Quand les belles-soeurs s’haïssent la face : Frédégonde contre Brunehaut, partie 4

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Partie 1
Partie 2
Partie 3

En 580, Frédégonde s’en venait pas mal ben : même si son fils Samson était mort deux ans avant, y lui en restait quand même deux, en plus d’une fille. Comme y restait pu yinque un fils à la première femme de son mari Chilpéric, les chiffres étaient clairement de son bord pour que ça soit sa descendance à elle qui monte su’l trône des Francs.

Mais là, la marde pogna solide. Pis littéralement à part ça. 

Cette année-là, le yâble était aux vaches : y’eut un déluge, des inondations, des tremblements de terre, des météorites, de la grêle, des éboulis, des incendies… Pis ça aurait d’l’air que du sang aurait coulé d’un pain pendant la communion dans l’boutte de Chartres, mais là, y’a peut-être quequ’un qui a abusé du vin de messe.   

Surtout, y’eut une épouvantable épidémie de dysenterie. Pis la dysenterie, c’pas compliqué : t’as de la fièvre, tu vomis pis tu te chies le corps – des fois jusqu’à ce que mort s’ensuive. Pis pour faire du mal, c’était surtout les flos qui en mouraient.

Des chaumières aux châteaux, la maladie fessait partout. 

Le roi Chilpéric lui-même tomba malade, mais y’en réchappa. Et juste comme y se renmieutait, c’est son bébé flambant neuf à lui pis à Frédégonde, Dagobert, qui commença à mal filer. Y’était tellement neuf que ses parents l’avaient même pas encore faite baptiser, ce qu’y firent au plus maudit dans l’espoir que ça aide. 

La dose de Saint-Esprit eut l’air de faire la job, parce que bébé Dagobert reprit du poil d’la bête. Mais là, c’est l’autre gars, Chlodobert, une belle jeunesse de 15 ans, qui tomba malade. 

Là, Frédégonde se mit à capoter :

« C’t’une punition divine, Chilpéric! Toé pis moé, on est trop à l’argent, pis l’Seigneur aime pas ça! On est là à piler d’l’argent pis des pierreries, mais pour qui, han? Ça sert à quoi si y’a pu personne pour nous survivre? On est après perdre c’qu’on a de plus beau! » 

Moé, j’ai pour mon dire que si Dieu avait eu à être fâché après elle, ça aurait plusse été à cause de ses meurtres pis de ses manigances, mais bon. Là, la reine se donna un coup de poing sur la falle comme Céline qui part en peur au milieu d’une toune, pis dit à son mari : 

« Nos coffres, pis nos celliers sont full au bouchon! On n’a pas d’affaire à aller chercher plus. Faique si tu penses comme moé, ben viens-t-en, on va brûler toutes les papiers qui disent qui nous doit combien en impôts. Feni l’temps où c’qu’on faisait fortune su’l dos du pauve’r monde! » 

Pis Chilpéric, qui faisait tout le temps toute c’que sa femme y demandait sans dire un mot, se garrocha pour brûler les registres d’impôts. 

C’tait ben beau, c’te bulle au cerveau-là, mais la dysenterie, a s’en crissait, elle, des registres d’impôt. Pas longtemps après, Dagobert recommença à mal filer, pis y rempira au point qu’y rendit bientôt son dernier p’tit soupir de bébé.  

Pis l’ado, Chlodebert, était rendu tellement magané que Chilpéric et Frédégonde le firent mettre sur un brancard pis l’emmenèrent au tombeau de saint Médard pour supplier le saint de le sauver. Malheureusement, Chlodebert était rendu trop faible pis mourut dans la nuite.

Drette de même, Frédégonde se retrouva avec pu de fils. Toute était à r’commencer. 

Mais même dans le fin fond de la souffrance la plus épouvantable, la ratoureuse reine perdit pas de vue son objectif : si elle avait pu de fils, ben elle allait s’assurer qu’Audovère, la première femme de Chilpéric, en aye pu non plus. 

Faique a manigança pour faire envoyer Clovis, le dernier des fils d’Audovère, au château de Braine, où le monde tombait comme des mouches de la dysenterie. Pis comme Chilpéric était pas plus fin que ça, ça passa comme du beurre dans’poêle. 

L’affaire, c’est que Clovis tombait juste pas malade. Pis en plus, l’innocent, y se mit à se vanter en avant de ses chums :

« Hey hey hey! À c’t’heure que toutes mes frères sont morts, c’est quiiiiii qui va hériter du trône? MOÉ! Dans ses dents, à Frédégonde! Heille, la servante! A pensait-tu que ses culs-terreux de fils allaient passer avant moé? Ça bon! Ha ha ha, tu parles d’une épaisse! » 

Parce que, ouais : contrairement à Audovère, qui était d’origine noble, Frédégonde était une femme du peuple, une « colonne » qui venait de nulle part, pis elle était restée pas mal complexée de t’ça. Faique aller l’attiser de même, c’était pas l’idée du siècle. Surtout que la vie de Clovis tenait déjà yinque à un fil.

Fâchée noire, Frédégonde décida d’en finir avec son beau-fils, pis ça y prit pas grand temps pour trouver comment faire. Elle arriva en avant de Chilpéric, le linge tout croche, la face tout rouge, pis les larmes aux yeux, pis dit :

— Mon mari! Tu sais pas quoi? C’t’épouvantable!
— Cibole, sa mére, qu’est-cé qu’y a?
— C’est Clovis! Toute ce qui est arrivé, c’est de sa faute!
— Ben voyons donc?
— Quequ’un m’a dit que Clovis était en amour avec la fille d’une de mes servantes, pis que cette servante-là était une sorcière! Pis là, y’a demandé à la sorcière de prendre ses pouvoirs pour tuer nos deux gars! C’est toute de sa faute! 
— Franchement, Frédégonde, tu crois vraiment à c’tes folies-là? Mon Clovis f’rait jamais une affaire de même! 
— Moi aussi au début j’trouvais que ça avait pas d’allure, mais je voulais être sûre, faique j’ai pogné la mère pis la fille pis y’ont fini par toute avouer. Qu’est-cé que tu vas faire, là, Chilpéric? Ça peut pas rester de même!

Encore une fois, ça passa comme du beurre dans’poêle. Chilpéric invita Clovis à la chasse avec lui; le jeune, pas méfiant pour deux cennes, se fit pogner par les hommes à son père, qui y’enlevèrent ses armes pis l’habillèrent en guénilles avant de le garrocher aux pieds de Frédégonde. 

Après ça, la marâtre le fit enfermer pis envoya un assassin pour l’achever. Pis après, elle alla voir Chilpéric :

— C’hais pas trop comment t’dire ça, mon mari, mais… Clovis s’est tué. 
— Pfft! Ça bon! M’a pas l’pleurer après c’qu’y a faite à nos gars!

Victoire! Frédégonde était enfin débarrassée de ses maudits beaux-fils. Rendue fantasse, a fit même assassiner Audovère, pis tant qu’à faire, violer Basine, la fille d’Audovère et de Chilpéric, pour qu’a parde son honneur, pis même son héritage. Tsé, histoire de finir la job comme faut. 

J’vous ai pas beaucoup parlé de Brunehaut à date, aujourd’hui. En fait, pas pantoute. C’est juste que pendant que Frédégonde faisait un ménage dynastique, elle, elle était occupée à jouer du coude avec les nobles d’Austrasie pour garder le contrôle du mini-roi Childebert, toujours pas majeur. C’tait moins croustillant, mais c’tait quand même une job à temps plein. 

Deux ans après, Frédégonde accoucha d’un autre p’tit gars, Théodoric. Yé! Mais y mourut un an plus tard de la maudite dysenterie à marde.

La reine fit passer sa peine pis sa colère sur Mummolus, le préfet de la maison royale, qu’a pouvait pas sentir. Mummolus était allé ouvrir sa grande trappe en disant qu’y connaissait un remède contre la dysenterie. En plus, le bruit courait qu’y avait été voir des sorcières pour qu’y jettent un mauvais sort au p’tit Théodoric. Faique la Frédégonde le fit arrêter pis fesser à coups de strapes jusqu’à ce que les bourreaux soyent trop brûlés pour continuer. Après, on y rentra des aiguilles en d’sour des ongles des doigts pis des orteils. 

Ayoye, bonyenne! 

À la fin, y’eut la vie sauve, mais y péta une crise d’apoplexie en s’en r’tournant chez eux pis mourut pas longtemps après.

Pis là – toute sacra l’camp. Un jour, Chilpéric était à la chasse comme à son habitude. Y’était après descendre de son ch’fal en s’accotant su l’épaule d’un de ses hommes quand un malade sortit du bois, y crissa un coup de poignard dans l’t’sour de bras, pis un autre dans l’ventre. Toute graissé de sang, y tomba mort. Pis le malade, y se sauva, pis personne réussit à le pogner.

Pas qu’on essaya ben ben fort. Dans l’fond, personne aimait Chilpéric – même pas Frédégonde, qui voyait plus son mari comme un tournevis ou une égoïne que comme un homme. Faique on sut jamais qui l’avait faite assassiner. Y’en a qui dirent que c’était Frédégonde elle-même, parce qu’y commençait à la soupçonner d’adultère, mais voyons donc : sans Chilpéric, elle avait pu de protection, pu d’autorité, pu rien. 

En fait, ce qui est plus probable, c’est que Brunehaut était dans son château, un verre de vin dans’main, à regarder par la fenêtre, quand un de ses fidèles serviteurs entra dans ses appartements :

— Madame? C’est faite. 
— Parfait. 

Pis là, sans se détourner d’la fenêtre, a sourit, et se dit dans sa tête : 

« Y’est mort, l’écœurant. Tu peux r’poser en paix, ma sœur. »

Quoi qu’il en soit, c’était au tour de Frédégonde de penser vite en christie : les trésoriers de Chilpéric étaient déjà après se pousser avec les trésors royaux. Faique elle emporta toute c’qu’à pouvait pis se mit sous la protection de l’évêque de Paris. 

En plus de ça, ben vite, son neveu Childebert allait arriver pour prendre possession du royaume. Pis si a se faisait pogner par lui, et donc par Brunehaut, a donnait pas cher de sa peau.

« Heh, ciboire, qui c’est que ch’pourrais ben appeler? Ah, je l’sais! Gontran! Lui y’a toujours été correct. Y va sûrement me protéger! »

Mononc Gontran, c’était le frère de Chilpéric, le dernier des quatre fils de Clotaire. Comme toutes ses fils étaient morts de la peste, ou en bas âge, ou empoisonnés par sa femme Marcatrude, ben y’avait désigné Childebert comme son héritier. Autrement dit, Gontran était rendu avec toutes les terres de ses frères, sauf celles qui étaient à son neveu, pis à sa mort, Childebert ramasserait toute pis deviendrait roi de toutes les Francs. 

Comme j’vous l’avais déjà dit, y’aimait pas trop ça, le chamaillage, pis y’avait toujours essayé de faire la paix entre ses frères. Faique, fidèle à sa réputation de bon gars, y’accueillit Frédégonde à bras ouverts. Sauf qu’y eut une astie de surprise quand y’alla à sa rencontre. A l’avait de quoi dans les bras, emballé dans un linge, pis a dit à Gontran :

« Ok, fais pas l’saut… » 

Et dans ses bras, elle découvrit… un bébé. Son bébé à elle pis à Chilpéric. Un garçon.

« Ah ben ça parle au yâble! » s’exclama Gontran. 

C’que personne savait, c’est qu’avant que Chilpéric crève sous les coups de son mystérieux assassin, Frédégonde avait accouché d’un p’tit gars qu’elle pis son mari avaient gardé secret pis avaient même pas nommé, de peur qu’on essaye d’y faire du mal. 

Pis ça, ça changeait toute.


Source : Grégoire de Tours, Histoire des Francs. https://play.google.com/books/reader?id=xuIpDwAAQBAJ&pg=GBS.PP1

Quand les belles-soeurs s’haïssent la face : Frédégonde contre Brunehaut – partie 3

Partie 1
Partie 2

Fallait que Brunehaut pense vite en christie : de un, son mari venait de se faire assassiner sous les ordres de sa belle-sœur Frédégonde; de deux, son beau-frère Chilpéric pis ses hommes s’en venaient la chercher, elle pis ses trois flos, dans le palais de Paris où y’étaient rendus plus prisonniers qu’autre chose. 

« Jamais que je pourrais me sauver avec les flos pis les waguines de bagage : j’me f’rais pogner avant d’avoir avancé de deux pouces. Faique on va y’aller au plus pressant : sortir Childebert d’icitte. » 

Brunehaut avait raison de capoter pour son fils : le tuage de neveux, chez les Francs, ça faisait quasiment partie de la constitution. Dans l’temps, le grand-père Clotaire avait égorgé ses neveux de dix pis sept ans, Thibault pis Gonthaire, pour récupérer le royaume de son frère Clodomir, pis Brunehaut craignait que Chilpéric fasse la même affaire à son ti-bonhomme de cinq ans pour récupérer le royaume de Sigebert, qu’on appelait à c’t’heure l’Austrasie.  

Faique bref, fallait que Childebert soye mis en sécurité au plus crisse.

« Mon fils, écoute-moi ben. Je vais t’envoyer avec monsieur Gondobald, pis tu vas retourner chez nous, à Metz. Maman peut pas venir avec toi tusuite, mais je vais venir te trouver dans pas long, c’est promis. Faut que tu soyes fort, mon lapin. À c’t’heure que ton père est mort, c’est toi le roi d’Austrasie! » 

Faique, au beau milieu de la nuite, Brunehaut mit Childebert dans un gros panier attaché après une corde pis le fit descendre par la fenêtre, en prenant ben garde de pas y péter la tête sur le mur de la tour, jusqu’en bas où attendait le duc Gondobald, qui le mit su son ch’fal et l’emporta en dehors de Paris.

Quand Childebert arriva à Metz, heille, là le monde étaient contents! La gang de seigneurs pis de guerriers qui s’en allaient rejoindre l’armée à Chilpéric revirèrent de bord drette là. Y formèrent une assemblée qui proclama officiellement le p’tit gars roi d’Austrasie, pis un conseil fut formé pour diriger le royaume en son nom.

« Astie de saint ciboire de crisse de maudit sacrament! Le p’tit tabarnak m’a passé en dessous du nez! »

C’est à peu près de même que réagit Chilpéric quand y’apprit que Childebert était en sécurité à Metz pis qu’y était backé par les seigneurs austrasiens. Si y voulait récupérer le royaume à son frère sans trop se forcer, son chien était mort. 

Quand même, toute t’tait pas pardu : y’avait encore Brunehaut, ses filles, pis toute le tas de richesses qu’a l’avait apportées avec elle. Faique sans téter une seconde, y’alla à Paris compter son motton dans la face de sa belle-sœur.

Mais là, trop aveuglé par les signes de piasses, Chilpéric remarqua pas ce qui se passait dans son dos. Mérovée, un des gars qu’il avait eus avec sa première femme Audovère – celle qu’il avait envoyée sécher au monastère, là – avait spotté de quoi de ben plus beau que des pierreries : Brunehaut. 

Ben oui, toé! Quand y vit la veuve de son oncle, qui était pas ben ben plus vieille que lui pis encore crissement pétard, y tomba cul par-dessus tête. 

On sait pas si Brunehaut trouvait Mérovée de son goût aussi, mais en tout cas, a l’était pas folle : s’il avait le kick sur elle, aussi ben en profiter. Elle déploya ses plus beaux yeux de biche pis toute le reste son arsenal de viens-icitte-mon-minou, de sorte que ben vite, Mérovée tomba en amour ben raide.   

Frédégonde, elle, voyait toute ça aller – pis ça faisait son affaire. J’vous avais pas dit ça encore, mais depuis le début, a grenouillait pour éliminer les fils d’Audovère pour que ce soit un des siens qui succède à Chilpéric. Pis si c’te grand niaiseux de Mérovée pouvait se mettre dans marde tu seul en fricotant avec sa propre tante, tant qu’à elle, c’était ben tant mieux.

Finalement, Chilpéric, ramolli par sa nouvelle fortune, décida d’être fin : au lieu de les faire tuer, y’envoya Brunehaut en exil à Rouen, pis ses deux filles à Meaux.  

Là, Mérovée était ben en peine. Sa belle était partie, pis y’était toujours ben pas pour aller la trouver direct – ça serait ben que trop suspect. Faique y soupira pendant des semaines jusqu’à ce que son père y donne, sans le savoir, une occasion en or. 

Quand Chilpéric avait une idée dans tête, y l’avait pas dans l’c… ailleurs. C’était pas tant parce que c’était un gars déterminé qui lâchait jamais le morceau; c’était plus parce qu’une fois qu’y était pointé dans une direction, y’était pas assez brillant pour regarder à d’autres places, pis y continuait à avancer tant qu’y frappait pas de mur. 

Faique à c’t’heure que le cas à Sigebert était réglé, Chilpéric repensa à, tsé les villes pour lesquelles y s’était chicané avec lui? Depuis le temps, y’avaient reconnu Childebert comme roi. 

— Mérovée? Viens don icitte deux menutes.  
— Oui, p’pa? 
— Mettons que je te montais une p’tite armée pis que je t’envoyais prendre Poitiers, là, qu’est-cé tu dirais de t’ça? 
— Ch’pourrais-tu en profiter pour aller voir m’man dans son couvent au Mans?
— Cré p’tit gars à sa mère! Vas-y, si ça te tente! Mais dis-lé pas à Frédégonde, tu sais comment qu’a l’est! 
— Ah certain! Merci p’pa! M’a te prendre ça, moé, c’te ville-là, ça va être un pet, tu vas voir! Attache ta tuque avec d’la broche, Poitiers! 

Le Mans, c’était pas trop loin de Rouen. Suffisait d’un p’tit détour… N’importe qui avec au moins deux neurones et quart aurait pu se douter que ça allait mal finir, mais au yâble les risques : Mérovée prit la route avec ses hommes pis s’en alla direct trouver Brunehaut sans même faire semblant d’aller voir sa mère. 

Brunehaut en revenait juste pas de l’voir retontir. Pis entre les deux, les affaires décollèrent sur un moyen temps : après yinque trois-quatre jours, le neveu par alliance demanda la veuve de son oncle en mariage, pis a dit oui. 

Y’avait juste un problème : selon l’Église, y’étaient considérés comme consanguins. D’habitude, les rois se bâdraient pas trop avec ça : y’avaient yinque à demander une dispense, pis ça se mariait cousin avec cousine, nièce avec oncle, pis aweille. Mais Mérovée pis Brunehaut avaient pas le temps de niaiser. Ça adonnait ben : l’évêque de Rouen, Prætextat, était le parrain de Mérovée, pis y l’aimait comme son fils. Faique les amoureux arsoudirent drette chez eux pour y demander de les marier :  

— T’es-tu tombé sua tête, mon garçon? Ton père va être fâché noir! Pis en plus, ch’peux pas! C’est ta tante par alliance! 
— Envoye donc, Prætextat! P’pa va finir par avaler son étron, pis à part de t’ça, c’est même pas si grave que ça! Si c’était la sœur à mon père ou à ma mère, j’dis pas, mais c’est la veuve à mon oncle! C’est de l’enculage de mouches, tant qu’à moé. 
— Ben voyons, surveille ton langage! On est dans une église, icitte! 
— Scuse-moé, Prætextat. Mais c’qui compte, c’est que je l’aime! De toute mon cœur. J’ai su drette la première fois que je l’ai vue que j’en voudrais pas d’autres, pis j’me torche du reste. S’il te plaît, parrain! 

À voir les grand yeux de veau de son filleul, Prætextat se sentit mollir : 

« Ok, ben v’nez-vous en, m’a vous marier, d’abord! »

Quand il apprit la nouvelle, loin d’avaler son étron, Chilpéric vint bleu : 

 « L’astie de sorcière! A l’a séduit! Pis lui, le p’tit crisse de traître, y’est tombé drette dans le piège! M’a aller le chercher par le chignon du cou! » 

Les nouveaux mariés, tout occupés qu’y étaient à se rouler dans leu bonheur, se firent pogner les culottes à terre, carrément. Chilpéric les captura; Brunehaut redevint prisonnière, mais avec des gardes plus à leur affaire, pis Mérovée fut ramené dans sa famille, la queue entre les jambes. Pis Prætextat, lui, fut condamné à l’exil.

Comme Mérovée avait l’air de juste babouner dans son coin, Chilpéric était prêt à oublier toute l’affaire, mais Frédégonde savait qu’a tenait le moyen de se débarrasser de son beau-fils : 

« J’te l’dis, moé, ton gars, y’a l’air de filer doux, de même, mais tu peux être sûr que la Brunehaut y’a monté la tête. J’te gage qu’y te joue déjà dans l’dos, pis y’attend yinque sa chance pour te planter un couteau entre les côtes! » 

Elle était tout le temps après le bombarder d’images de fin du monde : Mérovée veut prendre ton trône, Mérovée veut massacrer nos enfants, Mérovée veut régner sur toutes les Francs avec Brunehaut, Mérovée veut brûler des chatons, un coup parti – plein d’affaires auxquelles le principal intéressé avait même pas pensé. Si bien qu’après un boutte, Chilpéric, complètement parano, enleva ses armes à Mérovée et le fit mettre en garde à vue.

Son sort fut mis entre les mains d’un petit tribunal maison, dirigé par nulle autre que sa marâtre Frédégonde. La décision se fit pas attendre : Mérovée fut condamné à… se faire raser la tête. 

Là, vous devez vous dire : ben voyons. Y’a rien là. C’est quoi l’affaire? 

C’est que la famille des Mérovingiens (c’est-à-dire « les descendants de Mérovée », mais un autre Mérovée de v’la ben longtemps) avait une obsession malsaine pour les cheveux, un peu comme les ours qui trippent sur le papier de toilette dans les annonces. Leur crigne, c’était le symbole de leur royauté, pis y’a coupaient jamais, de la naissance au trépas. En enlever ne serait-ce qu’un pouce, c’était un crime de lèse-majesté – on se doute qu’après un boutte, y devaient avoir les pointes fourchues en simonac –, pis se la faire raser, c’était l’équivalent d’être déshérité pis crissé dehors de la famille.

Faique Mérovée fut rasé, ordonné prêtre pis envoyé sécher dans un monastère, pareil comme sa mère. 

Là, je vais sauter des bouttes, parce qu’on serait encore là au Mercredi des Cendres, mais quelques mois plus tard, le grand chum de Mérovée, Gaïlen, vint le libérer. Pis avec d’autres seigneurs, dont le comte Gaukil pis un dénommé Grind, y’essaya d’organiser une rébellion contre Chilpéric. 

Y’alla même voir Brunehaut, qui avait été libérée depuis le temps pis qui était retournée trouver son fils, mais y’eut comme un malaise : à c’t’heure qu’elle l’avait pu besoin de lui, y’était plus comme l’ex gênant que t’aimerais mieux cacher en t’sour du tapis, faique elle l’envoya promener.

Un jour, des émissaires vinrent trouver Mérovée pour dire que la ville de Thérouanne s’était ralliée à lui. Tout content, y se rendit tusuite là-bas avec ses plus proches compagnons, mais ah! Bazouelle de saint chrême! C’était Frédégonde qui avait envoyé les émissaires, faique Mérovée fut fait prisonnier tandis que Chilpéric s’en venait avec une brique pis un fanal. 

Se sachant faite comme un rat, pis étant beeeen au courant des affaires horribles qui sont faites aux traîtres, y se tourna vers Gaïlen, pis y dit : 

« Mon homme, toé pis moé, on est de même, comme les deux doigts d’la main, depuis qu’on est flos. T’es mon meilleur chum, pis tu t’es toujours fendu en quatre pour moé. Ch’t’aime, mon homme. Pis là, j’ai une dernière affaire à te demander : prends ton épée, pis tue-moé! »

Pis Gaïlen, fidèle jusqu’au boutte, fit ce qu’on y demandait pis poignarda son ami à mort. 

Faique quand Chilpéric arriva, y trouva yinque un cadavre.  

Donnant raison à son fils, y fit subir des affaires horribles à ses compagnons : Gaïlen se fit couper les pieds, les mains, le nez pis les oreilles avant de se faire achever; Grind se fit attacher sur une roue, péter toutes les membres pis tourner jusqu’à ce que mort s’ensuive, pis Gaukil, le chanceux, fut yinque décapité. 

Pis au travers des cris d’agonie, Frédégonde se frottait les mains : y restait pu yinque le dernier fils d’Audovère à éliminer…  


Partie 4


Source : Source : Augustin THIERRY, Récit des temps mérovingiens, 1842. https://play.google.com/books/reader?id=1i2Y7dHy-VgC&hl=fr&pg=GBS.PP1

Quand les belles-sœurs s’haïssent la face : Frédégonde contre Brunehaut, partie 2

Partie 1

Faique ouais. C’te maudit courailleux de Chilpéric, roi de Soissons, avait fait étrangler sa femme Galswinthe pour épouser Frédégonde, sa grenouilleuse concubine équipée pour veiller tard. 

Pis Brunehaut, la sœur de Galswinthe pis aussi la belle-sœur à Chilpéric parce qu’elle était mariée avec son frère Sigebert, avait crié vengeance. 

Faique Sigebert alla voir Gontran, son autre frère, pour qu’y vienne avec lui fesser sur Chilpéric. 

(Aux p’tits smattes qui voudraient me demander y’est où le quatrième frère, parce que j’ai dit qu’y en avait quatre la semaine passée, ben y’était déjà mort rendu là.) 

Gontran, c’tait un peu le bonnasse de la gang. Ça y tentait pas trop, lui, de jouer la game. Y’était ben content avec c’qu’y avait pis ça le décourageait ben gros de voir les chicanes à ses frères. 

Ben crère, au début, y prit le bord de Sigebert. Y’était pas pour défendre un assassin, pis ça aurait fait un frette si y’avait décidé de pas s’en mêler. Faique y’embarqua dans’bataille, mais on voyait ben que le cœur y’était pas. 

Après un boutte, y finit par dire : 

« Bon, les gars, là, ch’file pas pour me battre. Au lieu de se taper su’à yeule, on peut-tu jaser à’place? »

Faique Chilpéric et Sigebert acceptèrent d’aller en médiation familiale, où y jasèrent de leurs émotions…

Non, j’niaise : Gontran assembla comme jury toutes les seigneurs du coin – ça avait l’air d’un show de Metallica tellement y’avait du poilu dans’place – pis s’improvisa juge.  

Après les délibérations, Gontran annonça sa décision : 

« Bon. Tchéquez-ben c’qu’on va faire. Toé, Chilpéric, tu vas t’excuser pis r’donner à Brunehaut les quatre villes que Galswinthe avait eues comme dot pis cadeau du matin, pis toé, Sigebert, tu vas y pardonner pis pu jamais r’venir là-dessus. Ça a-tu de l’allure, les gars? »

En passant, faut que j’vous dise : un cadeau du matin, chez les peuples germaniques, c’était quet’chose qu’un homme donnait à sa nouvelle femme le lendemain des noces, drette quand a se réveillait, en échange de sa virginité : 

– Heille! Plectrude! Réveille-toé! 
– Hrgmmhh? 
– Engorde! J’ai douze moutons pis une chaise berçante pour toé! C’est ton cadeau du matin! 

C’était douteux pour au moins 275 raisons, mais bon, ça s’passait d’même dans le bon vieux temps.

Pis entécas, Chilpéric, Sigebert pis Brunehaut acceptèrent le jugement à Gontran, et la paix revint dans l’royaume…

Mais c’tait pas pour durer. 

Pendant les quelques années qui suivirent, Frédégonde s’attela à faire le plus de bébés possible – tsé, une femme a besoin d’un fonds de pension – tandis que Chilpéric, lui, chiquait d’la guénille en cherchant une occasion de reprendre les villes qu’il avait été obligé de donner à Brunehaut. Pis y’oubliait pas non plus que, si y se débarrassait de Sigebert, ben y’aurait pu yinque Gontran à éliminer pour devenir le roi de tous les Francs. 

Faique, en 573, Chilpéric rassembla une armée pis y donna le commandement à Thibert, un des fils qu’il avait eus avec sa première femme :

« Vas-y, mon gars! Pis fais-moé pas honte! »

Thibert partit su’és chapeaux de roues : il fonça sur Poitiers pis la conquit facilement. Après ça, y se dirigea vers Tours en saccageant toute sur son passage. Y’avait pu rien de sacré, même les places saintes pis les couvents – les hommes de Thibert massacraient les prêtres pis violaient les bonnes sœurs, partaient avec les trésors pis crissaient toute à terre. La campagne au complet était en feu.

En voyant l’armée de Thibert arriver dans un gros nuage de fumée noire, les habitants de Tours ouvrirent les portes de la ville sans s’astiner. Thibert continua de même jusqu’à Limoges, puis Cahors; y’avait rien pour l’arrêter.

Mais, de son bord, Sigebert était loin d’être assis sur ses mains : y’était après rassembler autant d’hommes qu’y pouvait parmi le peuple pour aller sacrer une volée à son neveu pis à son frère.

Bon, là, vous devez vous attendre à une grosse bataille épique pis à un duel entre frères su’l top d’une colline avec du tonnerre pis des éclairs, pis Sigebert victorieux qui rentre chez eux, frenche Brunehaut à pleine bouche pis déclare : « Ch’t’ai vengée, bebé ». 

Mais… pantoute. Voyant que Chilpéric n’avait une plus grosse que la sienne – une armée, je veux dire –, y se rendit et promit de filer doux à partir de maintenant. Sigebert crut en la bonne foi de son frère pis s’en alla. Mais dès qu’il eut le dos tourné, Chilpéric recommença à faire d’la marde. 

Là, Brunehaut en eut son tas et alla parler dans le casse à Sigebert :

« Heille là, veux-tu ben arrêter de faire ton branleux? Tu y donnes plein de chances, à ton frère, pis à chaque fois y t’donne un coup d’pognard dans le dos! T’es trop mou avec, Sigebert! As-tu déjà oublié qu’y a tué ma sœur? L’astie d’écœurant, y’est v’nu la chercher yinque pour faire comme toé, tandis qu’a voulait rien savoir de lui, pis après y s’en est débarrassé pour marier sa maudite charrue! Pis tu le laisses s’en clairer avec une tape su’és doigts? C’est ton devoir de venger ma Galswinthe, pis j’te sacrerai jamais patience tant que ton frère sera pas mort à mes pieds! »

Faique Sigebert, ben crinqué par sa femme, rassembla encore une autre armée – sérieux, le peuple lui avec devait commencer à être à boutte de son niaisage – et partit régler son compte à Chilpéric une bonne fois pour toutes. 

C’te fois-là, pas de pitié : l’armée de Sigebert ramassa celle à Chilpéric comme une gratte qui passe dans l’banc de neige. Neveu Thibert fut tué pendant une bataille, pis Chilpéric dut battre en retraite et se réfugier avec Frédégonde pis ses flos dans la ville de Tournai. 

Brunehaut, qui voulait s’assurer que son mari finisse la job, paqueta ses petits – littéralement, parce qu’a l’emmenait ses filles Ingonde et Clodoswinthe pis son p’tit gars de quatre ans, Childebert – pis toute un tapon de richesses qu’elle mit dans des waguines pour aller trouver Sigebert, qui était à Paris. A l’était même pas encore débarquée qu’elle commença déjà à tanner son mari pour qu’il aille assiéger Tournai.

Elle eut pas à l’achaler longtemps. Ben vite, y prit la route de Tournai, avec ses meilleurs cavaliers toutes fiers-pet avec leux  beaux boucliers peinturés pis leux lances à banderoles. Mais là, un vieux pépère malade se garrocha devant lui. C’était Germain, évêque de Paris, pis ça y’avait pris toute son p’tit change pour sortir de son litte dans une ultime tentative d’empêcher Sigebert de tuer Chilpéric :  

« R’virez d’bord, Vot’Majesté! Rappelez-vous c’que l’Seigneur a dit par la bouche de Salomon : que la tombe que tu creuses pour ton frère, ben c’est toé qui va tomber d’dans! »

Sigebert prit même pas la peine d’y répondre pis poursuivit son chemin. 

Pendant ce temps-là, à Tournai, Chilpéric pis Frédégonde se savaient faites comme des rats. C’tait pas jojo : tandis que Chilpéric restait assis là à se pogner le beigne, comme résigné, Frédégonde, qui venait d’accoucher d’un p’tit gars, capotait ben raide :

« Y vont toutes nous tuer, Chilpéric! Toé pis moé pis les enfants! Y vont égorger notre p’tit gars, tu comprends-tu? Pis toé, tu câlisses rien! »

Faique a prit les choses en main. A se mit à inventer des plans pas d’allure pour s’échapper, à chercher la moindre grenaille d’espoir dans les racoins les plus improbables.  

Un jour, au travers des hommes de Chilpéric, elle vit deux jeunesses qui avaient l’air particulièrement fidèles à leur roi, voire quasiment fanatiques. Elle les fit venir dans ses appartements, leur donna d’la boisson pis leur raconta ses malheurs à grands renforts de sparages. Quand y furent complètement fascinés, les yeux grands comme des trente sous pis ben embarqués dans son numéro de reine martyre, elle leur dit :

– Ah! Si seulement y’avait quequ’un pour m’aider! De braves guerriers prêts à tout pour leur reine, mettons… 
– Nous-autres, M’dame, on ferait n’importe quoi pour vous! 
– Ah, mais c’est pas mal dangereux…. J’sais pas si j’ai le droit d’vous demander ça…
– On est pas des pissous, M’dame! Vous avez yinque à dire qu’est-cé vous voulez, pis on va l’faire! 
– Ah, vous êtes tellement courageux! Ben d’abord, m’a vous dire à quoi j’ai pensé…

Sigebert, lui, était à Vitry-en-Artois, une ville pas loin de Tournai, un peu au-dessus de ses affaires. Y s’était fait acclamer comme nouveau roi à la place de Chilpéric, pis depuis une couple de jours, y faisait la grosse vie sale, entre festins, brosses épiques et démonstrations de combat. 

Avec toute le monde qui allaient pis qui venaient du matin au soir pour lui jurer fidélité pis lui dire comment y’était beau pis bon pis fort, y se méfia pas pantoute quand deux gars qui avaient déserté l’armée de Chilpéric demandèrent une audience avec lui, tout seul. 

Y les écouta parler, ben relax, le menton accoté sur son poing : « Votre Majesté… blabla… On sait que c’est vous le vrai roi… On veut vous servir… » La poutine habituelle, quoi. 

Pis là, les deux jeunesses dégainèrent leur scramasaxe, une espèce de long couteau aiguisé yinque d’un bord, lui sautèrent dessus et FLÂWK!! Ils le poignardèrent les deux en même temps. 

Sigebert eut même pas le temps de réagir : y hurla pis tomba raide mort à terre. 

Pis drette de même, la situation r’vira d’bord complètement. 

Quand elle apprit la nouvelle, Frédégonde était morte de rire : elle avait été faite comme une rate, pis là elle était libre pis toute puissante. 

Pis Brunehaut, tout d’un coup, était rendue mère célibataire dans un pays en guerre, pis a savait qu’à c’t’heure, son petit Childebert, unique héritier de Sigebert, avait une cible grosse de même su’l dos…

Partie 3


Source : Augustin THIERRY, Récit des temps mérovingiens, tome 2, 1842.
https://play.google.com/books/reader?id=id3mt9lGw58C&pg=GBS.PP1

La vengeance de sainte Olga de Kyïv

Chère Madame,

J’ai fendu ton mari en deux su l’sens de la longueur.

Faique là, tes veuve, mais ch’peux t’arranger ça : on se marie-tu?

Soye assurée, Madame, que j’me fendrais en quatre pour toé. 

Avec tendresse, 

Ton Malichou

Tu fais quoi, toé, quand t’arçois un message de même?

Tu brailles? Tu fais l’bacon? Tu crisses toute à terre? 

Si t’es la grande duchesse Olga de Kyïv, toute ça, c’t’indigne de toé. Nonon. C’que tu fais, c’est v’nir ben, ben frette en d’dans, comme un Monsieur Freeze bleu, pis tu concentres toute ta rage dans une seule affaire : la destruction totale de tes ennemis.

Le mari d’Olga, c’tait Igor, l’grand-duc de la Rus’ de Kyïv (un État qui a existé du IXe au XIIIe siècle, dans l’Ukraine d’à c’t’heure). Pis en tant que grand-duc, Igor allait de temps en temps faire un tour chez les tribus voisines pis faisait un peu comme les Hell’s avant le temps, c’t’à-dire aller faire peur au monde pour qu’y lui donnent des bidous en échange de sa « protection ».

En général, ça passait. Mais un bon jour, en s’en r’venant de chez la tribu des Drevlianes, Igor dit à ses gars :

« Tendez menute, messemble qu’y aurait moyen de leu téter encore plus. Sont assez niaiseux, d’abord. Vous autres, v’nez avec moé, pis vous-autres, continuez avec le stock, on va vous arjoindre tantôt. »

Ça, c’tait ambitionner su’l pain béni. Pis Mal, le prince des Drevlianes, commençait à être tanné de s’faire dévaliser à tout bout d’champ comme un chalet dans l’bois quand c’est l’automne. Faique là, y décida de mettre son pied à terre :

« Heille, si on le laisse faire à toué fois, y va tout le temps être rendu icitte, pis un m’ment’né, on n’aura pu rien. Engordez lé, y s’prend pour qui? Y’arvient avec yinque deux-trois gars! Y’est au-dessus de ses affaires. C’est not’chance d’y faire la passe! »

Faique Mal et ses gars tuèrent les gardes à Igor pis le pognèrent pour le zigouiller. Mais, au lieu d’y aller avec un classique, de quoi de propre – genre, un coup d’épée dans l’ventre –,y décidèrent d’être créatifs. Y plièrent deux bouleaux pour que le haut touche à terre, attachèrent un pied d’Igor à chaque boutte, pis lâchèrent les bouleaux pour qu’y se déplient d’une shot.

Chlak-skritch. Pu d’Igor.

Ark.

Igor avait comme seul héritier un p’tit boutte de trois ans, Svyatoslav. Mais comme y’était pas assez vieux pour, tsé, attacher ses lacets tu’seul, pis encore moins pour régner, c’est Olga, sa mére, qui régnerait pour lui en attendant qu’y vienne majeur. Sachant ça, le prince Mal se mit à se frotter les mains :

« Heille, c’est tu d’adon, ça! Un bébé pis une p’tite madame! J’ai yinque à marier la veuve, pis après ça, m’a pouvoir faire faire c’que j’veux au p’tit! M’as devenir le grand boss de la Rus’ de Kyïv! Mouahaha! »

Faique y’envoya une vingtaine de ses gars en bateau à Kyïv voir Olga pour y transmettre la nouvelle pis sa demande en mariage.

On s’entend qu’Olga fut pas particulièrement impressionnée par le front à Mal. Parce que du font, fallait en avoir crissement tout l’tour de la tête pour oser demander une femme en mariage quand le cadavre de son mari est même pas encore frette! Surtout quand, tsé, c’est de sa faute si y’est mort. Pis qu’y a faite exprès.

A devait être en tabarnak, mais a le montra pas pantoute. Quand les hommes à Mal arrivèrent a resta ben fine avec eux-autres, mais leu dit pas si a l’acceptait ou non de devenir Madame Mal : 

« Nobles étrangers, vous me pognez un peu les culottes à terre. J’étais pas vraiment prête à vous arcevoir comme faut avec les honneurs. Sivouplâit, donnez-moé une chance de m’arprendre. Artournez dans votre bateau pour à soir, pis demain, quand mes hommes viendront vous charcher, demandez-leu qu’y vous portent dans votre bateau jusqu’icitte, comme les bigs shots que vous êtes. »

Dans’nuite, la ratoureuse Olga fit creuser une grosse fosse su’l bord de son château. Le lendemain, a convoqua les émissaires drevlianes, qui firent exactement comme a l’avait dit, même si c’tait un peu bizarre.

Faique les hommes à la grande duchesse emmenèrent les émissaires jusqu’au château. Y trippaient, eux-autres là, à se faire porter de même comme des empereurs! Mais leu balloune péta assez sec quand y se firent domper dans la fosse creusée la nuite d’avant, bateau inclus, comme un voyage de vidanges.

Pis c’est là qu’Olga arriva. A se pencha au bord de la fosse pis dit : 

« Pis, c’est tu assez d’honneurs pour vous-autres? »

Et pis là, a l’ordonna qu’on enterre les émissaires vivants. `

Quins, les sans-desseins!

Mais Olga était loin d’avoir fini. Aussitôt après, a l’envoya un message au prince Mal pour y dire qu’a l’acceptait de se marier avec lui, mais qu’y devait y’envoyer ses plus nobles pis ses meilleurs pour l’escorter jusque chez eux – a l’était la grande duchesse, quand même! 

Pas méfiant pour deux cennes, le prince accepta d’envoyer une délégation de ses chefs de clan sans se d’mander c’qui était arrivé à la première gang qu’y avait envoyée à Kyïv.

Olga accueillit les Drevlianes avec autant de ronds de jambe que si c’tait monsieur le curé en visite paroissiale. Comble des honneurs, a les invita même à aller se laver dans son pavillon de bain parsonnel. Pas plus fins que ça, les émissaires entrèrent, se mirent toutes flambant nus pis se garrochèrent dans le bain, tout énarvés comme une équipe de junior majeur aux glissades d’eau de Valcartier.

Sauf que le sourire leu partit d’la face s’un moyen temps quand la grande duchesse fit barrer les portes. A l’ordonna à ses hommes de crisser le feu au pavillon, pis les pauvres émissaires finirent toutes rôtis comme des poulets du Saint-Hubert. 

Pour Olga, c’tait pas encore assez. A l’envoya un autre message au prince Mal – qui clairement, rendu là, avait montré qu’y était pas le crayon le plus aiguisé de la boîte – et y dit qu’a s’en venait le trouver. Prétextant qu’a voulait honorer feu son mari comme du monde avant de s’armarier, a y d’manda de préparer un grand festin funéraire pour Igor, pis a l’ajouta :

« Ah, pis prépare BEAUCOUP d’hydromel! On va se lâcher lousses! »

Mal accepta, pis Olga s’mit en route pour Iskorosten, la capitale des Drevlianes. Arrivée là-bas, a l’alla d’abord pleurer Igor su sa tombe.

Le soir, au festin, les Drevlianes s’en venaient pas mal chaudailles. Mais Olga et sa suite, eux-autres, y restaient ben sobres. Même, y’encourageaient leux hôtes à boire en leu varsant bock d’hydromel après bock d’hydromel. À’fin d’la soirée, les Drevlianes étaient toutes saouls morts, drette comme Olga voulait.

Et là, la grande duchesse, aussi frette et insensible que l’nordet, donna l’ordre à ses hommes :

« Tuez-les toutes. »

Ce fut le massacre total; pas un noceur arsortit de d’là vivant.

On aurait pu croire qu’Olga s’rait juste arpartie ben tranquillement prendre son Bovril à Kyïv près avoir étêté la tribu à ses ennemis, mais y’avait juste pas encore assez de sang drevliane qui avait coulé pour nèyer sa peine. Après avoir arfaite la trotte jusqu’à Kyïv, a ramassa son armée pis artourna à Iskorosten pour finir la job…

Les Drevlianes, ou ce qui en restait, se présentèrent devant Olga pis la supplièrent de pas attaquer :

—   Sivouplaît, noble Madame, faites-nous pas mal! On va vous donner des fourrures pis du miel! C’est toute c’qui nous reste!
—   Ah, ben non, ben non, répondit Olga. J’ai juste une p’tite demande à vous faire. Je suis pas rapace comme feu mon mari, moé : j’veux que vous m’apportiez trois pigeons pis trois moineaux de chaque maison Yinque une tite affaire de rien, en signe de votre loyauté – je le sais que vous êtes pas trop en moyens ces temps-cittes.

Ouin, je l’sais que ça a l’air bizarre. Mais c’est ça que l’histoire dit, faique mettons qu’on embarque là-dedans.

—   Hein? Pour vrai? demanda le représentant des Drevlianes, plein d’espoir.
—   Wô-oui, pour vrai, fit Olga avec un sourire aussi doux que celui d’la bonne sainte Vierge.
—   Ah! Fiou! Merci! Merci Madame! Vous êtes trop fine!

Alors les Drevlianes, soulagés pis arconnaissants, allèrent charcher les oiseaux qu’Olga avait demandés. À’nuite tombée, la grande duchesse ordonna à ses hommes d’attacher un p’tit boutte de soufre aux pattes de chaque oiseau avec d’la ficelle. Une fois arlâchés, les oiseaux, ben crère, y’artournèrent à leu pigeonnier ou à leu nid en d’sour des combles, dans’ville. Pis à la première étincelle, FROUCHE : le feu pogna. Pis ça flamba en saint simonac.

La ville d’Iskorosten brûla au complet; pas moyen d’éteindre les flammes, parce qu’y avait pas une seule maison qui était pas en feu. Pis quand les habitants essayèrent de se sauver, les hommes à Olga les pognèrent pis les massacrèrent; d’autres furent vendus comme esclaves; pis encore d’autres, laissés en vie pour qu’y puissent continuer de payer un tribut à’grande duchesse.

À c’t’heure que les Drevlianes étaient pu yinque un tas de cendres, Olga, enfin, s’tait assez vengée. A s’en alla, satisfaite, avec les braises d’la ville qui s’consumaient encore en arrière. Y lui manquait yinque des lunettes fumées pour faire comme dins vues.

Après ça, Olga régna sur la Rus’ de Kyïv avec jarnigoine et gros bon sens jusqu’à majorité de son p’tit gars. Devenu homme, le nouveau grand duc Svyatoslav voulait yinque guerroyer avec ses chums, faique y laissa toutes les affaires plates comme les impôts pis les chicanes de clôtures à sa bonne sainte mére.

D’ailleurs, ben oui : Olga est littéralement une sainte! A l’a été canonisée pour avoir été la première de son peuple à s’convertir au christianisme.

Ça peut paraître bizarre, étant donné toute le monde qu’a l’a faite massacrer, mais avant d’la juger, moé j’me garde une p’tite gêne. C’tait une autre époque, pas mal plus dure que la nôtre. Olga était une femme d’un monde d’hommes : pour pas toute pardre pis protéger l’héritage à son fils, y’a fallu qu’a frappe un grand coup pour être sûre que parsonne ose la défier par après.

Pis tant qu’à moé, ça a marché en simonac : ses descendants ont régné su’a région pendant 600 ans après ça.


Source principale : Nestor, The Russian Primary Chronicle (vers 1113).
https://pages.uoregon.edu/kimball/chronicle.htm

Guillaume le Conquérant – partie 3

Édouard le Confesseur mourut le 5 janvier 1066. Harold Godwinson ne perdit pas une seconde : il se fit couronner drette là par le Witan, l’assemblée des nobles d’Angleterre, affirmant qu’Édouard, sur son lit de mort, serait sorti de son coma et lui aurait dit : « Prends soin de ma femme… Pis de mon royaume… Argh! », avec la petite main qui tombe molle et tout et tout.

De l’autre côté de la Manche, Guillaume, quand il apprit cela, péta une coche. « Heille, chose! cria-t-il depuis la Normandie. T’as pas d’affaire sur le trône, parce que tu m’as juré fidélité! » L’affaire, c’est qu’un an avant la mort d’Édouard le Confesseur, Harold Godwinson, poussé par une tempête, s’échoua sur les côtes du Ponthieu, au nord de la Normandie. Pas mardeux, il se fit capturer par le comte Guy 1er. Or, Guillaume s’organisa pour le faire libérer, mais ce n’était pas par bonté d’âme : un fou dans n’poche! Il n’allait pas manquer une occasion de même! La suite est pas trop claire, mais Guillaume en aurait profité pour faire jurer à son rival, sur des reliques sacrées – on rit pu – de pas se mettre dans ses jambes quand il réclamerait le trône d’Angleterre.

Donc, quand il se le fit remettre sur le nez, Harold répliqua : « C’était pas un vrai serment! Les reliques étaient cachées en-dessous d’une boîte pis je les ai pas vues, faique ça compte pas! » Harold s’étant parjuré à ses yeux, Guillaume répondit : « Ah, c’est de même? Attache ta tuque, mon estie, je m’en viens t’en crisser une! »Or, Harold avait la broue dans le toupet : Harald Hardrada, roi de Norvège, venait de débarquer pour envahir l’Angleterre. Harold rassembla donc son armée et marcha vers le nord tellement vite qu’il pogna les Norvégiens les culottes à terre et les décâlissa à la bataille de Stamford Bridge.

Mais là, Guillaume s’en venait, lui, de l’autre bord! Les cadavres de Norvégiens étaient même pas encore frettes qu’il débarqua en sol anglais, forçant Harold à clancher aussitôt vers le sud pour l’affronter. La légendaire bataille d’Hastings allait commencer.

Dès le matin, les troupes étaient face à face, avec environ 7 000 hommes de chaque bord. Au début, ça regardait mal pour Guillaume : il essaya de bombarder l’armée anglaise de flèches, mais ça ne marcha pas fort fort vu que les Anglais étaient sur le dessus d’une butte. La cavalerie et l’infanterie normandes essayèrent alors d’ouvrir une brèche dans les forces anglaises.

Ce fut le chiard total : les Normands reçurent une volée de javelots, de haches pis même de roches. Et là, la rumeur se mit à courir que Guillaume avait trépassé. Une partie de l’armée normande se mit à fuir, et une gang d’Anglais partirent après eux‑autres. Faique Guillaume ôta son casque et chevaucha au travers de ses gars en gueulant : « A’rgardez! Chu vivant! Aweille! » Les Normands, crinqués par la vue de leur duc en vie, contre-attaquèrent et démolirent les poursuivants.

Tout le monde s’arrêta pour dîner, pis là Guillaume eut une idée : « Heille! Et si on faisait comme à matin… Mais par exprès? » Quand la bataille reprit, il ordonna à ses soldats de faire semblant de se sauver, pour que les Anglais brisent leurs rangs et se lancent à leur poursuite, tout croches et désorganisés. La ruse marcha sur un moyen temps : à la fin de la journée, Harold était raide mort sur le champ de bataille avec une flèche dans l’œil tandis que Guillaume virait la brosse avec ses gars.

Pas longtemps après, Guillaume marcha triomphant sur Londres et réclama son trône, refaisant pour toujours la face de l’Angleterre.

Guillaume le Conquérant – partie 2

Faique avant de partir à Jérusalem, contre l’avis de ses conseillers qui trouvaient que ça n’avait pas de bon sens, Robert fit jurer à tous les seigneurs normands de reconnaître Ti-Yaume comme son héritier légitime.

C’était ben beau quand Robert était en vie, mais quand les seigneurs apprirent qu’il avait pété au frette en Turquie, Ti-Yaume n’avait que sept ou huit ans, et le bordel pogna dans le duché : on se rebella, on s’entretua, on assassina les tuteurs de Ti-Yaume. Pendant une maudite secousse, le pauvre garçon dut se cacher chez l’habitant pour éviter d’y passer lui-même.

Enfin, en 1047, Guillaume (parce qu’à ce moment-là, il était rendu plus très « ti ») décida que c’était fini, le niaisage, et défonça les rebelles. À partir de là, il put commencer à renforcer son pouvoir de duc de Normandie, en commençant par marier une fille de noble lignée : Mathilde de Flandre.

Or, d’après la légende, quand Guillaume la demanda en mariage, sa réaction aurait été de l’ordre de « Ark, pas un bâtard! » et donc, en beau tabarnak, il l’aurait jetée à terre en la tirant par les tresses et lui aurait sacré une volée. Le père de Mathilde, voyant ça, allait le zigouiller, mais la belle, qui soit avait mangé un coup de trop, soit avait un faible pour les gros épais violents, aurait dit à son père de serrer son épée, car elle n’en marierait pas d’autre que lui.

On retrouve cette histoire dans une trâlée de documents anciens, mais ça serait pas mal du placotage de monde jaloux. Guillaume et Mathilde ont été ensemble pendant plus de 30 ans, ont eu neuf enfants, et Monsieur faisait assez confiance à Madame pour la laisser porter ses culottes en Normandie quand il partait guerroyer au diable au vert. En plus, Guillaume, contrairement à son père, n’aurait jamais sauté la clôture.

Pendant les années qui ont suivi, Guillaume a passé son temps à écrapoutir des rebelles et des prétendants, mais ça ne l’a pas empêché d’avoir l’œil sur l’autre côté de la Manche.

Voyez-vous, là-bas, le roi Édouard le Confesseur était pas mal sur la fin, et il n’avait pas d’héritier. Le roi avait promis à Harold Godwinson, un puissant seigneur anglais (et aussi son beau-frère), qu’il allait le nommer comme successeur.

Mais Guillaume, lui, se mit dans l’idée, fouillez-moi pourquoi, qu’il avait d’affaire sur le trône d’Angleterre parce qu’Édouard le Confesseur était le fils de sa grand-tante du bord de son père, donc son cousin de la fesse gauche. Et semblerait-il qu’Édouard lui avait promis, à lui aussi, sa succession. Malaise.

(Il y avait un autre prétendant au trône, un neveu d’Édouard, mais il se fit tasser assez sec : quelques semaines après son retour d’exil, il était déjà mort, pauvre ‘tit.)

Donc! Un roi mourant. Deux prétendants. La marde était sur le bord de pogner.

On s’en reparle à l’épisode 3.

Guillaume le Conquérant – partie 1

Guillaume le conquérant : vous êtes-vous déjà demandé d’où c’est qui t’sort? Qui est ce bonhomme qui, apparemment, s’est levé un matin, a dit « Bon, ben j’conquerrais ben l’Angleterre moé, j’cré ben! », et non seulement a réussi, mais peut se vanter que c’est sa 24 fois arrière-petite-fille qui a le derrière sur son trône de nos jours?

En 1027, Robert 1er était le nouveau duc de Normandie. Selon les mémérages de l’époque, il venait juste d’empoisonner son frère aîné pour prendre sa place (après tout, personne n’avait plus à gagner si Richard prenait le bord).

Ce jour-là, il se tenait au sommet de la tour de son château, la barbe au vent. C’est là qui vit une maususse de belle pitoune : Arlette, qui était en train de teindre du linge dans la cour. Dans ce temps-là, ça se faisait en pilassant dans un fossé plein de teinture. Or, quand elle vit le duc en train de la zieuter, la belle ne manqua pas sa chance : elle retroussa ses jupes un peu plus haut, histoire de se faire aller la cuisse.

Tout émoustillé, le duc demanda qu’on aille lui chercher Arlette drette là. Un serviteur alla trouver la jeune femme et lui dit que le duc la demandait, mais qu’il fallait qu’elle rentre dans le château par la porte d’en-arrière. Pas barrée pour deux cennes, Arlette lui répondit : « Yé pas question que j’rentre par en-arrière comme une catin. Si le duc veut me voir, faut que j’rentre à cheval par la grande porte. »

Le duc, qui ne se pouvait plus, répondit qu’elle pouvait ben rentrer par la porte qu’elle voulait. C’est comme ça qu’Arlette, sur son 36 et sur un cheval blanc, entra par la grande porte, fière comme un coq, comme si elle était déjà duchesse.

L’affaire, c’est qu’Arlette était d’un rang trop bas pour que Robert puisse la marier. Mais ce n’était pas vraiment grave : ils s’accotèrent « à la mode danoise », comme on disait dans ce temps là, c’est-à-dire un peu comme les conjoints de fait au jour d’astheure. (Les Normands avaient hérité ça de leurs ancêtres vikings. Les Vikings pouvaient aussi avoir plusieurs femmes, même si ça scandalisait les voisins : quand un gars se sent dans son bon droit d’avoir plusieurs femmes, c’est pas un bonhomme en soutane qui va le convaincre d’arrêter ça.)

Faique quand naquit leur fils, notre Ti-Yaume, il fut considéré comme un bâtard. Et comment un bâtard a pu se ramasser roi d’Angleterre? C’est ce que nous verrons dans le prochain épisode.

P.S.
Quant à Robert, ben, sept ans après, il décida de partir rien que sur une gosse en pèlerinage à Jérusalem et mourut en Turquie en s’en revenant. (C’était un peu surprenant de sa part, lui qui était plutôt du genre à confisquer les terres de l’Église pour les donner à ses chums – il n’avait pas quelque chose sur la conscience? Genre, un empoisonnement?) Arlette, assez dégourdie, ne resta pas en peine longtemps : elle se maria (pour de vrai, cette fois-là) avec un vicomte, vécut heureuse et eut un petit comte et un petit évêque.

(Crédit image : http://telle-une-tapisserie.eklablog.com/la-vie-de-guillaume-le-conquerant-01-a112523944)

Le vase de Soissons

Clovis, premier roi de tous les Francs, n’a pas toujours été un rongeux de balustre; avant cela, il était un « barbare païen ».

Dans ce temps-là, en 486, Soissons était la dernière place où il y avait encore des Romains au pouvoir en terre franque. Son chef était un dénommé Syagrius. Faique, Clovis attaqua la ville et crissa une volée à l’armée du Romain, qui se sauva chez les Wisigoths, la queue entre les jambes (ce n’était pas fort fort, son idée : les Wisigoths le vendirent plus tard à Clovis, qui le fit égorger en douce une fois que les choses se furent tassées).

Quoi qu’il en soit, après avoir pillé et décalissé la ville, Clovis et ses guerriers se réunirent autour du butin pour se le séparer égal entre eux-autres, comme on faisait dans ces temps-là.

Or, dans le tas figurait un fichu de gros vase qui avait été pris dans une église. L’évêque, la falle basse, avait ainsi plaidé auprès de Clovis : «Regarde, à défaut de me redonner le reste, tu peux tu au moins me rapporter le vase? Il est pas mal beau pis j’y tiens beaucoup. »

Le roi, qui filait plutôt d’adon ce jour-là, avait accepté. Il demanda donc à ses guerriers de lui laisser le vase en plus de sa part pour le remettre à l’évêque.

Les guerriers, qui savaient qu’y valait mieux ne pas faire chier leur roi, répondirent : « Tout ce qu’il y a là est à toé, glorieux roi, pis c’est toé qui décide. Fais comme tu veux, yen a pas un de nous-autres qui va s’astiner. »

C’est alors qu’un grand fendant se leva devant l’assemblée et s’écria « T’as beau être le chef, t’auras juste ce qui te revient à toé, pis c’est toute » et, pas plus fin que ça, fessa le vase avec sa hache.

Clovis, sur le coup, resta bête et ne répliqua pas; toutefois, il garda une crotte sur le cœur. L’évêque put quand même ravoir son vase, quoique celui-ci fût tout poqué.

Un an plus tard, Clovis calla de nouveau son armée. Pendant qu’il passait les guerriers en revue, il reconnut le sans-dessein qui l’avait humilié à Soissons. « Franchement, l’apostropha t il en arrivant devant lui. Y’a personne icitte qui fait aussi dur que toé. Ton javelot, ton épée, ta hache, ça vaut pas de la marde.» À ces mots, il lui prit la hache des mains et la crissa à terre.

Quand le grand fendant se pencha pour la ramasser, Clovis lui fendit le crâne drette là avec sa propre hache, déclarant : «Quins! Tu t’en rappelles-tu, du vase de Soissons? »

Puis, aux autres guerriers qui le regardaient, la gueule à terre, il dit simplement : « C’est beau, les gars, vous pouvez y aller.»