme les Hell’s avant le temps, c’t’à-dire aller faire peur au monde pour qu’y lui donnent des bidous en échange de sa « protection ».

En général, ça passait. Mais un bon jour, en s’en r’venant de chez la tribu des Drevlianes, Igor dit à ses gars :

« Tendez menute, messemble qu’y aurait moyen de leu téter encore plus. Sont assez niaiseux, d’abord. Vous autres, v’nez avec moé, pis vous-autres, continuez avec le stock, on va vous arjoindre tantôt. »

Ça, c’tait ambitionner su’l pain béni. Pis Mal, le prince des Drevlianes, commençait à être tanné de s’faire dévaliser à tout bout d’champ comme un chalet dans l’bois quand c’est l’automne. Faique là, y décida de mettre son pied à terre :

« Heille, si on le laisse faire à toué fois, y va tout le temps être rendu icitte, pis un m’ment’né, on n’aura pu rien. Engordez lé, y s’prend pour qui? Y’arvient avec yinque deux-trois gars! Y’est au-dessus de ses affaires. C’est not’chance d’y faire la passe! »

Faique Mal et ses gars tuèrent les gardes à Igor pis le pognèrent pour le zigouiller. Mais, au lieu d’y aller avec un classique, de quoi de propre – genre, un coup d’épée dans l’ventre –,y décidèrent d’être créatifs. Y plièrent deux bouleaux pour que le haut touche à terre, attachèrent un pied d’Igor à chaque boutte, pis lâchèrent les bouleaux pour qu’y se déplient d’une shot.

Chlak-skritch. Pu d’Igor.

Ark.

Igor avait comme seul héritier un p’tit boutte de trois ans, Svyatoslav. Mais comme y’était pas assez vieux pour, tsé, attacher ses lacets tu’seul, pis encore moins pour régner, c’est Olga, sa mére, qui régnerait pour lui en attendant qu’y vienne majeur. Sachant ça, le prince Mal se mit à se frotter les mains :

« Heille, c’est tu d’adon, ça! Un bébé pis une p’tite madame! J’ai yinque à marier la veuve, pis après ça, m’a pouvoir faire faire c’que j’veux au p’tit! M’as devenir le grand boss de la Rus’ de Kyïv! Mouahaha! »

Faique y’envoya une vingtaine de ses gars en bateau à Kyïv voir Olga pour y transmettre la nouvelle pis sa demande en mariage.

On s’entend qu’Olga fut pas particulièrement impressionnée par le front à Mal. Parce que du font, fallait en avoir crissement tout l’tour de la tête pour oser demander une femme en mariage quand le cadavre de son mari est même pas encore frette! Surtout quand, tsé, c’est de sa faute si y’est mort. Pis qu’y a faite exprès.

A devait être en tabarnak, mais a le montra pas pantoute. Quand les hommes à Mal arrivèrent a resta ben fine avec eux-autres, mais leu dit pas si a l’acceptait ou non de devenir Madame Mal : 

« Nobles étrangers, vous me pognez un peu les culottes à terre. J’étais pas vraiment prête à vous arcevoir comme faut avec les honneurs. Sivouplâit, donnez-moé une chance de m’arprendre. Artournez dans votre bateau pour à soir, pis demain, quand mes hommes viendront vous charcher, demandez-leu qu’y vous portent dans votre bateau jusqu’icitte, comme les bigs shots que vous êtes. »

Dans’nuite, la ratoureuse Olga fit creuser une grosse fosse su’l bord de son château. Le lendemain, a convoqua les émissaires drevlianes, qui firent exactement comme a l’avait dit, même si c’tait un peu bizarre.

Faique les hommes à la grande duchesse emmenèrent les émissaires jusqu’au château. Y trippaient, eux-autres là, à se faire porter de même comme des empereurs! Mais leu balloune péta assez sec quand y se firent domper dans la fosse creusée la nuite d’avant, bateau inclus, comme un voyage de vidanges.

Pis c’est là qu’Olga arriva. A se pencha au bord de la fosse pis dit : 

« Pis, c’est tu assez d’honneurs pour vous-autres? »

Et pis là, a l’ordonna qu’on enterre les émissaires vivants. `

Quins, les sans-desseins!

Mais Olga était loin d’avoir fini. Aussitôt après, a l’envoya un message au prince Mal pour y dire qu’a l’acceptait de se marier avec lui, mais qu’y devait y’envoyer ses plus nobles pis ses meilleurs pour l’escorter jusque chez eux – a l’était la grande duchesse, quand même! 

Pas méfiant pour deux cennes, le prince accepta d’envoyer une délégation de ses chefs de clan sans se d’mander c’qui était arrivé à la première gang qu’y avait envoyée à Kyïv.

Olga accueillit les Drevlianes avec autant de ronds de jambe que si c’tait monsieur le curé en visite paroissiale. Comble des honneurs, a les invita même à aller se laver dans son pavillon de bain parsonnel. Pas plus fins que ça, les émissaires entrèrent, se mirent toutes flambant nus pis se garrochèrent dans le bain, tout énarvés comme une équipe de junior majeur aux glissades d’eau de Valcartier.

Sauf que le sourire leu partit d’la face s’un moyen temps quand la grande duchesse fit barrer les portes. A l’ordonna à ses hommes de crisser le feu au pavillon, pis les pauvres émissaires finirent toutes rôtis comme des poulets du Saint-Hubert. 

Pour Olga, c’tait pas encore assez. A l’envoya un autre message au prince Mal – qui clairement, rendu là, avait montré qu’y était pas le crayon le plus aiguisé de la boîte – et y dit qu’a s’en venait le trouver. Prétextant qu’a voulait honorer feu son mari comme du monde avant de s’armarier, a y d’manda de préparer un grand festin funéraire pour Igor, pis a l’ajouta :

« Ah, pis prépare BEAUCOUP d’hydromel! On va se lâcher lousses! »

Mal accepta, pis Olga s’mit en route pour Iskorosten, la capitale des Drevlianes. Arrivée là-bas, a l’alla d’abord pleurer Igor su sa tombe.

Le soir, au festin, les Drevlianes s’en venaient pas mal chaudailles. Mais Olga et sa suite, eux-autres, y restaient ben sobres. Même, y’encourageaient leux hôtes à boire en leu varsant bock d’hydromel après bock d’hydromel. À’fin d’la soirée, les Drevlianes étaient toutes saouls morts, drette comme Olga voulait.

Et là, la grande duchesse, aussi frette et insensible que l’nordet, donna l’ordre à ses hommes :

« Tuez-les toutes. »

Ce fut le massacre total; pas un noceur arsortit de d’là vivant.

On aurait pu croire qu’Olga s’rait juste arpartie ben tranquillement prendre son Bovril à Kyïv près avoir étêté la tribu à ses ennemis, mais y’avait juste pas encore assez de sang drevliane qui avait coulé pour nèyer sa peine. Après avoir arfaite la trotte jusqu’à Kyïv, a ramassa son armée pis artourna à Iskorosten pour finir la job…

Les Drevlianes, ou ce qui en restait, se présentèrent devant Olga pis la supplièrent de pas attaquer :

—   Sivouplaît, noble Madame, faites-nous pas mal! On va vous donner des fourrures pis du miel! C’est toute c’qui nous reste!
—   Ah, ben non, ben non, répondit Olga. J’ai juste une p’tite demande à vous faire. Je suis pas rapace comme feu mon mari, moé : j’veux que vous m’apportiez trois pigeons pis trois moineaux de chaque maison Yinque une tite affaire de rien, en signe de votre loyauté – je le sais que vous êtes pas trop en moyens ces temps-cittes.

Ouin, je l’sais que ça a l’air bizarre. Mais c’est ça que l’histoire dit, faique mettons qu’on embarque là-dedans.

—   Hein? Pour vrai? demanda le représentant des Drevlianes, plein d’espoir.
—   Wô-oui, pour vrai, fit Olga avec un sourire aussi doux que celui d’la bonne sainte Vierge.
—   Ah! Fiou! Merci! Merci Madame! Vous êtes trop fine!

Alors les Drevlianes, soulagés pis arconnaissants, allèrent charcher les oiseaux qu’Olga avait demandés. À’nuite tombée, la grande duchesse ordonna à ses hommes d’attacher un p’tit boutte de soufre aux pattes de chaque oiseau avec d’la ficelle. Une fois arlâchés, les oiseaux, ben crère, y’artournèrent à leu pigeonnier ou à leu nid en d’sour des combles, dans’ville. Pis à la première étincelle, FROUCHE : le feu pogna. Pis ça flamba en saint simonac.

La ville d’Iskorosten brûla au complet; pas moyen d’éteindre les flammes, parce qu’y avait pas une seule maison qui était pas en feu. Pis quand les habitants essayèrent de se sauver, les hommes à Olga les pognèrent pis les massacrèrent; d’autres furent vendus comme esclaves; pis encore d’autres, laissés en vie pour qu’y puissent continuer de payer un tribut à’grande duchesse.

À c’t’heure que les Drevlianes étaient pu yinque un tas de cendres, Olga, enfin, s’tait assez vengée. A s’en alla, satisfaite, avec les braises d’la ville qui s’consumaient encore en arrière. Y lui manquait yinque des lunettes fumées pour faire comme dins vues.

Après ça, Olga régna sur la Rus’ de Kyïv avec jarnigoine et gros bon sens jusqu’à majorité de son p’tit gars. Devenu homme, le nouveau grand duc Svyatoslav voulait yinque guerroyer avec ses chums, faique y laissa toutes les affaires plates comme les impôts pis les chicanes de clôtures à sa bonne sainte mére.

D’ailleurs, ben oui : Olga est littéralement une sainte! A l’a été canonisée pour avoir été la première de son peuple à s’convertir au christianisme.

Ça peut paraître bizarre, étant donné toute le monde qu’a l’a faite massacrer, mais avant d’la juger, moé j’me garde une p’tite gêne. C’tait une autre époque, pas mal plus dure que la nôtre. Olga était une femme d’un monde d’hommes : pour pas toute pardre pis protéger l’héritage à son fils, y’a fallu qu’a frappe un grand coup pour être sûre que parsonne ose la défier par après.

Pis tant qu’à moé, ça a marché en simonac : ses descendants ont régné su’a région pendant 600 ans après ça.


Source principale : Nestor, The Russian Primary Chronicle (vers 1113).
https://pages.uoregon.edu/kimball/chronicle.htm

Guillaume le Conquérant – partie 3

Édouard le Confesseur mourut le 5 janvier 1066. Harold Godwinson ne perdit pas une seconde : il se fit couronner drette là par le Witan, l’assemblée des nobles d’Angleterre, affirmant qu’Édouard, sur son lit de mort, serait sorti de son coma et lui aurait dit : « Prends soin de ma femme… Pis de mon royaume… Argh! », avec la petite main qui tombe molle et tout et tout.

De l’autre côté de la Manche, Guillaume, quand il apprit cela, péta une coche. « Heille, chose! cria-t-il depuis la Normandie. T’as pas d’affaire sur le trône, parce que tu m’as juré fidélité! » L’affaire, c’est qu’un an avant la mort d’Édouard le Confesseur, Harold Godwinson, poussé par une tempête, s’échoua sur les côtes du Ponthieu, au nord de la Normandie. Pas mardeux, il se fit capturer par le comte Guy 1er. Or, Guillaume s’organisa pour le faire libérer, mais ce n’était pas par bonté d’âme : un fou dans n’poche! Il n’allait pas manquer une occasion de même! La suite est pas trop claire, mais Guillaume en aurait profité pour faire jurer à son rival, sur des reliques sacrées – on rit pu – de pas se mettre dans ses jambes quand il réclamerait le trône d’Angleterre.

Donc, quand il se le fit remettre sur le nez, Harold répliqua : « C’était pas un vrai serment! Les reliques étaient cachées en-dessous d’une boîte pis je les ai pas vues, faique ça compte pas! » Harold s’étant parjuré à ses yeux, Guillaume répondit : « Ah, c’est de même? Attache ta tuque, mon estie, je m’en viens t’en crisser une! »Or, Harold avait la broue dans le toupet : Harald Hardrada, roi de Norvège, venait de débarquer pour envahir l’Angleterre. Harold rassembla donc son armée et marcha vers le nord tellement vite qu’il pogna les Norvégiens les culottes à terre et les décâlissa à la bataille de Stamford Bridge.

Mais là, Guillaume s’en venait, lui, de l’autre bord! Les cadavres de Norvégiens étaient même pas encore frettes qu’il débarqua en sol anglais, forçant Harold à clancher aussitôt vers le sud pour l’affronter. La légendaire bataille d’Hastings allait commencer.

Dès le matin, les troupes étaient face à face, avec environ 7 000 hommes de chaque bord. Au début, ça regardait mal pour Guillaume : il essaya de bombarder l’armée anglaise de flèches, mais ça ne marcha pas fort fort vu que les Anglais étaient sur le dessus d’une butte. La cavalerie et l’infanterie normandes essayèrent alors d’ouvrir une brèche dans les forces anglaises.

Ce fut le chiard total : les Normands reçurent une volée de javelots, de haches pis même de roches. Et là, la rumeur se mit à courir que Guillaume avait trépassé. Une partie de l’armée normande se mit à fuir, et une gang d’Anglais partirent après eux‑autres. Faique Guillaume ôta son casque et chevaucha au travers de ses gars en gueulant : « A’rgardez! Chu vivant! Aweille! » Les Normands, crinqués par la vue de leur duc en vie, contre-attaquèrent et démolirent les poursuivants.

Tout le monde s’arrêta pour dîner, pis là Guillaume eut une idée : « Heille! Et si on faisait comme à matin… Mais par exprès? » Quand la bataille reprit, il ordonna à ses soldats de faire semblant de se sauver, pour que les Anglais brisent leurs rangs et se lancent à leur poursuite, tout croches et désorganisés. La ruse marcha sur un moyen temps : à la fin de la journée, Harold était raide mort sur le champ de bataille avec une flèche dans l’œil tandis que Guillaume virait la brosse avec ses gars.

Pas longtemps après, Guillaume marcha triomphant sur Londres et réclama son trône, refaisant pour toujours la face de l’Angleterre.

Guillaume le Conquérant – partie 2

Faique avant de partir à Jérusalem, contre l’avis de ses conseillers qui trouvaient que ça n’avait pas de bon sens, Robert fit jurer à tous les seigneurs normands de reconnaître Ti-Yaume comme son héritier légitime.

C’était ben beau quand Robert était en vie, mais quand les seigneurs apprirent qu’il avait pété au frette en Turquie, Ti-Yaume n’avait que sept ou huit ans, et le bordel pogna dans le duché : on se rebella, on s’entretua, on assassina les tuteurs de Ti-Yaume. Pendant une maudite secousse, le pauvre garçon dut se cacher chez l’habitant pour éviter d’y passer lui-même.

Enfin, en 1047, Guillaume (parce qu’à ce moment-là, il était rendu plus très « ti ») décida que c’était fini, le niaisage, et défonça les rebelles. À partir de là, il put commencer à renforcer son pouvoir de duc de Normandie, en commençant par marier une fille de noble lignée : Mathilde de Flandre.

Or, d’après la légende, quand Guillaume la demanda en mariage, sa réaction aurait été de l’ordre de « Ark, pas un bâtard! » et donc, en beau tabarnak, il l’aurait jetée à terre en la tirant par les tresses et lui aurait sacré une volée. Le père de Mathilde, voyant ça, allait le zigouiller, mais la belle, qui soit avait mangé un coup de trop, soit avait un faible pour les gros épais violents, aurait dit à son père de serrer son épée, car elle n’en marierait pas d’autre que lui.

On retrouve cette histoire dans une trâlée de documents anciens, mais ça serait pas mal du placotage de monde jaloux. Guillaume et Mathilde ont été ensemble pendant plus de 30 ans, ont eu neuf enfants, et Monsieur faisait assez confiance à Madame pour la laisser porter ses culottes en Normandie quand il partait guerroyer au diable au vert. En plus, Guillaume, contrairement à son père, n’aurait jamais sauté la clôture.

Pendant les années qui ont suivi, Guillaume a passé son temps à écrapoutir des rebelles et des prétendants, mais ça ne l’a pas empêché d’avoir l’œil sur l’autre côté de la Manche.

Voyez-vous, là-bas, le roi Édouard le Confesseur était pas mal sur la fin, et il n’avait pas d’héritier. Le roi avait promis à Harold Godwinson, un puissant seigneur anglais (et aussi son beau-frère), qu’il allait le nommer comme successeur.

Mais Guillaume, lui, se mit dans l’idée, fouillez-moi pourquoi, qu’il avait d’affaire sur le trône d’Angleterre parce qu’Édouard le Confesseur était le fils de sa grand-tante du bord de son père, donc son cousin de la fesse gauche. Et semblerait-il qu’Édouard lui avait promis, à lui aussi, sa succession. Malaise.

(Il y avait un autre prétendant au trône, un neveu d’Édouard, mais il se fit tasser assez sec : quelques semaines après son retour d’exil, il était déjà mort, pauvre ‘tit.)

Donc! Un roi mourant. Deux prétendants. La marde était sur le bord de pogner.

On s’en reparle à l’épisode 3.

Guillaume le Conquérant – partie 1

Guillaume le conquérant : vous êtes-vous déjà demandé d’où c’est qui t’sort? Qui est ce bonhomme qui, apparemment, s’est levé un matin, a dit « Bon, ben j’conquerrais ben l’Angleterre moé, j’cré ben! », et non seulement a réussi, mais peut se vanter que c’est sa 24 fois arrière-petite-fille qui a le derrière sur son trône de nos jours?

En 1027, Robert 1er était le nouveau duc de Normandie. Selon les mémérages de l’époque, il venait juste d’empoisonner son frère aîné pour prendre sa place (après tout, personne n’avait plus à gagner si Richard prenait le bord).

Ce jour-là, il se tenait au sommet de la tour de son château, la barbe au vent. C’est là qui vit une maususse de belle pitoune : Arlette, qui était en train de teindre du linge dans la cour. Dans ce temps-là, ça se faisait en pilassant dans un fossé plein de teinture. Or, quand elle vit le duc en train de la zieuter, la belle ne manqua pas sa chance : elle retroussa ses jupes un peu plus haut, histoire de se faire aller la cuisse.

Tout émoustillé, le duc demanda qu’on aille lui chercher Arlette drette là. Un serviteur alla trouver la jeune femme et lui dit que le duc la demandait, mais qu’il fallait qu’elle rentre dans le château par la porte d’en-arrière. Pas barrée pour deux cennes, Arlette lui répondit : « Yé pas question que j’rentre par en-arrière comme une catin. Si le duc veut me voir, faut que j’rentre à cheval par la grande porte. »

Le duc, qui ne se pouvait plus, répondit qu’elle pouvait ben rentrer par la porte qu’elle voulait. C’est comme ça qu’Arlette, sur son 36 et sur un cheval blanc, entra par la grande porte, fière comme un coq, comme si elle était déjà duchesse.

L’affaire, c’est qu’Arlette était d’un rang trop bas pour que Robert puisse la marier. Mais ce n’était pas vraiment grave : ils s’accotèrent « à la mode danoise », comme on disait dans ce temps là, c’est-à-dire un peu comme les conjoints de fait au jour d’astheure. (Les Normands avaient hérité ça de leurs ancêtres vikings. Les Vikings pouvaient aussi avoir plusieurs femmes, même si ça scandalisait les voisins : quand un gars se sent dans son bon droit d’avoir plusieurs femmes, c’est pas un bonhomme en soutane qui va le convaincre d’arrêter ça.)

Faique quand naquit leur fils, notre Ti-Yaume, il fut considéré comme un bâtard. Et comment un bâtard a pu se ramasser roi d’Angleterre? C’est ce que nous verrons dans le prochain épisode.

P.S.
Quant à Robert, ben, sept ans après, il décida de partir rien que sur une gosse en pèlerinage à Jérusalem et mourut en Turquie en s’en revenant. (C’était un peu surprenant de sa part, lui qui était plutôt du genre à confisquer les terres de l’Église pour les donner à ses chums – il n’avait pas quelque chose sur la conscience? Genre, un empoisonnement?) Arlette, assez dégourdie, ne resta pas en peine longtemps : elle se maria (pour de vrai, cette fois-là) avec un vicomte, vécut heureuse et eut un petit comte et un petit évêque.

(Crédit image : http://telle-une-tapisserie.eklablog.com/la-vie-de-guillaume-le-conquerant-01-a112523944)

Le vase de Soissons

Clovis, premier roi de tous les Francs, n’a pas toujours été un rongeux de balustre; avant cela, il était un « barbare païen ».

Dans ce temps-là, en 486, Soissons était la dernière place où il y avait encore des Romains au pouvoir en terre franque. Son chef était un dénommé Syagrius. Faique, Clovis attaqua la ville et crissa une volée à l’armée du Romain, qui se sauva chez les Wisigoths, la queue entre les jambes (ce n’était pas fort fort, son idée : les Wisigoths le vendirent plus tard à Clovis, qui le fit égorger en douce une fois que les choses se furent tassées).

Quoi qu’il en soit, après avoir pillé et décalissé la ville, Clovis et ses guerriers se réunirent autour du butin pour se le séparer égal entre eux-autres, comme on faisait dans ces temps-là.

Or, dans le tas figurait un fichu de gros vase qui avait été pris dans une église. L’évêque, la falle basse, avait ainsi plaidé auprès de Clovis : «Regarde, à défaut de me redonner le reste, tu peux tu au moins me rapporter le vase? Il est pas mal beau pis j’y tiens beaucoup. »

Le roi, qui filait plutôt d’adon ce jour-là, avait accepté. Il demanda donc à ses guerriers de lui laisser le vase en plus de sa part pour le remettre à l’évêque.

Les guerriers, qui savaient qu’y valait mieux ne pas faire chier leur roi, répondirent : « Tout ce qu’il y a là est à toé, glorieux roi, pis c’est toé qui décide. Fais comme tu veux, yen a pas un de nous-autres qui va s’astiner. »

C’est alors qu’un grand fendant se leva devant l’assemblée et s’écria « T’as beau être le chef, t’auras juste ce qui te revient à toé, pis c’est toute » et, pas plus fin que ça, fessa le vase avec sa hache.

Clovis, sur le coup, resta bête et ne répliqua pas; toutefois, il garda une crotte sur le cœur. L’évêque put quand même ravoir son vase, quoique celui-ci fût tout poqué.

Un an plus tard, Clovis calla de nouveau son armée. Pendant qu’il passait les guerriers en revue, il reconnut le sans-dessein qui l’avait humilié à Soissons. « Franchement, l’apostropha t il en arrivant devant lui. Y’a personne icitte qui fait aussi dur que toé. Ton javelot, ton épée, ta hache, ça vaut pas de la marde.» À ces mots, il lui prit la hache des mains et la crissa à terre.

Quand le grand fendant se pencha pour la ramasser, Clovis lui fendit le crâne drette là avec sa propre hache, déclarant : «Quins! Tu t’en rappelles-tu, du vase de Soissons? »

Puis, aux autres guerriers qui le regardaient, la gueule à terre, il dit simplement : « C’est beau, les gars, vous pouvez y aller.»