
Comme vous le savez, ça fait des mois qu’chus dins bateaux pis la navigation pis les catastrophes maritimes. Pis pendant mes recherches, chus tombée s’un phénomène ben intéressant pis ben épeurant : les VAGUES SCÉLÉRATES.
D’abord, prenons deux-trois secondes pour apprécier que ça s’appelle de même, une vague scélérate : du latin sceleratus, « souillé d’un crime ». Clairement, c’t’une vague qui porte un ti bandeau de bandit. Concrètement, c’t’une vague géante, deux fois plus haute que les autres autour, qui est imprévisible, qui a l’air de sortir de nulle part, qui fesse comme un mur d’eau pis qui peut détruire un navire aussi facilement qu’une maquette en bâtons de popsicle.
Ça fait des siècles que les marins savent que ça existe. Mais quand y’arvenaient à terre pis qu’y contaient ça au monde normal – parce qu’y faut clairement être un ti-peu craqué pour aller su’a mer, pis je dis ça avec ben d’l’affection pis d’l’admiration –, personne les croyait. C’tait yinque une légende.
M’as vous donner un exemple de quoi ça peut avoir l’air. En 1916, par une nuitte de tempête, l’explorateur Ernest Shackleton s’promenait s’un ti voilier dans l’Atlantique Sud, quand soudain, y vit une éclaircie à l’horizon. « Cool », qu’y s’dit. Sauf que là, c’qu’y pensait être une ligne de nuages blancs au-dessus d’un ciel noir ben dégagé était en faite la crête d’une ÉNORME vague. Y’eut à peine le temps de crier « aaaaa » que la vague ramassa son bateau de plein fouette pis faillit l’engloutir complètement. C’t’un miracle qu’y aille pas coulé, mais y’était pas au boutte de ses peines, le Shackleton. Faudrait ben que j’vous conte ses aventures un jour.
Autre exemple plus épeurant : le cargo allemand München, équipé de toute c’qu’y avait de plus moderne en 1978, s’en allait pour traverser l’Atlantique Nord pis disparut dans une tempête, pis on l’arvit jamais – ses dernières paroles furent une chaloupe de sauvetage avec son nom dessus qui flottait tu’seule su l’océan, artrouvée plusieurs mois plus tard.

Le monde qui tchéquèrent la chaloupe étaient ben mêlés : su’l bateau, a devait être accrochée un bon 20 mètres au-dessus de l’eau, mais pourtant, c’tait clair qu’a l’avait été arrachée, comme un boutte de jouet Fisher-Price qui est pas censé s’enlever, mais qu’un flo brise-fer avait fini par péter. Qu’est-cé qui aurait ben pu faire ça? Une vague géante? Ça s’pouvait pas, voyons donc. La Commission d’enquête des accidents maritimes de l’Allemagne conclut que le naufrage du München était « inexplicable ».
En faite, c’est pas avant 1995 que les vagues scélérates sont passées de folies de vieux loup d’mer, comme le Kraken pis le Léviathan, à’réalité scientifique. Le 1er janvier de c’t’année-là, une grosse maudite vague fessa la plateforme pétrolière Draupner, dans’mer du Nord; le laser installé su la plateforme mesura que la vague faisait 26 mètres, au travers d’autres vagues de 11-12 mètres. Ça se pouvait, finalement!
« BEN QUINS! » dirent les marins de partout su’a terre.
Encore aujourd’hui, on est pas trop sûrs de comment ça marche, les vagues scélérates. Y’en a qui pensent que qu’y se forment quand deux vagues se foncent dedans drette d’la bonne façon pis forment une plus grosse vague, mais ça pourrait être autre chose aussi. Mais bon, ch’pas une experte, faique j’me mouillerai pas en essayant d’vous donner une explication scientifique.
C’que je peux faire par exemple, c’est vous donner d’autres exemples épeurants de vagues scélérates!
Le 10 novembre 1975, l’Edmund Fitzgerald, un vraquier des Grands Lacs (c’t’-à-dire un gros bateau qui transporte du vrac… su’és Grands Lacs) s’atrouva pogné, vous l’aurez d’viné, dans une tempête su’l lac Supérieur. Y’en arrachait un peu : y prenait l’eau pis y commençait à verser su’l côté, mais y t’nait bon.

Tandis qui s’en allait vers la baie Whitefish dans l’espoir de s’protéger un peu, y’envoya un dernier message à un autre bateau qui s’trouvait pas loin : « On va passer au travers ». Dix menutes après, pu rien. Même pas un mayday. C’tait comme si la main du Bon Dieu avait sacré une claque dessus pis l’avait englouti. Les 29 membres d’équipage furent perdus, pis le navire fut atrouvé en deux morceaux au fond du lac.
Y’eut ben d’l’astinage su la cause du naufrage de l’Edmund Fitzgerald, mais au jour d’à c’t’heure, le suspect numéro 1 est un phénomène qui s’produit yinque dans le lac Supérieur qu’on appelle « les trois sœurs » – un trio de vagues scélérates qui frappent une après l’autre, comme un tour du chapeau de Marie-Philip Poulin. Étant donné que l’Edmund Fitzgerald avait déjà d’la misère, y’aurait eu aucune chance contre ça.
Heille, même su’a terre, on est pas à l’abri des vagues scélérates. Pendant une tempête en 1900, trois gardiens disparurent du phare des îles Flannan, en Écosse. Y’avait aucune trace d’eux autres. POUF. Les journalistes de l’époque partirent en peur avec l’histoire : un dit qu’un serpent de mer avait emporté les trois gars; un autre qu’y s’taient arrangés pour pogner un lift avec quequ’un pour commencer une nouvelle vie; pis un autre encore dit qu’y avaient été enlevés par un bateau fantôme.

Le seul indice su’l sort des gardiens, c’tait que le débarcadère du côté ouest de l’île était magané : les garde-corps étaient toutes crochis, un coffre à 33 mètres au-dessus d’la mer avait été défoncé pis c’qu’y avait dedans avait été répandu partout, une roche de plus d’une tonne avait bougé, pis une bande de turf de 10 mètres avait été arrachée du bord d’la falaise. La seule explication plausible : une vague géante avait balayé l’île pis emporté les trois gars.
Dernier exemple : une vague scélérate qui aurait pu changer l’histoire. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le Queen Mary, méga paquebot de luxe, servait de navire de transport des troupes pour l’armée américaine. Le 11 décembre 1942, y’avait à bord, tenez-vous ben, 10 389 soldats pis 950 membres d’équipage cordés comme des sardines. Ça fait du monde en viarge, ça.

Le Queen Mary approchait de l’Irlande quand y fut pogné dans une tempête. Ça brassait en tabarouette – le navire montait pis tombait l’équivalent de plusieurs étages à chaque grosse vague qu’y rencontrait. Pour ben des gars à bord, c’tait leu premier voyage su l’océan, faique ben vite, l’odeur du vomi s’répandit dans toutes les cabines pis les passages.
Pis un m’ment’né, FLÂWK! Un vague scélérate fessa le côté du Queen Mary à tribord. Une vague, ça se pogne ben de face, mais su’l flanc, c’est moins drôle. Des hublots pétèrent pis l’eau entra dans les cabines. Le paquebot pencha de 10 degrés, puis 15, 30, 40… jusqu’à 52 degrés, tellement bas que les chaloupes de sauvetage à bâbord lichaient pratiquement la surface de l’océan. Vous imaginez-vous comment ça devait être épeurant? Y’eut même des gars qui étaient convaincus que le navire avait mangé une torpille.

Pendant une éternité, le navire resta penché d’même su l’eau. Pis lentement, comme un pépère qui s’arlève en grognant après avoir pris une débarque, le Queen Mary s’armit drette, continua son chemin pis finit par mener sa cargaison humaine à bon port.
Les ingénieurs qui tchéquèrent le Queen Mary au port calculèrent que si y’avait penché yinque 3 degrés de plus, y’aurait coulé sans que personne à bord ait l’temps de se sauver. Ça aurait fait 11 339 morts! Le Titanic aurait eu l’air de d’la p’tite bière à côté.
Si le Queen Mary avait coulé à c’te moment-là, ça aurait pu changer l’histoire : pendant la guerre, y’a transporté environ 800 000 soldats au total, des tonnes d’équipement, pis même Winston Churchill, un moment donné. Y s’rait arrivé quoi, pu de Queen Mary? La question s’pose.
Faique, heille, une p’tite croisière, ça vous tente?


































