Le Balloonfest’86 : quand l’enfer est pavé… de ballounes

Y’a-tu quequ’un qui aime pas les ballounes? C’est comme des belles cerises en plastique de toutes sortes de couleurs, toutes rondes pis toutes joyeuses; y peuvent exploser, pis quand y dessoufflent vite, y font des sons de pet pis y volent tout croche dins airs comme un papillon avec une fusée dans l’derrière. Heille, j’ai déjà gardé une gang de flos occupés pendant un après-midi de temps yinque en jouant avec ça. C’est l’fun de même, des ballounes.

Y’a rien d’méchant dans une balloune. Ça peut pas faire de mal. Mais si vous pensez ça, c’est clair que vous avez jamais entendu parler du Balloonfest’86 à Cleveland, en Ohio.

C’tait parti d’une bonne intention : pour se faire de la publicité pis ramasser de l’argent, Centraide du Grand Cleveland voulait battre le record du monde du plus grand nombre de ballounes gonflées à l’hélium pis r’lâchées en même temps.

En plus, dans c’te temps-là, Cleveland avait la réputation d’être un trou. Tsé : dins années 1970, ça allait tellement mal financièrement que la Ville avait fait défaut su ses paiements, la rivière Cuyahoga qui la traversait était tellement polluée qu’a l’avait pogné en feu, pis ses équipes de sport arrêtaient pas de perdre comme des pas bonnes – quoique, du côté d’la NFL, ch’pas sûre que ça c’est tant ramieuté. C’tait rendu au point où c’que Cleveland avait été surnommée « Mistake on the Lake » – l’erreur su l’lac, en français, parce qu’a l’était située su’l bord du lac Érié.

Bref, Cleveland avait d’quoi à prouver  :

« On est pas des jambons pis des ti-clins! Nous-autres aussi on peut faire des belles pis des grandes affaires, bon! »

Faique tout l’monde était hyper motivé. Ça a pris six mois pour organiser la patente; les flos d’école vendaient les ballounes à deux pour une piasse, pis une armée de bénévoles ont aidé à toute préparer. La veille, y se sont occupés de gonfler les ballounes, travaillant quasiment toute la nuite avec des bouttes de tape collés autour des doigts pour pas se faire des ampoules.

Le jour du lancement, y’avait 1,4 million de ballounes dans une espèce de filet au beau milieu de la ville, soit ben en masse pour battre le record; on aurait dit qu’une piscine à boules pour enfants s’tait mise à fortiller tout d’un coup comme un gros blob monstrueux pis allait bouffer Cleveland.

Comme y’arrivait de l’orage, les organisateurs ont décidé de lancer les ballounes plus vite que prévu. Faique le 27 septembre à 1 h 50 de l’après-midi, le filet a été détaché pis les ballounes se sont envolées.

C’tait ben impressionnant. Selon le point de vue, ça avait l’air d’une envolée de bonbons, de youptidou pis d’amour universel… Ou bedon d’la 11e plaie d’Égypte. Argardez ça :

Tout l’monde étaient fous comme des balais, pis ça criait :

« GO CLEVELAND! RECORD DU MONDE! WOUHOUUUU! »

Sauf que l’bonheur était pas pour durer.

Normalement, les ballounes gonflées à l’hélium montent pis montent pis montent, des fois jusqu’à 10 000 pieds d’altitude, où l’atmosphère est pas mal moins dense. Comme l’air du dehors pèse moins s’a balloune, tandis que la pression en-dedans de la balloune reste la même, la balloune gonfle. En plus, haut de même, y fait vraiment frette, faique la balloune gèle pis devient fragile. Résultat : la balloune pète en plein de tis bouttes qui ardescendent lentement su’a terre.

Entécas, c’est ça que les organisateurs pensaient qu’y allait se passer.

Mais là, avec l’orage qui s’en venait, les ballounes ont pas eu le temps de se rendre assez haut. En s’en allant vers le nord, par-dessus le lac Érié, y’ont frappé un front froid qui les a r’poussées vers la ville, pis la grosse pluie les a fait artomber pendant qu’y étaient encore gonflées.

Pis là, le bordel a pogné.

D’abord, plein de ballounes se sont ramassées au beau milieu d’la piste de décollage de l’aéroport Cleveland Burke Lakefront, qui a dû arrêter toute le trafic aérien pendant une grosse demi-heure.

À part de t’ça, les ballounes ont envahi les rues pis les autoroutes. Le monde qui chauffaient leu char voyaient c’te nuée psychédélique aux allures de mousse trois couleurs du lave-auto pis se disaient « Qu’est-cé ça câlisse? ». Soit y donnaient des coups d’volant pour éviter les ballounes dans l’chemin, soit y’étaient juste distraits par le spectacle, pis y’accrochaient les garde-fous ou les autres chars. Les accidents sont multipliés partout dans’ville.

Les ballons aboutirent à plein de places : su l’lac Érié, dins rivières, dins forêts, en Ontario, pis ailleurs en Ohio.

Y’a une madame qui élevait des chevaux arabes pur-sang qui coûtaient les yeux d’la tête su sa ferme au sud de Cleveland. A l’a poursuivi Centraide pour 100 000 piasses parce que des ballounes avaient atterri dans son champ pis avaient faite tellement peur à ses chevaux qu’y en a un qui avait pogné le mors aux dents, était parti à courir, avait foncé drette dans une clôture pis s’tait pété la fiole tellement fort qu’y avait pu rien à faire avec.

Pis pire encore, les ambitions ballouniennes de Cleveland ont p’t-être coûté la vie à deux gars.

L’affaire, c’est que quand les ballounes ont été lâchées, la garde côtière charchait déjà deux pêcheurs, Raymond pis Bernard. La veille, y’avaient été portés disparus su l’lac Érié, pis leu bateau avait été artrouvé vide le matin du 27.

Mais là, essaye, toé, d’artrouver deux gars au beau milieu d’une orgie de ballounes! À voir la surface du lac, on aurait dit que quequ’un avait échappé une chaudière complète de tites billes en sucre qui vont su’é gâteaux d’fête.

En entrevue à’tévé, un gars qui participait aux recherches en bateau a dit :

« C’est comme essayer d’trouver une aiguille d’une botte de foin! Tsé, on charche une tête ou bedon un gilet de sauvetage orange, mais là avec toutes c’te marde-là pleine de couleurs qui grouille su’l lac, comment c’tu veux qu’on les voye, les deux gars? »

C’tait pas plus vargeux du côté des recherches en hélicoptère :

« Ben là, on peut même pu décoller. Dins airs, c’est comme un champ d’astéroïdes en plein trip d’acide, viarge! »

Finalement, la garde côtière a dû abandonner les recherches, pis Raymond pis Bernard ont été artrouvés morts deux jours plus tard. Y’auraient-tu pu être sauvés si Centraide du Grand Cleveland avait pas répandu du vomi d’licorne partout su l’lac Érié? On l’saura jamais.

Quand même, Centraide pis la Ville de Cleveland avaient gagné leu pari : leu record s’est artrouvé dans l’édition 1988 du livre Guinness. Mais la catégorie du plus grand nombre de ballons r’lâchés en même temps a été abolie pas longtemps après parce que tsé… C’tait cave pis dangereux, pis polluant à part de t’ça.

Une chose est sûre, c’est que c’tait pas c’te fois-là que Cleveland allait ardorer son image. C’est ça qui arrive quand on part s’une balloune…


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Le Vasa : Chronique d’un flop annoncé

Merci Christine Labrecque pour le dessin 😀 ❤

Le dimanche 10 août 1628 à Stockholm, en Suède, des centaines de woireux s’étaient ramassés su’l quai pas loin du palais royal pour assister à d’quoi de ben spécial : le premier voyage du Vasa, le nouveau vaisseau amiral d’la flotte suédoise.

Trois mâts, dix voiles, deux rangs d’canons – le darnier cri dans c’temps-là – des sculptures, des dorures, des couleurs à pu finir : c’tait une vraie forteresse flottante pensée exprès pour gonfler d’fierté le ti cœur des Suédois pis foutre la chienne aux voisins. 

En l’voyant virer l’coin d’la pointe de terre qui l’cachait à’vue, le monde se mirent à pousser des cris d’joie. Sans doute qu’y avait aussi un orchestre qui jouait une tite toune de guerre de circonstance. Après toute, un bateau d’même, ça méritait une chanson thème, comme les lutteurs à’TV.

À bord, c’tait toute autant l’party. Pour l’occasion, l’équipage avait eu l’droit d’emmener femmes pis enfants pour un p’tit tour avant que le Vasa s’en aille à’guerre. Partout autour, y’avait plein de monde dans des chaloupes qui leux faisaient des tatas.

Le Vasa longea l’quai bondé d’monde. Jusque-là, y’avait été tiré avec des cordes à partir d’la terre ferme, mais c’tait l’temps pour lui de larguer les amarres.

« Aweillez les gars, ouvrez les voiles! » 

Le Vasa sortit d’la baie qui l’gardait à l’abri du vent pis ouvrit ses sabords – tsé les tites portes par où on fait sortir les canons? Vous allez vous coucher moins niaiseux à soir! Pis y tira une salve avant de s’en aller. 

« BA-BA-BA-BABANG! »

Sauf que là, y’eut un p’tit coup d’vent. Pas grand-chose – à peine assez pour artrousser le toupette à Ti-Poil. Mais le Vasa, y réagit comme si y’avait mangé une claque d’ouragan :

Le navire pencha su’l côté, l’eau rentra dans ses sabords grand ouverts, pis en queques menutes, la fierté d’la Suède coula au fond du havre sous l’argard horrifié des Stockholmois. 

Mais qu’est-cé qui avait ben pu se passer? Un navire qui était censé être le joyau d’la flotte, une commande spéciale du roi par-dessus l’marché, qui varse pis qui coule en 20 minutes comme la vieille chaloupe poquée à Mononc’Georges au fond du lac Long! Coudonc, c’tait-tu la STQ qui avait faite le cahier des charges?

Pour mieux comprendre, on va faire un p’tit post-mortem.

En 1626, le roi Gustave II Adolphe de Suède était en guerre contre son cousin, Sigismond III, roi de Pologne, pis sa flotte v’nait de manger une christie d’volée : 10 de ses navires s’taient faite ramasser par une tempête, le navire amiral avait été capturé par l’ennemi, pis un autre navire s’tait faite sauter pour pas subir le même sort. Ben, son équipage l’avait faite sauter. On s’comprend.  

Bref, Gustave Adolphe avait besoin de nouveaux bateaux au plus crisse, pis y passa sa commande au chantier naval de Stockholm. 

L’affaire, c’est qu’y arrêtait pas de changer ses instructions comme un gars mêlé en avant de la fenêtre d’la cabane à patates frites :

« J’veux un gros bateau pis deux p’tits. Non – deux gros. Trois moyens! Une grosse molle marbrée? Une douze pouces all dressed pis six egg rolls! »

Pis quand finalement les ouvriers du chantier eurent achevé de bâtir la quille du navire qui allait dev’nir le Vasa, là Gustave Adolphe entendit dire que son voisin Christian, roi du Danemark, avait faite construire un navire de guerre avec pas un, mais DEUX ponts de canons couverts.

« Heille LÀ! Voir si j’vas laisser Christian faire son frais-chié dans toute la Baltique avec ses deux ponts d’canons! »

Donc, y’ordonna qu’on mette la même affaire sur le Vasa.

Heille, si d’quoi d’même arrivait aujourd’hui, ça s’rait comme crisser une roche s’un nique de guêpes : tout l’monde serait en tabarnak, pis ça se mettrait à bourdonner dans tou’és sens pour arfaire les dessins, les calculs, les budgets…

Mais dans c’temps-là, la construction de bateaux, c’tait pas la même affaire pantoute. Y’avait pas de plans, pas de modèles 3D, a’rien à part la connaissance pis l’savoir-faire des gars qui travaillaient su’l chantier. Du genre :

« Mes ancêtres faisaient des chaloupes, pis après y’ont faite des drakkars, pis moé j’fais des trois-mâts de 1 400 tonnes de tonnage, pis parsonne a jamais eu besoin de ti dessins! »

Sauf que quand on construisait un voilier d’même, fallait faire ben attention au centre de gravité, parce que des fois, y’avait pas grand différence entre un bateau qui s’tenait d’boutte pis un bateau qui varsait au premier coup d’vent. Rajouter un étage su’l fly de même, c’tait pas l’idée du siècle.

Pis tant qu’à faire, le roi fit faire un tapon de boiseries en gros chêne pesant, toutes sculptées pis dorées pis peinturées à’grandeur, pleines de lions pis d’anges tout nus – de quoi flabbergaster toutes les voisins autour d’la mer du Nord.  

En plus, au beau milieu du projet, Henrik Hybertson, le chef constructeur, tomba malade pis trépassa. Y fut remplacé par son second, Hein Jacobsson, un gars qui avait ben d’l’expérience en construction navale, mais pas pantoute en supervision. 

Su’l chantier, y’avait autant d’écoute pis d’communication que dins commentaires en d’sour d’un article de TVA Nouvelles. Un m’ment’né, y’avait pas moins que 400 gars séparés en cinq groupes qui travaillaient su la coque, les sculptures, le gréement, l’armement pis toute le kit sans jamais se dire un maudit mot. 

L’crémage su’l gâteau, c’est que le roi était hyper pressé d’avoir sa belle bébelle toute neuve, pis j’le cite :

« Yé aussi ben d’être prêt pour le 25 juillet, parce que sinon, y’a quequ’un qui va goûter à ma royale disgrâce! »

Pis parsonne, j’dis ben parsonne, avait envie d’goûter à ça; ça avait d’l’air que c’tait ben méchant.

Pas longtemps avant le premier voyage du Vasa, Söfring Hansson, le capitaine qui supervisait la construction, organisa un test de stabilité pour Klas Fleming, le vice-amiral qui s’occupait des achats pour la marine. Jacobsson, le chef constructeur, était même pas là. 

Comment le test marchait, c’est qu’une trentaine de marins montaient à bord pis couraient toutes ensemble d’un bord pis d’l’autre du pont, pour faire rouler le bateau. 

« WÔ! WÔ! STOP! »

Y durent arrêter quasiment tu’suite, parce que le Vasa tanguait tellement qu’y était su’l bord de varser. 

Y avait d’quoi qui marchait pas, c’tait clair comme de l’eau d’roche. Mais parsonne dit un mot. Faique le maître d’équipage, hyper mal à l’aise, ramassa toute son p’tit change pis alla voir le vice-amiral :

— Monsieur, ch’pense que l’navire est trop pesant du top pis pas assez large du fond. Y’est pas stable.
—C’est pas l’premier navire que c’tes gars-là bâtissent », répondit l’vice-amiral sur un ton bête. Chus sûr que ça va être correct. 

Probablement que l’vice-amiral était pas si cave que ça. Yinque à voir, y voyait ben que ça avait pas d’allure. En vrai, y’avait la chienne : 

« Un fou d’une poche, moé-là! Voir si j’vas aller dire au roi qu’y a un problème avec sa bébelle! »

C’est ça, l’affaire, avec les climats de terreur. Ça a l’air le fun de même : tout l’monde obéit pis ça y va aux toasts! Mais quand y’a d’quoi qui va mal pis faut vraiment que tu l’saches, ben parsonne te dit rien.

Faique toute continua comme si de rien n’était, pis l’reste, vous l’savez : yinque 20 menutes après avoir quitté l’chantier naval où y’avait été bâti, le Vasa coula, entraînant avec lui une trentaine de personnes qui étaient resté pognées dans l’pont inférieur. 

Y’eut une commission d’enquête, où tout l’monde trouva ben pratique de dire que c’tait d’la faute du premier chef constructeur qui, lui, avait l’avantage d’être mort. Parsonne fut puni. 

Mais c’tait pas la fin d’l’histoire. 

Trois siècles plus tard, le Vasa fut sorti d’l’eau par une gang d’archéologues, pis y’était quasiment intact, avec les voiles, les canons, la vaisselle, jusqu’aux bobettes d’archange que les marins avaient apportées pour leu voyage. Un vrai trésor! Pis on peut le voir au complet, toute d’un boutte pis ben nettoyé, dans un musée bâti exprès pour lui à Stockholm. 

La Vasa d’nos jours.

Ça f’rait une belle jambe à Gustave II Adolphe, mais au moins, toute ça aura pas sarvi à rien!

Beau Brummell : sapré dandy, maudite grand’yeule

C’est la fête de Beau Brummell aujourd’hui! Mais c’tait qui, don lui?

Vous avez sûrement djà entendu son nom, ch’peux pas crère. Moé j’sais, entécas, que la mére à Mononc’Poêle a dit ça, un « Beau Brummell ». Pis Mémère Poêle aussi. Depuis plus que 200 ans, c’t’un synonyme de beauté pis d’élégance masculine, tellement que tout le monde utilisait sa face pis son nom pour annoncer leux produits :

Son vrai nom, c’tait George Bryan Brummell. Le surnom de « Beau », ça allait v’nir plus tard.

Y’est né en 1778, riche, mais pas top riche. Son pére était le secrétaire privé du premier ministre du Royaume-Uni.

Y’a reçu une bonne éducation, en premier à Eton College, pis après à Oxford. À’mort de son pére, le futur Beau avait 16 ans, pis y’a hérité d’un ptit motton. Pas assez pour faire la grosse vie sale pis arcevoir des duchesses dans son salon, mais assez pour s’acheter un poste dans l’régiment parsonnel du prince de Galles. (Parce que c’est d’même que ça marchait dans l’temps – plus t’étais riche, plus tu pouvait t’acheter un gros rang, faique même si t’étais un gros cave, tu pouvais payer pis monter assez haut pour que ton incompétence fasse tuer plein d’monde. D’ailleurs, y’ont aboli c’te système-là en 1871 parce qu’y ont ben vu que c’tait d’la marde.)

Pis l’régiment parsonnel du prince, le futur roi Georges IV, c’tait pas un choix au hasard. Pour se faire ouvrir les portes d’la haute société, not’Beau avait ben l’intention de s’faire armarquer par le prince en misant su sa maudite grand yeule, son sens de l’humour, son charisme pis son style d’enfer. D’ailleurs, c’tait quoi son style, exactement?

Pour vous donner une idée, avant Beau, les hommes s’habillaient de même :

Allez voir Bloshka! C’est une super source pour voir le linge de différentes époques!

Pis là, Beau est arrivé, pis tout l’monde s’est mis à l’copier :

Ça y prenait cinq heures à toué’s matins pour s’arranger pour pas avoir l’air de s’être arrangé. Faut l’faire, pareil. C’est pas pour arien qu’on l’appelle « le pére du dandyisme »!

Mais être un dandy, c’est pas yinque être ben greyé. C’est aussi avoir une astie d’attitude de frais-chié, passer son temps à insulter tout l’monde comme si tu t’en rendais même pas compte pis faire semblant de se crisser de toute. Pis Beau, c’tait l’champion de t’ça.

Toujours est-il que Beau a réussi à rentrer dins p’tits papiers du prince. Le prince le trouvait fascinant pis y pardonnait toute. Beau était tout l’temps en retard, y slaquait su’a job, y se présentait pas aux parades, mais c’tait pas grave. Y faisait c’qu’y voulait.

Quand son régiment est déménagé de Londres à Manchester, y’a préféré s’en aller de l’armée plutôt que d’aller dans une ville « pas d’classe pis pas d’culture ».

En dehors de sa job dans l’armée, par’zempe, y’allait dépendre complètement du bon vouloir du prince pour maintenir son statut. Mais pendant une bonne secousse, son plan a ben marché. Y rentrait partout, dans toutes les gros partys, à des places où normalement, parsonne l’aurait même argardé parce qu’y était trop bas dans l’échelle sociale.

Mais le p’tit crisse, y’aimait jouer avec le feu. Un jour, en jasant avec le prince autour d’un drink, Beau a dit une affaire tellement vache que Sa Majesté y’a crissé son verre de vin dans’face. Faique Beau, vite comme l’éclair, a crissé son verre de vin dans’face de son voisin de fauteuil pis a dit :

« C’est le toast du prince! Faites-lé tourner! »

Pis tout l’monde est parti à rire.

C’tait une vraie diva. Un m’ment’né, à un party au château de Belvoir, y’est allé se coucher d’bonne heure. Mais pas longtemps après, les cloches de l’alarme d’incendie se sont mises à sonner. Tout l’monde capotait, se d’mandant où l’feu était pris, quand Beau est arsoudu à un balcon pis a dit :

« S’cusez, c’parce qu’y a pas d’eau chaude dans ma chambre! »

Mais un bon m’ment’né, y’est allé trop loin. Y’était déjà un peu en frette avec le prince quand y s’est pointé à un party avec un de ses bons chums, Lord Alvanley. Tandis qu’y se promenaient, y’ont croisé le prince avec un autre lord. Sa Majesté, telle une tite fille d’école qui veut faire d’la peine à son amie pour montrer que c’est elle la boss des bécosses, a jasé avec Lord Alvanley pis a faite comme si Brummell existait pas.

Après, le prince pis l’autre lord ont continué leu ch’min. Dès qu’y ont eu le dos tourné, Beau a lâché, assez fort pour que le prince l’entende :

Parce que ouais, Sa Majesté était connue pour être un ti peu dodue. Su’l coup, le prince a rien faite. C’tu voulais qu’y fasse? On était pu à l’époque où tu pouvais faire décapiter quequ’un drette-là si y t’avait insulté.

Mais Beau avait quand même signé son arrêt de mort… social. Le prince a arrêté d’y donner de l’argent pis de l’inviter à des places. Pis comme Beau était bourré de dettes de jeu, y’a fallu qu’y se sauve en France, parce que dans c’temps-là, tu pouvais faire d’la prison à cause de tes dettes.

Rendu là-bas, y’a passé dix ans à Caen à pas faire grand chose jusqu’à ce que son chummy Alvanley y trouve un poste au consulat d’Angleterre. Mais ça dura yinque deux ans : y’a suggéré aux Affaires étrangères de farmer le consulat, pensant qu’y allait être transféré à un autre poste plus payant. Tu parles d’un move de cave : les Affaires étrangères ont faite comme y’a dit, pis y s’artrouva pu de job.

Pis finalement, y’est mort dans la pauvreté pis l’oubli, rendu à moitié fou par la syphilis.

Sa grande gueule avait faite sa légende, mais a l’a aussi causé sa perte.


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Adolf Munck, coach de fesses de Sa Majesté

Un bon soir de juillet 1775, le roi Gustave III de Suède, 29 ans, décida que c’tait l’temps qu’y s’déniaise.

Ça faisait neuf ans qu’y était marié avec sa reine, Sophie-Madeleine du Danemark, pis y’avait pas encore d’héritier doué de zouiz. En faite, y’avait pas d’héritier pantoute. Parce qu’y avait jamais couché avec la reine. Même, y’avait jamais couché avec parsonne, tout court.

Gustave III

Mais, pourquoi, don? Y’en a qui disent qu’y était gai. Aujourd’hui, on dirait p’t-être qu’y était asexuel. Une chose est sûre, c’est qu’y’était pas vraiment porté sur la chose. Ça fait bizarre, pareil, quand on pense à toutes les princes pis les rois de c’t’époque-là qui faisaient des bâtards à tour de bras comme Tim Hortons fait des beignes à l’érable, tandis que lui, y’était même pas capable de faire son d’dvouère.

Pis c’tait pas non plus qu’la reine était laitte. A l’était plutôt jolie. Mais, a l’était assez gênée comme fille, tellement qu’a paraissait snob, pis a l’avait arçu aucune éducation sur la chose. Faique, si Gustave allait pas la trouver pour tsé-veut-dire, c’est pas elle qui allait cogner à sa porte en jaquette à une heure du matin.

Sophie-Madeleine

Toujours est-il que là, Gustave en avait son tas. Y’allait pogner l’taureau par les cornes. Pour ça, y d’manda l’aide d’Adolf Frédérick Munck, son homme de confiance pis un gars qui pognait pas mal chez les créâtures d’la cour :

          « Lui y va savoir quoi faire, c’est sûr! »

Adolf Frédérick Munck. Argardez-y la face. C’est clair qu’y sait comment mettre les points sur les i pis les barres sur les t.

Munck se mis aussitôt à l’ouvrage : y’organisa pour le roi pis la reine des p’tites vacances romantiques au château d’Ekolsund, le chalet royal. Une fois rendu là-bas, y mit un portrait sexy de Sophie-Madeleine su’l litte du roi avec une lettre, clairement pas écrite pas la reine mais signée par elle, qui disait :

          « Niaise pas, pis fais d’moé la plus heureuse des femmes. »

Quand Gustave vit ça, y dut être inspiré, parce qu’y appela Munck :

            « Ok. Chus prêt. C’est l’heure. »

Faique Munck pis un autre domestique emmenèrent le roi en jaquette pis en pieds d’bas jusqu’à la chambre de Sophie-Madeleine.

Là, y l’aidèrent à se dégreyer, pis y s’en allèrent dans une chambre à côté.

Quinze menutes après, y’entendirent une clochette sonner : c’tait le roi qui appelait. Le domestique y alla, mais y’arvint tu’suite pis dit à Munck :

          « Le roi veut t’voir. Ça a ben d’l’air que ça marche pas. »

Le pauvre Gustave était toute rouge pis avait les yeux ronds comme des deux piasses :

         — Adolf! J’sais pas c’qui s’passe! Ch’trouve pas l’trou! Aide-moé!
        — J’sais pas quoi vous dire, Vot’Majesté… Avez-vous pensé de d’mander à la reine de vous montrer c’est où?
        — T’es-tu malade? C’est ben que trop gênant! A va penser que ch’t’un épais!
        — Sauf vot’respect, j’irai pas dans’chambre avec la reine pour vous

montrer c’est où. Va falloir que vous trouviez tout seul.

Notre Pee-Wee des fesses artourna donc, toute tremblant, auprès d’sa femme. Une heure plus tard, y’arsonna la cloche pis y’ordonna à Munck de l’aider à s’habiller. À y voir la face, y’avait clairement pas scoré.

Mais bon. Sa nuitte l’avait pas trop découragé, parce que, dès le lendemain matin, y se sentit game de réessayer. Comme la veille, Munck attendit dans’chambre à côté. Pis comme la veille, la clochette sonna après quinze menutes.

Quand y rentra dans’chambre, y vit Gustave effoiré de toute son poids su la pauvre Sophie-Madeleine comme un béluga mort s’une plage du bas du fleuve.

          « Ça marche paaaaaaaas! » se lamenta le roi comme un p’tit poute qui essaye de rentrer le bloc rond dans l’trou en étoile.

C’est là que Munck comprit que si y voulait que ça se règle, y’allait d’voir… prendre les choses en main. Littéralement.

          « Bon. Vot’Majesté, premièrement, tenez-vous su vos bras… »

Y dut guider le roi pis la reine, une étape à’fois : « Ça, ça va là, pis ça, ça va là… »

Dans ses mémoires, Munck mentionne que le roi avait l’capuchon serré pis que la reine avait les voies aussi impénétrables que celles du Seigneur. Ça faisait mal, c’tait gênant pis c’tait vraiment pas drôle pour parsonne. Imaginez le malaise!

En fin de compte, ça marcha pas plus c’te soir-là, mais Gustave pis Sophie-Madeleine étaient ben décidés à réussir. Quand on veut, on peut! Faique les soirs d’après, y réessayèrent pis réessayèrent pis réessayèrent.

Pis, un jour, on annonça que la reine était enceinte. Celle que tout l’monde trouvaient bête pis plate était maintenant toute contente pis jasante, le sourire fendu jusqu’aux oreilles. Finalement, elle pis Gustave eurent deux p’tits gars, Gustave pis Charles.

Mais là, y’eut des langues sales pour dire que Munck avait, disons, mis pas mal plus que son grain de sel dans la conception des p’tits princes.

Ça donna des caricatures comme celle-là  :

Si vous voulez voir la version non censurée, c’est ici. ATTENTION : Très très gros zouiz.

Le pire là-dedans, c’est que les rumeurs venaient directement de la mére à Gustave elle-même, Louise-Ulrique de Prusse, une espèce de germaine folle contrôlante qui haïssait Sophie-Madeleine pis qui voulait abolir le Parlement pour pouvoir toute décider tu’seule.

Après avoir travaillé aussi fort, le roi pis la reine étaient vraiment choqués d’entendre ces cochonneries-là. Gustave prit son courage à deux mains pis alla voir sa mére :

« M’man, si t’arrêtes pas de dire des affaires de même su moé pis ma femme, j’vas t’exiler en Poméranie! »

Finalement, comme a voulait rien entendre, y’arrêta d’y parler pis y’alla juste la voir su son lit d’mort. Pis même là, Sophie-Madeleine arfusa d’arvoir sa belle-mére.

Peu importe le rôle que Munck avait joué dans toute ça, le roi pis la reine étaient ben contents de lui pis y donnèrent plein de titres pis de domaines. Moé, entécas, j’salue son dévouement. Qu’est-ce qu’on ferait pas pour aider un chum, hein?

Kid Kodak : Henri IV de France pis ses portraits

Aujourd’hui, c’est le 411 anniversaire d’Henri IV, roi de France – tsé, le gars de l’autoroute du même nom, à Québec?

Y’a été tué en pleine rue par François Ravaillac, un fanatique religieux qui pensait que le roi était l’Antéchrist.

Mais bon; mettre des tites bulles drôles sur la peinture de son assassinat, c’t’un peu… J’me sentais pas à l’aise avec ça, faique j’ai décidé de faire autre chose.

Voyez-vous, notre Henri IV était un kid kodak avant l’heure. Y’aimait pas mal ça, s’faire tirer l’portrait.

Faut dire aussi que lui, au départ, c’tait le roi de Navarre. Y’a hérité du trône de France parce que la dynastie des Valois a trouvé l’tour de passer au travers de toutes ses héritiers mâles, pis comme les Français interdisaient aux « gonzesses » d’hériter du trône, ben y’a fallu qu’y’armontent neuf générations en arrière pour se trouver un roi.

J’vous dis ça parce que c’est pas tout l’monde qui trouvait que son auguste darrière avait légitimement d’affaire là. Faique, en utilisant des portraits, y’a lancé une espèce d’opération de relations publiques pour ben paraître pis asseoir comme faut son pouvoir.

Faisons une tite rétrospective.

Le v’là à 15 ans, avec un beau pinch mou. C’est magnifique. Enlève le colette, pis on dirait un nerd qui rentre d’un tournoi de cartes Magic, ben certain qui va gagner, pis qui tient les portes aux filles en disant « Mad’moiselle ».

Notez le pif pis le r’gard de braise – vous allez les arvoir souvent.

Le r’vla quatre ans plus tard, à ses noces, avec Marguerite de Valois, alias la reine Margot, tsé comme dans la vue avec Isabelle Adjani pis Daniel Auteuil.

Comme on peut l’voir à leux faces qui irradient le wouptidou, y s’aimaient pas pantoute. C’tait un mariage arrangé par Catherine de Médicis, la mére à Marguerite, dans l’espoir de faire slaquer la guerre entre catholiques et protestants. Parce que, ouais, Henri était protestant; à cause de ça, y pouvait pas rentrer dans Notre-Dame, faique la cérémonie de mariage a eu lieu su’l perron d’la cathédrale.

Y’ont pas eu d’enfants, pis finalement, Henri a fini par faire annuler son mariage avec Marguerite, pis y s’est armarié avec Marie de Médicis, qui lui a donné un héritier doué de zouiz quasiment tu’suite.

D’ailleurs, quins, argardez l’beau tit portrait de famille avec toutes les enfants (Louis, Elizabeth, Christine – pis l’ti poute, dans son cârosse, c’est MONSIEUR d’Orléans) pis euh… euh… L’gars dans l’coin, là? En bas? C’est Guillaume Fouquet de la Varenne. Y v’nait d’une famille bourgeoise, pis y’était cuisinier pour la sœur d’Henri. Fouillez-moé comment, mais c’est devenu l’grand chum d’Henri, pis y lui a même sauvé la vie à la bataille de Fontaine-Française.

Mais bon. C’est bizarre. Y’a l’air photoshoppé dans’peinture. Tsé, c’t’un peu comme aller au studio Sears avec les flos pour une séance photo quétaine avec des pommes pis mettre ton courtier d’assurances dans l’coin. Ou bedon, ton chum de gars qui travarse une mauvaise passe pis que t’as accepté d’héberger dans ton sous-sol, mais là y s’incruste pis ta blonde est à boutte. En passant, son papier dit « Il m’a fait quérir l’honneur et donné le bien ». Au moins, y’est arconnaissant.

Comme j’vous disais, Henri s’sarvait aussi de ses portraits pour faire un ti peu de propagande, genre :

Là, on l’voit en armure, l’épée dins airs, toute drette, avec un sourire de champion. à gauche, c’est l’nœud gordien, tsé lui qu’Alexandre le Grand a fendu en deux. À drette, c’t’un mini Hydre de Lerne toute étêté, comme dins douze travaux d’Hercule. Tu’suite, on voit qu’y s’prenait pas pour d’la marde.

Mais c’pas fini!

Le faite qu’Henri était protestant, ça fâchait ben du monde, dont la Ligue catholique, qui voulait ARDJIEN savoir de lui su’l trône de France. Y leu a faite la guerre pendant des années. Un m’ment’né, pour acheter la paix, y’a fini par se convertir au catholicisme, mais même à ça, la Ligue continua de l’attaquer comme un chien qui a les dents pognées dins culottes du facteur.

Quand y réussit enfin à avoir l’dessus, cinq ans après sa conversion, on y tira c’te beau portrait-là :

Faique le but de t’ça, c’tait de l’arprésenter en Mars, dieu d’la guerre chez les Romains. Y tient l’bâton du boss, pis y’a l’pied su les bouttes d’armure de ses ennemis vaincus. Notez son armure rose flash! Ça, ça montre que l’rose, ça a pas toujours été associé aux p’tites filles. En faite, jusqu’aux années 1930, le rose, c’tait une couleur associée aux p’tits gars, un genre de rouge-lite qui arprésente la force. Les p’tites filles, elles, étaient habillées en bleu pâle, la couleur d’la sainte Vierge.

Faique les gars, j’vous encourage à mettre des ch’mises roses! Ça fait tellement ben!

Ok. Là on arrive à mon image préférée.

ARGARDEZ. SA. FACE. J’me peux pu. Y’a l’air d’un comédien poche qui joue un héros dans une pièce de théâtre d’été pis qui a apporté son costume à maison pour surprendre sa femme.

Dans c’te portrait-là, y’a r’pris l’idée de l’Hydre de Lerne, mais là, y’est allé à fond. Y’est carrément habillé en Hercule, avec la massue pis toute. Même si la face fait son âge, le corps est toute jeune pis fringant. C’est pour montrer la vigueur pis la santé du roi, mais finalement, ça donne juste le goût d’rire.

Pis là, l’apothéose. Comme j’vous disais au début, y’a été assassiné le 14 mai 1610. Mais même dans’mort, y’avait pas dit son darnier mot. Tchéquez-ça :

(Si c’est trop p’tit, cliquez avec le piton drette pis faites « Voir l’image dans un nouvel onglet »)

Méchante affaire, hein? À gauche, Henri s’fait emmener su l’mont Olympe par Jupiter pis Saturne comme un homme devenu dieu. Au milieu, deux Victoires nu boules s’arrachent les ch’feux. À drette, t’as Marie, la veuve à Henri, qui s’fait offrir la régence du royaume, vu que son gars Louis XIII est encore trop jeune pour régner. Est toute triste pis humble.

C’est la France en parsonne qui y tend l’globe du pouvoir pour qu’a l’prenne. Autour d’elle, y’a la Prudence, la Providence pis la déesse Minerve qui l’encouragent. Pis en bas, ben… c’t’une gang d’hystériques qui endurent pas l’incertitude.

Faique c’est ça! Mais avant d’partir, j’ai un darnier nanane pour vous-autres. Henri, y s’est pas limité à un seul médium pour ben paraître…

Fig. 3

Wojtek : l’histoire d’un our à’guerre

M’as vous dire de quoi : j’aime pas les ours. Ça s’lève deboutte pis ça fouille dans tes vidanges pis à cause d’eux-autres, le camping devient un aria du yâble. En plus, ça peut te manger si t’es pas chanceux. Depuis que chus haute de même, j’ai toujours trouvé que Winnie l’Ourson était un gros cave.

Mais bon. Y’a UN our que je trouve pas pire. Un, parce qu’y est mort ben avant que j’naisse, pis deux, parce que… Ben, vous allez voir. Y s’appelait Wojtek, pis c’tait un our soldat dans l’armée polonaise pendant la Deuxième Guerre mondiale.

À c’te moment-là, la Pologne était pognée en sandwich entre les Allemands pis les Soviétiques. Quand c’tait pas les uns qui y passaient d’ssus, c’tait les autres. Des centaines de milliers de civils furent déportés dans des camps, pis quasiment 22 000 officiers de l’armée polonaise furent massacrés.

En 1942, parce que les Britanniques les gossaient ben gros avec ça, les Soviétiques finirent par libérer les civils polonais. Aussi, une armée fut formée à partir de c’te monde-là, pis c’tait entendu qu’a l’allait aider les Alliés dans la campagne d’Italie.

La nouvelle armée polonaise se mit en route vers l’Italie à partir d’la Russie, en passant par la mer Caspienne pis l’Iran. C’est là, dans un bled au milieu des montagnes, que les Polonais tombèrent su Wojtek – ça se prononce Voy-tek, en passant.

Pauvre tite misére! C’tait jusse un bébé! Sa mére avait été tuée par des chasseurs, pis un p’tit gars le gardait dans une poche sur l’bord du ch’min, d’un coup que quequ’un voudrait l’avoir pis qu’y puisse se faire une couple de cennes avec ça.

Une p’tite réfugiée n’eut pitié pis chigna jusqu’à ce qu’un lieutenant finisse par y’acheter. Sauf que ben vite, ce fut clair qu’a l’avait pas ce qu’y fallait pour le nourrir. A fut donc obligée de l’donner à l’armée, pis c’est d’même que l’tit our se ramassa avec la 22e compagnie de ravitaillement d’artillerie du deuxième corps d’armée polonais.

Y devint comme un genre de mascotte, pis y fut traité aux p’tits oignons. Au début, pauvre ti, y’avait d’la misère à avaler, faique on y donna du lait condensé dans une bouteille de vodka qui sarvait de biberon. Après ça, y se mit à manger à peu près n’importe quoi : des fruits, d’la marmelade, du miel, toute c’qui avait de sucré à traîner dans’cuisine.

Pis à force de s’tenir avec des soldats, Wojtek se mit à toute faire pareil comme eux-autres. Y veillait tard avec sa gang, accroupi su ses pattes d’en arrière, quasiment comme un humain. Y’avait appris à saluer comme un militaire, pis y buvait d’la bière. Ben oui! En bon Polonais d’adoption, Wojtek adorait s’en boire une p’tite frette. Y se calait une bouteille, pis après, y’argardait l’fond par le goulot en se d’mandant où c’qu’était l’reste!

Un m’ment’né, un innocent eut l’idée d’y donner une cigarette. Pis y’eut l’air d’aimer ça, parce qu’y s’est mis à fumer régulièrement à partir de d’là. Entécas, fumer, c’est vite dit : y s’tirait une grosse poffe, pis y mangeait l’reste d’la tope encore allumée.

À part de ça, quand y voyait qu’un soldat avait frette la nuite, y’allait se coucher en cuiller avec.

Non, mais, hein! C’est-tu cute, un peu!

Pis si vous pensez qu’y devait puer, ben non! Pas pantoute : y’avait trouvé comment rentrer dans l’bloc sanitaire pis partir l’eau! Y prenait des douches tellement longues qu’y causait des pénuries d’eau dans l’camp.

Mine de rien, en pas longtemps, Wojtek devint un gros our adulte de 200 livres. Les soldats s’amusaient à lutter contre, pis quand y’arrivait une nouvelle recrue, y disaient à l’our de pogner l’gars par les bottes pis de l’virer à l’envers pour y faire peur.

Come on, les gars. C’est pas fin.

Faique Wojtek pis l’armée polonaise traversèrent l’Iran, pis l’Iraq pis la Syrie. Rendu en Palestine, notre our fit un héros de lui.

Une nuite, les soldats furent réveillés par un hurlement du yâble :

— AAAAaaeAAAAeeeeAAAAagh!!!!!
— Ben voyons, qu’est-cé ça, câlisse?
— On dirait que ça vient de l’entrepôt de munitions!
— Shit!

Les gars artroussèrent tu’suite pis se garrochèrent à l’entrepôt. Pis, c’qu’y virent-ti pas? Vojtek, qui avait pogné un voleur en flagrant délit – le pauvre gars hurlait comme un pardu, convaincu qu’y allait se faire bouffer. L’histoire le dit pas, mais y’a probablement fait un ti pepi dans ses culottes.

À partir de l’Égypte, la 22e compagnie allait s’embarquer pour l’Italie. Sauf que là, à bord du navire, c’tait interdit d’avoir des mascottes ou des animaux de compagnie :

— BEN LÀ! On peut pas le laisser icitte! Qu’est-cé qu’on va faire?
— Ben oui, Wojtek, y fait partie d’la gang!
— Y dort avec nous-autres EN CUILLER, câline!
— Ben justement, c’est un de nous-autres! C’est pas une mascotte, c’t’un militaire!

 Faique Wojtek fut officiellement enrôlé comme soldat de la 22e compagnie, avec un matricule pis toute. Le gars qui s’occupait des papiers à l’embarquement fit une cristie d’face quand y vit Wojtek, mais sinon, toute passa comme du beurre dans’poêle, pis l’our prit la mer avec ses chums.

Les Polonais débarquèrent Italie en juillet 1943. Avec les Anglais, y’aidèrent à r’pousser les Allemands au nord.

Pour Wojtek pis sa gang, c’tait pu l’temps du fun pis du colletaillage entre chums : là, c’tait la guerre pour vrai.

Les explosions pis les guns pis l’beding bedang, c’est épeurant pour un humain; on aurait pu croire que Wojtek aurait capoté, mais non! Partout où c’que la 22e compagnie allait, y suivait, souvent d’un tank, la tête sortie par le trou d’la tourelle, l’poil au vent pis les narines qui s’faisaient aller après toutes les nouvelles senteurs qu’y découvrait.

Au printemps 1944, le sud de l’Italie était arvenu aux mains des Alliés. Mais, en bonne p’tite marionnette d’Hitler, Ti-Ben Mussolini s’accrochait au pouvoir dans le nord, pis y contrôlait encore Rome. Ça pouvait pas rester d’même.

Sauf que Ti-Ben et ses Nazis avaient l’avantage du terrain : la botte de l’Italie, ça fait un front pas large pis facile à défendre, pis en plus, y’étaient protégés par les monts Apennins, qui leu faisaient une barrière naturelle ben d’adon.

Les Alliés frappaient littéralement un mur. Pis si toutes les ch’mins mènent à Rome, ben là, entécas, le seul ch’min qu’y pouvaient prendre passait par le mont Cassin, une butte avec un monastère dessus que les Allemands avaient transformée en une vraie forteresse.

Pis là, dans la s’maine du 11 mai 1944, c’tait aux Polonais, dont la 22e compagnie, d’arconquérir la butte pour les Alliés.

La bataille fut crissement raide : tandis que les Polonais essayaient de monter su l’dessus d’la butte, complètement à découvert, les Allemands les garnottaient sans arrêt au mortier, à l’artillerie pis aux armes légères.

Dans l’bordel qui s’ensuivit, Wojtek s’artrouva séparé des gars qui s’occupaient de lui d’habitude. Mais au lieu de capoter pis d’aller s’rouler en boule d’un coin – c’qui aurait été ben compréhensible – notre our rentra dans l’histoire.

Resté avec les gars qui s’occupaient de l’artillerie, y décida d’se rendre utile. Voyant que les autres charriaient à bras des obus pis des caisses de munitions, ben, y fit pareil.

— Crisse, t’as-tu vu ça?
— Quoi?
— Wojtek! Garde-lé aller!
— J’ai mon astie d’voyage!
— D’habitude, ça prend 4 gars pour charrier une caisse de même! Avec lui, ça va aller ben plus vite!

Pendant toute la bataille, se crissant du danger pis des balles qui y sifflaient l’long des oreilles, l’our arrêta jamais de travailler.

Pis le 18 mai, enfin, le drapeau polonais fut planté su’l dessus du mont Cassin. Les Alliés avaient gagné!

Les exploits de Wojtek passèrent pas inaperçus. Ben vite, tout l’monde avait entendu parler d’l’our qui avait participé à’bataille. Y fut promu au rang de caporal. En son honneur, la 22e compagnie changea son emblème officiel, qu’on voyait sur les chars, les uniformes pis su les fanions, pour l’image d’un our qui transporte un obus.

Après la guerre, les soldats polonais se ramassèrent en Angleterre; y pouvaient pas artourner chez eux tu’suite, vu que la Pologne était encore aux mains des Soviétiques. Mais bon; y furent démobilisés l’un après l’autre, tout comme Wojtek en 1947. Mais là, où c’est qu’y pouvait ben aller? Les Polonais voulaient pas qu’y aille en Pologne, parce qu’y avaient peur qu’y sarve d’outil de propagande communiste.

Après avoir passé un boutte s’une ferme en Écosse avec d’autres soldats polonais, Wojtek finit ses jours au zoo d’Édimbourg, mais pas seul et abandonné pantoute : tout l’monde voulait l’voir, plein d’organismes en firent un membre honoraire, pis y passait souvent à’TV. Des fois, ses anciens chums de la 22e v’naient y rendre visite, pis y’artroussait tu’suite quand y’entendait parler polonais. Y paraît qu’y s’gênait pas pour se téter une cigarette!

Y mourut en 1953 à l’âge de 21 ans; ça a d’l’air qu’y avait l’œsophage magané, mais mettons que c’t’un peu normal quand t’as l’habitude d’avaler des cigarettes allumées.

Aujourd’hui, y’a des statues de lui à plusieurs places, dont à Édimbourg pis à Cracovie. Y’a même un film en p’tits bonshommes qui raconte son histoire.

Pas pire, hein, pour un bébé our toute chenu orphelin dans une poche su’l bord du chemin?


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La Sainte Couronne de Hongrie : quequ’un comme toé pis moé (ou presque) – partie II

Partie I

Bon. J’vous le promets, là : à soir, vous allez savoir pourquoi la croix su’l dessus d’la Sainte Couronne est croche. Ou entécas, comment on pense qu’est v’nue croche.

Faique quand Charles-Robert mourut, son fils Louis y succéda.

Y’avait yinque un problème : Louis avait jusse des filles, pis son frére André, qui aurait pu y succéder, avait été assassiné – étranglé avec un cordon pis crissé par la fenêtre les culottes baissées avec une corde attachée autour des gosses –, supposément sur les ordres de sa femme, Jeanne de Naples.

Bref, ça r’gardait mal pour la succession.

Parce que comme on l’a vu tantôt, en Hongrie, les rois étaient comme semi-élus par les grands seigneurs du royaume, pis eux-autres, y juraient yinque par le zouiz.

Louis fit promettre aux seigneurs d’accepter sa fille Marie comme reine. Mais, ben crère : y’était à peine frette dans sa tombe, pis Marie v’nait à peine de se mettre la Sainte Couronne su’a tête, que déjà, ça se mit à brasser d’la marde pour mettre un homme à sa place.

À ce moment-là, Marie avait yinque 11 ans, pis c’est sa mére qui se battit comme une démone pour défendre son droit. Dans les années de bordel total qui suivirent, les deux se firent pogner par leux ennemis, pis la reine-mére fut étranglée drette en avant de sa fille. Finalement, les nobles battes furent satisfaits quand Marie se maria avec Sigismond de Luxembourg, empereur du Saint-Empire, pis qu’y fut couronné officiellement comme co-souverain.

Malheureusement, queques annéesaprès, Marie, enceinte, eut une bulle au cerveau pis partit tu’seule pour aller chasser. Dans l’fond du bois, son ch’fal s’enfargea, Marie prit l’bord, son ch’fal y tomba d’ssus pis a mourut.

Faique Sigismond, qui arsemble à mon mononcle Jocelyn avec un glorieux casse de poil, resta comme seul roi de Hongrie.

Impossible que ce gars-là ait pas de skidoo ni de terre à bois.

Y s’armaria avec une madame appelée Barbe, pis y’eut yinque une fille, Élizabeth. Toute allait arcommencer.

Sauf qu’Élizabeth réussit à éviter l’pire en se mariant avec Albert du Saint-Empire, alias Tête-de-Gland, pis en le faisant aussi couronner comme co-souverain.

Tête-de-Gland.

Mais là, en 1439, Tête-de-Gland trépassa, laissant dans le deuil sa femme pis deux filles. Pas encore!

Mais pas si vite : Élizabeth était enceinte. D’un coup ça soye un gars?

Comme d’habitude, y’eut une élection. Dans c’temps-là, les Turcs commençaient à faire du trouble aux frontières, faique l’assemblée des nobles battes décida que ça prenait un homme viril qui s’mettrait la flamberge au vent pis qui s’érigerait en défenseur du royaume. Vous voyez ce que je veux dire.

Faique, y’élirent Vladislas III, roi de Pologne – un flo de 16 ans, c’est-tu assez insultant! – comme roi de Hongrie.

Élizabeth fit mine d’être d’adon, mais pas longtemps après, a partit en douce de la capitale avec sa bedaine pis ses partisans. Pis la veille, a l’alla voir Hélène Kottaner, une de ses dames de compagnie :

« Chus sûre que j’vas avoir un gars, pis j’veux l’faire couronner avant que l’autre Polonais s’pointe la face icitte. Tu volerais-tu la Sainte Couronne pour moé? T’es la seule à qui ch’peux faire confiance! »

Heille, c’tait une méchante faveur, ça! C’tait pas comme prêter une perceuse ou aller charcher les p’tits à’garderie : si Hélène se faisait pogner, sa tête risquait de rouler dans’garnotte sur un moyen temps, pis ses flos s’artrouveraient orphelins.

Mais à c’qu’on dit, le vrai courage, c’est de faire c’qui faut même si on shake dans ses pichous. Pis c’est c’qu’Hélène fit. A s’en alla au château de Visegrád, y’où ce qu’y gardaient la Sainte Couronne, sous prétexte qu’a l’allait arjoindre les autres dames de compagnie d’Élizabeth.

Quand tout l’monde fut ben canté, Hélène se l’va pis, avec deux gars qui s’taient offerts pour l’aider, rentra dans l’corridor qui m’nait à’salle des joyaux d’la couronne. Pis là, dans un suspense digne des meilleures vues d’bandits, Hélène guetta l’boutte du passage pendant que ses deux complices limaient les serrures des autres portes.

Par deux fois, Hélène eut l’impression que ça menait du train l’autre bord du mur, comme si une gang de gars armés s’en venaient les pogner. Finalement, parsonne se montra la face, pis Hélène était tellement contente qu’a promit au Seigneur de faire un pèlerinage nu-pieds au sanctuaire d’la Sainte Vierge.

Les gars finirent par arsortir avec la Sainte Couronne. Y remplacèrent les serrures qu’y avaient limées pis arbarrèrent toute comme avant. Hélène cacha la couronne dans un coussin, au travers d’la bourrure.

Le lendemain matin, sûrement ben maganée de sa nuite, Hélène embarqua dans son traîneau (c’tait l’hiver) avec le coussin pis partit trouver sa maîtresse avec les autres dames de compagnie. Su’l gros nerf, a l’arrêtait pas d’argarder en arrière pour voir si a l’était suivie.

Y’eut ben un ti moment de terreur quand un des traîneaux rempli de madames passa au travers des glaces du fleuve Danube, mais heureusement, parsonne tomba à l’eau. Autrement, Hélène réussit à s’rendre sans problème jusqu’à Élizabeth pour y donner la Sainte Couronnne queques heures à peine avant qu’a l’accouche d’un p’tit gars.

C’tu là que la croix aurait été crochie? Y’en a qui pensent que oui. Mais Hélène, ça m’a l’air de quequ’un d’fiable, pis a dit dans ses mémoires qu’elle a fait hyper attention de pas s’asseoir su’l mauvais coussin pis d’effoirer la couronne avec son popotin.

Y’a une autre affaire, aussi : là, on est au 15e siècle, pis la croix commence à être croche su les dessins à partir du 17e. Y’a une autre théorie – on en reparle dans deux siècles.

Entécas, Élizabeth fit couronner son fils, qu’a l’avait appelé Ladislas. La Sainte Couronne était tellement grosse que le p’tit aurait pu s’assire dedans, faique pendant la cérémonie, un cousin à Élizabeth fut obligé de la tenir au-dessus du p’tit qui braillait toutes les larmes de son ti corps. Y dut trouver l’temps long en maudit.

Quand Vlad III de Pologne se pointa en Hongrie, y se fit couronner lui avec, mais avec une couronne pognée dans la tombe de saint Étienne.

Élizabeth était ben décidée à tasser Vlad pour mettre son p’tit Ladislas su’l trône, mais a mourut deux ans après, probablement assassinée. Faique Ladislas alla rester chez Frédérick III, empereur du Saint-Empire, un cousin à son pére.

Deux ans plus tard, arbondissement : Vlad III de Pologne mourut décapité par les Turcs à la bataille de Varna, pis son corps fut jamais artrouvé. Les Turcs, ben contents d’leu coup, immortalisèrent l’étêtage dans c’te peinture-là :

Faique le temps qu’y soye déclaré mort pis que les seigneurs finissent de se chicaner, c’est yinque en 1452 que Ladislas put s’assire sur le trône qui y’arvenait de droit.

Rendu là, y’avait l’air d’une annonce de Pantene avec un pinch mou :

Pis ça a l’air qu’y trippait ben gros sur Harmonium.

Malheureusement, après toute c’te trouble-là, prince Boucle-d’or mourut à 17 ans – y’en a qui disent de la peste, d’autres de la leucémie.

Faique après une autre guerre civile – parce que ça en prenait absolument une – c’est Matthias Corvinus, un jeune noble hongrois, qui fut élu roi.

À c’te moment-là, c’tait encore Frédérick III, le tuteur à Ladislas, qui avait la Sainte Couronne. Faique en échange, y d’manda 80 000 florins d’or, ou 14,5 M$ d’à c’t’heure. Se sachant tenu par les gosses, Matthias accepta de payer, pis la Sainte Couronne artourna enfin chez elle en 1464, après 24 ans au yâble au vert.

Là, on saute jusqu’au 16e siècle. Les Turcs se faisaient de plus en plus dangereux, pis c’est un homme, Louis II, qui était roi. Mais son hommitude y sarvit pas à grand-chose à la bataille de Mohács : toute son armée fut effoirée en deux heures, pis lui, y se sauva la queue entre les jambes. En essayant de monter une côte trop à pic su son ch’fal, y tomba su’l dos dans un ruisseau pis mourut nèyé parce que son armure était tellement pesante qu’y a pu été capable de s’arlever.

Ça, c’est quand y’a été artrouvé :

À partir de là, les Turcs se mirent à gruger de plus en plus le territoire hongrois. D’leu bord, les nobles battes élirent DEUX rois différents en dedans d’un an, pis les deux furent couronnés avec la Sainte Couronne. C’tait une période mêlante.

Entécas, au 17e siècle, même si les Turcs occupaient la capitale, c’tait Ferdinand III de Habsbourg qui régnait su la Hongrie, quand y’avait le temps au travers de ses 15 000 autres jobs, comme roi d’Allemagne, archiduc d’Autriche, empereur du Saint-Empire, roi de Bohême – la liste est tellement longue que même Wikipédia s’écœure avant la fin pis écrit « etc. etc. »

Sa première femme était sa cousine, Marie-Anne d’Espagne.

(Marier sa cousine : mal vu quand t’es un Tremblay du Lac-Saint-Jean, pis parfaitement correct quand t’es un roi avec plus de titres qu’un catalogue de maison d’édition.)

Entécas, quand Marie-Anne se maria avec Ferdinand, y fallut qu’a fasse la run de lait, c’est-à-dire être couronnée reine de toutes les affaires que son mari était roi de. Faique on la comprend d’avoir l’air légèrement à boutte :

Le 14 février 1638, c’tait le jour de son couronnement comme reine de Hongrie. Les reines étaient couronnées avec la première couronne du bord, mais ça prenait la Sainte Couronne quand même : la coutume, c’tait de donner une tite bine su l’épaule d’la reine, comme pour dire, heille, toé’ssi t’as d’affaire dans l’régnage!

Dans ces temps-là, la Sainte Couronne était gardée à Vienne, la ville principale des Habsbourg, pis le couronnement avait lieu à Bratislava, vu que la capitale hongroise était occupée.

Faique toute était prêt : l’archevêque était là, la reine était là, la noblesse était là, les enfants d’chœur chantaient pis toute le kit. Y manquait yinque une affaire : la Sainte Couronne.

M’aginez-vous que le noble viennois qui s’en occupait avait apporté l’coffre avec la couronne dedans, mais qu’y’avait pas apporté la bonne clé! Le palatin (j’vous rappelle, ça c’est le plus haut fonctionnaire du royaume) était en tabarnak :

— Maudit gnochon, c’pas vrai, là?
— Ben, j’m’excuse! Y’a tellement de clés après c’te trousseau-là, ch’tais sûr que j’avais la bonne!
— Astie, qu’est-cé qu’on fait? On est pas pour dire à tout l’monde d’arvenir demain!

Faique y’appelèrent un serrurier.

— Heh boy! Y’a combien de straps en fer après c’te coffre-là?
— Quatorze.
— Simonac! C’est ben d’valeur, Vos Altitudes, mais si ça presse tant qu’ça, moé là, j’ai pas l’temps d’mettre des gants blancs. Va falloir que ch’fesse.
— N’importe quoi, tant que tu nous sors la couronne de d’là au plus crisse.
— Bon ben, advienne que pourra, d’abord!
*PONG*
*PING*
*PING*
Mon torrieux, veux-tu ben ouvrir!
*PROK*
*KROK*
Heille, mon astie d’enfant d’ch…
*SPLONK*
Bon!

Le serrurier ardonna l’coffre au palatin. En dedans, y’avait un autre coffre plus p’tit en cuivre, pis y’était bossé comme une aile de char après un accrochage. Ça r’gardait mal, mais le fonctionnaire se laissa pas décourager :

« Donnez-moé un couteau, m’as la sortir par en d’sour. »

Y découpa l’fond d’la boîte en cuivre, pis ploc, la Sainte Couronne y tomba dins mains, fort probablement avec son air d’à c’t’heure, avec la croix cantée pis les deux arches tout teur. 

Après… y’essayèrent-tu d’la réparer? Mystère. C’qu’on sait, c’est que la Sainte Couronne resta sortie pas mal plus longtemps que d’habitude avant d’artourner à Vienne, au moins parce qu’y fallut y’argosser un autre coffre. C’qui est sûr, c’est qu’après, tout l’monde fit comme si la croix avait toujours été d’même.

Dins siècles qui suivirent, la Sainte Couronne resta tout l’temps dans la famille des Habsbourg, en passant entre autres par – Jésus Marie Joseph! – une créâture, l’impératrice Marie-Thérèse. Les nobles battes durent s’étouffer su leu chique.

Son successeur, Joseph II, voulut rien savoir de se faire couronner, faique les Hongrois le surnommèrent « le roi au chapeau » pis, essentiellement, se torchèrent avec ses édits pis ses décrets. Quand même, c’est à la fin de son règne, en 1790, que la Sainte Couronne arvint enfin en terre hongroise. Les Hongrois étaient tellement contents qu’y firent le party dins rues, accrochèrent des guirlandes partout pis composèrent des tounes en son honneur.

La couronne était quand même pas au boutte de ses aventures.

En 1848, y’eut la Révolution hongroise.

L’empereur Ferdinand 1eravait adopté des lois pour transformer la Hongrie en monarchie constitutionnelle, avec un parlement pis toute; mais son successeur, François Joseph (le beau Franz à Sissi avec le cou raide, dans les films) avait décidé de mettre la hache là-dedans sans raison.

En crisse, les Hongrois se révoltèrent. Y’eut une guerre. Les Hongrois pardirent.

Pour échapper à l’empereur, le premier ministre se poussa en Turquie, non sans faire une dernière vacherie : y pogna la Sainte Couronne pis le reste des cossins sacrés du couronnement pis enterra toute ça dans une swompe à la frontière. Les autorités impériales durent charcher dans’bouette pendant quatre ans avant des artrouver.

Charles, le successeur à François Joseph, fut le darnier à porter la Sainte Couronne. C’tait comme écrit dans l’ciel — argardez comme y’avait l’air tata avec sa couronne trop grande :

Charles à son couronnement avec sa femme, Zita de Bourbon-Parme, pis son garçon, Otto.

Après la Première Guerre mondiale, la monarchie fut abolie. Pis à mesure qu’on s’approchait du monde d’à c’t’heure, la Sainte Couronne devint plusse un symbole qu’autre chose, mais quand même un symbole national super important pour les Hongrois.

La Sainte Couronne s’épivarda une darnière fois pendant la Deuxième Guerre mondiale, pis c’te fois-là, a l’alla pas mal loin.

Le gars qui dirigeait la Hongrie, l’amiral Miklós Horthy, avait tellement la chienne du communisme qu’y préféra s’allier avec Hitler plutôt que de risquer une invasion par les Russes.

Mais quand l’Armée rouge commença à avancer sans que parsonne puisse l’arrêter, Horthy enterra la Sainte Couronne et ses cossins queque’part en Allemagne.

C’est les Américains qui la ramassèrent, pis a passa un bon boutte d’la guerre froide dans un coffre-fort à Fort Knox , aux États-Unis.

Finalement, en 1978, le secrétaire d’État des États-Unis ardonna la Sainte Couronne à la Hongrie, pis a bougea pu jamais du Parlement hongrois après ça.

Faique c’est ça! Un casse en or qui a eu une vie plus excitante et arbondissante que la majorité de nous-autres.

Quand l’astie d’pandémie va être finie, on s’organise-tu un voyage en gang pour aller la voir… en parsonne?


Source : László Péter, « The Holy Crown of Hungary, Visible and Invisible », The Slavonic and East European Review, 2003.
Hélène Kottaner, Les mémoires d’Hélène Kottaner, 1440.
Géza Pálffy, A Szent Korona és a koronaláda balesete 1638-ban, 2007.

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La Sainte Couronne de Hongrie : quequ’un comme toé pis moé (ou presque) — partie I

Mettons moé, là, j’rentre dans’tour de Londres, j’me faufile dans’salle des joyaux d’la couronne, j’pète une vitre, ch’pogne la grosse maudite couronne à Grand-M’man Lilibeth pis j’me la crisse su’a tête, j’deviens-tu automatiquement reine d’Angleterre?

Non. Ishh non.

M’as plutôt me faire ramasser, la face à terre pis le ti-bras dans l’dos, pis sacrer cul par-dessus tête aux oubliettes.

Mais, on jase, là : mettons, dans l’temps où la Hongrie était encore une monarchie, que j’avais mis la main su la couronne royale pis mettons que j’me l’étais mis su’l chef?

J’me serais probablement faite ramasser quand même, mais théoriquement, oui, j’aurais été reine!

Parce que les Hongrois, eux-autres, y font rien comme tout l’monde. Leur langue a rapport avec aucune langue des autres pays autour, y trippent sur le paprika comme parsonne, pis leu couronne royale – la Sainte Couronne ou Couronne de saint Étienne – c’est quequ’un.

Vous avez ben compris.

La Sainte Couronne, c’t’une parsonne au sens d’la loi. C’est elle le vrai souverain de la Hongrie, pis quiconque la porte devient roi ou reine.

Ça a l’air bizarre de même, mais j’vas toute vous expliquer ça. Avant d’continuer, par’zempe, ch’pourrais ben vous la montrer, hein, la fameuse couronne?

Quins, c’est elle.

Est cute, hein, avec ses pendrioches pis sa tite croix croche?

Elle est pleine de belles grosses garnottes précieuses. Ses faces de saints apôtres en émail y donnent un p’tit charme grec, pis y’a assez d’or là-dedans pour t’acheter un chalet pis une terre à bois; mais, vous trouvez pas qu’elle a un p’tit quequ’chose de… gossé su’l fly?

De quoi qu’a l’a d’l’air pis pourquoi, on va en r’jaser tantôt.

Mais pour commencer, m’as vous expliquer pourquoi la couronne, c’est « quequ’un ».

Dans toutes les monarchies, le principe, c’est que toute l’autorité part du Bon’Yeu.

Normalement, comment ça marche, c’est que Dieu tire son laser d’autorité divine drette su le roi ou la reine, pis c’est lui ou elle, en tant que parsonne faite en viande, qui fait le relais entre le Seigneur pis les sujets du royaume. Le couronnement, c’est yinque une signature de contrat : pas besoin d’une couronne en particulier pour que ça marche – les rois de France, eux autres, y se faisaient tout l’temps faire des nouvelles couronnes quand y s’tannaient des vieilles.

Mais en Hongrie, c’tait pas d’même que ça marchait pantoute. Pour devenir roi, ça te PRENAIT la Sainte Couronne. Cette couronne-LÀ. Parce que le laser de pouvoir divin, au lieu de passer par la viande du souverain, y passait par la couronne. C’tait la couronne elle-même qui avait l’autorité pour régner, qui avait toute les pouvoirs, qui était propriétaire des terres du royaume, pis qui faisait le lien entre les cieux des anges pis l’plancher des vaches.

Pis le roi ou la reine, essentiellement, c’tait yinque un rack qui la porte pis qui parle en son nom.

Vous m’creyez pas? Tchéquez ça : en 1480, le palatin de Hongrie (ça c’est genre, le plus haut fonctionnaire du royaume) a dit :

Si le gars qui a comme job de protéger la couronne le dit, c’est que ça doit être vrai.

À c’t’heure, vous d’vez ben vous d’mander : « C’est ben beau, mais pourquoi c’est d’même? Pis POURQUOI la tite croix su’l dessus d’la couronne est croche pis que personne l’a arrangée? Ça me GOSSE! »

Les nerfs, gang. Les réponses s’en viennent. Mais pour ça, va falloir artourner 1 000 ans en arrière. Pis vous allez voir, avec une histoire de même, c’est surprenant que la Sainte Couronne soit pas plus teur que ça.

Faique! Si on s’fie à la version officielle, la Sainte Couronne aurait été donnée par le pape au premier « vrai » roi de Hongrie, Étienne 1er (István en Hongrois), au début de l’an 1000.

C’tait dans une période où les différentes gangs de «païens» se mettaient à s’unifier, en général sous la gouverne d’un gars un peu plus brillant pis un peu plus visionnaire que les autres (par exemple, Clovis pour la France, au 5e siècle), pour ensuite former des royaumes chrétiens.

Parce qu’on était aussi à une époque où les seigneurs païens se convertissaient, soit parce que leu femme arrêtait pas de les gosser avec ça (encore comme Clovis, qui se faisait rabattre les oreilles avec Jésus par sa femme Clotilde) ou bedon parce qu’y trouvaient qu’y l’avaient-tu l’affaire, les rois chrétiens, avec leu couronne pis leu sceptre en or pis leu pape pis leu couronnement pis leu belle cape en velours :

« Heille! J’veux ça, moé’ssi! »

Entécas bref, après avoir effoiré les chefs de clans rivaux, Étienne, grand prince des Hongrois, aurait demandé au pape d’y donner sa bénédiction comme souverain pis d’y envoyer une couronne pour rendre ça officiel. Y voulait que ça soit comme un symbole du fait qu’y avait des comptes à rendre juste à Dieu, pis pas à l’Empire byzantin ni à l’Empire romain germanique, les deux mégapuissances du temps.

Après ça, pour en rajouter une couche, y’aurait consacré son royaume à la Vierge, pis la Sainte Couronne s’rait devenue le symbole de ça.

Étienne est mort en 1038 pis y’a été canonisé en 1078, faique c’est pour ça que la Sainte Couronne s’appelle aussi couronne de saint Étienne.

C’est ben beau comme histoire, mais la plupart du monde s’entend pour dire que c’te couronne-là a jamais touché à un ch’feu à Étienne – a daterait d’un ti-peu plus tard, du règne du roi Géza 1er, une quarantaine d’années après.

Pis à part de t’ça, ça s’rait une couronne de femme! Argardez icitte. Ça, c’est un portrait de l’impératrice byzantine Irène, qui s’adonnait justement à être une princesse hongroise :

Vous trouvez pas que sa couronne arsemble au bas d’la Sainte Couronne, mais avec un étage de plus?

Justement. Pourquoi le pape aurait envoyé une couronne de femme à Étienne 1er?

En fait, la partie du bas d’la de la Sainte Couronne s’appelle la « couronne grecque », pis on pense que ça aurait été un cadeau de l’empereur byzantin Michel VII Doukas au roi Géza, un p’tit extra qui v’nait avec la femme byzantine qu’y lui donnait en mariage.

D’ailleurs, on voit la face de l’empereur sur un des portraits en émail d’la couronne :

Faique déjà, on voit que c’t’un peu l’bordel dans l’histoire d’la Sainte Couronne. Ch’parle yinque au conditionnel, parce c’est toute c’qu’on a, des hypothèses, pis rien d’sûr parce que les chercheurs ont même pas l’droit d’examiner la couronne de proche : vu qu’a l’est considérée comme une parsonne, ça s’rait comme taponner la reine d’Angleterre.

Su l’boutte du haut, la « couronne latine », on en sait encore moins. C’est la partie qui a vraiment l’air gossée su’l fly.

Tsé, tchéquez l’dessus. Jésus a la croix plantée drette au milieu du bide. Ça peut pas avoir été pensé d’même exprès.

Les bandes en or sont censées représenter les 12 apôtres, mais y’en manque 4. Sont où?

Y’a une théorie qui dit que la couronne qu’on connaît à c’t’heure, c’tait pas la couronne originale; a l’aurait été assemblée vers 1270, dans l’boutte d’la mort du roi Béla IV.

Y’avait d’la chicane dans’famille, pis la princesse Anna, la fille à Béla, se s’rait sauvée à Prague avec l’ancienne couronne pour faire chier Étienne V, son frére pis l’héritier du trône. Étienne était un peu dans’marde : ça y prenait une couronne, faique y décida de s’en gosser une.

Là, vous vous dites, « ouais mais ça marche pas, Matante Poêle, t’avais dit que fallait absolument avoir la couronne pour être un vrai roi ». Mais en 1270, c’tait pas encore tout à faite commencé, c’t’affaire-là. Par exemple, en 1078, le roi Ladislas Ier avait refusé de s’mettre une couronne su’a tête, parce qu’y « préférait une couronne divine plutôt qu’une couronne terrestre de roi mortel ». Tu parles d’un péteux.

Pis quand même, quand la princesse Anna a volé la couronne, c’tait pas la première fois que ça arrivait. En 1162, Ladislas II avait usurpé le trône se son n’veu de 15 ans pis était parti avec la couronne comme un méchant dins bonshommes à’tévé.

Faique entécas, là Étienne V avait besoin d’une nouvelle couronne au plus crisse :

— Shitshitshitshit qu’est-cé qu’on fait? J’ai l’air d’un beau cave, moé-là!
— Calmez-vous, Votre Hautitude. On va aller voir c’que vous avez dans la trésorerie, pis on va vous patenter d’quoi. Quins, c’te couronne-là, est-tu pas pire?
— Mais c’t’une couronne de femme!
— Parsonne va allumer, Votre Énormité. Faut juste y rajouter d’quoi, quins… Ça, avec les apôtres? Y’a des faces dessus aussi, ça va fitter avec l’autre boutte.

Le « ça », c’tait un astérisque liturgique, une affaire qui sarvait à couvrir le pain consacré dans l’Église orthodoxe. Genre de même :

Astérisque, de « aster » — étoile en grec. Pis comme la patente en forme d’étoile dans les textes*. On va s’coucher moins niaiseux à soir!

— Mais c’est ben que trop grand pour une tête, voyons don.
— On va yinque couper les quatre apôtres du bas, Votre Proéminence.
— Mais…
*SCRITCH SCRITCH*
— Quins, vous voyez? Pas pire, hein? Y manque juste une tite croix su’l dessus, pis ça va être tiguidou.
— Heille, c’tu fais-là! Attention au Chriiiiiiiii—
*KROK*
— Tadam! La v’là, vot’couronne!
— Euh…

Faique ça s’rait comme ça que s’rait née la Sainte Couronne. Mais j’vous rappelle, c’est yinque une hypothèse, pis parsonne le sait vraiment.

Ça s’rait pas mal à partir de là que la Sainte Couronne est devenue obligatoire pour régner.

En 1301, roi André III mourut sans successeur doué de zouiz. Y’avait juste une fille, Élizabeth.

Ailleurs, genre, en Angleterre, la couronne allait obligatoirement du souverain à son plus proche parent, quitte à mettre un ti-coune faible, ou, cachez ce sein que je ne saurais voir, une FEMME sur le trône. Mais, en Hongrie, c’tait pas mal les grands seigneurs qui décidaient qui allait monter sur le trône. C’tait le fils du roi précédent qui avait la priorité; une fille avait pratiquement aucune chance de régner. Mais si le successeur héréditaire s’montrait mou ou faisait pas l’affaire des grands seigneurs, y pouvait se faire tasser par un frère, un n’veu, un oncle, le mari de sa sœur, alouette.

À la mort d’André III, chaque p’tit groupe de seigneurs se choisit un prétendant au trône. Y’eut donc une lutte à trois entre Venceslas, prince héritier de Bohême pis fiancé d’la princesse Élizabeth, Othon III de Bavière pis Charles-Robert d’Anjou-Sicile, qui étaient respectivement fils et p’tit-fils de princesses hongroises.

Dans le bordel de la guerre civile, le prince Venceslas se poussa avec la Sainte Couronne. Finalement, quand y devint roi de Bohême à’mort de son père, y se dit qu’y n’avait ben assez d’un royaume pis renonça au trône de Hongrie. Y donna la couronne à Othon, qui se fit couronner; mais pas longtemps après, Othon fut capturé par Ladislas Kán, seigneur de Transylvanie.

Faique quand Charles-Robert finit par gagner le trône pour de bon, y s’fit couronner, mais avec une autre couronne, parce que la Sainte Couronne était entre les mains de Ladislas Kán. Ça passa pas. Le pape, qui était de son bord, y’envoya une couronne qu’y avait bénite lui-même à’mitaine, se disant que ça f’rait la job, mais les Hongrois arfusèrent d’arconnaître Charles-Robert comme roi tant qu’y était pas couronné avec la vraie affaire.

Tanné de toute c’te tétage-là, le pape envoya son légat, Gentil de Montefiore, essayer de convaincre Ladislas Kan d’y ardonner la Sainte Couronne.

Y’essaya d’abord d’être gentil (badoum tish), mais c’est yinque quand y menaça Ladislas de l’excommunier que la Sainte Couronne s’artrouva enfin su’a tête à Charles-Robert.

Avec ça, la nouvelle dynastie des Anjou était ben installée su’l trône après 8 ans de chicane sanglante. Charles-Robert eut un beau règne pis une descendance nombreuse. Tchéquez ça : elle, c’est sa femme Élizabeth de Pologne pis ses trois gars pis deux filles.

Pis son fils Louis était pour devenir un des plus grands rois de Hongrie. Faique pour un boutte, la Sainte Couronne pouvait être sûre de pas être volée, cachée, gossée, taponnée, transformée, maganée ou prise en otage.

Sauf que là, on a juste couvert 300 ans d’histoire, y’en reste 700, pis y commence à être tard.

Allez-vous être capables d’attendre une semaine pour savoir comment ça se fait que la tite croix su’l dessus d’la Sainte Couronne est croche?

Partie II


Source : László Péter, « The Holy Crown of Hungary, Visible and Invisible », The Slavonic and East European Review, 2003.

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Yasuké, le samouraï africain — partie III

Partie I
Partie II

Y’avait pas de cérémonie, pas de papiers à signer, rien : Nobunaga avait dit que Yasuké était un samouraï, faique y’était un samouraï – un vrai de vrai membre d’la société japonaise.

Tsé, pour nous-autres, c’t’évident : on a un système d’immigration pis toute, pis si quequ’un veut v’nir chez nous pis devenir Canadien, ben y’est supposé pouvoir. Mais dans c’temps-là, « devenir » Japonais, c’tait quequ’chose qui se faisait juste pas.

Mais, pour Nobunaga, faire de Yasuké un samouraï, c’tait une façon de dire :

« Tchéquez ça : c’est moé le boss à c’t’heure. M’as créer un nouveau Japon comme ça me tente, à mon image. »

Pis si y’en avait des frustrés pis des insultés de d’ça, ben y d’vaient avaler leur étron pis se la farmer : PARSONNE contredisait Nobunaga.

Entécas, à partir de là, Yasuké allait suivre son seigneur dans toutes ses guerres :

— Argarde su’a carte, dit Nobunaga. Là, en ce moment, j’ai l’général Toyotomi qui est après assiéger une ville du clan Mori – Tottori, qu’a s’appelle. Mais là, v’là pas longtemps, l’seigneur Mori a envoyé des renforts, faique j’ai dit à Mitsuhidé Akéchi d’aller trouver Toyotomi. Là, j’attends d’voir si y vont être corrects ou bedon si va falloir que j’y aille moé-même…
— VOTRE ALTESSE! VOTRE ALTESSE!

Un serviteur arriva dans’salle toute énarvé.

— Qu’est-cé qu’y a?
— Y’a deux gars à la porte, y viennent de la province d’Iga! En échange d’un astie d’gros motton d’cash, y disent qu’y vont trahir leu gang pis vous montrer un chemin secret pour rentrer dans’place!

Ça faisant un boutte qu’Iga était comme un bloc Lego dans le bas à Nobunaga. C’tait une tite province de rien, sans grosse force militaire, mais fallait pas prendre ce monde-là à’légère : gars ou filles, des enfants aux p’tits vieux, y’étaient quasiment toutes des ninjas.

Wô oui, des ninjas! Comme dins vues! Des guerriers super entraînés qui sortaient de nulle part tuer leu cible, peu importe le moyen. Pour vous donner une idée, on dit que le seigneur Kenshin Uésugi a été assassiné par un ninja qui avait attendu toute la nuite dans l’trou d’la bécosse, dans’marde jusqu’au cou, pour le poignarder en plein dépôt.

Yasuké avait déjà entendu parler en masse des ninjas. Ben avant d’connaître Nobunaga, y’avait su par la bande que Nobukatsu, un de ses fils, avait essayé d’envahir Iga. Normalement, y’aurait dû d’mander la parmission à son pére, mais y s’était dit :

« Heille, c’est toute une gang de culs-terreux cachés dans l’bois! Ça va être une tite victoire facile, pis p’pa va m’aimer pis m’trouver bon! »

Sauf qu’en rentrant dans Iga, l’innocent pis ses milliers d’hommes s’taient faite crisser une volée par une gang de paysans qui étaient sortis de terre comme des siffleux, descendus des arbres comme des araignées pis arrivés du ciel comme des chauve-souris. Y’eut un tapon de morts, pis Nobunaga était tellement en tabarnak qu’y était passé proche de déshériter son gars.

Mais là, c’tait l’occasion que l’seigneur attendait :

« M’as leu river l’clou pour de bon, c’tes asties d’crottés-là. »

Faique à son tour, y’envoya une force d’invasion.

Yasuké avait ben hâte d’aller su l’champ d’bataille, mais Nobunaga l’gardait avec lui, pis y’attendait encore des nouvelles du général Toyotomi pour savoir si y’allait l’arjoindre ou bedon si y’allait à Iga.

Finalement, un matin d’novembre, les nouvelles rentrèrent : la ville de Tottori s’tait rendue parce que ses habitants étaient toutes à’veille de crever d’faim. Pis avec ça, c’tait décidé : c’tait à Iga qu’Nobunaga allait aller, pis Yasuké avec lui.

Sauf que quand y’arrivèrent enfin à Iga, l’armée du clan Oda avait déjà gagné, pis y restait yinque d’la tite fumée pis des cadavres que la neige était après arcouvrir tranquillement. Yasuké put pas s’empêcher d’être un peu débiné :

« Crime, moi qui pensait avoir la chance de leu montrer que ch’pas yinque un beau ténébreux! »

Mais, Nobunaga, lui, y trippait en se promenant au travers des ruines :

« Bahaha, ça devait être la guerre, pis finalement, ça va être la tournée des vainqueurs! »

Pis là – KAPOW!!!!

Juste en avant de Yasuké, y venait d’avoir une tabarnak d’explosion. L’Africain avait les oreilles qui silaient à cause du bruit pis les yeux qui piquaient à cause d’la fumée; les chevaux étaient partis en peur pis y’avait des bouttes de soldats explosés partout à terre. Pis là, en plus, les morts étaient après se l’ver.

« Crisse, c’est-tu des sorciers? »

C’que tout l’monde avait pris pour des cadavres étaient en faite des ninjas ben vivants qui venaient de toutes les pogner les culottes à terre. Profitant du bordel total, y se faufilèrent au travers des soldats avec yinque une idée : assassiner Nobunaga.

Yasuké dégaina son sabre pis partit après eux-autres tandis que la voix de Nobunaga s’élevait comme une corne de brume au travers du smog de bombe :

« TUEZ-LES TOUTES! »

L’Africain essaya de pogner un premier ninja, mais y fit un genre de steppette de ballerine, évita le coup d’sabre pis disparut; y se rabattit sur un autre gars qui, lui, eut pas l’temps de se tasser pis mangea la lame en pleine tête.

Enfin, y’aparçut Nobunaga : y’était après se battre au corps contre les ninjas, coude à coude avec son fils Nobukatsu.

Yasuké courut les arjoindre pis se pogna contre un autre ninja, qui était à peine plus qu’un flo. Le pauvre ti gars eut beau faire des feintes pis des sparages, l’Africain était juste trop grand pis trop fort pour lui; on aurait dit une éolienne contre un vire-vent. Avant longtemps, la tête du p’tit roula dans’neige.

Pis là, aussi rapidement qu’y avaient artroussé, les ninjas étaient toutes artournés au royaume des morts.

« HOOOOOOOOOO! » cria Nobunaga, le sabre dins airs en signe de victoire.

« HOOOOOOOOOO! » répétèrent Yasuké pis toutes les autres guerriers.

Le p’tit nouveau du clan Oda avait survécu à son baptême du sang en sol japonais.

Sauf qu’y eut ni ballounes ni buffet froid pour souligner l’occasion : y’avait d’autre provinces à conquérir, pis fallait vite passer à autre chose.


Un an plus tard, ben… Comme de faite, ça faisait plus qu’un an que Yasuké était au service de Nobunaga, pis ça allait pas pire pantoute. Y’était de plus en plus à l’aise dans sa nouvelle gang, y’avait beaucoup amélioré son japonais, pis ça mémérait même au travers des samouraïs que l’seigneur y donnerait p’t-être un château, ou au moins y’organiserait un mariage avec la fille d’un de ses généraux.

Pendant c’temps-là, Nobunaga avait continué d’faire le ménage dans ses ennemis. Entre autres, y’avait enfin réussi à régler son cas aux Takéda. C’tait un gros morceau, ça : y’avaient été des alliés du clan Oda avant d’arvirer leu froque de bord pis de devenir un de ses ennemis les plus dangereux.

Après ça, ça allait être au tour des clans Mori pis Chôsôkabé; l’année prochaine, y lui resterait yinque à aller conquérir les pardus dans l’nord pis l’autre gang dans l’sud, sur l’île de Kyushu, pis toute le Japon allait être à lui. Rendu là, qu’est-ce qui l’empêcherait d’aller, genre, en Corée ou en Chine? Y pouvait ben s’parmettre de rêver.

D’ailleurs, là, Nobunaga v’nait de trouver son occasion d’mettre le darnier clou dans l’cercueil du clan Mori :

« Bon, faique le général Toyotomi a faite dévier une rivière pour transformer leu château en île, pas pire, hein? Là, y’est après les bombarder avec ses bateaux, sauf que l’seigneur Mori a réussi à rassembler des troupes ailleurs pour le pogner de dos, pis y s’en vient lever l’siège. Toyotomi va avoir besoin de renforts, pis ça va être en plein l’bon temps pour effoirer les Mori pour de bon. »

En argardant son général Mitsuhidé Akéchi, Nobunaga ajouta :

« Pis toé, clanche chez vous préparer tes troupes pis pars en avant; m’as faire un croche par Kyoto, pis m’as v’nir t’arjoindre dans pas long. »

C’t’après-midi-là, Yasuké paqueta ses affaires, dit au-revoir à ses serviteurs pis prit la route de Kyoto avec Nobunaga pis les autres gars de sa garde rapprochée. Y’allaient passer la nuite au temple Honnô-Ji, la résidence des Oda à Kyoto pis la place où toute avait commencé pour l’Africain.

Rendu au soir, Yasuké prit un bain pis s’fit masser. Après, y mangea un bon p’tit souper pis prit une couple de verres avec les autres samouraïs. Toute avait tellement changé depuis la première fois qu’y était v’nu icitte, à attendre des heures de temps sans dire un mot, les jambes crampées, avec les gardes à l’air bête!

Pas longtemps après, toute mou de son massage, le ventre plein pis un peu pompette, y’alla se coucher, même si y’était d’bonne heure. Y’avait pas mal de route à faire, pis après, y’allait être au front, faique autant en profiter.


Dans’nuite, Yasuké s’réveilla pis artroussa toute d’un boutte :

« Voyons… Messemble que j’ai entendu de quoi d’pas normal! »

Y’artint son souffle pour essayer de réentendre la même affaire, mais pour l’instant, y’avait juste les respirs des autres samouraïs qui dormaient autour. Y prit pas d’chance pis pogna son sabre.

Y se l’va tranquillement, sans réveiller les autres, pis ouvrit la porte en papier : déhors, l’aube commençait yinque à s’montrer l’boutte du nez.

« Astie, y’a queque chose de pas comme d’habitude. Je l’sens dans mes urines! »

Le dedans toute serré d’angoisse, y sortit dans l’pâssage. Y’avait pas d’garde en avant d’la porte à Nobunaga :

« Le seigneur doit être l’vé. Où c’qu’y est, don, à c’t’heure-là? »

Pis soudain :

« BOAAAAAAAAAAAAAAAAWWWW!!! »

Quequ’un sonnait l’attaque!

« Tabarnak, qu’est-cé qui se passe? »

Déhors, ça criait – des cris d’guerre pis des cris d’mort. Des asties d’traîtres étaient rentrés dans l’temple! Yasuké entendait l’train qu’y faisaient en courant pis l’keling kelang d’leux armures pis les bruits nets frettes secs des sabres qui s’fessaient ensemble.

Y partit à’course vers où c’qu’y pensait que Nobunaga pouvait être, tandis que les autres samouraïs sortaient des chambres, tout égarouillés pis les yeux dans’graisse de bines.

Y’arriva enfin dans une p’tite cour intérieure où son seigneur était avec Ranmaru Mori, un de ses p’tits préférés parmi sa gang de samouraïs. À c’qu’on disait, Nobunaga y faisait souvent réchauffer sa couchette, faique c’tait pas étonnant qui soye arrivé en premier.

« Saint ciboire de sacrament d’câlisse, qu’est-cé ça? » ragea Nobunaga.

Pis là, les murs explosèrent.

Les traîtres étaient tout autour d’la bâtisse pis tiraient du fusil, salve après salve, pour êtres sûrs qu’y reste pu rien d’vivant en dedans.

Yasuké, Nobunaga, Ranmaru pis les autres firent c’qu’y purent pour se cacher – en d’sour des futons, en arrière des colonnes, n’importe où.

Quand les balles arrêtaient le temps que les tireurs archargent leux fusils, Yasuké et compagnie en profitaient pour préparer leux armes : y savaient ben qu’trop qu’après, l’ennemi viendrait finir la job au corps à corps.

Le silence artomba, pis la fumée aussi.

En d’sour d’un gros cadre de porte en bois tenait encore au travers des ruines, Nobunaga voyait maintenant très bien c’est qui qui l’attaquait. Su’és bannières des soldats qui s’garrochaient vers lui en hurlant, y’avait la campanule à cinq pétales du clan Akéchi.

— Le général Akéchi? Ben voyons don, y’était toujours tellement fidèle pis d’sarvice, jamais un mot d’travers! dit Yasuké.
— Va savoir quelle bulle qu’y a pogné au çarveau, répondit Nobunaga. Mais c’qui est faite est faite. À c’t’heure, y nous reste pu yinque à défendre chèrement not’peau.

À son ordre, ses hommes s’mirent à tirer des flèches dans l’tas. C’taient des gars qui s’entraînaient à ça depuis qu’y étaient flos, pis y’étaient bons en tabarnak, à voir les cadavres de soldats du clan Akéchi qui formaient un tas de plus en plus gros en bas des marches.

Sauf qu’y en avait juste trop. Nobunaga pogna sa naginata – une longue pôle avec une lame au boutte – pis embrocha l’premier qui réussit à arriver jusqu’à lui.

En arrière, y’avait une cinquantaine d’autres traîtres qui s’en vn’aient en hurlant. Yasuké sortit son sabre de son étui pis fonça vers eux-autres.

Y tua tellement de monde que rendu là, y’aurait aussi ben pu être après faire les foins, coupe pis coupe pis coupe. Les marches étaient toutes beurrées d’sang; y’avait des corps partout, pis les moribonds rampaient avec leux dernières forces pour échapper à une mort qui avait déjà les griffes ben pognées dans leu gorge.

Mais Nobunaga savait que lui pis sa gang pourraient pas toffer longtemps d’même :

« V’nez vous-en, on rentre en dedans! »

Y’avait pas d’autre chose à faire. Yasuké et compagnie étaient pu yinque une vingtaine contre des milliers : au moins, en dedans, c’qui restait d’la structure allait les protéger un ti-peu pis forcer leux adversaires à faire la file comme à’SAAQ pour se faire fendre en deux. Yasuké, qui prenait quasiment toute la largeur du pâssage à lui tu’seul, en profita pour abattre encore plus d’ennemis.

Les hommes à Nobunaga réussirent à résister encore une bonne secousse, mais les soldats d’Akéchi arrivaient de partout; on aurait dit des fourmis qui rentrent par toutes les craques au printemps.

Toute d’un coup, les murs encore debouttes vinrent toutes éclairés, pis ça s’mit à sentir le brûlé : le temple était en feu.

Pis comme ça allait pas assez mal de même, Nobunaga mangea une flèche dans’jambe. Pour lui, c’tait un signe :

« Entourez-moé, on s’en va dans mes appartements. C’est l’heure. »

Dans’bâtisse qui brûlait aussi vite qu’un morceau d’gâzette, Yasuké, Nobunaga, Ranmaru pis les quatre-cinq autres qui restaient se faufilèrent jusqu’à chambre du seigneur :

« Ranmaru, Yasuké, restez avec moé. Les autres, allez à’porte pis tenez le plus longtemps qu’vous pourrez, » ordonna Nobunaga.

Y’avait besoin de juste un ti-peu d’temps pour faire seppuku – le suicide rituel qui y permettrait d’éviter d’être capturé par Mitsuhidé Akéchi, pis d’être complètement déshonoré.

Y se mit à genoux pis sortit un pognard. Y’eut pas besoin de dire quoi faire à Ranmaru Mori, qui se plaça en arrière de lui, le sabre levé.

Nobunaga argarda Yasuké pis y dit :

« Apporte ma tête pis mon sabre à mon fils Nobutada. Laisse-les jamais tomber aux mains d’l’ennemi. »

C’était son darnier ordre.

Sur ce, y se rentra l’pognard dans l’ventre, pis Ranmaru y trancha la tête.


Après avoir aidé Ranmaru à faire seppuku lui avec, Yasuké partit avec la tête pis l’sabre de son seigneur.

C’tait toute une mission qu’y s’tait faite donner là : si Akéchi mettait la patte su’a tête à Nobunaga, ça légitimerait sa victoire. Y pourrait arriver en avant des autres anciens généraux, leu sortir la tête dans’face pis dire :

« Engorde. C’est moé l’plus fort. Suivez-moé. »

Avec la tête pis l’sabre à son pére, Nobutada aurait une chance de mettre les généraux d’son bord pis d’succéder à Nobunaga.

La tête à son seigneur emballée ben comme faut dans la veste à Ranmaru, pis son sabre passé dans sa ceinture, Yasuké s’en alla accomplir sa darnière mission.

Déhors, y faisait encore pas mal noir. Quand y sortit d’la bâtisse en feu, y’était tout graissé d’sang pis d’suie; pour les queques soldats ti-counes qui eurent le malheur de tomber su lui, y’avait vraiment l’air d’un démon. Y figèrent net, pis l’Africain leu dit simplement :

« Yasuké de gozaru. »

J’m’appelle Yasuké.

Pis y tombèrent toutes comme des mouches en d’sour de sa lame.


Profitant du bordel total dans la ville, Yasuké réussit à s’rendre jusqu’au palais impérial, où c’que Nobutada était allé s’réfugier dès que ça avait commencé à sentir la marde. Quand y vit arriver l’Africain, y lui lâcha un gros wak du haut des murs pis fit ouvrir la porte pour lui.

Essoufflé ben raide, Yasuké tomba à genoux en avant d’son nouveau seigneur y’offrit le sabre pis la tête.

Le ti-jeune prit la tête à Nobunaga, les yeux trempes, pis mit son front contre celui du mort en signe de respect pour son pére pis d’armerciement pour Yasuké.

Après, l’Africain y tendit l’sabre, mais y’avait pu d’temps pour autre chose. Les hommes à Mitsuhidé Akéchi s’en venaient aussi nombreux que si y’étaient chiés à mesure par l’enfer, pis les balles de mousquet commençaient à péter su’es murs.

La bataille était quasiment finie avant d’être commencée. Pis quand la bâtisse pogna en feu, Nobutada sut que c’était l’heure d’aller arjoindre son pére au royaume des morts.

Tandis qu’y s’faisait seppuku, Yasuké pis toute c’qui restait des hommes à Nobutada s’battaient avec toute c’qui leu restait d’forces.

Tandis qu’les autres hommes poussaient leux darniers cris, Yasuké s’artrouva encerclé par l’ennemi. Y’était crevé, feni, pu capable. Y’était coupé d’partout, pis y commençait à pardre beaucoup d’sang. Y tomba à genoux. Pis dès qu’y eut pu l’pouvoir de l’ver son sabre, les soldats Akéchi se garrochèrent su lui pis y crissèrent des coups d’pied jusqu’à c’qui parde connaissance.


Quand Yasuké s’réveilla, y’était en avant de Mitsuhidé Akéchi.

— La tête pis l’sabre à Nobunaga. OÙ C’QU’Y SONT? Aweille, parle!
Je l’sais-tu, moé, répondit Yasuké, mollement mais avec l’air d’un gars qui t’ment en pleine face.

Akéchi était fâché noir, pis l’Africain était sûr de pas sortir de d’là vivant. Sauf que le traître dit :

« Ôtez c’te bête noire-là d’ma face. C’est pas un Japonais pis y’a pas d’honneur, sinon y s’rait djà mort. Rapportez-le à l’église des barbares, y vont probablement être contents d’le ravoir. »

Akéchi pouvait pas l’tuer : y se serait mis les Jésuites à dos, pis ça aurait ben mal commencé son règne.

Mais l’pauvre ti-pit, y mettait la charrue en avant des bœufs : treize jours plus tard, Mitsuhidé Akéchi pogna un mur sous la forme du général Toyotomi, qui l’effoira complètement à la bataille de Yamazaki. Akéchi essaya d’se sauver, mais y tomba sur un bandit qui l’tua d’un coup d’lance, pis y mourut tu’seul dans un trou d’bouette.

Ça bon.

Quant à Yasuké, quand les hommes d’Akéchi l’déposèrent su’l plancher d’la mission, y’arperdit connaissance. Après ça, l’histoire perd sa trace. On sait qu’y a survécu, mais l’bord qu’y a pris après, on l’sait pas pantoute. Yé tu resté au Japon? Yé tu parti? Mystère. Chose certaine, son histoire complètement capotée marque encore l’imaginaire, quasiment 450 ans plus tard.


Source : Thomas Lockley et Geoffrey Girard, African Samurai – The True Story of Yasuke, a Legendary Black Warrior in Feudal Japan, 2019.

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La raille de Lady Godiva

« Godiva? C’est pas une marque de chocolat, ça? »

Si c’est ça qu’vous vous dites en ce moment, ben v’la vos trois morceaux de robot. Mais le nom d’la marque, ça vient d’où?

Selon la légende, au Moyen-Âge, y’avait une madame appelée Godiva qui aurait traversé la ville de Coventry, en Angleterre, flambant nue su son ch’fal cachée yinque par ses grands ch’feux longs.

C’tu vraiment vrai? Pourquoi a l’a faite ça? C’tait-tu une influenceuse avant l’temps qui voulait partir une mode pis s’rendre intéressante?

C’qu’on sait, c’est que dans l’boutte de l’an mille, en Angleterre, y’avait vraiment une madame appelée Godiva qui était mariée avec Léofric, un noble saxon qui, comme son nom l’dit, avait ben du fric. Badoum tishe.

Mais bon. Première affaire, la madame s’appelait pas vraiment Godiva. Son nom, c’tait « Godgifu ». Ça veut dire « god’s gift » en anglais, ou « don de dieu » pour nous-autres. C’est juste que par après, les historiens qui écrivaient en latin on trouvé que c’tait un nom à coucher déhors, faique y’ont changé ça pour « Godiva ».

Faique toujours selon la légende, Léofric était un gros épais à l’argent qui faisait crever son monde de faim avec des taxes pas d’allure. 

C’tait rendu tellement épouvantable que les méres de toute la contrée se pointèrent au manoir à Léofric pis Godiva avec leux flos qui braillaient pour supplier Léofric de slaquer ses taxes. 

Ben crère, y leut rit dans’face :

Godiva, ben en peine en voyant la misère du monde, se mit à tanner son mari pour qu’y baisse les taxes. 

C’t’un classique, ça, dins histoères : un gros porc de bonhomme pas d’empathie qui fait étriver le monde, pis sa femme toute fine sensible qui finit par le convaincre d’avoir du coeur. 

Sauf que dans la vraie vie, c’tait pas aussi simple.

On sait que la première fois que la légende de Lady Godiva a été racontée, c’tait 200 ans après sa mort, par un moine de l’abbaye de Saint Alban’s.

À l’époque de Godiva, les femmes saxonnes avaient le droit de posséder des terres à leu nom pis de gérer tu’seules leur argent. C’est plusse qu’on peut en dire des Québécoises v’la pas si longtemps.

Faique deuxième affaire, Godiva était pas mal riche elle-même; en fait, y’est probable que la ville de Coventry y’appartenait à elle, pas à Léofric, pis que le gars avait pas d’affaire pantoute à claquer des taxes au monde de la place.

Faique qu’est-cé qui s’est passé dans le jeu d’téléphone de l’histoire pour que la légende vire de même?

Deux siècles plus tard, on était rendus complètement d’un autre monde du point de vue social pis culturel, faique y’en a qui pensent que le moine aurait juste bogué en entendant parler d’une femme qui avait des biens pis de l’autorité; y’aurait donc changé les détails pour donner toutes les pouvoirs à Léofric, parce que ça fittait plusse avec sa vision du monde.

Entécas, Godiva continua d’achaler Léofric pour qu’y baisse les taxes, jusqu’à ce qu’y se tanne :

Faique Godiva descendit aux écuries, se dégreya complètement, détacha ses ch’feux pis embarqua su son ch’fal. Dépendamment de la version, elle était accompagnée par une servante, ou par deux chevaliers.

Troisième affaire, ça se peut que notre moine de Saint Alban’s aye mal compris l’histoire : Godiva était pas TOUT NUE, c’est juste qu’a portait pas toute son beau linge, ses manteaux d’fourrure pis ses pierres précieuses de d’habitude par solidarité avec le pauvre monde. À une époque où les femmes servaient un peu de racks pour montrer sa richesse, ça aurait solidement fait chier son mari pis faite scandale.

L’autre possibilité, c’est que quequ’chose s’est vraiment pardu dans les siècles pis la traduction, pis qu’au départ, on voulait dire que Godiva était tellement généreuse avec les pauvres pis l’Église qu’a se « dénudait » de ses possessions, pis que le moine s’est juste complètement fourré.

Godiva passa donc au travers d’la ville pis d’la place du marché dans l’abaissement le plus total.

Quatrième affaire, dans c’temps-là, Coventry était à peine un croche dans l’chemin avec queques maisons, un village de même pas 500 habitants; faique techniquement, la raille de Godiva aurait pas duré ben ben longtemps.

Par respect pour leu seigneuresse, les habitants se seraient enfermés chez eux pour pas la voir passer à poil, sauf un, un gars appelé Tom. Y’aurait pas pu s’empêcher de sniquer par une craque dins rideaux, faique Dieu l’aurait rendu aveugle, pis c’est de là que vient l’expression « Peeping Tom », qui veut dire « voyeur » en anglais. De nos jours, à Coventry, c’est plein de statues de Godiva, mais y’a aussi un tapon de statues de Peeping Tom, comme celle-là icitte :

Sauf que, cinquième et dernière affaire, ce détail-là est juste apparu au 15e siècle, probablement ajouté par quequ’un qui voulait mettre du piquant pis une morale à deux cennes dans l’histoire.

Faique finalement, après un ti peu de décortiquage, on se rend compte que la légende est à peine plusse vraie que Blanche Neige et les sept nains. Mais clairement, l’histoire de Godiva/Godgifu a inspiré pas mal de monde, des habitants de Coventry aux peintres victoriens en passant par les chocolatiers pis les poètes. Pis on a passé un beau vingt menutes ensemble à en parler, faique c’est toujours ben ça.